Pourquoi lire Shakespeare ?
Lu et joué dans le monde entier, William Shakespeare, grand peintre du genre humain, se place au troisième rang des auteurs les plus traduits après
Agatha Christie et
Jules Verne. Figure éminente de la culture occidentale, il doit sa réputation principalement à son incomparable maîtrise des formes poétiques et littéraires. Ne dit-on pas d’ailleurs de l'anglais qu'elle est « la langue de Shakespeare » ? A travers une production théâtrale foisonnante comptant huit tragédies, autant de drames historiques et pas moins de dix-sept comédies, Shakespeare mêle piété, farce et burlesque. Créant des allégories vertueuses, ses pièces présentent des personnages symboliques inspirant encore aujourd’hui l’imaginaire commun. On retrouve par exemple, une forte présence shakespearienne dans le roman
A moi seul bien des personnages de
John Irving et la vingtaine d’adaptations cinématographiques de la pièce
Roméo et Juliette témoigne de la capacité du dramaturge à nous parler au présent.
Lorsque William Shakespeare arrive à Londres vers la fin des années 1580, la production théâtrale prolifère et l’on compte plus d’une centaine d’auteurs recensés, favorisés par un régime politique avide de divertissement de cet ordre. L’écriture dramaturgique de cette période connaît un spectaculaire renouveau puisqu’elle s’adresse désormais à l’élite aristocratique autant qu’au petit peuple. En effet jusque-là, la forme la plus populaire du théâtre anglais était celle de la
Moralité, héritée de l’époque des Tudor, dont la popularité jugée trop académique, est en perte de vitesse. On admet communément d’ailleurs que
Christopher Marlowe et
Thomas Kyd ont pu jouer un rôle fondamental dans cette révolution, proposant de nouveaux drames alliant populisme, profondeur philosophique et poétique et réduisant par ailleurs la simplicité des allégories moralistes. Inspiré par cet élan créateur, Shakespeare s’élance dans un genre d’écriture neuf, mêlant interrogations fondamentales sur la nature humaine et raisonnement émotionnel pour le public. Les personnages Shakespeariens, allégories des grandes vertus, illustrent à merveille ces moments clés dans lesquels le public sait se reconnaître à chaque fois. Gagnant peu à peu les faveurs des autorités, il s’assure une situation confortable en s’établissant au Théâtre du Globe avec la compagnie des « Lord Chamberlain’s Men », du nom du censeur officiel des représentations théâtrales.
A défaut de connaître véritablement Shakespeare, il est possible de distinguer plusieurs périodes dans son œuvre. De 1590 à 1600, les pièces répondent en grande partie aux attentes du pouvoir en place, ce qui constitue alors la condition
sine qua none du rayonnement de la troupe. Manichéennes, à la sagesse et à l’harmonie des autorités, les pièces opposent les désordres et l’injustice nés de l’ambition personnelle, dans un style relativement constant. Puis, sans raison évidente, dès l’année 1600, les œuvres de Shakespeare prennent un ton plus grave et reflètent un pessimisme dramatique. Mort, folie, démesure résument cette période où même les comédies peinent à rester joyeuses. Après 1608, sans explication encore, ces lugubres tragédies laissent place à des tragi-comédies un peu moins noires comme le
Conte d’hiver ou la
Tempête. En 1611, Shakespeare décide de se retirer du théâtre et de prendre sa retraite sur ses terres natales.
Mais, la renommée ne fait pas l’homme et parfois même elle le dessert. L’histoire de Shakespeare compte parmi les plus sujettes à controverse, les doutes allant de l’attribution de ses écrits à d’autres auteurs de son époque, à la remise en cause de son existence même.
Mark Twain,
Henry James ou encore
Sigmund Freud ont entre autres nié l’existence du dramaturge, évoquant tour à tour, l’absence de mention d’œuvres littéraires dans son testament, les circonstances floues de ses années de formation ou encore le manque d’homogénéité de son style et la variation de l’orthographe de son patronyme. Une liste de cinquante candidats en 2007 puis une de soixante-dix-sept en 2012 ont été établies, lesquels auraient façonné cette œuvre composite qu’est le théâtre de Shakespeare. Aujourd’hui, les doutes se sont fortement amoindris et même si des linguistes persévèrent dans leurs investigations, il est possible d’admettre au moins l’existence du personnage, certifiée depuis. Ces nombreux questionnements ne sont, à la manière de ceux concernant
Molière, qu’une énième preuve du génie du dramaturge et de l’intemporalité de ses propos.
Le saviez-vous ?
• Le titre
Le meilleur des mondes, originellement
Brave new world du roman d’
Aldous Huxley , est un emprunt à La Tempête, acte 5, scène 1 de Shakespeare.
• Dans le théâtre shakespearien et ce, jusqu’au règne de Charles II, les rôles de femmes étaient tenus par de jeunes hommes costumés en femmes.
• Shakespeare est à l’origine du mot SWAG, s’apparentant aujourd’hui à l’expression « avoir du style ». Plus exactement, le dramaturge a inauguré l’usage du verbe swagger, employé dans
Songe d’une nuit d’été, comme synonyme du verbe fanfaronner.
• Shakespeare et
Miguel de Cervantes sont décédés le même jour. En réalité, huit jours séparent ces deux morts, puisque l’Espagne utilisait déjà le calendrier Grégorien.
• Shakespeare a laissé derrière lui une épitaphe maudissant celui qui ouvrirait ou déplacerait sa tombe.
•
Christopher Marlowe aurait soufflé à Shakespeare l’intrigue du célèbre
Roméo et Juliette , alors qu’ils étaient ensembles dans une taverne.
• Dans le roman
1984 de
George Orwell, les seules œuvres artistiques qui ont échappé à la censure sont les œuvres de Shakespeare.
Chronologie
23/04/1564 : Naissance à Stratford-Upon-Avon au Royaume Uni
1582 : mariage avec Anne Hathaway
1594 : Shakespeare intègre la troupe du Lord Chambellan et joue à la cour
1597 : Publication de
Roméo et Juliette 1600 : Présentation du
Le songe d`une nuit d`été et d’
Henri IV1601 : Shakespeare présente le célèbre
Hamlet 1606 : Présentation de
Macbeth , la dernière grande tragédie de Shakespeare
1608 : Publication du
Roi Lear de Shakespeare 1609 : Parution de
Troïlus et Cressida 1613 : Incendie du Globe Theatre, pendant une représentation d’
Henry VIII
23/04/1616 : Mort à Stratford-upon-Avon, âgé seulement de 52 ans
1622 : Publication posthume d’
Othello Inspirateurs et héritiers
Aux yeux de la critique, Plaute semble constituer une forte source d’inspiration pour Shakespeare, qui avant lui se plaisait déjà à créer de nouveaux vocables ou à changer le sens de ceux existant. Des caractéristiques de la farce romaine sont ainsi repérables dans les comédies de jeunesse de Shakespeare, bien qu’il ait su s’en affranchir pour finalement créer plus tard sa propre forme de comédie.
Passée une certaine méfiance préambulaire à son égard, le monde littéraire rendit très vite un hommage considérable à l’œuvre de Shakespeare et à raison puisque ses thèmes ont connu une multitude d’échos au fil des siècles, par-delà même les frontières de l’univers théâtral. Sa renommée n’a eu de cesse de grandir depuis l’époque Elisabéthaine, comme le montre le nombre d’œuvres qui lui furent dédiées depuis. Dès lors, il devient difficile de dénombrer les auteurs se réclamant de l’influence de Shakespeare ou ceux encore chez qui sa plume se fait simplement sentir. Parmi eux,
Honoré de Balzac qui, selon de nombreux universitaires anglais et américains, laisserait transparaître dans sa célèbre
Comédie Humaine, des éléments révélant l’influence du dramaturge. A ce sujet, certains ont même évoqué le plagiat, concernant
Le Père Goriot assassiné par ses deux filles de façon un peu trop semblable au
Roi Lear de Shakespeare ...
Par-delà cette anecdote, plusieurs personnages de Shakespeare ont aujourd’hui reçu le sempiternel statut d’archétype, comme les Amants de Vérone ou encore
Hamlet, attribut dont on affublerait presque chaque jeune garçon vêtu de noir aux allures tristes. Figures du patrimoine de l’humanité, Roméo et Juliette, aux côtés de Tristan et Iseult, ont par ailleurs rejoint l’Olympe des couples de légende.
Ils ont dit de Shakespeare
Victor Hugo : « Shakespeare a l’émotion, l’instinct, le cri vrai, l’accent juste (…). Sa poésie, c’est lui, et en même temps, c’est vous. »
Ben Jonson : « Il n'était pas d'un âge, mais pour tous les temps! »
Michaël Edwards : « Le bon goût, la finesse absolue de Shakespeare étaient tels qu'on ne pouvait les concevoir. »
Marchette Chute : « William Shakespeare était le conteur le plus remarquable que le monde ait jamais connu. »