"Ces pratiques sont aberrantes."
Thierry Gozzerino, maraîcher bio installé dans les Bouches-du-Rhône, alerte sur les dérives de l’agro-industrie. À travers son expérience, il dénonce les effets dévastateurs du glyphosate et des pesticides, qu’il tient pour responsables de la recrudescence de maladies graves, dont de nombreux cancers frappant les agriculteurs.
Thierry nous montre son quotidien, celui d’une agriculture respectueuse de la terre et de notre santé, en opposition à un modèle agro-industriel qu’il juge destructeur pour les paysans et les consommateurs.
Thierry Gozzerino, maraîcher bio installé dans les Bouches-du-Rhône, alerte sur les dérives de l’agro-industrie. À travers son expérience, il dénonce les effets dévastateurs du glyphosate et des pesticides, qu’il tient pour responsables de la recrudescence de maladies graves, dont de nombreux cancers frappant les agriculteurs.
Thierry nous montre son quotidien, celui d’une agriculture respectueuse de la terre et de notre santé, en opposition à un modèle agro-industriel qu’il juge destructeur pour les paysans et les consommateurs.
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00:00De voir des voisins agriculteurs qui n'avaient pas l'âge de développer des leucémies et
00:07de voir des gens partir de cancers de la prostate, je trouve que c'est aberrant, anormal et
00:12qu'il faut les dénoncer ces pratiques.
00:14On a au tout début une cliente qui est arrivée et qui achète mes légumes qui m'a dit « Thierry,
00:23c'est bien ton bio mais regarde ». Et là je voyais une photo d'un agriculteur du
00:29coin qui est en train de balancer du glyphosate au bord d'un ruisseau.
00:34J'ai dit « C'est où ? » Elle m'a dit « C'est au fond de ton chemin ». Et elle
00:38m'a dit « Et ton bio ? ». Je n'ai pas su quoi lui répondre, mon bio.
00:43Le désarbon que je pointe du doigt, c'est clairement le glyphosate et c'est totalement
00:48interdit, il y a une réglementation, on n'a pas le droit de se rapprocher d'un point
00:53d'eau.
00:54Les métabolites du glyphosate, les AMPA, sont hyper délétères pour la santé humaine
01:00parce que les métabolites descendent dans l'eau, qu'en dessous il y a une nappe
01:03phréatique et cette nappe phréatique alimente des dizaines et des centaines de milliers
01:07de personnes.
01:08Tu comprends pourquoi ils le font ?
01:10Parce que c'est un gain de temps.
01:11Le fait de dépendre, de nettoyer, parce qu'il faut donner la définition de ce truc-là,
01:18de nettoyer les canaux avec ce produit-là, c'est très efficace.
01:21Il ne faut pas des grosses quantités, mais des quantités suffisantes pour rendre ma
01:26certification d'agriculture menacée.
01:29C'est ce qui m'est arrivé, j'ai eu un écart qui a été relevé par ma contrôleuse
01:33en 2024, cette année.
01:40Je trouve que c'est aberrant, anormal et qu'il faut les dénoncer ces pratiques.
01:45Depuis les premières manifestations agricoles, l'angle de certains syndicats a été de
01:49dire clairement que les normes environnementales étaient problématiques.
01:52Mon angle, c'est clairement d'avoir constaté que plein d'agriculteurs tombaient malades.
01:57C'est de voir mon père mourir d'un lymphome, il est agriculteur.
02:00C'est de voir des voisins agriculteurs qui n'avaient pas l'âge de développer des
02:05leucémies et de voir des gens partir de cancers de la prostate.
02:10Ces trois maladies que je viens de citer, en plus de la maladie de Parkinson, sont reconnues
02:15par le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides.
02:19Précisément.
02:20Et je les vois à l'échelle locale.
02:21Et puis j'ai entendu qu'il y avait l'Office français pour la biodiversité dont c'était
02:26le boulot, donc je les ai contactés.
02:27Ce que je sais, c'est qu'il y a eu une dizaine d'agriculteurs qui ont été entendus.
02:32Cette enquête est en cours et que pour l'instant, il y a juste un rapport de force qui s'établit
02:39entre la réglementation et le terrain.
02:45Les menaces, oui.
02:46On va s'occuper de toi, tu vas avoir des gros problèmes, les insultes, mais ça fait
02:53partie du jeu.
02:54C'est le folklore, ça, les menaces.
02:55Ce qui me fait peur, c'est de boire de l'eau contaminée.
02:57Des gens qui disent qu'ils vont me casser la gueule ou qu'ils m'insultent, ça ne m'impressionne pas.
03:06C'est parti.
03:08Là, on va tracer des lignes.
03:10On va tracer des lignes pour faire un semi.
03:13Semi direct de Feb.
03:16C'est combien d'heures pour une semaine ?
03:18Au maximum, tu dois frôler les 90 heures.
03:23Et minimum, une semaine moyenne, c'est plus de 50 heures en tout cas.
03:28En net, je me dégage 19 000 euros par an.
03:31C'est un petit smic, mais tout petit.
03:34C'est un défi.
03:36Je pourrais gagner plus, mais faire autre chose.
03:39Ça dépend où tu mets la valeur-valeur.
03:50J'ai commencé l'agriculture très tôt.
03:53Officiellement, être familial à 16 ans.
03:55Quand t'es fils d'agriculteur, quand t'as 7 ans, tu poses le cul sur un tracteur,
04:00tu suis ton père de partout, tu prends ton pied.
04:02La vie de Tom Sawyer, c'est juste extraordinaire.
04:05C'était clairement un mode d'agriculture chimique.
04:08J'ai baigné dans la chimie.
04:10J'étais un très bon chimiste jusqu'à mes 30 ans.
04:16L'important, c'est d'avoir des pensées positives quand tu sèmes.
04:19On croit que c'est technique, mais tout est dans la pensée positive.
04:23Si tu sèmes une graine et que tu crois que ça ne va pas pousser, ça ne poussera pas.
04:26Quand j'étais en agriculture chimique, c'était quasiment de la monoculture.
04:31On a changé parce qu'économiquement, ça ne tenait plus.
04:35On avait un prix qui était indexé sur l'offre et la demande.
04:39Au fil des temps, tu finis par creuser un déficit et tu prends un risque qui est juste énorme.
04:45Après, tu découvres un autre système de panier.
04:48Les AMAP, Association pour le maintien d'une agriculture paysanne,
04:51c'est le modèle qu'on a choisi.
04:53Mon chiffre d'affaires dépend à 95 % de ce modèle-là.
04:56C'est un rendez-vous hebdomadaire pour un adhérent.
04:59Il vient récupérer son panier dans un lieu bien précis, à une horaire bien précise.
05:04Il achète la production.
05:05Je me suis dit qu'ils nous respectent, qu'ils ne nous connaissent pas.
05:09Les gens payent, ils ne négocient pas les prix.
05:12Ils veulent bien manger.
05:13Allez, on y va.
05:14Du jour au lendemain, j'ai quasiment changé de modèle commercial, économique, technique.
05:21C'est nos adhérents et nos AMAP qui nous ont sauvés à 200 %.
05:28On passe d'une agriculture où on raisonne en termes de jeu maîtrise par des molécules chimiques
05:34à « j'ouvre le spectre de connaissances maximum sur mon sol »
05:39et on accepte les enherbements.
05:41On accepte d'être envahis par certains insectes.
05:43On accepte de perdre une partie de notre production là-dessus.
05:46Mais par contre, on vous enlève tous les produits chimiques
05:48et là-dessus, vous êtes plutôt gagnant.
05:51On a respecté notre sol.
05:53Tu as senti un mulot, Talia ?
05:56Qu'est-ce que tu as senti ?
05:57Tu te fais des films.
05:59Là, tu te fais des films.
06:07On estime à 30 % supplémentaire le coût de production pour de l'agriculture diversifiée.
06:14Parce que forcément, on a beaucoup plus de main-d'œuvre,
06:16on a moins de machines mais plus de gens.
06:18C'est de l'investissement.
06:19On crée de l'investissement.
06:21On crée des emplois, on relocalise une économie
06:24et on arrive à faire une agriculture saine.
06:26L'État va vers l'idée que le bio doit aller à une certaine élite.
06:32Et il y a clairement une malbouffe qui va vers les pauvres
06:35et des riches qui peuvent manger bio.
06:38Si on veut faire une agriculture de grande qualité,
06:41il faut donner les moyens aux agriculteurs de le faire.
06:44Ce n'est pas juste un acte de consommation
06:46mais c'est pour nos adhérents un acte militaire.
06:48Ils partent du principe où à chaque fois qu'ils achètent, ils votent
06:51pour mettre de l'argent chez un agriculteur
06:54dont ils pensent que les valeurs sont louables.
06:56Souvent, ce qu'ils nous disent, c'est qu'on a un producteur de famille
06:59comme on a un médecin de famille.
07:01Et ça, cette proximité-là, eux la défendent.
07:04C'est notre producteur.
07:08On a des personnes qui sont venues nous voir
07:10parce qu'ils ont appris qu'il y avait un diagnostic
07:12qui avait été posé sur la maladie de leurs enfants
07:14et que le médecin de famille n'avait pas le droit
07:17et que le médecin leur a dit
07:19il y a les médicaments, on va tout faire pour.
07:22Mais vous allez aussi avoir une prise en charge
07:24psychologique et alimentaire.
07:26Quand on a des gens qui viennent nous voir
07:28en nous disant clairement qu'ils espèrent
07:30que ça va sauver leur enfant,
07:32si ça ne nous pique pas, c'est qu'on n'a pas de cœur.
07:34Ça, on le défend.
07:35C'est hypocrate que ta nourriture soit ton premier médicament.