La vie est une belle saloperie.
Elle peut nous amener au summum du bonheur, juste assez longtemps pour que nous commencions à goûter à cette euphorie douce et sucrée qu'est la joie pure, avant de tout nous prendre.
La vie est comme ça.
Fragile.
Imprévisible.
Elle ne tient qu'à un fil.
-J'ai dit non !
Son ton devint agressif mais cela ne parvint pas à la décourager. Elle serra le livre dans sa main.
- Que préfères-tu alors ? Que nous nous cachions jusqu'à la fin de nos jours ? Ou jusqu' à ce que l'Ordre mette la main sur moi?
Un frémissement agita sa lèvre. Son regard se fit plus sombre tandis qu'il se dressait devant elle.
– Oui, c'est exactement ce que nous ferons.
Elle lâcha un rire exaspéré.
Je suis bien placée pour comprendre ce qu'elle ressenten cet instant précis. Cette blessure que j'aperçois dans le reflet de son âme fait écho à la mienne avec une force telle que mon souffle se coupe. Nous sommes peut être plus similaires que je ne le pensais.
Je devrais lui dire les mots que jetais depuis l'instant où j'ai compris ce que ses yeux verts provoquaient, ce que son parfum déclenchait, ce que le contact de ses lèvressur les miennes a réveillé en moi.
J’ai mal. Si mal de voir ces maux qu’il tait au fond de lui. Si mal de savoir que les miens lui répondent en silence.
C’est comme une mélodie entre nous.
C’est le son déchirant de deux âmes qui discutent.
- Toute ma clique ? Nous ne sommes pas des assassins, contrairement à ce que tu penses. Ceux que tu chasses, nous les traquons aussi.
- Mais de quoi diable parles-tu ?
- Je te parle de ce sorcier que tu chassais hier soir, de cet ombre, que j'ai moi aussi traqué. Il n'est pas l'un des miens. Et moi aussi, je veux sa mort.
Elle lit dans son regard, la méfiance, la colère et la rage. Sans doute se sentait-il trahi par sa véritable nature ?
Nous sommes pareils. Le reflet l’un de l’autre, autant dans la douleur que dans l’ambition. Un voile de glace remplace subitement sa vulnérabilité. Son corps se tend sous mes paumes et me repousse sans même qu’elle esquisse un seul geste. Un mur se dresse entre nous, de même qu’un couteau se glisse dans mon cœur. De la colère. Du dégoût. Tant d’émotions que je vois se refléter dans son regard. Tant d’émotions qui me sont destinées.
Ce qui me contrarie, c'est de réaliser à quel point la cruauté peut faire l'impasse sur la morale lorsque la vengeance dirige les Hommes.
« La triple déesse guide nos pas à travers chaque saison. À la lune montante, la jeune fille tu prieras. À la lune pleine, la mère tu prieras. À la lune descendante, l’aïeule tu prieras. Louée soit la Déesse mère qui veille sur nos récoltes et à notre bonne santé. »
— Qu'importe le jeu auquel tu jouais, Erine, le mien a été pulvérisé dès l'instant où j'ai compris que je ne pouvais plus être ton adversaire. Je t'ai donné le pouvoir de me briser le cœur avant même de m'en rendre compte. Et j'en assumerai les conséquences.