Journal des anthropologues
Association française des anthropologues
126-127 | 2011
Formations et devenirs anthropologiques
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une
démarche clinique d’orientation psychanalytique
en sciences de l’éducation
Questionnements et pratiques
Openness to Anthropology and Connection to a Psychoanalytically-Oriented
Approach in the Education Sciences
Françoise Hatchuel et Maryline Nogueira-Fasse
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/jda/5563
DOI : 10.4000/jda.5563
ISSN : 2114-2203
Éditeur
Association française des anthropologues
Édition imprimée
Date de publication : 15 décembre 2011
Pagination : 273-291
ISBN : 979-10-90923-02-7
ISSN : 1156-0428
Référence électronique
Françoise Hatchuel et Maryline Nogueira-Fasse, « Ouverture à l’anthropologie et articulation à une
démarche clinique d’orientation psychanalytique en sciences de l’éducation », Journal des
anthropologues [En ligne], 126-127 | 2011, mis en ligne le 15 décembre 2013, consulté le 05 mai 2019.
URL : http://journals.openedition.org/jda/5563 ; DOI : 10.4000/jda.5563
Journal des anthropologues
OUVERTURE À L’ANTHROPOLOGIE ET ARTICULATION
À UNE DÉMARCHE CLINIQUE D’ORIENTATION
PSYCHANALYTIQUE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION
Questionnements et pratiques
Françoise HATCHUEL* – Maryline NOGUEIRA-FASSE∗
Cet article se propose de montrer de quelle façon une certaine
ouverture à l’anthropologie peut constituer un outil pertinent dans
un cursus de sciences de l’éducation ainsi que pour la formation des
enseignants et enseignantes et, au-delà, dans tous les métiers dits
« du lien ».
Notre ancrage disciplinaire institutionnel et notre
professionnalité se situent en effet du côté des sciences de
l’éducation et de la formation, comme enseignante-chercheuse et
coordinatrice d’un master de formation à l’intervention et à
l’analyse de pratiques pour l’une, et comme doctorante, enseignante
en primaire et formatrice d’enseignant-e-s pour l’autre. En
cohérence avec l’équipe « clinique du rapport au savoir » à laquelle
nous appartenons, nos travaux se réfèrent à la démarche clinique
d’orientation psychanalytique (Blanchard-Laville et al., 2005) et
s’attachent avant tout à une compréhension de la dynamique propre
de chaque psychisme.
Dans le même temps, notre questionnement autour de la
singularité des psychismes prend en compte ce que nous
∗ Centre de Recherches en Education et Formation, Université Paris Ouest
Nanterre La Défense – 92100
Courriel : hatch@u-paris10.fr – marynofas@orange.fr
Journal des anthropologues n° 126-127, 2011
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Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
considérons comme un « arrière-plan anthropologique » et nous
étudions les psychismes non pas pour eux-mêmes, mais en lien avec
les questions humaines fondamentales auxquels ils sont confrontés
(à commencer par celle de la transmission) et avec les étayages que
les différentes sociétés peuvent leur apporter pour ce faire :
l’anthropologie nous aide ainsi à comprendre à quoi les humains
font face, et de quels outils les sociétés les dotent pour cela, tandis
que la clinique d’orientation psychanalytique nous conduit à saisir,
pour chaque sujet, comment il y fait face et avec quels enjeux
psychiques. Nous plaidons donc pour une anthropologie que nous
qualifions de « clinique », dans un aller-retour permanent entre
questions fondamentales et réponses apportées temporairement par
les structures sociales et les psychismes à ces questions.
La démarche clinique s’efforce de : « passer d’une discipline
(la psychologie clinique) à un mode de connaissance adaptable à
une pratique » (ibid. : 122). Nos démarches de recherche sont donc
ancrées dans nos pratiques de « terrain » d’enseignantes et de formatrices. Clinique d’orientation psychanalytique et anthropologie
se rejoignent sur la question de l’engagement et de la prise de
risque face au réel et dans le souci qu’elles ont de questionner
l’altérité et la « rencontre » avec le terrain, notamment dans la
façon de penser l’articulation entre égalité et différence. Ce n’est
évidemment pas un hasard si Georges Devereux, précurseur de
l’utilisation d’une telle démarche d’inspiration psychanalytique en
sciences sociales et humaines (1980), était avant tout anthropologue
et ethnologue.
Dans nos pratiques d’enseignement, l’anthropologie nous
permet ainsi d’étayer la professionnalisation de nos étudiants et
étudiantes en montrant en quoi les questions vives qui se posent
dans leurs propres pratiques ne sont, finalement, qu’une modalité
particulière, dans des institutions données, de problèmes communs
à l’humanité : comment et pourquoi transmettre, comment se
rencontrer et échanger, qu’est-ce que donner, sur quelles bases
instaurer la confiance ? Etc. Nous voyons alors que ces questions
traversent en permanence les métiers dits « du lien » et qu’elles
agissent et résonnent au cœur des problématiques professionnelles
274
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
de chacun-e, ce que les travaux demandés (dossiers collectifs, écrits
élaboratifs, analyses de situation) permettent de travailler. Nous
allons en donner différents exemples issus de nos différents lieux
d’intervention : un cours intitulé « Anthropologie et éducation :
approche psychanalytique » en licence et master 1 de sciences de
l’éducation, une réflexion sur le passage en formation initiale
d’enseignant-e-s, des élaborations autour du rapport au savoir en
master 2.
En licence et master 1 de sciences de l’éducation : prendre
conscience de la notion de fonction
Insérer et transmettre
Un des apports principaux de l’anthropologie en sciences de
l’éducation nous semble résider dans le fait, pour nos étudiant-e-s,
de prendre conscience que les pratiques professionnelles auxquelles
ils et elles se destinent (ou qu’ils et elles exercent déjà)
correspondent à des « fonctions » nécessaires dans toute société,
mais pas forcément assurées sous forme de profession spécifique.
Une des plus caractéristiques est sans doute constituée par ce que
nous pourrions appeler « fonction d’affiliation à un groupe »,
c'est-à-dire le fait, pour toute société, de devoir mettre en place des
dispositifs s’assurant de l’insertion des plus jeunes dans le « corps
social » préexistant. De nombreux travaux d’ethnologues nous
montrent comment, très tôt, les plus jeunes sont pris en charge par
différents dispositifs, réels ou symboliques, marquant leur
appartenance à un groupe donné. Une des situations les plus
radicales nous semble être la circulation des enfants chez les Inuits
telle que la décrit Bernard Saladin d’Anglure (1988) lorsqu’il
montre que près d’un tiers des enfants, notamment les aîné-e-s des
jeunes couples, grandissent dans un autre foyer que celui de leurs
parents biologiques, pratique qu’il relie à celle du partage des
produits de la chasse et des échanges rituels de conjoints : « Il
s’agissait pour le groupe, pensons-nous, de se prémunir de tout
excès d’individualisme chez les jeunes adultes, surtout lorsque la
chance les favorisait dans la production de gibier et la procréation.
[…] Une part sociale de 15 à 30% des gibiers, des aliments, des
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Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
enfants et de la sexualité conjugale n’était certainement pas trop
cher payé cette assurance pour le futur, contrôlée par les anciens,
par ceux qui nomment, qui transfèrent, qui gèrent et qui échangent
le capital social et symbolique de la société » (ibid. : 161). Message
implicite aux jeunes adultes mais aussi à leurs enfants, qui
apprennent ainsi que l’essentiel (au moins du point de vue de ce qui
est affiché socialement) n’est pas le foyer où l’on grandit, mais
l’appartenance au groupe. Dans d’autres cas, c’est l’appartenance à
une lignée qui prévaudra, ce qui fait écrire par exemple à Christian
Geffray (1990 : 104) qu’« il n’y a pas de "mère" en pays makhuwa,
seulement des femmes de l’autre sous-groupe d’appartenance du
locuteur » et « pas de "père" […] que des affins de l’autre
sous-groupe d’appartenance » (ibid. : 153). Si bien que, dans le
contexte makhuwa qu’il décrit, le nihimo, le nom du clan si
précieusement transmis lors des initiations constitue la référence
principale des liens auxquels doit se référer l’enfant : « Il s’agit
d’une symbolisation du lien social qui rapporte l’enfant à l’autorité
de celui qui prétend, en son nom propre ou au nom de son groupe,
avoir transmis l’esprit, le nihimo, le sang ou le gamète à l’enfant »
(ibid. : 163).
Quel que soit le foyer où grandissent les enfants, aucune
société ne les laisse aux prises avec les seuls adultes qu’ils
fréquentent au quotidien. Si « il faut plus qu’un homme et une
femme pour faire un enfant », selon la belle formule de Maurice
Godelier (2007), cette assertion vaut non seulement, comme cet
auteur le montre, pour les mythes qui président à la conception et
qui tous, font intervenir un élément transcendant, esprit surnaturel
ou âme d’un ancêtre, mais aussi pour l’accompagnement de l’enfant
tout au long de sa jeunesse : c’est toute la société qui est
symboliquement présente dans ce processus, avec ses valeurs et ses
croyances. Et c’est bien de cela qu’il s’agit pour « faire grandir »1
un enfant : l’insérer dans un système plus large que les adultes
auxquels il est « confié », système auquel il adhérera et qui lui
1
L’expression est empruntée au titre d’un dossier de la revue Topique
(2006).
276
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
garantira une place en même temps que lui-même contribuera à en
assurer la pérennité.
De tels apports permettent ainsi aux étudiants et étudiantes de
situer leur professionnalité, qu’il s’agisse d’enseignement ou d’aide
à ce qui est considéré en Occident comme « la parentalité »
(Houzel, 1999), comme un mode de faire historiquement et
culturellement marqué, répondant à la nécessité pour une société
d’apposer sa marque sur les enfants, relativisant ainsi par exemple
certains débats récurrents, tel celui sur les relations école-famille :
ne pas laisser enfants et familles dans une relation duelle implique
une fonction de séparation assurée dans nos sociétés par l’école ;
l’anthropologie nous enseigne qu’il n’est pas aberrant que cette
fonction soit parfois vécue comme violente.
De plus, si la première fonction à assumer pour une société est
de se reproduire et donc de transmettre (une société qui n’y
parviendrait pas serait bien évidemment vouée à une disparition
rapide), nous faisons l’hypothèse qu’il devient difficile, pour toute
société, d’imaginer que cette transmission pourrait échouer. Nous
parlons alors de « déni anthropologique » (voir par exemple
Hatchuel, 2010). Ramené au cas de l’école occidentale, ce déni
devient celui des difficultés auxquelles expose tout apprentissage,
les blocages scolaires se transformant alors en pathologies individuelles à éradiquer, au lieu d’être considérés comme des moments
ordinaires d’un processus complexe qu’il faut accompagner. On
voit ici comment l’anthropologie aide à prendre du recul par
rapport aux injonctions de l’institution.
Don et contre-don
De la même façon, les travaux sur le don (voir par exemple
Mauss, 2007 ; Godelier, 1996 ou Godbout, 2000) nous aident à
penser les métiers du lien et la façon dont ils sont investis, en
soulignant notamment la dimension agonistique du don et les
relations de pouvoir, voire d’emprise, à l’œuvre. Un ouvrage
comme celui de Paul Fustier (2000) qui montre comment, en
institution, le don est forcément présent et peut constituer un outil
d’élaboration pour l’usager, l’incitant à questionner son lien au
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Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
professionnel qui lui fait face, sera ici précieux. Fustier montre que
ce sont les rituels qui pourront faire passer l’usager d’une position
de récipiendaire à une position de donateur, opérant ainsi le passage
générationnel nécessaire et souvent occulté dans la relation d’aide.
Mais la réflexion sur le don peut aussi être l’occasion d’interroger
des pratiques en apparence éloignées. Articulée à un travail
d’élaboration personnelle, elle vient alors repositionner le professionnel, comme en témoigne cet extrait du dossier d’une étudiante :
J'ai été amenée à conduire un rattrapage d'été en mathématiques à
une collégienne. Elle avait « décroché » depuis deux ans et le défi
était de lui permettre de se remettre à l'aise avant son entrée en 3e. À
la fin du stage de 40 heures, j'ai remercié cette élève puisque grâce à
elle je m’étais réconciliée avec les mathématiques. Elle en a été très
décontenancée mais m'a paru assez fière d'entendre cela.
Proposer ce stage ne s'est pas fait sans de grandes inquiétudes pour
moi puisque je n'ai pas un souvenir très agréable des mathématiques,
dont j'avais abandonné la compréhension à mon passage au lycée.
[…] Chaque après-midi, je me devais de préparer la leçon du
lendemain et d'effectuer tous les exercices, afin de bien comprendre
ce qui s'y jouait et également d'éviter d'être prise de court dans la
compréhension des notions et ainsi mieux les lui transmettre. Les
premiers jours, je faisais cela avec angoisse (à cause de certaines de
mes incompréhensions et de ma peur de ne pas être à la hauteur),
mêlée d'un peu d'ennui. Les jours passant c'est avec joie que je
retrouvais mes livres et mon cahier pour préparer la matinée
suivante : je réussis petit à petit à m'amuser avec l'algèbre, les règles
de calcul et les équations ! Aussi, à la fin du stage ai-je eu envie de
ne plus faire semblant auprès de cette élève, qui avait ardemment
travaillé et décidai de lui expliquer à quel point travailler avec elle
m'avait apporté une légèreté vis-à-vis des mathématiques, et combien
je la remerciai pour cela. J'ai à présent l'impression que cette
adolescente m'a offert un contre-don, à son insu, et qu'en retour je lui
ai rendu un contre-contre-don !
Ses parents étaient d'un milieu très modeste aussi leur avais-je
proposé un tarif incroyablement bas pour autant d'heures de travail.
De plus elle était venue déjeuner chez moi avec d'autres jeunes du
quartier et je les avais emmenés à la piscine. Le poids de la dette
s'alourdissant de jours en jours, il me semble que j'ai tenu à la
remercier pour l'alléger d'un éventuel fardeau. Je crois n'avoir pas pu
alors être uniquement dans le rôle de donatrice. Et, bien que mes
remerciements aient été absolument sincères, peut-être avais-je aussi
278
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
pensé à l'importance d'une valorisation de cette élève, peu soutenue
dans son cercle familial2.
En formation d’enseignant-e-s : rites de passages et écriture
Dans un autre registre, mais toujours dans cette problématique
fortement anthropologique et éducative du « faire grandir », la
formation initiale des enseignants confronte, quant à elle, à un
désarroi massif des personnes en formation s’exprimant dans une
plainte récurrente concernant « le manque de formation ». Ce
constat nous a conduit à aménager certains repères pour surmonter
ce qui peut être considéré comme « une crise identitaire
professionnelle », selon les termes de Louis-Marie Bossard (2004).
Cet entre-deux identitaire, dans lequel est pris « l’élève-maître »
nécessite, nous semble-t-il, un « passage », un accompagnement,
permettant de « passer » de l’autre côté, de quitter le rivage de
l’élève pour aborder celui de « maître » dans un rapport à la
formation plus adulte. Cette problématique d’accompagnement
d’un mouvement identitaire, où il s’agit de tenter d’aider à « faire le
pas » vers un autre soi-même nous semble intéressante à penser
dans une dimension anthropologique. Cette ouverture nous permet
de repérer les différentes formes d’étayage proposées par les
sociétés premières dans la formation des individus. Ainsi, l’étude
des rites de passage (Van Gennep, 1998) nous a éclairées dans cette
« trans-formation » où la dimension de la formation touche à
l’appropriation d’un savoir sur soi plus qu’à l’apprentissage de
techniques et méthodes pédagogiques.
Nous tentons notamment de comprendre comment les rites de
passage mettent en œuvre des procédures rituelles opérantes sur le
psychisme du sujet. Opérantes pour séparer d’un groupe et être
agrégé-e à un autre groupe et, pourrait-on dire, « symboliquement
efficaces » (en référence à Lévi-Strauss, 1974) dans la modification
2
Lola Ostier, validation de l’EC « anthropologie et éducation », master 1
de sciences de l’éducation, parcours « formation à l’intervention et à
l’analyse de pratiques », université Paris Ouest Nanterre La Défense,
session de juin 2010.
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Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
de l’identité. Dans cette fonction de modification, il nous semble
que ces dispositifs offrent des appuis qui permettent aux sujets de
passer d’un statut à un autre.
Parmi ces appuis, la marque corporelle nous est apparue
comme essentielle et caractéristique des rites de passage. Cette
dimension d’un marquage physique mise en œuvre par le tatouage,
le limage d’une dent, la perforation de l’oreille, la coupe de
cheveux, voire le rasage du crâne (ibid.) indique clairement l’idée
d’une inscription dans le corps du novice. Pour Pierre Clastres
(1973 : 119) : « La société dicte sa loi à ses membres, elle inscrit le
texte de la loi sur la surface des corps. » Le collectif imprime ainsi
sa marque sur l’individu de façon irréversible et inoubliable. Nous
pensons que cette trace indélébile les aide à « entrer dans la peau
d’un personnage » ou à « faire peau neuve » comme nous l’indique
Didier Anzieu (1995 : 39). La peau, nous dit-il, « en même temps
que la bouche et au moins autant qu’elle, est un lieu et un moyen
primaire de communication avec autrui, d’établissement de
relations signifiantes ; elle est de plus une surface d’inscription des
traces laissées par ceux-ci ». On pourrait ainsi penser à la lumière
de cette théorie du « Moi peau » que dans le marquage corporel
c’est bien la trace d’autrui, celle du collectif qui place le sujet dans
un autre groupe et un autre statut dont il porte ensuite la marque
visible. De plus, au-delà du caractère collectif, il nous semble que
cette marque imprime également sa trace dans le psychisme du
sujet, dans une fonction que l’on pourrait nommer « identificatoire ». En effet le corps peut être défini comme « ce sur quoi les
fonctions psychiques trouvent leur étayage » (ibid : 20). Cette
fonction identificatoire de la marque laissée lors du rite de passage
trouverait dans le corps un support identificatoire aidant le sujet
dans sa dynamique de changement d’identité, le passage est ainsi
balisé. Dans la même perspective Catherine Rioult (2006 : 195)
nous propose de parler de la peau comme d’un « trait d’union avec
le psychisme ».
Cette perspective nous a permis de faire le lien avec le « marquage » que constitue l’écriture dans nos sociétés contemporaines et
nous avons fait l’hypothèse qu’un travail d’écriture en formation
280
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
initiale d’enseignant pourrait remplir également cette fonction
identificatoire par l’effet d’une inscription. Comme dans la coupure
corporelle du rite, pour écrire, il faut « trancher ». À l’oral, il est
possible de ne pas choisir les mots, en donner plusieurs, exprimer
les choses approximativement, mais l’écrit les pose, les définit. Ce
lien entre écriture et marques rituelles peut nous être indiqué par
l’étymologie même du mot « scarification » où la racine
indo-européenne sker signifie gratter, inciser, couper mais désigne
également en grec le « stylet à écrire » sous le terme skariphos
(Sakhno, 2001 : 252).
Ces dimensions de marquage et d’inscription dans le rituel
accentuent, nous semble-t-il, l’effet de non-retour et de durabilité
de la modification identitaire. C’est dans cet esprit que le choix de
proposer un travail d’écrit nous paraît répondre à ce caractère
définitif, « marqué » « inscrit » dans le corps du texte, comme peut
l’être la marque inscrite dans le corps du novice. Et les premières
séances de travail de cet atelier d’écriture mis en place avec des
groupes en formation à l’IUFM (Institut universitaire de formation
des maîtres) dans le cadre du cours de « formation générale » pour
les futur-e-s professeur-e-s des écoles mettent à jour des réactions
qui semblent corroborer cette hypothèse.
C’est surtout le deuxième atelier, où l’écriture d’un texte sur
le souvenir d’école est proposée, qui provoque des réactions très
virulentes de la part des participants3. Trois personnes du groupe
commencent par dire qu’elles n’écriront pas : « c’est trop dur »,
« on n’a pas forcément envie de se souvenir ». Une personne
3 Le dispositif propose un travail d’écriture en trois temps : le premier
écrit porte sur le parcours de l’étudiant-e avant d’arriver à l’IUFM, le
deuxième sur un souvenir d’école, le troisième sur un moment où
l’étudiant-e s’est vraiment « senti-e enseignant-e ». Chaque temps
d’écriture (proposé mais non obligatoire) peut ensuite être suivi d’une
lecture à voix haute du texte qui devient ainsi partagé avec le groupe. Sont
ensuite menés des entretiens cliniques de recherche avec les étudiant-e-s
qui le souhaitent, visant à tenter de saisir les dynamiques psychiques à
l’œuvre. L’ensemble constitue le support de la recherche doctorale de
Maryline Nogueira-Fasse.
281
Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
particulièrement agressive du groupe dit : « je ne veux pas laisser
de trace », pourtant il n’y a aucune obligation à écrire ni à lire son
texte, encore moins bien sûr à nous le confier pour notre recherche.
De la même façon, une grande partie des personnes ne lit pas son
texte mais le raconte. Cette « oralisation » du texte nous apparaît
également comme une tentative d’échapper à ce travail
d’engagement sur le choix des mots. À l’oral, on peut ne pas choisir
les mots, en donner plusieurs, exprimer les choses plus approximativement.
Par ces réflexions et résistances nous entendons que l’écriture
est une véritable épreuve, qui laisse des traces, qu’il y a bien
quelque chose de définitif dans cette expérience, pas seulement
inscrit dans l’espace de la feuille et le temps de la formation mais
aussi, comme nous l’avons évoqué précédemment, dans la
possibilité d’une dynamique psychique pour le sujet, apparemment
coûteuse, éprouvante, comme peut l’être l’épreuve du rite de
passage.
Dans cette difficulté à « passer à l’écrit » (comme il nous sera
dit lors des entretiens cliniques de recherche), nous percevons
également la peur « de rater l’instant qui nécessite un changement
de cap avant d’arriver au point de non retour » (Bauman, 2006 : 7).
En effet, comme le souligne cet auteur, dans cette « vie liquide »
(ibid.) nous sommes incités à rester à ce point de non retour où il
est toujours possible de décommander, modifier, prendre la dernière
option. Cette « liquidité » réduit, nous semble-t-il, notre faculté à
faire des choix, à nous engager dans une certaine fixité. C’est
justement ce qui nous paraît intéressant dans ce travail d’écriture, et
qui en fait une difficulté particulière dans le monde d’aujourd’hui,
d’avoir à choisir parmi des mots, parmi des souvenirs, parmi des
événements.
Cette formalisation par l’écrit de souvenirs d’événements
nous permet, nous semble-t-il, de prendre conscience de la façon
dont ils ont fait sens pour nous. Contrairement à la scarification ou
au tatouage où le même type de marque, porté sur la même partie
du corps, prend un même sens pour tous, il s’agit dans cet atelier
d’écriture, autour de thèmes propres à la profession d’élaborer
282
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
chacun sa « marque » spécifique et de comprendre quel sens en est
resté. Ce thème du marquage apparaît dans les textes de façon
évidente, sous les expressions « un moment marquant », « ça m’a
marqué », « ils m’ont tous marqué », « qui m’a le plus marqué »,
« et c’est resté », utilisées de nombreuses fois. Cette question du
sens dans la marque nous est apparue à la lecture de textes
proposant une analyse de l’efficacité symbolique. David Lebreton
(1991) complète ainsi la description de la cure chamanique chez les
indiens Cunas analysée par Claude Lévi-Strauss (op. cit.) : « Le
chaman assigne une forme et un sens là où se déployait auparavant
un chaos de sensations brutes et absurdes. Et la mise en ordre qu’il
opère, en attribuant à ce désordre une signification admise par la
communauté et la malade restitue cette dernière à l’ordre humanisé
de la nature. […] Ce dernier (le chaman) comble une déchirure dans
le tissu du sens » (Lebreton, op. cit. : 102). Il nous semble,
effectivement, que l’efficacité symbolique aurait quelque chose à
voir avec le recouvrement d’un sens, donné par la communauté
dans les sociétés premières ou construit par l’individu dans les
sociétés modernes. Le travail que nous proposons en formation
d’enseignant/tes s’apparente à cette recherche d’un sens à
construire en élaborant son « mythe individuel », formule donnée
par Claude Lévi-Strauss (op. cit. : 228). Ce travail d’écrit de ce que
l’on pourrait appeler son « mythe individuel et professionnel » à
partir de trois moments-clefs pourrait ainsi s’apparenter à un rite de
passage dont l’efficacité symbolique résiderait dans l’élaboration
d’un sens subjectif participant à la construction de l’identité
professionnelle des futur-e-s enseignant-e-s. De plus, ce sens est à
la fois posé à un moment donné et susceptible d’évoluer (un texte
peut être repris). Contrairement à la scarification où la marque,
définitive, reste « collée » à la peau, devenant partie prenante du
sujet, l’écriture permet au contraire de « décoller » l’événement, de
le distancier, une fois posé sur le papier. Elle permet ainsi un jeu de
permanence et de changement qui nous semble précieux dans nos
sociétés contemporaines (Aulagnier, 1986).
À terme, et si les conditions institutionnelles le permettent (ce
qui, en l’état actuel de la formation des enseignants est loin d’être
283
Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
acquis), il nous semble qu’un tel travail pourrait se prolonger par
une réflexion sur l’ensemble des rituels en formation, en
commençant par les premiers, ceux qui touchent les jeunes enfants
à leur arrivée en maternelle et auxquelles les futurs enseignants et
enseignantes sont souvent assez sensibles. Tous ces moments où les
enfants viennent, à tour de rôle, choisir les étiquettes qui
permettront d’afficher la date du jour, accrochent où vont chercher
leurs affaires à « leur » porte-manteau, se rassemblent autour d’une
comptine familière ou chantent celle choisie par l’un d’entre eux
dont « c’est le tour », fêtent un anniversaire, s’affairent pour l’une
des fêtes qui rythment l’année (Noël, fête des mères, fête des pères,
etc.) constituent autant de garanties qu’une place existe pour chacun
et chacune, et que chacun-e va pouvoir et devoir s’insérer dans le
collectif. Cela peut être par exemple à ce moment-là qu’un enfant
mutique se mettra à parler, pour dire « sa » date ou le titre de « sa »
chanson, dans ce subtil équilibre entre la protection symbolique
qu’offre l’évidence de la répétition et la singularité du choix
autorisé. Il prouvera ainsi aux yeux de tou-te-s son appartenance à
la « société des humains ».
Si les traditions à l’œuvre dans les écoles font que,
généralement, ces rituels sont relativement présents, il nous semble
qu’une réflexion à leur propos, reliée au parcours de formation de
l’étudiant lui-même, pourrait permettre de ne pas les voir
uniquement comme des astuces commodes pour canaliser l’énergie
débordante des tout-petits mais bien comme des éléments essentiels
de leur construction identitaire, à poursuivre tout au long de leur
scolarité. Les liens pourraient alors être faits avec certaines
pédagogies, notamment la pédagogie Freinet et son développement
sous forme de pédagogie dite « institutionnelle » et leurs dispositifs
les plus ritualisés : « métier » demandé par l’élève et attribué par le
conseil, « conseil » lui-même (instance de décision du groupe),
« quoi d’neuf » (espace d’expression libre sur le contenu mais
soumis à certaines règles de prise de parole), ceintures de couleur
définissant les droits et devoirs de chacun-e, etc. (voir par exemple
Vasquez & Oury, 2000 ; Imbert, 1994 ou Amram & d’Ortholi,
2001).
284
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
En master 2 : élaboration autour du rapport au savoir
En deuxième année de master, avec des étudiant-e-s qui se
destinent à animer des groupes d’analyse de pratique ou à
accompagner des équipes dans le champ de l’enseignement, de la
santé ou du travail social, le travail se fait sous forme d’une
articulation entre théorisation et élaboration personnelle. C’est dans
le cadre d’un séminaire « clinique du rapport au savoir » qu’ils et
elles sont incité-e-s à réfléchir sur leur propre rapport au savoir, en
lien avec la façon dont ils et elles ont appris à trouver leur place
dans le monde. Pour nous, en effet, la thématique du rapport au
savoir rejoint la question fondamentale qui se pose à l’espèce
humaine lorsqu’elle doit amener ses enfants à faire face,
psychiquement et concrètement, aux difficultés du monde
extérieur : savoir, c’est avant tout savoir faire avec le monde, et se
situer par rapport au savoir c’est se situer quant aux modalités
possibles pour y prendre place. Cette question de l’insertion dans le
monde est parfois évoquée sous le terme de « socialisation »,
évoquant l’idée que l’insertion est avant tout sociale, mais nous
proposons plutôt celui « d’anthropologisation » (Hatchuel, 2010),
en nous appuyant pour ce faire à la fois sur certains travaux
anthropologiques et sur la théorisation de la psychanalyste Piera
Aulagnier (1975, 1986). L’anthropologie nous aide en effet à
penser qu’avant même l’insertion dans une société donnée (processus de socialisation) les sujets ont sans doute à mettre en place un
« devenir humain », une capacité à se soutenir en tant que « je ».
Une de nos hypothèses serait que, dans une société traditionnelle,
socialisation et anthropologisation iraient de pair, alors que dans
une société « liquide » (Bauman, op. cit.) où la socialisation ne peut
plus se faire de façon aussi simple, il y aurait à gagner à comprendre la façon dont les processus d’« anthropologisation » peuvent se
mettre en place.
Il nous semble que ceux-ci ont essentiellement à voir avec la
façon dont chacun-e va pouvoir faire face au doute et à
l’incertitude, sachant que nous disposons pour ce faire d’un certain
nombre d’« outils » construits par nos prédécesseurs, dont bien
285
Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
entendu le savoir. C’est là sans doute que notre réflexion initiale sur
le rapport au savoir, centrée sur les enjeux psychiques et
émotionnels de celui-ci (Hatchuel, 2007), a le plus gagné à s’ouvrir
à l’anthropologie : des travaux comme ceux de Jeanne Favret-Saada
(1977) ou de Christian Geffray (1990, 2001) nous ont en effet
permis de mieux saisir le statut d’un savoir dans une société
donnée. Lorsqu’il est clair que le savoir est là pour construire du
sens, il est tout aussi clair que ce sens est avant tout le résultat d’un
accord partagé. Mais lorsque, comme le souligne par exemple
Jacqueline Barus-Michel (2004), les savoirs valorisés dans une
société ne sont plus des mises en sens mais des lois, leur statut
change : ils deviennent vrais, et nous apprenons que seuls ceux-là
sont valides, balayant ainsi quelques millénaires de travail humain
pour parvenir à penser le monde. Il ne s’agit alors plus de raconter
des histoires qui aident à vivre mais d’acquérir des certitudes
intangibles. Nous faisons alors l’hypothèse que celles-ci viendraient
prendre la place des structures sociales affaiblies comme étayage du
psychisme. Sauf que le savoir étant partie prenante du psychisme,
cela revient à demander au psychisme de s’auto-étayer. Comme le
souligne Christine Delory-Momberger (2009), le sujet est sommé
de s’instituer et, ajouterions-nous, de se prouver lui-même. Là où
les rituels lui permettent de mener tout un chemin intérieur dont
seul le résultat sera affiché socialement (Hatchuel, 2010), leur
absence ou leur affaiblissement confronte à une obligation de
prouver à chaque instant son adéquation aux normes en vigueur, ne
laissant plus aucun écart entre ce qui est affiché et ce qui est vécu.
Certains travaux anthropologiques, tels ceux de Christian Geffray
(op. cit.) montrent ainsi remarquablement bien comment, dans les
sociétés qu’il étudie, les certitudes ne sont pas de l’ordre du savoir
mais du comportement : nul besoin de savoir si les waïtéri, les
« valeureux guerriers » yanomami craignent ou non la mort
(d’ailleurs chacun sait bien qu’en réalité ils la craignent), l’essentiel
étant qu’ils se comportent comme s’ils ne la craignaient pas ; peu
importe que le nihimo des Makhuwa ne soit qu’un nom, pourvu
qu’il définisse votre comportement et celui des autres à votre égard.
Finalement on peut interpréter les rituels de passage comme une
286
Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
garantie que se donne une société que, quelles que soient les affres
qu’il traverse, le sujet finira par se comporter conformément à son
nouveau statut, et il nous semble qu’une place est ainsi laissée à
l’intériorité du sujet, les certitudes étant en quelques sortes portées
par les structures sociales. Une longue réflexion sur les différents
types de savoirs dans différentes sociétés nous conduit ainsi à
opposer fiction de soi et démonstration de soi (Hatchuel, 2009) que
nous relions à cette « passion évaluatrice » (Nouvelle revue de
psychosociologie, 2009) si pesante dans notre société.
Cette distinction s’avère assez opérante pour permettre aux
sujets en formation de délier les fils un peu trop noués de la
démonstration qu’ils devraient faire d’eux-mêmes, et de les retisser
en reprenant une position d’auteur dans le récit de leur fiction
d’eux-mêmes, étant entendu que c’est bien le propre des fictions
que de se réécrire ou tout au moins d’être susceptibles d’être
entendues différemment chaque fois que le récit en est repris. Les
récits de vie élaboratifs, centrés sur leur rapport au savoir et étayés
par plusieurs textes théoriques sur la question et par une élaboration
groupale, que nous demandons comme validation à nos étudiants et
étudiantes de master 2 sont ainsi de précieux outils pour l’évolution
de leur posture professionnelle.
En nous rappelant que d’autres sociétés, avant nous et ailleurs,
ont privilégié la forme du mythe pour aider leurs membres à donner
un sens à leur vie, avec son lot d’injustice et de souffrance,
l’anthropologie resitue dans une dimension plus vaste le travail
d’élaboration psychique que la démarche clinique d’orientation
psychanalytique nous a appris à mener : non pas la thérapie
individuelle d’un sujet « malade » et « anormal » comme on
considère parfois la psychanalyse, mais bien l’incessant travail de
construction du sens qu’exige la condition humaine. C’est pourquoi
elle nous apparaît comme irremplaçable dans la formation aux
métiers du lien et du soin.
287
Françoise Hatchuel – Maryline Nogueira-Fasse
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Résumé
L’article se propose de montrer de quelle façon l’ouverture à
l’anthropologie peut constituer un outil pertinent dans un cursus de
sciences de l’éducation et pour la formation des enseignants et
enseignantes et, au-delà, de tous les métiers dits « du lien ». Les deux
auteures, enseignante-chercheuse en sciences de l’éducation et formatrice
d’enseignant-e-s, inscrivent leurs travaux dans une démarche clinique
d’orientation psychanalytique attachée à la compréhension de la singularité
des psychismes. Dans ce cadre, une ouverture à l’anthropologie permet de
prendre en compte les grandes questions humaines auxquelles les sujets
doivent se confronter et de repérer les étayages que les différentes sociétés
peuvent leur apporter. En ce sens, elle constitue un précieux outil de
professionnalisation en aidant les étudiant-e-s à mettre en perspective leurs
propres pratiques avec, d’une part leur histoire personnelle, d’autre part de
grandes thématiques humaines telles que la transmission, les rituels, le don
et le contre-don, la filiation et l’affiliation, etc. L’idée que certaines
fonctions doivent être assurées dans toute société aide à repérer en quoi
certains métiers répondent à des questions qui peuvent être, le cas échéant,
régulées différemment. Des exemples sont donnés de dispositifs formatifs
mis en place aux différents niveaux d’un cursus de sciences de l’éducation
ou en formation initiale d’enseignants et d’enseignantes, où l’accent est
mis sur l’écriture comme modalité formative, en tant qu’elle répond à
certaines exigences des rites de passage (franchissement de seuils,
élaboration de l’expérience, dimension de marquage, etc.).
Mots-clefs : anthropologie, sciences de l’éducation, démarche clinique
d’orientation psychanalytique, rituels.
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Ouverture à l’anthropologie et articulation à une démarche…
Summary
Openness to Anthropology and Connection to a PsychoanalyticallyOriented Approach in the Education Sciences
This article shows how an openness to anthropology can be a relevant tool
in an education sciences curriculum and in teacher training, and, beyond
that, all the so-called « social » professions. The two authors, a university
lecturer in the education sciences and a teacher trainer, situate their work in
a psychoanalytically-oriented clinical approach concerned with
understanding the psyche’s singularity. In this framework, an openness to
anthropology makes it possible to take into account the major human issues
which subjects must confront and to identify the underpinnings that
different societies can bring to them. In this sense, it constitutes a valuable
tool in the professionalization of students by helping them to compare their
own practices with, on the one hand, their personal history, and, on the
other, major human themes such as transmission, rituals, gifts and countergifts, filiation and affiliation, etc. The idea that certain functions must be
assured in every society helps to identify how certain professions respond
to questions which can, if the need arises, be regulated differently.
Examples are given of training devices used at different levels of an
education sciences curriculum or in initial teacher training, where the
emphasis is placed on writing as a mode of training, in as much as it
responds to certain requirements of rites of passage (the crossing of
thresholds, the elaboration of experience, the dimension of marking, etc.)
Key-words: anthropology, education sciences, psychoanalyticallyoriented clinical approach, rituals.
* * *
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