Décidément, en ce moment, j'ai la main heureuse. «
Resto qui » de
Marco Balzano est une très belle découverte que j'ai lu en français «
Je reste ici ». Après les chroniques de Bookycooky et de Michfred, j'attendais sa sortie en français avec impatience.
C'est une excellente traduction de
Nathalie Bauer puisque le lecteur peut y ressentir toutes les émotions que cherche à susciter l'auteur qui écrit simplement, dans un style dépouillé, limpide, et qui nous touche en plein coeur. J'ai refermé ce livre des larmes plein les yeux. Je me suis trouvée plongée dans la tête de l'héroïne, je me la suis accaparée, elle m'a été proche pendant toute la lecture.
Je me suis dit que ce XXème siècle avait été bien cruel et que nous avions beaucoup de chance nous génération de la paix. Mais à travers cette fiction, inspirée de faits réels,
Marco Balzano souligne aussi l'inhumanité de certains intérêts politico-financiers.
Dans un premier temps, j'ai découvert le Trentin-Haut-Adige, région d'Italie située à la frontière autrichienne, au Tyrol Sud. Je savais que c'était une région autonome mais n'en connaissait pas l'histoire. En 1919, cette région autrichienne est rattachée à l'Italie et les fascistes tentent par tous les moyens d'italianiser cette province. Ce sont les alliés qui ont imposé, après la seconde guerre mondiale, la protection de cette minorité de langue allemande. Dans cette fiction tout est vrai sauf les personnages encore que le prêtre, le père Alfred, a été inspiré par le père Alfred Rieper, curé de Curon pendant cinquante ans.
La couverture représente le clocher de Curon émergeant du lac. Ce clocher est devenu une attraction touristique. Elle masque le désespoir qu'ont ressenti les villageois lorsqu'ils ont entendu le bruit des murs qui s'écroulent, la destruction de leur village et de tous les souvenirs qui s'y rattachent.
Dans les années 50, Trina éprouve le besoin d'écrire à Marica, sa fille qui a disparu un beau matin et dont plus personne n'a eu de nouvelles. Elle lui parle de son absence, des blessures qu'il a fallu surmonter pour accepter cette absence. Dans cette lettre, elle fait un retour en arrière et remonte à ses dix sept ans et lui relate son histoire d'amour naissante avec Erich, son père, la solidité de cet amour malgré les aléas de la vie, la résistance à Mussolini qui s'installe au village, comment l'école devient clandestine. Elle lui décrit au seuil de la seconde guerre mondiale, comment la région s'est trouvée prise en étau entre les nazis et les fascistes, les relations agressives entre ceux qui voulaient rester et ceux qui voulaient partir et le positionnement de son père devant la guerre, et tout cela, avec en toile de fond, l'imminence d'un danger : la construction, maintes fois reportée, d'un barrage hydraulique qui menace d'engloutir son village, Curon.
C'est un livre magnifique qui énonce les affres d'une plaie jamais refermée : la disparition d'un enfant. C'est aussi l'histoire d'une femme courageuse qui ne lâchera jamais la main de son mari dans toutes les circonstances y compris celles des plus dangereuses : la fuite dans la montagne. C'est encore une héroïne admirable qui se battra pour sa terre, son identité. Sa devise :
- les paroles de sa propre mère : « Aller de l'avant. Sinon Dieu nous aurait fait des yeux sur le côté, comme aux poissons ».