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La nuit commençait doucement à tomber sur la ville d'Entrelasque. Une nuit comme une autre, où chacun profitait de la fin de la journée pour enfin rejoindre les siens. Il avait plu aujourd'hui, rendant le travail aux champs plus pénible que d'habitude. Les Frisons aidaient les paysans à moissonner la terre, mais eux aussi sentaient bien que les averses étaient de plus en plus violentes à tomber sur leurs corps. Chacun trouvait son réconfort en pensant aux journées à venir. Dans quelques semaines, tous ces légumes durement plantés finiront par pousser et chacun pourra déguster le fruit de son dur labeur ! La dernière récolté avait été bonne, alors ça annonçait de bonnes choses pour la récolte suivante.
En tous cas, si les champs ne suffisaient pas il y avait toujours les vergers. Ah, s'il y avait bien un endroit où on pouvait être sûrs d'avoir de quoi manger, c'était bien aux vergers ! Et ce, qu'on soit un Pokémon ou un humain. Entre les arbres fruitiers et les arbres à baies, il y avait de quoi nourrir tout un régiment. En ce moment c'étaient surtout des pommes qui poussaient, fruit bien nourrissant pour les humains et bonne gourmandise pour les Pokémons.
« Allez, tu l'as bien méritée. »
Avait dit Tsubasa à son Frison, lui donnant une pomme. Le Pokémon la dévora avec appétit. La récolte de pommes était tellement vaste que chaque soir, le paysan et son Frison pouvaient en manger une au retour du travail. Cela rendait le chemin des champs jusqu'à sa petite maison bien plus agréable ! Bon, en soit la route était assez agréable de manière générale. Tsubasa pouvait observer sa petite ville natale évoluer, observer sa petite ville natale évoluer, entre les Charpentis qui travaillaient encore à la lumière de Pokémons de type Feu et les autres paysans qui le saluaient. Enfin, ça c'était quand les paysans ne se plaignaient pas. En effet le jeune homme faisait partie de ceux qui travaillaient le moins aux champs. Oh, il n'en était pas moins investi, loin de là, mais il fallait croire que certains étaient assez énervés de voir qu'il pouvait rentrer et profiter de son foyer la nuit là où d'autres devaient continuer à travailler.
« Non mais regardez-le à rentrer comme si de rien n'était... Avait marmonné un des agriculteurs, assez fort cependant pour que Tsubasa l'entende.
- On a du blé à faire pousser et lui il joue les paresseux !
- Ce n'est pas avec des fainéants comme lui qu'on va avoir de bonnes récoltes !
- Enfin, vous n'allez pas vous plaindre ! Qu'est-ce que vous croyez, que Tsubasa s'arrête quand il rentre ? Élever Kotori, c'est du travail ! »
S'était exclamée une des femmes du village qui apportait de quoi se désaltérer aux travailleurs. En effet Tsubasa était l'un des rares pères à élever sa fille seule, là où les autres laissaient leurs enfants avec leurs mères quand les pères allaient travailler. La journée, Kotori se débrouillait seule. Oh, elle était déjà très débrouillarde pour son âge et aidait déjà au travail dans les champs, mais il ne se passait pas un jour sans que son père n'aie peur qu'elle se blesse en son absence. Entre les faux, les houx et autres outils, il y avait de quoi se faire mal pour une petite fille !
« Ouais bah il a intérêt à se retrouver une bonne femme, qu'il puisse enfin bosser comme tout le monde !
- En tous cas ce n'est pas en vous plaignant de lui que le travail va avancer !
- T'as qu'à l'épouser si tu l'aimes tant ! »
Fit un des hommes d'un air moqueur. Tsubasa hésitait à intervenir, mais comme toujours la paysanne avait donné un petit coup de torchon à son mari pour le réprimander.
« Ça me ferait des vacances ! Je serais avec un homme bien plus travailleur et une enfant bien plus polie et aidante ! »
S'exclama-t-elle. Les disputes du couple Bonaugure c'était assez fréquent, pour ne pas dire que parfois c'était même une source de divertissement pour les villageois. Ça ne durait jamais bien longtemps et ils se réconciliaient aussitôt, mais Tsubasa ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise en les entendant, comme s'il voulait rentrer chez lui le plus vite possible.
« Une enfant aidante ? Tu parles ! Elle devait faire la cueillette des baies Ceriz aujourd'hui et personne l'a vue ! »
Tiens ? Ça c'était plus étrange. Tsubasa l'avait pourtant amenée auprès des maraîchers ce matin... Avait-elle décidé de faire l'école buissonnière ? Non, Kotori n'était pas comme ça. C'était une petite fille volontaire prête à tout pour aider son prochain. Non, si elle avait décidé de ne pas se rendre au travail, c'était sans doute pour une autre raison...
Tsubasa ignorait laquelle, mais il ne put s'empêcher d'accélérer le pas.
« Kotori ? »
L'appela-t-il en entrant dans la maison. Le Frison était derrière lui, prêt à entrer lui aussi. Elle était là, elle était sans doute là non ? Il regarda partout autour de lui puis entendit les pas de la petite fille courir vers lui pour demander un câlin.
« Papa ! S'exclama-t-elle en se collant à ses jambes.
- Arceus merci, tu vas bien, soupira le jeune père de soulagement.
- Hein ? Demanda-t-elle sans comprendre l'inquiétude de son père.
- Les paysans ont dit que tu n'étais pas allée avec eux récolter les baies Ceriz... Est-ce que tout va bien ? »
Il demandait ça d'un ton bienveillant, qui ne se voulait en aucun cas de reproche. Il était juste surpris de ce changement d'habitudes de la part de l'enfant, mais n'était pas en colère. Après tout la récolte de baies était une activité très appréciée des enfants et Kotori ne faisait pas exception.
« Regarde ! »
Elle prit son papa par la main et invita le Frison à entrer lui aussi. Sa voix semblait remplie d'excitation, comme à chaque fois qu'elle voulait montrer une découverte qu'elle considérait comme incroyable à ses proches. Et là, ce n'était pas des moindres : un Pokémon dormait sur le lit de l'enfant !
Tsubasa s'approcha, non sans surprise.
« Qu'est-ce que c'est ? »
Demanda-t-il en l'observant. Entrelasque était un petit village, alors peu connaissaient les Pokémons de la région. Les rares Pokémons connus étaient ceux qui aidaient aux travaux et aux champs. Tsubasa observa attentivement la créature. Et c'était sûr et certain : ce n'était pas un Pokémon qu'il connaissait. Le Pokémon ressemblait à une sorte de ballon de baudruche violet, d'où pendaient deux espèces de fils avec des cœurs au bout. Sur sa tête se trouvait un petit nuage blanc qui semblait tout duveteux. Une croix jaune faisait office de bouche, ou du moins c'était l'impression que Tsubasa en avait.
« Je l'ai trouvé dans les champs ce matin, il avait l'air blessé... Alors je m'en suis occupé ! »
S'exclama Kotori. En effet on pouvait voir un petit panier de baies Oran et quelques couvertures bien confortables. Une bassine d'eau se trouvait tout près du Pokémon, qui dormait paisiblement.
« Tu t'en es occupée toute seule ? Demanda le père avec surprise.
- Oui ! J'ai fait comme toi tu fais avec Frison et moi quand on est malades ! »
Tsubasa n'en était que plus surpris. Qu'une aussi jeune enfant puisse soigner seule un Pokémon... C'était digne des meilleures infirmières en centres Pokémon dans les grandes villes !
« Wow... Tu te débrouilles bien ma chérie, parvint-il à dire en lui caressant gentiment les cheveux.
- C'est vrai ? Merci papa ! Dis, on peut le garder ? Dis, dis, on peut le garder ?
- Il faudra d'abord aller au Centre Pokémon pour savoir s'il n'a pas d'autres blessures à soigner ou s'il n'a pas un dresseur qui l'attend. »
Les dresseurs étaient rares à Entrelasque, alors il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'un humain soit à la recherche du Pokémon ballon. Après tout on parlait d'un village où les rares Pokémons qui vivaient avec des humains étaient ceux qui travaillaient aux champs, alors personne ne connaîtrait celui-ci...
Pokémon qui venait de s'éveiller, sous les yeux émerveillés de Kotori.
« Tu vas bien ! S'exclama-t-elle.
- Bau...
- Bau ?
- Bau... Drive ? Fit le Pokémon.
- C'est ton nom ? Tu t'appelles Baudrive ? Moi c'est Kotori ! J'espère qu'on sera copains ! Et lui c'est mon papa ! Et lui c'est... »
Elle allait lui présenter le Frison mais celui-ci grogna en direction du Baudrive. Tsubasa tenta de l'apaiser, mais il continuait à grogner. C'était étrange ça... Le Pokémon ne se montrait pas aussi hostile d'habitude.
« Tout doux, tout doux, répéta Tsubasa en caressant sa fourrure pour le calmer.
- Frison il aime pas notre nouveau copain ?
- C'est la première fois qu'on voit un Pokémon pareil, il doit être un peu inquiet... Et il a beaucoup plu, aujourd'hui. Il doit être fatigué. »
Enfin, c'était ce qu'il comprenait du comportement du bétail...
« Allons, allons, tu vas dormir dans ma chambre aujourd'hui. Ça te va ? »
Le Pokémon semblait se calmer petit à petit. Enfin, sans doute était-ce parce que l'idée de dormir dans son habituel box en pleine pluie lui déplaisait plus qu'il ne souhaitait l'admettre. En tous cas, il était parti en direction de la chambre de son dresseur. La fatigue se faisait ressentir chez lui, et pas seulement : même Tsubasa commençait à bâiller. Bon, le Centre Pokémon attendrait demain... Il se voyait mal faire la route à dos de Frison en pleine nuit. Il souhaitait donc une bonne nuit à Kotori, qui alla se réchauffer dans les couvertures de son lit avec son tout nouveau Pokémon. Un Pokémon rien qu'à elle... Le rêve !
Et quand Tsubasa entendit un cri au beau milieu de la nuit, ça devint un véritable cauchemar.
Être arraché de son sommeil à cause d'un cri était toujours terrifiant. Ça ne laissait pas le temps d'émerger. Mais ça devenait surtout déchirant quand c'était le cri de sa propre fille. Un cri strident, apeuré. De suite Tsubasa s'était réveillé en sursaut. Le Frison aussi. Chacun, inquiet, se leva de sa couche, sortant en vitesse de la chambre pour se diriger vers celle de l'enfant.
« Kotori ? »
Appela le père en ouvrant la porte. Elle n'était pas dans son lit. Tsubasa avait espéré qu'elle avait juste fait un mauvais rêve qui l'avait terrifiée, mais là elle n'était pas dans son lit. Il regarda partout autour de la chambre, mais aucune trace de la petite fille. Où était-elle ? Et puis il remarqua que la fenêtre était grande ouverte, la pluie venant tremper le sol de la chambre. Ce n'était pas normal ça : ils fermaient toujours les fenêtres par un temps pareil ! Tsubasa passa sa tête à travers la fenêtre pour espérer voir quoi que ce soit. Et il faillit lâcher un cri de terreur quand il les vit.
Le Baudrive flottait en l'air, loin au-dessus de la maison, saisissant Kotori avec les fils. La petite fille criait de peur, appelant à l'aide. Si le Baudrive la lâchait, elle ne s'en sortirait pas.
Essayant de surmonter son appréhension tant bien que mal, Tsubasa monta sur le Frison. La bête galopa jusqu'à la petite fille et le Pokémon, dans une course rapide. Ils n'avaient que cure de la pluie et de la fatigue : la vie de l'enfant était bien plus importante !
« Papa ! À l'aide ! »
Hurlait-elle de désespoir dans des cris qui déchiraient le cœur. Cris que ne firent qu'accélérer Frison et Tsubasa.
« N'aie pas peur, papa arrive !! »
Hurla-t-il malgré la pluie torrentielle. Leurs cris résonnaient dans tout le village, des cris puissants qui couvraient le son de la pluie. Même les paysans s'étaient arrêtés dans leur travail pour regarder la scène, impuissants. Eux qui étaient si attachés à la terre, comment pouvaient-ils agir dans les airs ? Ils arrivaient à peine à comprendre ce qu'était la créature qui emportait l'enfant, répétant que c'était un véritable monstre. Le Baudrive ne semblait pas s'en préoccuper. Il continuait à flotter sans faire attention à ce qu'il se passait. L'enfant gigotait, essayant de se dégager de l'emprise de Pokémon. Petit à petit sa main glissait des fils, prête à les lâcher. Elle remarqua à quel point elle était haut dans le ciel, ne faisant qu'augmenter la peur qu'elle ressentait.
« Papa !! »
Et ce fut dans un dernier cri déchirant que Tsubasa vit sa fille tomber.
Il ne savait pas comment il avait fait pour ne pas hurler. La petite fille était tombée de haut et il y avait peu de chances qu'elle en survive. Oh non. Non, par Arceus, sauvez-la je vous en supplie, se répétait Tsubasa avec crainte.
Son Frison s'arrêta quand il entendit les sanglots bruyants de la petite fille. Ses pleurs étaient toujours déchirants et Tsubasa n'aimait pas les entendre. Mais là, ils étaient la preuve qu'elle était en vie. Arceus avait entendu sa prière et avait sauvé sa petite fille.
Le père descendit du Frison et courut vers la provenance des pleurs. Et en plus de bénir Arceus, il ne put s'empêcher de bénir les paysans du village. L'un d'entre eux avait la fâcheuse tendance de laisser ses charrettes de paille en plein milieu des chemins d'Entrelasque. On le lui reprochait souvent parce que les bêtes ne pouvaient pas avancer à cause de ça. Mais ce soir, dans cette nuit d'orage qui aurait pu tourner à la tragédie, la paille avait sauvé la vie de l'enfant en amortissant sa chute.
« Kotori !! »
Hurla Tsubasa en se précipitant vers elle. Elle sauta dans ses bras et chacun se mit à pleurer bruyamment. Le soulagement prenait lentement sa place, mais la peur avait été telle que même Tsubasa ne pouvait pas retenir ses larmes. Il serrait Kotori contre lui, sa toute petite fille, sa si précieuse petite fille qu'il avait failli perdre aujourd'hui.
Le Baudrive continuait à flotter. Il flottait sans but, errait dans les contrées d'Unys jusqu'à une autre ville où il se posa. Enfin, si on pouvait dire qu'il se posait vraiment. Il s'allongea au sol, près de la boue, faisant mine d'être blessé. Ça marchait toujours. Un Pokémon blessé, ça attirait toujours l'attention.
Il ne suffit que d'un instant pour qu'il entende la voix d'un enfant qui venait de le voir.