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Jean Delisle IRÈNE DE BUISSERET : «COMTESSE» DE LA TRADUCTION, PÉDAGOGUE HUMANISTE Irène de Buisseret en 1958 Portrait P ercer le mystère d’une vie est une tâche ardue, tâche plus ardue encore si la personne a vécu en solitaire, presque en recluse, et n'a laissé d'elle-même que peu de traces. Certains êtres discrets nous quittent en silence, emportant au royaume des ombres l’énigme de leur vie. Irène de Buisseret est l'une de ces personnes. Cette frêle célibataire, amie des livres et de la solitude, nous a néanmoins légué une œuvre littéraire où se côtoient gravité et humour, hauteur de propos et fantaisie. Cette œuvre, bien que modeste, sera notre sésame. Elle nous aidera à mieux connaître celle que l’on surnommait la «comtesse» dans les milieux de la traduction de la capitale nationale du Canada, où elle exerçait le métier de traductrice. Sa production littéraire se ramène à peu de chose : deux livres de contes pour enfants et un roman philosophique. À cela s’ajoute son œuvre maîtresse : un manuel de traduction. L’auteur y révèle, entre autres, plusieurs aspects de sa personnalité complexe et son immense culture. On y découvre aussi les exigences de rigueur qu’elle s’imposait et attendait de tout futur traducteur désireux de la suivre sur le chemin rocailleux de l'apprentissage de la traduction. En scrutant à la loupe cet ouvrage didactique, jalon important dans l’histoire de l'enseignement de la traduction au Canada, nous pourrons dégager la conception de la traduction que défendait son auteur et apprécier ses qualités de pédagogue. Irène de Buisseret naît à Menton, dans les Alpes-Maritimes, le 16 mars 1918. De ses années de jeunesse, nous savons peu de choses. Sa mère Lydia Sokol est d'origine russe. Son père, le comte Conrad de Buisseret Steenbecque de Blarenghien, fait partie du corps diplomatique belge1. En 1935, elle obtient un baccalauréat ès sciences et, en 1940, une licence en droit. Peu de temps après, elle est reçue au Barreau de Paris. Sous l'occupation allemande, elle prend le maquis dans la région de Dijon et achemine des messages à la barbe de l'occupant. En 1945 et 1946, on la retrouve attachée de presse au ministère de la Guerre. À ce titre, elle assiste aux conférences de presse du Quai d'Orsay et à la Conférence de paix qui se tient à Paris du 25 avril au 12 juillet 1946. L'hebdomadaire parisien Le Carrefour lui confie la direction de la chronique des affaires étrangères, ce qui ne l'empêche pas de signer des articles dans d'autres quotidiens et périodiques français2. C'est en 1947 que, pour des raisons qui nous sont inconnues, Irène de Buisseret décide 1 IRÈNE DE BUISSERET d'émigrer au Canada. Venue par bateau, elle débarque à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Sa formation d'avocate, son expérience de journaliste et sa connaissance de trois langues (français, anglais, russe) devraient lui permettre, pense-t-elle, de trouver un emploi sans trop de difficulté. De fait, elle saura mettre à profit toutes ses compétences. Elle obtient la nationalité canadienne en janvier 1955. D'abord institutrice dans une école secondaire, elle finira sa carrière comme chef du Service de traduction de la Cour suprême. Les étapes de son parcours professionnel sont les suivantes : 1947-1948 professeur de français dans une école secondaire anglaise de Dunham 1948-1949 dans les Cantons de l'Est. professeur adjoint à l'Université d'Alberta (Edmonton) où elle enseigne les langues et les littératures françaises et russes. Elle donne aussi des cours à l'École des beaux-arts de Banff. 1949-1950 professeur de russe à l'Aviation royale canadienne, à Edmonton, et éditorialiste à l'Événement-Journal de Québec. 1950-1953 traductrice au Secrétariat d'État, à Ottawa, Division des débats parlementaires. 1954-1955 traductrice-rédactrice à l'agence Publicité-Service, à Montréal. 1955-1957 traductrice-rédactrice pour le grand magasin Ogilvy, à Montréal. 1957-1963 traductrice au ministère des Affaires extérieures, et professeur de littérature française à l'Université Carleton, à Ottawa. 1963-1969 1970-1971 réviseur à la Division des débats parlementaires. chef du Service de traduction de la Cour suprême et professeur de traduction et de composition à l'Université d'Ottawa. Sa passion pour le journalisme et l'écriture l'amène à collaborer, dans les années 1950, à plusieurs revues et journaux tant de langue française qu'anglaise, dont La Nouvelle Revue Canadienne3, Canadian Business, L'Action nationale, Le Droit, Le Devoir. Certains de ses articles sont signés du pseudonyme Conrad de Buisseret. À partir de 1963, elle cesse, pour une raison qui demeure mystérieuse, toute collaboration à ce genre de périodiques. Est-elle trop accaparée par ses travaux d'écriture et ses nouvelles fonctions à la Division des débats? 2 IRÈNE DE BUISSERET Cet arrêt coïncide en tout cas avec la publication de deux ouvrages : un livre pour enfant (Kotikoti ou la poule qui voulait devenir artiste4) et un roman (L'Homme périphérique), roman dont nous reparlerons. Dans Kotikoti, des animaux parlent, s'émeuvent et se tourmentent à la façon des humains. Une poule qui veut être artiste, un chien qui envie la prestance du lion, un joueur de violon et une vache qui danse la Jota espagnole partent en tournée à travers le Québec, à la recherche de leur accomplissement. Dans cette fable, qui n'est pas sans rappeler La Fable des abeilles de Bernard de Mandeville, se profile le rêve d'un monde habité par l'amour et l'art. On y trouve aussi des échos d'Alice au pays des merveilles avec qui Irène de Buisseret partage le plaisir de jouer avec les mots. Sa poule invente des mots qui ne veulent rien dire, comme «hurtelle», ou encore des néologismes : «lumage» («plumage lumineux») et «papillaume» («papillon jaune») (Buisseret 1963a 14, 15, 16) en sont des exemples. Il est permis de penser qu'à partir de 1963, c'est à la traduction qu'Irène de Buisseret choisit de consacrer tout son temps et qu'elle a déjà mis en chantier son manuel du traducteur. L'humaniste Quand Irène de Buisseret prend la plume c'est généralement pour défendre les hautes valeurs humanistes auxquelles elle est farouchement attachée. Ses articles sont parfois cinglants. Toujours elle aborde les problèmes avec hauteur, mais non de manière hautaine, citant les philosophes grecs, les Lumières, tel historien, tel politologue, tel poète, tel moraliste. Pétrie de culture humaniste, elle transporte le lecteur là où a germé la réflexion authentique. Sa formation gréco-latine – bien qu'elle n'ait jamais appris le grec et le déplore – transpire dans tous ses écrits et les citations latines qui tombent fréquemment de sa plume en sont une manifestation ostensible. Irène de Buisseret fuyait le tourbillon des mondanités, des futilités, des relations sociales convenues et superficielles. Elle parle peu d'elle-même, se laisse rarement aller à des confidences personnelles. S'adressant à son filleul de seize ans, elle lui écrit : «Tu connais ma timidité de vieux célibataire qui, au fond, n'est à l'aise qu'avec ses livres, compagnons fidèles et discrets; [...]» (Buisseret 1958c : 555). Les livres sont ses vrais amis. Elle cite leurs 3 IRÈNE DE BUISSERET auteurs comme on parle d'une connaissance intime, comme on rapporte les paroles d'un ami. Tous les grands auteurs qui peuplent son monde intérieur ne sont pas pour elle des abstractions : ce sont ses compagnons de tous les jours, ses conseillers, ses confidents. Outre une immense passion pour la langue française, Irène de Buisseret ne vivait pour ainsi dire que par et pour la vie de l'esprit. «Je t'ai montré, dans ces pages un peu fiévreuses, écrit-elle à son filleul dans un texte qui s'apparente à un testament spirituel, ce qui a inspiré, animé toute ma vie solitaire, qui aurait voulu servir de son mieux l'esprit et la splendeur qui nous est permise» (Buisseret 1959b : 223). Par son étymologie latine, le mot «splendeur» évoque à la fois la lumière éclatante de la vérité, la beauté de ce qui est authentiquement humain ainsi que l'élégance et la noblesse tant de l'esprit que des sentiments. Irène de Buisseret cherchait bel et bien à faire resplendir l'esprit, à irradier de tous ses feux. C'est ce que nous révèlent les fragments autobiographiques de son œuvre, fragments, car des pans entiers de sa vie nous sont à tout jamais inaccessibles. À l'instar de Charles Gounod, elle célébrait l'«enchantement de la solitude» (Boschot 1947 : 57). Irène de Buisseret est aussi une personne qui s'attriste devant la tragédie de la vie, le sinistre destin de l'homme et les inepties du monde. C'est le thème de son roman L'Homme périphérique, méditation philosophique plus qu'œuvre romanesque. Cet ouvrage, qui plonge le lecteur dans une crise métaphysique, a la facture d'une tragédie grecque. Il est à la fois une réflexion sur le sens de la vie et de la mort et sur la solitude inexorable de l'homme, un plaidoyer pour les êtres condamnés à l'incompréhension mutuelle mais néanmoins frères, et une charge contre ceux qui bafouent les hautes valeurs humaines et contribuent à la déchéance humaine. On ne sait rien, on reste tous à la périphérie des choses. On se nourrit d'illusions, de mythes. Le protagoniste, auquel l'auteur s'identifie, sait qu'il va mourir. Son corps se décompose à l'intérieur de lui-même. Face à la mort, il médite moins sur le sens de sa vie que sur le sens de la vie en général. Et il ne tarde pas à découvrir que la vie est un tissu de mensonges, une succession de trahisons5. Les univers de chaque être sont inconciliables. L'être humain est impénétrable, il n'arrive jamais à communiquer réellement avec ses semblables. Camus et Sartre ne sont pas loin. Il est ironique que, dans son roman, Irène de Buisseret fasse de la traduction et de 4 IRÈNE DE BUISSERET l'interprétation, ces activités par excellence de la communication, deux métaphores de l'impossibilité de communiquer. Le personnage principal s'adressant en pensée à sa femme Jeanne lui confie qu'il aurait été absolument incapable de la décrire à ses amis; pour cela, il lui eût fallu «une langue symbolique, une série d'idéogrammes, car les mots courants, même les plus denses ou les plus habilement transposés, n'eussent fourni [d'elle] qu'une pitoyable traduction balbutiante, malhabile, fourmillant d'erreurs, de contresens et de trahisons» (Buisseret 1963b : 98-99). Et plus loin, il lui dit : «[...] il nous suffit d'ouvrir la bouche pour raviver le malentendu et enrichir l'erreur, car nous avons la prétention de nous parler sans interprètes, dont nous aurions pourtant aussi grand besoin que les êtres de toute couleur et de tout acabit, réunis en conférences internationales et, comme nous, démunis de langue commune» (ibid. : 110). L'Homme périphérique est au fond un réquisitoire contre ceux qui assassinent les valeurs humaines, dégradent l'homme. Dans cette œuvre, Irène de Buisseret fait figure d'un moine qui chercherait dans le désert les assises de l'humanisme. La dédicace ne trompe pas sur les intentions de l'auteur : «Dédié à Rodolphe Denoncourt6, ami modeste et admirable, qui pratique superbement l'humanisme, je dédie ce plaidoyer pour l'homme.» Réfugiée dans sa solitude inexorable sous un ciel vide, Irène de Buisseret ne fuit pas les hommes parce qu'elle ne les aime pas. Elle s'isole parce qu'elle les aime trop, parce qu'elle a peur d'être déçue. Le Guide du traducteur En 1950, Irène de Buisseret réoriente sa carrière en choisissant la traduction. Plus exactement, c'est la traduction qui la choisit, comme elle le confiera vingt ans plus tard. À une journaliste de Radio-Canada qui lui demande lors d'une entrevue pourquoi elle a choisi la carrière de traductrice, Irène de Buisseret répond : Vous savez, dans la vie, il n'y a jamais de choix tout à fait libre. Le libre arbitre, c'est très bien dans les traités de théologie, mais est-ce qu'il existe complètement dans la vie? Ce choix c'était d'abord parce que j'aime la langue sous tous ses aspects, mais j'aurais pu aussi bien m'orienter vers l'enseignement, voyez-vous, et enseigner la langue, ce que je fais d'ailleurs par 5 IRÈNE DE BUISSERET raccroc ou par intérim, comme Aramis était mousquetaire par intérim. Mais justement où je veux en venir, c'est que ce choix, en partie, a été aussi infléchi par les circonstances. J'ai enseigné la langue et puis j'ai reçu un jour une lettre – j'étais à Edmonton à l'époque, à l'Université – comme Assistant Professor. (Je vous laisse le soin de traduire la chose en français.) Et là, j'ai reçu une lettre dont je n'ai jamais découvert l'auteur, car c'était une lettre circulaire envoyée d'Ottawa à Edmonton, me disant : «Le gouvernement canadien a besoin de traducteurs, est-ce que cela vous intéresserait?» [...] J'ai supposé que c'était surtout de l'anglais au français. Je n'ai pas eu tort. Et je suis venue. J'ai tout abandonné à Edmonton, et je suis venue. Ce n'était pas un coup de tête : la lettre est arrivée au bon moment. J'avais passé deux ans dans l'Ouest, un endroit admirable, mais vieille Européenne que je suis, que j'étais, vieil animal des pays tempérés, le climat de l'Ouest me tuait littéralement. Et les hivers et les étés, voyez-vous (CRCCF, film S63/1/1,2. Transcription). C'est ainsi que naissent certains traducteurs : par raccroc. Sa décision fut judicieuse, car Irène de Buisseret nouera une véritable passion amoureuse avec son métier dans lequel elle excellera. Nous avons vu que dès son arrivée en sol canadien, elle s'était d'abord orientée vers l'enseignement. Elle ne perdra jamais contact par la suite avec le milieu universitaire. Traductrice à Ottawa en 1963, elle était aussi chargée de cours de littérature française à l'Université Carleton. À la demande du surintendant adjoint du Bureau des traductions, Marcel Lacoursière, elle accepte de donner des cours de traduction à l'Université d'Ottawa dans le programme conduisant alors à une maîtrise en linguistique appliquée (option traduction) au sein du nouveau Département de linguistique et langues modernes créé en 1968. Le professeur fascine ses auditeurs par l'étendue de sa culture, sa maîtrise des langues et son talent de traductrice. Le directeur du Département, Louis Kelly, l'invite à diriger des travaux de maîtrise des candidats au diplôme et formule le souhait qu'elle fasse partie du corps professoral de l'École de traduction dont la création est prévue pour le 1er juillet 1971 (Delisle 1981 : 7-19). Comme il fallait s'y attendre, les exigences d'Irène de Buisseret en matière de 6 IRÈNE DE BUISSERET pédagogie et de langue ne sont pas moins élevées que celles qu'elle a envers l'être humain en général. Dans un article consacré à l'éducation et à la culture où elle s'appuie sur l'autorité de Xénophon, Héraclite, Keyserling, Platon, Nietzsche, Goethe et Socrate, elle nous dit qui sont à ses yeux les véritables maîtres : Les éducateurs ne doivent pas se borner à être des spécialistes, même éminents dans leur domaine propre. Pour être dignes de préparer la jeunesse à la vie, ils doivent devenir des humanistes, des inspirateurs, des fécondateurs, en un mot des êtres réellement cultivés. Nous vivons aujourd'hui dans ce que Keyserling appelle «l'ère du chauffeur», c'est-à-dire l'ère du technicien. Il n'y a donc qu'une chance de salut, sinon pour nous, du moins pour les générations qui nous suivent : confier les jeunes à des éducateurs non pas spécialisés, non point «parcellaires» mais «généralistes», à de nouveaux humanistes (Buisseret 1958b : 14). Elle donne l'exemple d'un historien : «[...] un historien qui ne connaîtrait et qui n'enseignerait que l'Histoire, serait un mauvais historien; il lui faut aborder, en outre, la sociologie, l'anthropologie, l'économie, la politique, la philosophie... Que vaudrait un mathématicien qui ne serait pas un peu poète? Et il serait médiocre grammairien celui qui ne sentirait pas qu'une grammaire doit éveiller chez les étudiants la curiosité, l'intérêt, l'amour pour la langue, la littérature et la culture qui s'y rattachent» (ibid.). Cette conception exigeante de l'enseignement, Irène de Buisseret l'applique dans un manuel destiné aux futurs traducteurs où elle verse son expérience de l'enseignement, de la traduction et de la révision. Il convient de rappeler qu'en 1954 Irène de Buisseret avait quitté Ottawa pour Montréal où elle avait été traductrice et traductrice-rédactrice dans des entreprises privées. En 1957, elle revient à Ottawa et ne quitte plus la capitale. Tout au long de ses années de pratique de la traduction, elle consigne mille et une observations sur la langue et la traduction auxquelles elle intègre d'innombrables citations relevées au hasard de ses lectures. Car c'est une lectrice impénitente. En rédigeant ce manuel, la traductrice est animée du fervent désir de servir. L'exergue qu'elle place en tête de son manuscrit ne laisse aucun doute à ce sujet : 7 IRÈNE DE BUISSERET Si, après avoir lu, on s'écrie : «Que d'erreurs!», en toute simplicité je répondrai : «Hélas!» Si l'on affirme : «Quelle ignorance!», j'avouerai que je l'éprouve chaque jour plus douloureusement que la veille. Si l'on s'exclame : «Quelle outrecuidance!», je dirai que c'est la faiblesse des jeunes, et qu'elle m'est désormais interdite. La seule pensée qui m'affligerait vraiment serait que l'on doutât du désir irrésistible dont ce livre est né : celui de servir. L'idée de publier un manuel sur l'art de traduire arrivait à point nommé. Dans un pays officiellement bilingue où la traduction est une nécessité quotidienne, il est étonnant que si peu d'ouvrages aient été consacrés à l'apprentissage de cet art difficile. En fait, on ne peut guère citer que celui de Jean-Paul Vinay et Jean Darbelnet, Stylistique comparée du français et de l'anglais paru en 1958, ouvrage rédigé dans une optique à la fois linguistique et théorique où abondent les exemples concrets. Il manquait un manuel essentiellement pratique qui soit l'œuvre non pas d'un linguiste ou d'un angliciste, mais d'un praticien chevronné de la traduction7. La conception d'un manuel est un des rares moyens par lequel un traducteur peut transmettre à des apprentis-traducteurs son expérience professionnelle. La révision en est un autre, plus courant. En bonne pédagogue, Irène de Buisseret commence par définir son public. Au début de son manuscrit elle est très explicite à ce sujet : Écrit à l'intention des traducteurs canadiens au service de l'État, des gouvernements provinciaux, d'organismes administratifs et d'institutions internationales, ce guide pourra sans doute aussi être de quelque utilité aux étudiants, aux enseignants et à tous les amoureux de la langue. Il ne s'adresse pas aux traducteurs techniques et littéraires mais, de loin, nous saluons ces cousins avec un amical respect. Il n'y sera question également que de la traduction dans le sens anglais-français. Le manuscrit original conservé au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa (CRCCF, P286/1/2) est dactylographié sur des feuilles de format papier ministre de couleurs variées. Il est illustré de caricatures, bandes dessinées, dessins humoristiques, 8 IRÈNE DE BUISSERET coupures de journaux, photos, images provenant de catalogues. Une partie de ces collages et de ces dessins est l'œuvre de son amie Miss Phyllis Margaret Foot. On y trouve même des calligrammes qui rappellent ceux de Guillaume Apollinaire, en particulier une page consacrée aux «phrases-spaghettis». Inscrites sur des bouts de papier, les phrases sont collées bout à bout en zigzag et évoquent un plat de spaghettis. Manifestement, Irène de Buisseret prépare un livre vivant, illustré et drôle, mais qui dit des choses pertinentes. Faire des choses sérieuses sans se prendre au sérieux décrirait assez bien l'état d'esprit qui a animé l'auteur tout au long de la rédaction de son ouvrage. Le manuel-métaphore Dans les années 1960, les pédagogues de la traduction ne disposent pas encore d'un métalangage particulier pour enseigner les rudiments de l'art de traduire. La terminologie de la Stylistique comparée du français et de l'anglais n'est pas sans utilité mais elle est encore peu répandue et, conçue pour décrire des équivalences statiques au niveau de la langue, elle permet difficilement de rendre compte du dynamisme du processus de la traduction et des aspects proprement discursifs des textes à traduire8. N'ayant pas à sa disposition un vocabulaire spécifique pour décrire les phénomènes de la traduction, Irène de Buisseret structure son manuel comme un traité médical. Dans une première partie, elle diagnostique le «Mal» : 1. Hydropisie verbale; 2. Cacophonie chronique; 3. Affections secondaires. Au nombre de ces affections, elle range la «concrétite», la «distortionnite», l'«hypothésomanie», la «culturite9», l'«hypo-attention» et l'«incompréhensite». Ainsi, un traducteur souffre d'hydropisie verbale si sa phrase est «enflée, flasque, ampoulée, pleine de borborygmes, gargouillis, ballonnements et clapotis verbaux», s'il produit des «phrases-ténias», des «traductions adipeuses», en un mot si son style est «obèse» (Buisseret 1975 : 2). L'auteur cultive les métaphores et cherche à créer des images frappantes. «Une idée simple, une image forte agissent longtemps sur les esprits» (Buisseret 1959c : 12), pensait-elle comme l'historien français Jacques Bainville. «Mot-éléphant» en est un exemple. Elle stigmatise les traducteurs verbeux en qualifiant leur style d'«allongé», de «ventripotent». Elle dit d'eux qu'ils «pataugent à cœur joie dans la mare des pléonasmes, 9 IRÈNE DE BUISSERET la cascade des tautologies, l'océan des interminables étirements. Ils s'ébrouent dans la vase flatulente des épithètes grassouillettes, des adverbes redondants, des conjonctions parasites; ils se rafraîchissent sous l'averse, sous le déluge des qui et des que [...]» (Buisseret 1975 : 4-5). Si ce style imagé, ce vocabulaire métaphorique est dénué de toute valeur scientifique, il présente néanmoins l'avantage d'être clair et pédagogiquement efficace. C'est le propre de toute métaphore de faciliter la compréhension en exprimant une notion abstraite au moyen de mots concrets. La métaphore en soi a une valeur didactique. Il ne faut pas oublier non plus que l'auteur est écrivain et que la langue littéraire est son royaume. Après avoir examiné en détail les maux dont souffrent le traducteur et la langue, la pédagogue-thérapeute analyse dans la seconde partie de son traité les causes du mal et prescrit des remèdes. Les causes se ramènent à l'«incompréhensite», dont le remède est l'«immersion». Il «faut plonger joyeusement et avec hardiesse dans l'océan linguistique anglo-saxon, y être roulés, nous y ébattre, descendre dans ses profondeurs; il faut qu'il nous entoure, nous embrasse, nous étreigne, nous pénètre» (ibid. : 144). L'immersion est à ses yeux le «remède souverain : l'immersion, encore l'immersion, toujours l'immersion, pour nous y retrouver dans les jargons, comme pour posséder les autres aspects de notre métier» (ibid. : 251). Autre remède prescrit : bien connaître le français et surtout l'usage «le plus terrible et le plus tyrannique des maîtres» (ibid. : 20), «cet arbitre des élégances et de la correction» (ibid. : 37). «En un mot comme en cent : tout est dans L'USAGE. L'USAGE, voilà le grand mot et le vrai maître» (ibid. : 38). Le manuel d'Irène de Buisseret s'ouvre par un vibrant plaidoyer en faveur de l'économie, de la concision, de l'ellipse. Ce n'est pas un hasard. Dès les premières pages, l'auteur énonce la «loi de Buisseret» : «Moins un traducteur connaît le français, plus sa traduction est prolixe» (ibid. : 9). Destinant son manuel aux traducteurs de textes pragmatiques plutôt qu'aux traducteurs littéraires, elle fait de cette loi l'assise sur laquelle repose toute sa pédagogie. Et elle l'illustre brillamment par les nombreux exemples qu'elle a glanés dans sa pratique quotidienne de la traduction et de la révision. «Si un traducteur écrit "l'ensemble des éléments qui constituent la situation actuelle", c'est qu'il ne connaît pas ou 10 IRÈNE DE BUISSERET a oublié le mot "la conjoncture"» (ibid.). «Mention was made of an estimated cost in respect of these programs of 900 million dollars. *On a fait mention d'une somme estimative de 900 millions à l'égard de ces programmes. | On a parlé de 900 millions pour ces programmes (ibid. : 11). «The accused who is in custody. *L'accusé qui est en état de détention. | Le détenu» (ibid.). Irène de Buisseret partage avec l'auteur-traducteur Pierre Baillargeon ce goût pour la concision mise au service de la clarté de l'expression10. Une autre grande loi dérive en corollaire de la «loi de Buisseret» : «Nous ne connaîtrons jamais véritablement le français si nous ne connaissons que lui11 (ibid. : 371). Pour le traducteur canadien, cela exige qu'il connaisse l'anglais américain, britannique et canadien. La connaissance des variétés de la langue anglaise passe par la connaissance de tous ses jargons et des néologismes qui prolifèrent comme des champignons. Une centaine de pages du manuel sont consacrées aux divers jargons (administratif, atomique, militaire, McLuhaniste, scientifique) et à divers dialectes (ameryiddish, hippie, New Left, noir, psychédélique). «Pour bien traduire, il faut savoir jargonner» (ibid. : 177), affirme l'auteur. À ces deux lois explicitement formulées, nous pouvons en ajouter une troisième qui se dégage implicitement de chaque page de l'ouvrage et que l'on peut formuler ainsi : «Le traducteur ne saurait accomplir convenablement son métier s'il n'est pas armé d'une vaste culture.» Véritable esprit encyclopédique, c'est toute la réalité humaine que l'auteur a voulu embrasser dans son manuel. Les clichés tirés de la Bible, de Shakespeare et d'œuvres diverses y côtoient le vocabulaire de la pornographie. Lectrice boulimique, Irène de Buisseret se targuait de lire aussi le magazine Playboy et autres revues scabreuses (Wesemaël 1974 : 106). En somme, l'érudite et l'intellectuelle curieuse de tout a composé son manuel à sa propre image, elle y est présente à chaque page. Faut-il s'étonner qu'elle mette la barre très haut – c'est un trait de sa personnalité – en exigeant du traducteur rien de moins que l'omniscience et la perfection? S'il triomphe de l'incompréhensite, «l'utopique héros idéal, le "parfait traducteur"» (Buisseret 1975 : 120) sera engagé fort avant sur la voie de la réussite professionnelle. Comme le violon, la traduction ne supporte pas la médiocrité. Irène de Buisseret en était convaincue. Aussi, son manuel est-il plus qu'un simple ouvrage pratico11 IRÈNE DE BUISSERET pratique, plus qu'un simple recueil de conseils et de trucs du métier. Conforme à la conception de son auteur d'un bon manuel, il ouvre l'esprit, il renferme des trésors de connaissance. C'est un écrin de culture. Irène de Buisseret a dit elle-même : «[...] un manuel scolaire qui n'est que "fonctionnel" ne peut nous satisfaire. S'il n'accomplit que sa fonction théorique, il n'accomplit rien. Il ne vaut pas plus que des vêtements qui ne feraient que nous couvrir, que des aliments qui ne feraient que nous nourrir [...]. Ce n'est qu'en dominant, en élargissant le sujet à enseigner, que l'on peut le faire accepter et absorber par de jeunes âmes, de jeunes intelligences et de jeunes cœurs» (Buisseret 1958b : 14). À ses yeux, tout instrument didactique entre les mains d'un éducateur doit servir à éveiller à l'humanisme. Dans son ouvrage, l'auteur fait la leçon (dans les deux sens du terme) au traducteur, mais sans le dénigrer, toujours finement, en lui laissant entendre qu'elle aussi a dû peiner durement pour apprendre son métier. Jamais elle ne s'érige en censeur ou en «flic de la langue» même si son point de vue est très normatif. Pédagogue exceptionnelle, elle châtie la langue plutôt que ses utilisateurs, contrairement à bien des puristes. Jamais pédante, Irène de Buisseret ne prétend pas détenir toutes les vérités en la matière. Elle s'emploie à faire partager ses découvertes qu'elle présente comme autant de trésors à admirer et à conserver. Il serait exagéré de dire que son manuel a les qualités d'une œuvre littéraire, mais il n'est pas faux d'affirmer qu'il a un ton. À sa manière, il est une sorte d'hymne à la clarté d'expression et à la langue française vue comme «œuvre d'art et créatrice de beauté» (Buisseret 1959b : 212-223). Ce ton, arrondi par l'humour et le bon goût, est celui de l'émerveillement devant la beauté de la langue et ses inépuisables ressources. Pour Irène de Buisseret, une langue est infiniment plus qu'un simple instrument d'expression et de communication. La traductrice affirme haut et fort que le critère pragmatique, utilitaire ne peut pas à lui seul définir une langue. Chez elle, les mots sont personnifiés. Elle les traite comme s'il s'agissait d'êtres vivants. C'est d'ailleurs un dictionnaire qu'elle emporterait comme compagnon sur une île déserte. Pourquoi? Parce qu'un dictionnaire «enseigne le sens, les nuances, les retours, l'évolution des mots, racines verbales et sémantiques» (Buisseret 1958a : 483-484). Les néologismes de mauvaise facture sont «claudicants, difformes, hideux» (Buisseret 1958d : 115). «On voit des gens qui se passionnent pour la Science 12 IRÈNE DE BUISSERET généalogique [...]; pourquoi les mots seraient-ils moins intéressants que les hommes, puisque les hommes en vivent?» (ibid. : 112). Les mots nous servent aussi à forger notre personnalité et notre vision du monde. Se plaçant du point de vue d'un rédacteur et d'un traducteur, Irène de Buisseret retourne l'apophtegme de Boileau «Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement» et affirme que «c'est ce qu'on énonce clairement, avec les mots justes, qui se conçoit bien. Les mots sont les instruments sensibles, puissants et délicats qui nous servent à bâtir notre personnalité, notre conception du monde [...]» (Buisseret 1958a : 478). Une personne ayant un vocabulaire rudimentaire, pense-t-elle, risque d'avoir une personnalité et un raisonnement tout aussi rudimentaires. Hostile à toute forme de langue hybride, biscornue ou prétentieuse, elle voit dans la clarté une source de beauté, tout comme peut l'être l'invention artistique. Faisant sienne l'opinion d'Alfred de Musset «La Beauté sur la terre, est la chose suprême. C'est pour nous la montrer qu'est faite la clarté», Irène de Buisseret pratique une forme d'esthétique de la clarté linguistique. «Après avoir aidé à faire naître les idées, l'homme, et le monde, une langue employée avec amour et discernement crée la Beauté, sans quoi la pensée resterait stérile dans un monde désolé, peuplé de robots pensants mais qui n'auraient point d'âme» (Buisseret 1959b : 213). La beauté de la langue procure un supplément d'âme. Elle écrit encore : la langue «est à la fois moyen d'expression, origine de la pensée vitale, et sœur de Beauté» (ibid. : 221). Irène de Buisseret chérit sa langue, la révère comme un amant sa bien-aimée. On comprend son faible pour tout ce qui s'appelle maximes, aphorismes, dictons, inscriptions lapidaires, formules incisives qui allument l'esprit comme de l'amadou. L'ellipse est sa signature. Et que dire du style? C'est «la récompense suprême accordée par la déesse du langage à ses serviteurs devenus ses amants» (Buisseret 1958a : 485). Dans son manuel, Irène de Buisseret révèle sa personnalité, sa culture, ses exigences de rigueur, sa conception de la langue et de l'éducation, ainsi que ses attentes à l'égard des traducteurs et des enseignants. Son manuel est en fait une métaphore de tout son être. Et l'impensable survint... En 1970, les choses vont plutôt bien pour Irène de Buisseret. La solitaire de la rue Cooper – elle habite au 335 – a terminé son manuel et l'a soumis à un éditeur montréalais. Les cours de langue et de composition française qu'elle donne depuis 1969 à l'Université d'Ottawa sont 13 IRÈNE DE BUISSERET très appréciés par les étudiants. On lui offre de faire partie du corps professoral de l'École de traduction que cette université s'apprête à fonder. Au Secrétariat d'État, elle gravit un autre échelon dans sa carrière en étant promue chef du Service de traduction de la Cour suprême. Elle attire l'attention des médias. En octobre, France l'Abbé réalise avec elle une interview pour l'émission Femmes d'aujourd'hui de la Société Radio-Canada. La journaliste veut savoir, entre autres, pourquoi il est nécessaire de publier un manuel destiné spécifiquement aux traducteurs canadiens. Réponse de l'interviewée : Je pense que si je vivais en France, en Angleterre ou en Allemagne, j'aurais probablement fait un manuel à l'usage des indigènes. Parce que dans notre milieu canadien-français, comme dans tous les milieux, il y a certaines distorsions, déformations, faiblesses, maladies, si l'on veut, qui sont propres à notre milieu même. Et après presque vingt-cinq ans de métier, j'ai constaté que ces déviations de la langue et du métier sont toujours les mêmes. Ce n'est pas parce que Paul fera telle ou telle faute, ou Jeanne en fera une autre, ce n'est pas cela qui m'a fait écrire ce livre. C'est parce que ce sont toujours les mêmes fautes faites par tout le monde, que ce soit les régionalismes abusifs, ou les archaïsmes envahissants, ou les faux-amis un peu trop persistants, ce sont toujours les mêmes qui relèvent leur vilaine tête. [...] Comme observateur de l'extérieur [...], cela m'a permis de voir certaines faiblesses qu'après vingt-cinq ans, je ne vois plus ou que je n'aurais plus vues, si je n'en avais pas pris note immédiatement, voyez-vous. Alors, là, maintenant, un peu à cheval sur les deux, je pense que, grâce au crayon et aux notes que j'ai prises, j'ai assez de recul, de détachement et d'objectivité pour voir justement les problèmes qui sont de chez nous (CRCCF, film S63/1/1,2. Transcription). Son manuel n’est ni plus ni moins que le fruit d'observations minutieusement consignées de fautes récurrentes propres au contexte canadien. Ces observations sont faites par une personne d'origine étrangère qui constate des écarts par rapport à un autre milieu socio-linguistique, en l'occurrence la France12. En février 1971, le service de traduction que dirige Irène de Buisseret, service logé 14 IRÈNE DE BUISSERET dans l'immeuble Vanguard, rue Slater, fait paraître le premier numéro d'un bulletin interne baptisé La Balance et la Plume. Rédigé par l'équipe de traduction de la Cour suprême, il est «dédié aux juristes qui écrivent le droit et aux traducteurs qui pèsent les termes – ainsi qu'à tous ceux qui aiment les lois justes et les mots justes». Le dessin d'une balance et d'une plume accompagne cette dédicace inscrite à la main sur la couverture de ce bulletin artisanal photocopié. Dans ce premier numéro, Irène de Buisseret y reproduit un chapitre de son manuel toujours inédit : «L'hydropisie verbale». Puis arrive le jour fatidique du 28 avril 1971 : ce mercredi sombre et pluvieux, Irène de Buisseret se suicide. Exténuée par le régime de forçat qu'elle s'impose? Déprimée? Désabusée de la vie? Elle a mis fin à ses jours en se jetant dans les eaux froides et noires du canal Rideau, à Ottawa. Elle venait de célébrer ses cinquante-trois ans. La nouvelle provoque la consternation chez les traducteurs de la capitale. On s'interroge sur les motifs qui ont poussé cette grande Dame de la traduction à poser ce geste irrémédiable. On ne comprend pas. La traductrice en a emporté le secret avec elle13. Elle aura répondu à l'appel de son tragique destin : «Chaque homme dans la nuit s'en va vers sa lumière» (Victor Hugo). En relisant son œuvre, on est frappé pourtant par la forte récurrence des thèmes de la mort et du suicide. C'est par personnages interposés et par ses réflexions d'ordre philosophique qu'Irène de Buisseret se laisse aller à parler d'elle-même, à livrer, encore qu'avec parcimonie, quelques confidences personnelles. Déjà en 1958 – elle n'a alors que quarante ans – elle écrit à son filleul de seize ans ces lignes qui, avec le recul, ont une portée prémonitoire : «Je t'envie, Michel. Alors que je me tourne déjà vers les ombres et que je sens par moments autour de moi le souffle glacé du vent qui balaie les champs-élysiens, toi tu es au seuil de la vie [...] (Buisseret 1958c : 556. Le soulignement est de nous). La même année, elle lui écrit encore : «Mais au terme, presque, d'une existence longue et studieuse, je me suis effrayée de ce que j'ignore, du nombre infini de mots que je ne connais pas encore, ou que je connais mal» (Buisseret 1958d : 110). Ressentait-elle l'angoisse de la mort? À peine dans la force de l'âge, songeait-elle déjà à mettre fin à ses jours? Il est permis de le croire. D'autres signes viennent étayer cette hypothèse. 15 IRÈNE DE BUISSERET Irène de Buisseret compose les paroles d'une dizaine de chansons mises en musique par Miss Phyllis M. Foot, chansons portant sur des thèmes mythiques et regroupées dans un livret intitulé Perséphone14. La parolière met dans la bouche de jeunes écoliers d'une dizaine d'années des réflexions graves qui ne sont manifestement pas de leur âge et qui semblent davantage traduire ses propres conflits intérieurs. Déméter clame son désespoir : «Ô Nuit sombre, nuit d'airain, nuit solitaire, enveloppe-moi dans les voiles noirs du désespoir. Liée sur le Caucase de ma souffrance sans aucun lambeau d'espérance, dévorée par une affliction se nourrissant de mon mal qui renaît éternellement, je crie vers un ciel si sourd» (CRCCF, P286/1/13 : 10-11). Les morts aux enfers chantent : «Il n'y a pour nous ni hiers ni demains» (ibid. : 18). Les jeunes élèves anglophones n'ont pas dû comprendre grand chose à ce drame mythique sur les tourments de trépassés ayant sombré dans le désespoir. C'est surtout dans son roman L'Homme périphérique qu'Irène de Buisseret révèle le plus explicitement son mal de vivre et ses inquiétudes existentielles. Comme tout premier roman, L'Homme périphérique comporte de nombreux éléments autobiographiques (reproduits ici en italique). Le protagoniste souffre d'une peine d'amour, celle qu'il aimait l'a abandonné. Il a quarante-quatre ans (l'âge d'Irène de Buisseret lorsqu'elle écrit son roman). Ses aïeux sont slaves. Il n'a pas connu son père et n'a pas eu d'enfants. Il a été écolier à Menton, où sa grand-mère orthodoxe l'emmenait à l'église russe. Titulaire d'une licence en droit, il a pratiqué le journalisme (économie et politique). Il va bientôt mourir : «Dans six mois, sans doute, à en croire mon médecin. Bon! et après? Nous sommes tous condamnés, n'est-ce pas?») (Buisseret 1963b : 15). Il revoit le film de sa vie, comme le personnage Claude Perrin de Pierre Baillargeon, dont le roman, tout comme celui d'Irène de Buisseret, est écrit à la première personne (Baillargeon 1945). Incroyant («j'écartai très tôt Dieu de ma vie», p. 88), il ne cherche pas à «se forger, ici-bas, un grotesque ersatz d'immortalité» (p. 16). L'homme périphérique, dont la circonférence est partout et le centre nulle part, a misé sur la recherche de la perfection (p. 20), la perfection verbale surtout. Il «dresse le bilan [de son] existence en voie de liquidation» (p. 20). Son seul souhait est de «mourir accepté et compris» (p. 19). Pendant la guerre, il a milité dans la Résistance, ce qui lui a permis d'avoir une connaissance intime de la peur. Il parle de sa «fin prochaine» (p. 23) et attend sa «dernière 16 IRÈNE DE BUISSERET aube» (p. 24), conscient de la fuite inexorable du temps qui «ne fuit pas à côté de nous mais en nous, qui n'avons toujours rien fait et ne sommes rien devenus» (p. 28). «Je me demande si je ne resterai pas aussi sur les pourtours de la mort, incapable de réaliser, le moment venu, mon anéantissement» (p. 33). «Mais comment pourrais-je faire œuvre utile quand je roule déjà, pantin disjoint, sur la pente glacée?» (p. 41). «C'est alors que je songeai au suicide» (p. 45). «[...] la mort est aimable [...]» (p. 47). «[J]e compte mes derniers instants» (p. 52) pour en finir une fois pour toute avec la vie et le sentiment d'être un raté sur les plans tant professionnel que moral. Comment ne pas voir dans ces mentions répétées de la mort et du suicide des signes précurseurs du triste destin d'Irène de Buisseret? Son âme respire à travers ce roman. Un lecteur attentif aurait pu percevoir entre les lignes du récit sa déroute intérieure et ses tiraillements existentiels. Les noirs desseins aussi qu'elle envisageait pour mettre un terme à sa souffrance. Comme l'a très bien vu Jean Éthier-Blais : «[...] il suffit d'avoir lu L'Homme périphérique pour savoir qu'Irène de Buisseret exigeait trop de la vie qui était la sienne15». C'est bien là tout le drame personnel de la traductrice. Pour échapper aux épreuves de la vie et à l'idée de la mort qui la tenaillait sans cesse16, Irène de Buisseret a pu compter sur l'écriture et sur toutes les formes de la vie de l'esprit. «Les jouissances de l'esprit, écrivait Madame de Staël, sont faites pour calmer les orages du cœur» (cité par Bredin 1999 : 370). Mais ses démons intérieurs ont fini par être les plus forts et ont scellé son destin. Ses cendres ont été inhumées le 11 août 1971 au cimetière de l'église de Great Barton dans le comté de Suffolk, en Angleterre où, avec Phyllis M. Foot, elle avait l'intention de se retirer une fois à la retraite. Le Guide du traducteur L'auteur disparue, l'Association des traducteurs et interprètes de l'Ontario (ATIO), dont Irène de Buisseret était membre, a voulu perpétuer sa mémoire en transformant en livre son manuscrit de six cents pages17. L'éditeur de Montréal auquel la traductrice avait soumis son texte fut contraint d'abandonner le projet, faute de fonds. On alla frapper à la porte d'au moins trois autres éditeurs, mais sans succès. La présentation peu «orthodoxe» de la matière les rebutait et le grand nombre d'illustrations augmentait considérablement le coût de 17 IRÈNE DE BUISSERET production de l'ouvrage. Les éditeurs consentaient tout au plus d'en publier un abrégé, solution que l'on jugeait inacceptable. Malgré son inexpérience de l'édition, l'ATIO prend le projet de publication sous son aile et tente de le financer par voie de souscription. Andrée Roméro, traductrice et membre de l'ATIO, accepte de coordonner la campagne de souscription. C'est en grande partie à elle que l'on doit d'avoir sauvé l'œuvre du naufrage. Sans son opiniâtreté et le dévouement indéfectible de son équipe de collaborateurs bénévoles18, le Guide n'aurait jamais vu le jour. Un appel aux souscripteurs est lancé. Des communiqués paraissent dans les bulletins des sociétés de traducteurs et dans les périodiques. Le 18 septembre 1972, Andrée Roméro annonce fièrement les résultats de la souscription : montant recueilli : 2525 $; nombre de souscripteurs : 185; date prévue de publication : 15 novembre. En fait, l'ouvrage ne paraîtra qu'en mars 1973. L'impatience des souscripteurs était à son comble... Dès sa parution, le manuel donne lieu à un florilège d'éloges dithyrambiques, malgré une présentation matérielle qui laisse beaucoup à désirer19. Le poète et interprète Ronald Després avait donné le ton dans l'Avant-propos : Dans le désert des plus arides règles de grammaire, [Irène de Buisseret] fait surgir des oasis de mots d'esprit, de pointes d'érotisme. Les lois de la sémantique et de l'humour sont conjuguées de façon si subtile qu'on évolue, imperceptiblement, sous leur double empire. Son crayon rouge cache à l'édition les redites, les rugosités de style, les développements oiseux, et qui sont aussi bien d'elle, de ce verbomoteur enjoué et intarissable (Després 1972 : ix). Dans ce débordement verbal, c'est à qui utiliserait le qualificatif le plus fort pour décrire le manuel. Les critiques y ont vu un «cours plutôt qu'un guide», la «bible du traducteur», un «chef-d'œuvre», une «œuvre magistrale et monumentale», un «livre de chevet pour tout Canadien», une «œuvre posthume capitalissime», un «magistral recueil de préceptes», une «somme», un «magnum opus» renfermant des «pages lumineuses sur la traduction»... Ce style hyperbolique témoigne, certes, des qualités inhérentes à l'ouvrage d'Irène de Buisseret et de l'admiration que l'on portait à son travail remarquable, mais il 18 IRÈNE DE BUISSERET s'explique aussi par le fait qu'à l'époque il devenait urgent de produire des manuels destinés à la formation des traducteurs professionnels. Le Guide du traducteur arrivait à point nommé et fut accueilli comme une sorte de bouée de sauvetage. En effet, à Ottawa, à Montréal, à Trois-Rivières, à Québec, à Moncton, les premières écoles de traduction venaient de voir le jour. En 1969, les législateurs de deux provinces (le Québec et le Nouveau-Brunswick) et ceux du Parlement canadien avaient adopté des lois à caractère linguistique dont les incidences sur la traduction ne laissaient aucun doute (Delisle 1987 : 27-29; 81sqq). La profession était sur le point de connaître une effervescence sans précédent dans l'histoire du pays, ce qui propulsait du coup le dossier de la formation à l'avant-plan des préoccupations des traducteurs. Dans son Avant-propos, Ronald Després regrette que le manuscrit original ait dû être amputé de ses dessins et caricatures. «Il lui manque le piquant de l'œuvre. [...] il fallait le génie d'Irène de Buisseret pour faire éclater, en images qui n'ont rien de pieuses, l'art "monacal" de la traduction. Et il faudra la générosité d'un mécène [...] pour intégrer, à une édition ultérieure, ces savoureux petits dessins» (Després 1972 : p. ix). En outre, le Guide avait été non seulement publié plus ou moins avec les moyens du bord mais, réservé aux seuls souscripteurs, il ne pouvait trouver une large diffusion. Il n'était donc qu'à demi publié. Il fallait à tout prix poursuivre le travail et mettre dans le commerce une édition digne du contenu, digne de son auteur, digne de l'ATIO, digne de la profession. L'édition définitive Deux membres de l'ATIO, le président Fred Glaus et Jacques Itié, prennent le relais d'Andrée Roméro et contactent des éditeurs en vue d'explorer les possibilités d'une réédition. Une collègue d'Irène de Buisseret, Adeline Moravia, réussira à persuader un éditeur de la capitale, Jeremiah L. Green, de la pertinence et de la rentabilité du projet. Grâce au bulletin InformATIO, les membres sont tenus au courant périodiquement de l'évolution du dossier. Denys Goulet, traducteur émérite et membre d'honneur de l'Association, se voit confier la tâche de préparer une nouvelle édition révisée, augmentée, annotée et indexée. Irène de Buisseret se serait réjouie de ce choix car elle avait dit de lui : «C'est le maître. C'est le modèle des réviseurs. Et, ce qui est rare, un réviseur cultivé jusqu'au bout des doigts20». Le 19 IRÈNE DE BUISSERET «conseiller à l'édition» – c'est son titre – s'adjoint les services de la dessinatrice Madeleine Beaudry qui intègre environ deux cents illustrations-caricatures d'Irène de Buisseret et ajoute des dessins de son cru. En frontispice, on reproduit un portrait de l'auteur exécuté au fusain par Eleonore Kish d'après diverses photos que Miss Foot lui avaient remises. Irène de Buisseret n'a plus son «sourire austère» de la photo-passeport du Guide du traducteur. L'artiste a figé dans son dessin une image plus sereine de la disparue, une image-souvenir non pas embellie, mais plus authentique. L'image en tout cas que ceux qui avaient connu la «comtesse» souhaitaient garder d'elle. On songe à rebaptiser l’ouvrage Guide du bilingue canadien, mais on y renonce. Diverses solutions sont envisagées : Bible du traducteur, Bréviaire du traducteur (titres aux connotations religieuses qui n'auraient sûrement pas été du goût de l’auteur), Deux langues, six cultures. On opte finalement pour Deux langues, six idiomes et trois sous-titres : DEUX LANGUES, SIX IDIOMES Manuel pratique de traduction de l’anglais au français PRÉCEPTES – PROCÉDÉS – EXEMPLES – GLOSSAIRES – INDEX Pour un bon entendement des six variétés des deux langues officielles du Canada Après avoir accompli un véritable travail de bénédictin, Denys Goulet remet son manuscrit à l’éditeur le 15 mai 1974. Un an plus tard, presque jour pour jour21, l’ouvrage sort des presses dans une présentation très professionnelle et sous une couverture rigide. Les traducteurs attendaient la nouvelle édition avec impatience. Encore une fois la réception de la critique est hyperbolique. «Que trouve-t-on dans ce volume? Tout», écrit le président de l’ATIO, Fred Glaus dans son Introduction. «Enfin la bible vint», titre Réginald Martel dans La Presse. «Voici réunis presque tous les livres qui peuvent nous aider dans la difficile redécouverte de la langue française» (Martel 1975 : C-3). Armand Roth, dans The Ottawa Citizen, évoque aussi la Bible : «The Translator’s Bible. Coping with Idioms» (Roth 1976 : 74). Pour sa part, Jean Éthier-Blais y voit un chef-d’œuvre, une sorte d’hymne à l’intelligence et aux connaissances : «Irène de Buisseret est l’un des traducteurs qui se lit pour le plaisir d’apprendre. Voici le français et l’anglais à la portée de tous ceux qui prisent l’intelligence et le savoir» (CRCCF, P214/1/11). «Deux langues, six idiomes is not pondrous, 20 IRÈNE DE BUISSERET pedantic, and dull. Every page–every paragraph–sparkles with wit and with very selfdepreciatory approach to omniscience» (DePoe 1975 : 31). Dans ce concert d’éloges, seul Georges Mounin fait entendre une voix discordante. On sait que le linguiste a toujours déploré que le rendez-vous entre la traduction et la linguistique ait été un rendez-vous manqué. L’ouvrage d’Irène de Buisseret en est à ses yeux un exemple éloquent. La culture linguistique de son auteur est solide, mais nourrie de Bally, Dauzat, Brunot, Cohen, Meillet, Georgin, Thérive, elle est vieillie. Même Vinay et Darbelnet ne sont cités que comme auteurs d’articles; leur Stylistique comparée n’est mentionnée que dans la bibliographie. Et Mounin d’enchaîner : Malgré les qualités proprement extraordinaires de l’auteur comme traductrice, et de son livre comme manuel pratique, tout ceci aboutit à une présentation, simplement pittoresque et peu cohérente, des grandeurs et des servitudes de la traduction. Au lieu d’une analyse méthodique, on est en face d’un catalogue brillant et riche [...]. Entre cette somme de faits bien collectés mais mal analysés et mal classés, qui représente le plus haut point atteint par un traducteur de grande classe dans la transmission de son savoir-faire, et le manuel de Vinay et Darbelnet, la comparaison est parlante : la linguistique sert à quelque chose en matière de traduction (Mounin 1978 : 6170). Quatre ans plus tard, Georges Mounin revient à la charge et, dans un jugement sans appel, il écrit : «C’est le modèle du livre à ne plus écrire sur la traduction» (Mounin 1982 : 15). En formulant ce jugement sévère, l’auteur des Problèmes théoriques de la traduction dénonçait la trop grande part d’empirisme qui caractérise les ouvrages que, dans notre classification des manuels de traduction, nous avons rangés dans la catégorie «Notes d’un traducteur de métier» (Delisle 1992 : 24-25). Il est facile de convenir avec Mounin que les manuels de ce genre se caractérisent par l’absence d’un cadre théorique et par «la richesse des exemples, mais le pointillisme des observations, la finesse des solutions, mais l’émiettement des classifications» (Mounin 1982 : 15). Les théories séduisent peu les praticiens. Tout occupés qu'ils sont à résoudre des cas concrets, ceux-ci n'éprouvent pas le besoin de rattacher ces cas particuliers à un ensemble organisé de principes et de règles. 21 IRÈNE DE BUISSERET Outre l’absence de métalangage déjà évoqué, le livre d’Irène de Buisseret ne comporte pas non plus d’objectifs d’apprentissage clairement définis. L’auteur a inclus toutefois des exercices d’application, qu’elle appelle «Jeux», mais aucun texte à traduire. Il faut rappeler, cependant, à sa décharge, qu’au tournant des années 1970, la théorie de la traduction tout comme la pédagogie de cette discipline n’en étaient encore qu’à leurs débuts. Deux langues, six idiomes est l’œuvre d'une pionnière. Enfin, si les citations ont leur place dans un ouvrage didactique, il y a tout de même une limite à ne pas dépasser. Et ce seuil est encore beaucoup plus bas dans un roman. Or, il faut reconnaître qu’Irène de Buisseret était affligée de «citationnite», maladie qu’elle ne répertorie pas dans son traité car il s’agit d’une maladie d’auteur et non de traducteur. Cette affection chronique se manifeste par un usage abusif de citations de tout genre ou par la mention, souvent gratuite, de tel écrivain, tel savant, tel philosophe, tel historien sans nécessairement les citer. Ce syndrome s’apparente au name dropping. Son roman L'Homme périphérique est gâté par trop de citations non justifiées. La citationnite révèle une personne cultivée qui a beaucoup fréquenté les livres, mais en la matière la modération est de mise, au risque de passer pour un pédant qui digère mal intellectuellement. Les avis à ce propos peuvent cependant être partagés : là où les uns verront un prétentieux étalage d’érudition visant à épater le bourgeois22, d'autres y verront un vent rafraîchissant de culture, un périple fascinant au pays de la connaissance23. 22 IRÈNE DE BUISSERET Conclusion Le portrait que nous venons d’esquisser d’Irène de Buisseret nous a fait découvrir une traductrice qui a consacré le meilleur d’elle-même à la traduction, à l’enseignement et à l’écriture. Jusqu’à la fin de sa vie, abruptement interrompue, elle s’est alimentée avidement à tout ce qui nourrit l’esprit et l’imagination. Son drame personnel est d’avoir eu des attentes trop élevées en tout, ce qui lui donnait le sentiment angoissant de n'être jamais à la hauteur. Et pourtant, Dieu sait si elle l'était et si elle excellait en tout!... Ses attentes se manifestaient tout autant envers les êtres humains, les traducteurs que les éducateurs. Cette recherche de la perfection se confondait avec l’effort constant pour se dépasser elle-même. Jamais elle n'aura suivi la voie de la facilité ou de la médiocrité. Elle semblait mal à l’aise dans le monde matérialiste moderne. Il en est ainsi lorsque l'on voue à la vie de l'esprit un culte dominateur. Son désir d’absolu n’avait d’égal que sa soif de communiquer son savoir. Si elle avait vécu au siècle des Lumières, elle aurait tenu un salon littéraire où auraient brillé les plus beaux esprits, en commençant par le sien, et son salon se serait trouvé en concurrence avec ceux de Madame de Staël, de Madame Geoffrin, de Madame du Deffand, de Madame d’Épinay, ou encore avec celui de Madame du Châtelet. On l’imagine facilement s’entretenant avec Voltaire, Diderot, Fontenelle. Irène de Buisseret présente de nombreux traits en commun avec l’écrivain-traducteur Pierre Baillargeon, lui aussi avide de culture classique, qui ne cachait pas son attachement à la langue des siècles où ont brillé Racine et les Encyclopédistes. «Je suis un fanatique de la bonne littérature, de la prose française des XVIIe et XVIIIe siècles, de la clarté, de la simplicité, de l’harmonie, de la probité» (Baillargeon 1939-1967 : 17 mai 1946). Ces deux écrivains ont produit une œuvre essentiellement autobiographique. Dans leurs romans-essais, rédigés dans une langue un tantinet précieuse, abondent les réflexions philosophicolittéraires. Écrivains «cérébraux», ils sont des intellectuels qui n’ont pas honte de leur savoir. Ils ne sont pas, comme les grands écrivains, des sourciers du cœur humain, au souffle puissant, à l'imagination fertile. Leur passion et leur créativité, ils l'exercent surtout sur la langue. Les mots ne les effraient pas. Perfectionnistes jusqu’au bout des ongles, ils ont le même souci du détail, du travail vingt fois remis sur le métier. Leur style traduit leur hantise 23 IRÈNE DE BUISSERET de la verbosité; ils le veulent clair, dépouillé, elliptique, lapidaire. Qu’il s’agisse de travaux d’écriture ou de traduction, ils n'ont qu'un seul et même style : concis et d'une parfaite correction grammaticale. Tous leurs écrits sont soigneusement composés. Il leur manque, toutefois, cette liberté créatrice et imaginative qui produit des effets de sens «impertinents», si l'on ose briser le code et mettre la hache dans la norme. Le don de la formule ne suffit pas pour faire un grand écrivain. Ce qui les rapproche encore c’est leur conception de la langue vue comme une prison. Ces deux auteurs entretiennent la conviction que devenir maître de sa langue, c’est devenir maître de soi-même, c'est se libérer. «La langue est une prison. La posséder, c’est l’agrandir un peu», écrit Pierre Baillargeon (1947 : 131). Irène de Buisseret lui fait écho lorsqu'elle clôt un article intitulé «La clef de la prison» en citant le poète Mistral : «Celui qui connaît sa langue tient la clef qui de sa prison le délivre» (Buisseret 1958a : 486). Sa conception classique de la langue et sa vision humaniste de l’enseignement, Irène de Buisseret les a cristallisées pour ainsi dire dans son manuel, ouvrage qui fait date dans l'histoire de l'enseignement de la traduction au Canada. Pédagogue dans l’âme, l'auteur amène le lecteur dans un voyage de découvertes24. Celui-ci est devant une conférencière érudite, spirituelle, vive, alerte. Elle brille et semble aimer briller. Elle sait en tout cas captiver son auditoire. Deux langues, six idiomes a la forme d’un cours parlé, éloquent, pittoresque, composé pour une bonne part de notes de lecture. La conférencière-traductricethérapeute, gardienne de la norme, s’adresse au lecteur personnellement, comme s’il était devant elle et lui prodigue mille et un conseils tirés de son expérience. Esprit des plus doués qui a réfléchi et médité sur son activité, elle l’entraîne dans ses fines analyses et dégage au détour de ses réflexions préceptes et procédés de traduction, sans que tout cela forme cependant un ensemble cohérent bien structuré. Certains aspects du manuel ont beaucoup vieilli, plusieurs glossaires, notamment. La métaphore filée qui court à travers toutes les pages de l'ouvrage ne manque pas de pittoresque, mais il existe désormais un vocabulaire précis et étoffé pour enseigner la traduction et tenir un discours systématique et rigoureux sur cette pratique. En outre, d’un point de vue strictement didactique, on a publié, depuis la parution de ce livre, il y a une trentaine d'années, des manuels mieux adaptés aux besoins des 24 IRÈNE DE BUISSERET étudiants et aux programmes de formation, et respectant davantage les règles de l'art en la matière. Si la pratique de la traduction exige la connaissance de techniques particulières, il en va de même de la rédaction d'un ouvrage didactique. Mais gardons-nous de juger trop sévèrement ceux qui ont le courage et le mérite de frayer la voie, de s’aventurer dans des contrées peu explorées. Retenons qu'Irène de Buisseret a été «une princesse de l’esprit, précieuse et naturelle à la fois. [...] Elle incarnait un curieux alliage de magicienne et de femme du monde, d’artiste et de doctoresse» (Després 1971 : 7). Cette traductrice au destin tragique passera à l’histoire comme une figure d’excellence et une pionnière de la pédagogie de la traduction. JEAN DELISLE École de traduction et d'interprétation Université d'Ottawa (Canada) 25 IRÈNE DE BUISSERET Notes 1. Conrad de Buisseret est né à Ixelles (Belgique), le 14 mars 1865. Le 17 août 1896, il prend pour épouse une Américaine, Caroline Sherman Story. De cette union naissent cinq enfants. Trois ans après le décès de sa femme survenu le 30 décembre 1914, il épouse en secondes noces, le 3 février 1917, Lydia Sokol, de Petrograd. Il est alors âgé de cinquante-deux ans et en poste à Petrograd. Irène naît treize mois plus tard. Au cours de sa carrière, le diplomate se verra confier de nombreuses missions : Berlin, 1886; Bucarest, 1890; Belgrade, 1891; Vienne et Rio de Janeiro 1892; Washington, 1894; Constantinople et Vienne 1896; Tanger, 1902; États-Unis, 1909; Petrograd, 1917. Retraité en 1921, il décède à Gand (Belgique) le 3 février 1927. Irène n'a pas encore neuf ans. 2. Notamment France-Illustration, France-Intérieur, Chronique de France, Cahiers du NouveauMonde, Synthèses. 3. La Nouvelle Revue Canadienne a existé de 1951 à 1956. Fondée et dirigée par le traducteur Pierre Daviault qui, en 1951, était chef de la Division des débats et qui sera nommé surintendant du Bureau des traductions en 1955, cette revue comptait de nombreux traducteurs dans les rangs de ses collaborateurs. Citons entre autres Rosette Renshaw (première femme autorisée à travailler à la Division des débats), Jacques Gouin, Gérard Morisset, Raymond Robichaud et Jean-Marc Poliquin. C'est d'ailleurs dans cette publication que Pierre Daviault a publié par tranches la nouvelle version de son ouvrage terminologique Traduction qui deviendra en 1961 Langage et traduction. 4. Le gouvernement du Québec a acheté cet ouvrage pour en faire la distribution dans les écoles de la province. Irène de Buisseret avait déjà publié en France, où elle était membre de la Société des gens de lettres, un livre pour enfants Contes sur la mousse; voyage au pays de la fantaisie (1945) pour 26 IRÈNE DE BUISSERET lequel elle avait obtenu en 1946 le prix Cendrillon. Dans la même veine, l'auteur a aussi laissé un manuscrit dactylographié inédit de soixante-dix-sept pages intitulé Histoire drôlatique [sic] de France et de Navarre. Entièrement revue et falsifiée à l'usage des écoles buissonnières et des établissements d'amusement supérieur. Ce texte illustré de photos et de dessins aurait été écrit vers 1949. Il renferme des jeux de mots faciles, des citations littéraires déformées, des traductions fantaisistes. En voici deux extraits : «Ne se lavant oncques avant leur mariage, les demoiselles hébergeaient moult régiments de puces – ce pourquoi étaient appelées pucelles» (CRCCF, P286/1/9 : 14b). «Le Canada fut exploré par Jacques Cartier, fin latiniste, surnommé Cartier latin, qui donna son nom à un arrondissement de Paris» (ibid. : 28). Si ce manuscrit avait trouvé grâce aux yeux d'un éditeur, il aurait été à n'en pas douter sévèrement jugé par l'auteur elle-même qui l'aurait sûrement considéré comme une «œuvre de jeunesse», voire une «erreur de jeunesse». L'ouvrage n'aurait en tout cas rien ajouté à sa réputation. 5. En 1951, Irène de Buisseret avait écrit : «L'ignorance et la bêtise sont les conditions nécessaires non seulement du bonheur, mais de la vie même. Si les hommes savaient tout, ils ne pourraient supporter l'existence une heure; les sentiments qui nous rendent la vie douce ou tolérable naissent de mensonges et se nourrissent d'illusions» (Buisseret 1951b : 41). 6. Irène de Buisseret avait aussi dédié «affectueusement» à Rodolphe Denoncourt son livre de contes pour enfant Kotikoti. Il ne nous a pas été possible de savoir qui était cet ami cher et ce grand humaniste. 7. En France, l'ingénieur et traducteur de textes techno-scientifiques Jean Maillot avait fait paraître La Traduction scientifique et technique (Paris, Eyrolles, 1969, 233 p.). Sans être un manuel au sens propre du terme, cet ouvrage consignait l'expérience de ce traducteur de métier et servait en enseignement. 8. Il nous plaît de croire que cette lacune a été en partie comblée par la publication de Terminologie de 27 IRÈNE DE BUISSERET la traduction / Translation Terminology / Terminología de la traducción / Terminologie der Übersetzung, publié sous la codirection de Jean Delisle, Hannelore Lee-Jahnke et Monique C. Cormier (Amsterdam, John Benjamins Publishing, 1999). Cet ouvrage propose quelque deux cents termes utiles en enseignement pratique de la traduction. 9. Les deux éléments de ce syndrome sont le «complexe du maître d'école, qui porte non seulement à traduire un texte mais encore à le corriger et la mirandolite, ou fièvre de Pic de la Mirandole, qui porte à l'enjoliver» (Buisseret 1975 : 108). Pour des raisons d'ordre pratique, nous citerons l'édition définitive de 1975 du manuel réédité sous le titre Deux langues, six idiomes, et non le manuscrit original conservé à l'Université d'Ottawa. 10. Voir le portrait de ce traducteur canadien que nous avons publié dans Portraits de traducteurs (Delisle 1999 : 259-301). 11. En énonçant cette loi elle reprenait l'opinion de Goethe : «Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiss nichts von seiner eigenen.» (Ceux qui ne connaissent pas de langues étrangères ne savent rien de leur langue maternelle.) 12. La Stylistique comparée du français et de l'anglais de Jean-Paul Vinay et Jean Darbelnet, tous deux d'origine française également, est née dans des circonstances similaires, de l'aveu même des auteurs (Vinay et Darbelnet 1958 : 17-22). 13. On a dit à l'époque qu'elle avait laissé une lettre-testament sur un banc public en bordure du canal, mais nos recherches dans les archives judiciaires pour prendre connaissance de cette lettre sont restées vaines. 14. Perséphone est une jeune divinité grecque, fille de Zeus et de Déméter. Elle est la reine des Enfers, tout comme, chez les Romains, l'est Prospérine, fille de Jupiter et de Cérès. 28 IRÈNE DE BUISSERET 15. Lettre de Jean Éthier-Blais (Montréal, 6 mars 1973) à Andrée Roméro (Ottawa). 16. Dans L'Homme périphérique, elle fait dire à son personnage principal, son double jusqu'à un certain point : «Je me demande si je n'ai pas été empêtré, trop longtemps, dans mon sens du drame, dans le sentiment aigu de la tragédie humaine» (Buisseret 1963b : 93-94). 17. Irène de Buisseret avait désigné Phyllis Margaret Foot légataire testamentaire du copyright de son manuel afin de sceller une amitié de vingt-cinq ans. Miss Foot habitait Bury St. Edmunds, dans le comté de West Suffolk (Angleterre). Celle-ci avait nommé à son tour Andrée Roméro gardienne en droit du manuscrit. 18. Ronald Després, Hélène Déziel, Denys Goulet et Michèle MacKinnon. 19. Photocopie dont la mise en pages est très artisanale : absence d'italiques, de polices de caractères et de justification, tableaux irréguliers tracés à la main, nombreux soulignements inesthétiques, etc. Nous n'étions pas encore entrés dans l'ère des logiciels de traitement de textes et de l'éditique... La photographie de l'auteur reproduite au dos de l'ouvrage ressemble à une photo de passeport et présente une Irène de Buisseret au sourire triste et austère. L'impression des trois cent cinquante exemplaires réservés aux souscripteurs de cette édition hors commerce a été confiée à la firme Campbell's Reproduction d'Ottawa. 20. Nous avons publié une courte notice biographique de Denys Goulet dans «Historique de l'enseignement de la traduction à l'Université d'Ottawa» (Delisle 1981 : 11). 21. L’achevé d’imprimer porte la date du 10 mai 1975, à Hull par Richelieu Graphics. 22. Clément Lockquell a la dent dure à l’égard de L’Homme périphérique : «Le lecteur [...] culbute à chaque pas sur une réminiscence historique gratuitement invoquée, sur une allusion "fine", sur des grands penseurs cités sans nécessité. Bref, on est traîné de force le long d’un éventaire de pacotille 29 IRÈNE DE BUISSERET "culturelle" qui finit par faire sourire après avoir agacé. [...] Pas une page où le savoir encyclopédique s’étale. Vingt fois le livre vous tombe des mains. [...] C’est faux jusqu’à la fin» (Lockquell 1963 : 1516). 23. C'est le cas de Ronald Després, qui a bien connu Irène de Buisseret. Loin d'être agacé par la «citationnite», il y voit une qualité : «Jeux de mots rares, comparaisons éblouissantes, juxtapositions d’images savantes, rien de tout cela ne détonnait chez elle. Elle ne faisait pas étalage d’érudition : elle écrivait comme elle parlait, et elle parlait une langue ample et moirée» (Després 1971 : 7). 24. S’il avait rédigé un manuel de traduction, Pierre Baillargeon aurait produit, à n'en pas douter, un ouvrage en tous points semblables à celui d’Irène de Buisseret. Remarquons en passant que ces deux traducteurs avaient à peu près le même âge lorsqu'ils sont décédés : Baillargeon (1916-1967) à cinquante et un ans; de Buisseret (1918-1971) à cinquante-trois ans. 30 Annexe GLANURES Sont regroupées ici quelques réflexions sur la traduction et la langue recueillies dans l'œuvre d'Irène de Buisseret. LE TRADUCTEUR EST MALADE Qui ne connaît l'apophtegme célèbre du docteur Knock : «Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore?» Hélas, c'est vrai. Vrai également que tout traducteur l'est aussi. Mauvais, médiocres, bons ou excellents, nous sommes tous malades, tous contaminés à des degrés divers. Je le suis probablement plus que les autres; mais, l'âge aidant, je ne l'ignore plus. «Hou! la vilaine langue...», s'écrierait un homme de l'art qui chercherait les symptômes de notre mal ou, plutôt, de nos maux. «Il va falloir sérieusement soigner ça.» Eh oui, notre langue est vilaine et nous sommes très souffrants. Mais ne nous affolons pas car, en effet, ça se soigne. (Deux langues, six idiomes, 1975 : 1) LE MIROIR : INSTRUMENT DU TRADUCTEUR Si vous êtes traducteur, votre instrument n'est ni la lyre, ni le pinceau – c'est le miroir. Un monsieur qui verrait dans la glace son reflet encadré soudain d'une tignasse préhistorique, ou coiffé d'une perruque Louis XIV, renverrait par le premier courrier au fabricant un miroir qui ne fait pas honnêtement son métier, car on ne lui demande pas d'enjoliver mais de refléter, un point c'est tout. Un texte anglais, reflétons-le pour ainsi dire en français, mais en français du milieu et du moment. Tout cela peut se résumer en sept mots bien sentis : nous sommes traducteurs et non essentiellement écrivains. (Deux langues, six idiomes, 1975 : 55-56) L'ANGLAIS EST UN CONGLOMÉRAT À chaque génération ses mirages et ses leurres. Aujourd'hui il existe des traducteurs convaincus qu'ils ont pour métier de traduire vers le français un idiome mythique formant un bloc massif et qu'ils appellent «l'anglais». Lamentable et périlleuse chimère! Pas plus que la matière, «l'anglais» n'est 31 IRÈNE DE BUISSERET une masse solide et indifférenciée. La langue que nous traduisons est en réalité un conglomérat de particules linguistiques, dont les trois principales sont le britannique, l'américain et le canadian [sic]. Sous les voiles de l'illusion, c'est la vérité que nous devons apprendre à regarder bien en face. D'ailleurs, cette vérité devrait être pour nous tous un truisme éculé, si nous relisions de temps à autre les bons auteurs. (Deux langues, six idiomes, 1975 : 121) LE NÉO-FRANÇAIS, FER DE LANCE DU FRANÇAIS Comme traducteurs, nous devons connaître le français universel et notamment le néo-français qui en est le fer de lance. Disons adieu à toute mentalité de clan, sortons bravement de la forteresse pour nous installer sans crainte au carrefour, où passent les grands courants de notre époque. Et disons-nous bien que si, à force d'application et de recherches, nous ne demeurons pas constamment en avance sur les dictionnaires, nous serons très vite affreusement en retard sur la langue. (Deux langues, six idiomes, 1975 : 410) L'ABSTRAITISATION DU CONCRET Le processus d'abstraitisation du concret n'est jamais identique dans deux langues données. Dans la langue de départ, certains termes peuvent être assez déconcrétisés pour servir au figuré, mais les termes correspondants, dans la langue d'arrivée, ne le seront pas nécessairement. L'extension et la profondeur du processus de déconcrétisation n'est pas toujours parallèle. C'est tout naturel, car une langue est une institution qui reflète les besoins, les tendances et l'évolution d'un groupe linguistique et national à caractère propre et unique. [...] A mouthful est déconcrétisé en anglais; «une bouchée» ne l'est pas en français [sauf dans «Elle est si jolie, je n'en ferais qu'une bouchée»]. Au lieu de «Vous avez dit là une bouchée», il [faut] tourner la phrase autrement : «Vous avez mille fois raison». (Deux langues, six idiomes, 1975 : 98) 32 IRÈNE DE BUISSERET GRAMMAIRE ET PURETÉ DE LA LANGUE Une langue doit d'abord être pure. Il faut donc commencer par connaître sa grammaire, cette grammaire qui, jadis, «savait régenter jusqu'aux rois» et qui aujourd'hui ne trouve plus que d'indociles sujets. La chose est navrante, car pour paraphraser un linguiste distingué, il n'est peut-être pas nécessaire de parler, mais si l'on parle, il faut que cela soit en langue véridique et de bonne couleur, et il faut pour cela connaître la grammaire. (Défense et illustration du français, 1958c : 562) LES ENNEMIS DE LA LANGUE La langue a des ennemis insidieux qu'il [faut] combattre d'un cœur vaillant et avec un dessein bien arrêté. Je parle des barbarismes gluants, des tournures vicieuses, des hideux solécismes, hydres dont les têtes repoussent sans cesse à travers les âges et malgré tous les coups qu'on leur porte. (Défense et illustration du français, 1958c : 562) 33 RÉFÉRENCES 1. Sources a) Sources manuscrites Université d’Ottawa (U. d’O.), Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) : Fonds Andrée-Beausoleil-Roméro, P214 Fonds de l’Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario, C34 Fonds Denys-Goulet, P204 Fonds Irène-de-Buisseret, P286 Fonds Famille-de-Buisseret, P301 Fonds Jacques-Gouin, P26 Fonds Jean-Delisle, P207 BUISSERET, Irène de (1949?), Histoire drôlatique [sic] de France et de Navarre. Entièrement revue et falsifiée à l’usage des écoles buissonnières et des établissements d’amusement supérieurs. Nombreuses illustrations. 72 p. Inédit. U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret, P286/1/9. BUISSERET, Irène de (s. d.), «Perséphone», partition manuscrite d’une dizaine de chansons composées par Phyllis Margaret Foot sur des paroles d’Irène de Buisseret, U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret, P286/1/13. BUISSERET, Irène de (1969-1970), manuscrit original du Guide du traducteur, U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret, P286/1/2 à 6. BUISSERET, Irène de (1970), transcription de l’interview réalisée par France l’Abbé pour l’émission «Femme d’aujourd’hui» diffusée sur les ondes de Radio-Canada le 27 octobre 1970, 12 p. U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret, P286/1/12. Lettre de Jean Éthier-Blais (Montréal, 6 mars 1973) à Andrée Roméro (Ottawa), U. d’O., CRCCF, Fonds Andrée-Beausoleil-Roméro, P214/1/1. Lettre d’Andrée Roméro (Ottawa, 14 mars 1973) à Jean Éthier-Blais (Montréal), U. d’O., CRCCF, Fonds Andrée-Beausoleil-Roméro, P214/1/1. Lettre de Fred Glaus (Ottawa, 13 mars 1974) à Rosaire Parent (Montréal), U. d’O., CRCCF, Fonds Andrée-Beausoleil-Roméro, P214/1/2. b) Sources iconographiques Irène de Buisseret, (ca 1945), U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret (P286), Ph113-1. Irène de Buisseret, (ca 1955), U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret (P286), Ph113-5. IRÈNE DE BUISSERET Irène de Buisseret, Paris (ca 1960), U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret (P286), Ph113-3. Irène de Buisseret, (ca 1971?), U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret (P286), Ph113-4. Irène de Buisseret, (date inconnue), U. d’O., CRCCF, Fonds Irène-de-Buisseret (P286), Ph113-2. Irène de Buisseret, Ottawa, (1958). U. d’O., CRCCF. Photo Paul Harsdal, Ottawa, Ph30B45. Irène de Buisseret, portrait au fusain par Eleonore Kish (Ottawa). En frontispice de Deux langues, six idiomes, Ottawa, Carlton-Green Publishing, 1975. c) Sources sonores Interview d’Irène de Buisseret par France l’Abbé pour l’émission Femme d’aujourd’hui diffusée sur les ondes de Radio-Canada le 27 octobre 1970. No du film : 1-3226-0958. Durée : 16 min, 45 s. U. d’O., CRCCF, film S63/1/1,2. «Perséphone» (s. d.), paroles de chansons écrites par Irène de Buisseret sur une musique de Phyllis Margaret Foot, U. d’O., CRCCF, audiocassette S63/1/1,2. d) Sources imprimées i) ouvrages BAILLARGEON, Pierre (1939-1967), Journal. Copie inédite dactylographiée à partir de carnets noirs originaux, non paginés. BAILLARGEON, Pierre (1945), Les Médisances de Claude Perrin, Montréal, Lucien Parizeau, 197 p. BAILLARGEON, Pierre (1947), Commerce, Montréal, Les Éditions Variétés, 185 p. BUISSERET, Irène de (1945), Contes sur la mousse; voyage au pays de la fantaisie, Paris, Éditeur Guy Le Prat, 105 p. BUISSERET, Irène de (1963a), Kotikoti ou la poule qui voulait devenir artiste, couverture et illustrations par Fylis [sic], Montréal, Librairie Beauchemin, 107 p. BUISSERET, Irène de (1963b), L’Homme périphérique, Montréal, Éditions «À la page», 143 p. BUISSERET, Irène de (1972), Guide du traducteur, Ottawa, Association des traducteurs et 35 IRÈNE DE BUISSERET interprètes de l’Ontario, 450 p. Édition hors commerce tirée à 350 exemplaires réservés aux souscripteurs du «Fonds Irène-de-Buisseret» et marquée H.C. 1 à H.C. 350. Œuvre posthume. BUISSERET, Irène de (1975), Deux langues, six idiomes. Manuel pratique de traduction de l’anglais au français. Préceptes, procédés, exemples, glossaires, index, dessins de Madeleine Beaudry, Ottawa, Carlton-Green Publishing Company, xii-480 p. Œuvre posthume. ii) Articles BUISSERET, Conrad [pseud. d’Irène de Buisseret] (1949), «Can France Govern Herself?», dans Saturday Night, 29 novembre, p. 9-11. BUISSERET, Conrad [pseud. d’Irène de Buisseret] (1951a), «Bruits et odeurs de Rome», dans La Nouvelle Revue Canadienne, vol. 1, no 2, avril-mai, p. 35-39. BUISSERET, Conrad [pseud. d’Irène de Buisseret] (1951b), «Éloge de la sottise», dans La Nouvelle revue canadienne, vol. 1, no 3, juin-juillet, p. 34-51. BUISSERET, Conrad [pseud. d’Irène de Buisseret] (1952), «Where Is France Going?», dans Canadian Business, octobre, p. 26-28; 76. BUISSERET, Irène de (1956), «Invictus» (poème), dans La Nouvelle Revue Canadienne, vol. 3, no 5, p. 264. BUISSERET, Irène de (1958a), «La clef de la prison», dans L’Action nationale, vol. 47, nos 6-7, février-mars, p. 477-486. BUISSERET, Irène de (1958b), «Le regard fixé sur l’image totale du monde», dans Le Droit, 16 avril 1958, p. 14. BUISSERET, Irène de (1958c), «Défense et illustration du français. Lettre à mon filleul qui va avoir seize ans», dans L’Action nationale, vol. 47, nos 8-9, mai-juin, p. 555-569. BUISSERET, Irène de (1958d), «Les trésors de la langue française sont à notre portée», dans L’Action nationale, vol. 48, nos 3-4, novembre-décembre, p. 109-116. (Suite de la lettre à son filleul.) BUISSERET, Irène de (1959a), «La langue est fille mais surtout mère de la pensée», dans L’Action nationale, vol. 48, no 5, janvier, p. 150-155. (Suite de la lettre à son filleul.) 36 IRÈNE DE BUISSERET BUISSERET, Irène de (1959b), «La langue, œuvre d’art et créatrice de beauté», dans L’Action nationale, vol. 48, no 6, février, p. 212-223. (Suite de la lettre à son filleul.) BUISSERET, Irène de (1959c), «Le mythe, c’est l’homme et c’est la nation», dans L’Action nationale, vol. 49, no 1, septembre, p. 8-15. BUISSERET, Irène de (1959d), «Le suicide culturel d’une nation», dans L’Action nationale, vol. 49, no 4, décembre, p. 251-259. BUISSERET, Irène de (1960a), «M. 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