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La citation dans le discours de controverse religieuse : un cas particulier de reformulation

2019, La reformulation : à la recherche d'une frontière. ed Houda Landolsi, Maria Svensson, Coco Norén, Acta Universitatis Upsaliensis

La citation dans le discours de controverse religieuse : un cas particulier de reformulation ? Sophie Yvert-Hamon 1. Introduction Cette étude porte sur la place de la citation dans le discours de controverse religieuse opposant catholiques et protestants en France aux XVIème et XVIIème siècles, et examine la possibilité de considérer celle-ci comme un cas particulier de reformulation du discours de l’auteur citant. L’Édit de Nantes, signé en 1598, met un terme aux guerres civiles qui ont ensanglanté la France au cours de la seconde moitié du XVIème siècle. Le régime de coexistence religieuse instauré par l’Édit est marqué par une augmentation importante des publications de controverse, la plume prenant la place de l’épée. Le corpus retenu pour cette recherche est constitué de passages extraits du Traité de l’eucharistie (édition de 1604) du théologien protestant Philippe Duplessis-Mornay. Ouvrage de controverse majeur publié dès 1598, le Traité suscite une vive polémique, alimentée tant par l’auteur que par ses adversaires catholiques. Cela se traduit par de nombreuses publications au cours des années suivantes. Duplessis-Mornay, cherchant à se repositionner, compose notamment plusieurs réponses ainsi que de nouvelles éditions du Traité. Retraçant l’évolution du discours théologal au fil des siècles, Compagnon (1979 : 159) rappelle que celui-ci a pour principe la répétition. En l’expliquant, en l’interprétant, en la paraphrasant, le théologien redit la Bible. Du commentaire faisant l’exégèse des textes sacrés de façon linéaire, jusqu’à la compilation induisant une fragmentation des textes commentés, le discours théologal a pris différentes formes. Au cours du XVIème siècle, l’opposition entre l’Église catholique et les différents mouvements réformateurs favorise une autonomisation de ce discours, en particulier lorsqu’il traite de questions controversées : les ouvrages de controverse recourent à la citation qui, utilisée comme argument en faveur des propos du théologien, en épouse la démarche. Ce basculement109, essentiel dans la perspective qui nous intéresse ici, peut, 109 C’est-à-dire le passage d’un discours sur les textes sacrés à un discours puisant dans ces textes et bien d’autres ses arguments. Ce point est développé en 2.2. 229 dans certains cas, conférer à la citation un rôle de reformulation du discours de l’auteur citant. Nous formulons donc l’hypothèse suivante : la citation dans le discours de controverse religieuse peut être considérée comme une reformulation des propres mots de l’auteur citant. Nous illustrons cette hypothèse à l’aide du schéma ci-dessous : Énoncé source : Formulation dans laquelle Duplessis-Mornay utilise ses propres mots Énoncé reformulé : Citation biblique ou non biblique Cette hypothèse – la citation envisagée comme discours reformulant110 – induit d’emblée une première question : peut-on reformuler avec un énoncé figé111, c’est-à-dire un énoncé dont on ne peut pas modifier le contenu et l’organisation interne ? Une autre question de travail porte sur la dimension spatio-temporelle de la reformulation. La reformulation peut être définie comme un autrement-dit suivant une formulation initiale. Or, selon le principe protestant de la sola scriptura, la Bible doit être considérée comme autorité, texte-source guidant le chrétien dans sa foi. Nous nous intéresserons donc à la façon dont le théologien gère cette inversion de principe qui place la citation biblique en situation de dépendance par rapport à son propre discours. Dans la lignée de cette question, nous analyserons la dimension argumentative de la reformulation. L’objectif du controversiste est de convaincre. Ses propres mots n’ayant aucune valeur aux yeux de ses adversaires, il recourt à l’argument d’autorité, mettant en scène auteurs bibliques et autres auteurs reconnus par les catholiques, et utilisant en cela les armes adverses pour atteindre son objectif. Nous examinerons également le métadiscours du théologien concernant l’acte de citation. Notre étude s’inscrit donc essentiellement dans les recherches portant sur les caractéristiques pragmatiques et les valeurs argumentatives de la reformulation. Cependant nous réfléchirons aussi à la question plus générale de la définition de la reformulation. Nous examinerons l’emploi des citations dans le corpus choisi en distinguant plusieurs cas afin de mettre en évidence différentes fonctions et ainsi les stratégies discursives de l’auteur. Nous espérons ainsi contribuer à une délimitation plus précise de la reformulation. 110 Nous utilisons les deux termes reformulant et reformulé, le participe présent renvoyant davantage à l’action de reformuler alors que le participe passé insiste sur le résultat. 111 Nous entendons par figé le fait que l’auteur citant se doit, en principe, de respecter la forme de la citation. Le terme est donc employé ici dans le sens courant et non dans le sens linguistique. 230 2. Cadre théorique La complexité du corpus choisi rend nécessaire la définition de différentes notions qui, articulées entre elles, seront utilisées afin de vérifier notre hypothèse – la citation comme discours reformulant. 2.1 La controverse religieuse Issu du latin controversia, le terme controverse est, au XVIème siècle, associé à celui de débat (Estienne 1549). Le contexte politico-religieux de l’époque des réformes favorise un emploi privilégié du terme dans le domaine plus spécifique de la théologie. Les dictionnaires du XVIIème siècle témoignent de cette évolution en proposant des définitions spécialisées. Ainsi, le Dictionnaire universel de Furetière (1690, I : 490) indique-t-il, après avoir donné une définition générale de la controverse, « se dit maintenant en un sens plus estroit, des disputes qui se font contre les Heretiques modernes ». La controverse est ici considérée comme un genre de discours : le corpus étudié constitue dans son ensemble un discours de controverse. Nous appuyant sur la définition de la controverse selon les critères des types d’échange proposée par Charaudeau (2014 et 2017 : 31-45), nous définissons la controverse religieuse entre catholiques et protestants aux XVIème et XVIIème siècles à partir de ces mêmes critères. Celle-ci se caractérise par une thématique multiple. Certaines questions prédominent cependant telles l’eucharistie ou l’Église. Le type de relation est antagonique et le statut social des interlocuteurs a une incidence sur la légitimité dans la prise de parole. Ainsi, ce que dit un protestant n’a généralement pas de valeur aux yeux des catholiques (et inversement). Le positionnement se fait selon un clivage pour/contre par rapport à un contenu doctrinal, dogmatique et historique. L’arène est ouverte : le public est associé en tant qu’auditoire (conférences) ou lectorat (publications par impression de textes). L’enjeu est graduel : défense d’une interprétation, prosélytisme, salut (pour soi et pour l’autre). La controverse religieuse se caractérise le plus souvent par l’irréductibilité des points de vue. Cette définition met en évidence les défis auxquels le controversiste est confronté et permet d’expliquer les choix rhétorico-textuels auxquels il doit se résoudre pour parvenir à ses fins. 2.2 La citation dans le discours théologal Afin de bien comprendre l’articulation entre discours rapporté (biblique ou non biblique) et discours de l’auteur citant ainsi que l’héritage dont dispose Duplessis-Mornay, il convient de retracer l’évolution du discours théologal au fil des siècles en prenant en compte sa relation particulière avec la Bible. Selon Compagnon (1979 : 161), deux critères caractérisent le discours théologal jusqu’au XIIème siècle : d’une part la sur-scription, c’est-à-dire un discours sur 231 la Bible, et d’autre part la sous-scription, c’est-à-dire une certaine allégeance à la Bible, une allégeance de forme (les gloses et les commentaires, en expliquant ou en commentant les Écritures saintes, en suivent la forme selon une approche linéaire). Ainsi, du Ier au XIIème siècle, le discours théologal s’est-il « fondu dans et confondu avec la lecture de la Bible » selon « une modalité particulière de la répétition » (op.cit. : 158). Au XIIème siècle, la création des premières universités favorise l’épanouissement de l’enseignement scolastique qui cherche à harmoniser la théologie chrétienne et l’héritage philosophique de l’Antiquité : la place importante accordée à la philosophie aristotélicienne et le développement de formes propres telles les questions quodlibétales et les sommes contribuent à une certaine autonomisation du discours théologal et marquent une rupture dans l’allégance de forme qui prévalait jusqu’alors. Au XIIIème siècle, l’œuvre de Thomas d’Aquin (notamment sa Somme théologique) constitue sans doute l’expression la plus aboutie de cette évolution du discours théologal. Humanistes et réformateurs de la Renaissance portent un regard critique sur cette période. Un des points de désaccord entre catholiques et protestants concerne précisément le fait d’accorder ou non aux textes issus de la Tradition une autorité équivalente à la Bible. La Tradition correspond aux textes et coutumes accumulés depuis la période biblique : elle « est constituée par les écrits des Pères et des scolastiques, les définitions du magistère et les usages consacrés par la pratique de l’Église » (Snoeks 1951 : 4). Son autorité est reconnue par les catholiques au même titre que l’Écriture sainte. Pour les protestants, le principe de la sola scriptura consiste à considérer l’Écriture sainte non pas comme la seule autorité mais comme l’autorité finale (celle ayant le dernier mot) en raison de la faillibilité de l’Église (Nimmo et Fergusson 2016 : 11-21). Il s’agit d’une « théologie dérivée de l’Écriture » accordant cependant « une place à la Tradition » qui « doit être utilisée au service de l’interprétation scripturaire »112. Toutefois, les théologiens réformés envisagent les différentes parties de la Tradition selon une hiérarchie de valeurs. Calvin avait l’habitude de présenter une argumentation scripturaire suivie d’une argumentation patristique113. Si Duplessis-Mornay expose clairement la valeur qu’il accorde aux Pères de l’Église, il ne cache pas par ailleurs son mépris pour la scolastique surnommée « la lie des siècles »114. Le corpus étudié comporte des citations bibliques et non bibliques ; il conviendra d’examiner les circonstances et modalités d’utilisation des unes et des autres. Quelles sont donc les visées de la citation ? Jaubert et al. (2011) distinguent la visée interne, qui joue un rôle dans la structuration d’un genre de discours, des visées externes, argumentative et identitaire notamment. La citation 112 Notre traduction de Nimmo et Fergusson (2016 : 11-21) : a « scripturally derived theology » with « a place for tradition » which is « to be used in service of scriptural interpretation ». 113 Voir notamment Polman (1932 : 72-74). 114 Traité de l’eucharistie. 232 constitue un élément essentiel du discours de controverse religieuse entre catholiques et protestants. Inhérente au genre du discours théologal en général, ses fonctions argumentative et identitaire sont prédominantes dans le cas du discours de controverse. Étroitement lié à la Bible, qu’il commente et / ou qui lui sert d’argument, le discours de controverse cherche en même temps à être validé non seulement par elle mais également par les auteurs post-bibliques jusqu’aux contemporains et adversaires. Dans une recherche sur l’emploi des pronoms personnels dans le discours de controverse religieuse (Yvert-Hamon 2015), nous avons pu mettre en évidence un fonctionnement déictique des pronoms en citation, du point de vue de l’auteur citant. Cette construction permet à l’auteur citant d’utiliser la citation comme porte-parole de son propre discours, ses mots à lui n’ayant que peu de poids aux yeux des adversaires. 2.3 La reformulation S’appuyant sur des textes plus anciens, à commencer par les textes bibliques, le discours théologal a, par définition, une dimension intertextuelle. Lorsqu’il prend la forme de l’exégèse, il explique, notamment en reformulant, différents passages bibliques (Fuchs 1994). D’origine grecque, le terme exégèse est défini comme explication, commentaire, interprétation. Le terme expliquer, d’origine latine, renvoie à l’idée de rendre clair, de donner la cause, la raison d’un élément difficile à concevoir. Selon Plantin (2002 : 251), le discours explicatif caractérise « la relation entre phénomène à expliquer (explanandum, M) et phénomène expliquant (explanans, S) ». Tout comme le discours argumentatif, il est déclenché par le doute et établit une relation entre deux sousdiscours. Cependant, alors que l’argumentation relie un argument, donné comme assuré et une conclusion, sur laquelle porte le doute, l’explication, quant à elle, relie l’explanandum, considéré comme avéré et l’explanans, qui est à trouver. Les deux discours peuvent s’articuler au niveau de ce qui est à trouver : l’explanans en ce qui concerne le discours explicatif et la recherche d’argument en ce qui concerne le discours argumentatif (Plantin 2002 : 253254). Définir la reformulation a fait l’objet de nombreux travaux au cours des dernières décennies. Considérant la paraphrase comme reformulation, Fuchs (1983) parle de restitution par un locuteur du contenu d’un texte-source sous forme d’un texte second, de façon bonne ou mauvaise, totale ou partielle, condensée ou amplifiée, fidèle ou non. Analysant les usages polémiques de la reformulation, Steuckardt (2007) indique que dans un tel contexte la reformulation réoriente la visée argumentative et que l’invariant correspond à l’état de chose visé. Les fonctions pragmatiques de la reformulation ont été étudiées par Grabar et Eshkol (2016 : 3-4) qui distinguent notamment la définition, l’explication, l’exemplification, la justification, etc. Se proposant de définir la reformulation par ses frontières supra-catégorielles, catégorielles, infra- et trans-catégorielles, Rabatel (2017 : 74) fournit une synthèse récente 233 sur la question. La reformulation est définie comme « un retour réflexif sur une première formulation, à des fins d’« explicitation » ». Les deux énoncés (énoncé source et énoncé reformulé) sont ressentis comme coprésents115, entretiennent entre eux une relation paraphrastique et « se caractérisent par le fait de traiter d’un « même » signifié, avec une variation de signifiant(s) » (id. : 74). La notion de signifiant « englobe des formes qui vont des morphèmes aux structures (macro) syntaxiques, suprasegmentales voire rhétorico-textuelles » (id. : 81). Quant aux marqueurs de reformulation, ceux-ci peuvent être présents ou absents comme le rappellent notamment Steuckardt (2007), Rabatel (2006, 2017). Notre corpus étant composé de citations, cette question devient plus complexe. Certains marqueurs, en effet, peuvent concerner aussi bien la citation que la reformulation. En ce qui concerne la dimension spatio-temporelle de la reformulation, plusieurs définitions rappellent le principe d’antériorité qui touche l’énoncé source, notamment Martinot et Romero (2009 : 11), Rabatel (2017 : 74, 76). Il convient toutefois d’examiner quand cette antériorité renvoie au réel, c’està-dire à l’ancrage chronologique de cet énoncé dans le réel, et quand elle renvoie au discours, c’est-à-dire à son apparition planifiée au sein du discours, selon une organisation qui peut éventuellement bousculer la réalité chronologique. À l’écrit, ce principe d’antériorité incite à localiser l’énoncé source dans le co-texte gauche. Ces remarques sont particulièrement importantes pour l’analyse d’un corpus composé de nombreuses citations issues de textes nécessairement plus anciens que le discours qui les met en scène selon une organisation spatiale qui lui est propre. Enfin, la reformulation peut être appréhendée dans la perspective plus large de la notion de point de vue. Rabatel (2017 : 73) rappelle que toute prédication indique le PDV de l’énonciateur sur l’objet du discours, par le choix des mots et de l’ordre des mots […] dans le dictum, indépendamment de marques de subjectivité ou de modalité dans le modus. Afin d’étudier la relation entre énoncé source et énoncé reformulé et de pouvoir « rendre compte d’un continuum » sur « l’axe concordance vs discordance », Rabatel (2007 : 77sq) s’inspirant des travaux de Ricœur (1983), distingue quatre notions. La concordance concordante correspond à la coénonciation d’un PDV et la discordance discordante à l’énonciation de deux PDV opposés. Entre ces deux extrêmes, se trouvent la concordance discordante et la discordance concordante. La concordance discordante 115 À l’écrit, l’énoncé source peut ne pas être retranscrit. L’énoncé reformulé reste cependant lié à l’énoncé source, la mémoire du lecteur étant sollicitée ou celui-ci étant invité à aller consulter la source (mention des références). Sans ignorer cette dimension intertextuelle, notre étude s’intéresse cependant à la reformulation intratextuelle, c’est-à-dire réunissant au sein d’un seul et même texte énoncé source et énoncé(s) reformulé(s). 234 correspond à la surénonciation d’un PVD, « le surénonciateur impose son PDV à l’autre, en faisant comme si son PDV n’était qu’une paraphrase ». La discordance concordante correspond à la sousénonciation d’un PDV, « le sousénonciateur [reprend] le PDV de l’autre, en s’en distanciant sans aller néanmoins jusqu’à lui substituer un PDV antagoniste » (id. : 78). La notion de point de vue permet d’appuyer l’analyse de la mise en scène des nombreuses citations de ce corpus de conroverse religieuse. 3. La citation comme discours reformulant dans le Traité de l’eucharistie 3.1 Un discours à visée argumentative dans lequel la citation joue un rôle fondamental La part quantitative des citations dans le Traité de l’eucharistie est très importante, au point que l’auteur semble presque disparaître derrière une architecture complexe qu’il a lui-même mise en place. Du point de vue typographique, la matérialisation de la citation dans le Traité se fait généralement par le recours à l’italique et non par l’emploi des guillemets116. Les manchettes chargées de l’édition de 1604 fournissent de plus les références précises des auteurs cités. Duplessis-Mornay met en scène de façon ostensible nombre d’auteurs tant bibliques que post-bibliques. Cependant, il lui arrive aussi de rapporter un discours avec ses propres mots sans que cela soit marqué typographiquement. Les citations se succèdent, occupant des pages entières et s’articulant avec le discours citant selon différentes modalités. L’examen du métadiscours de Duplessis-Mornay concernant l’acte de citation permet de mettre en évidence la démarche de problématisation de l’auteur et la prise en considération de l’adversaire. Le discours de controverse religieuse se caractérise par une posture de rejet du discours adverse et par un recours, de ce fait nécessaire, à la citation. Cette posture de rejet est exprimée en (1) par une citation qui, en tant que telle, anticipe une posture similaire chez l’adversaire. Duplessis-Mornay cite ici le Père de l’Église Tertullien : 1. Tertullian ; Je ne reçois point ce que tu apportes du tien, hors l’Escriture 116 Lorsque nous citons des passages issus du Traité de l’eucharistie, nous respectons les choix typographiques de l’auteur afin de mettre en évidence le contraste entre discours citant et discours cité. 235 Pour convaincre, le théologien doit en effet parler par la bouche d’auteurs reconnus par les adversaires comme exprimé en (2) où Duplessis-Mornay insiste sur le rôle essentiel des Apôtres et Pères de l’Église dans le discours théologal : 2. Et que disons-nous en ceci, que par leur bouche ? Et qui plus qu’eux, nous ramene des coustumes à la Loy, des traditions aux sainctes Escritures ? Cependant, parler par la bouche d’un autre ne résout pas le différend, le rejet étant dès lors déplacé sur l’authenticité de la citation (3)117 ou encore sur son interprétation (4) : 3. Tout se reduisoit là, sans en entrer au fonds, que les lieux alleguez des Peres et autres Autheurs, estoient supposez, corrompus, à contresens. 4. nous ne sommes pas d’accord de l’interpretation des lieux qui sont respectivement alleguez Ainsi, la citation apparaît comme un élément essentiel du discours de controverse : c’est par elle que se déploie l’argumentation et c’est sur elle que se cristallisent les attaques adverses. L’analyse des séquences de reformulation qui va suivre examine donc la dimension argumentative de la citation. 3.2 Reformuler son discours par l’intermédiaire de la citation : analyse de quatre exemples Examinant la possibilité de considérer la citation comme un cas particulier de reformulation, notre analyse se situe à un niveau macro-, rhétorico-textuel. Rappelons que nous nous intéressons ici aux reformulations intratextuelles, c’est-à-dire aux reformulations opérées au sein du Traité de l’eucharistie. De plus, parmi les différentes reformulations intratextuelles observables, cette étude porte sur une situation particulière : propos de Duplessis-Mornay comme énoncé source et citations (bibliques ou non) comme énoncé reformulant. Quatre exemples sont analysés en détail les uns après les autres. Cette analyse est suivie d’une conclusion dans laquelle est discutée notre hypothèse – la citation comme discours reformulant. 117 Cette remarque de Duplessis-Mornay, issue de l’édition de 1604, fait allusion au déferlement de critiques concernant notamment sa façon de citer suite aux premières éditions du Traité. 236 Premier exemple : la Cène, l’Eucharistie, la Messe 5. NOS ADVERSAIRES pour fonder la Messe en l’Escriture saincte, la nous veulent deriver de l’Institution de la saincte Cene de nostre Seigneur : Et marquent ordinairement auiourd’hui sur les passages esquelles elle nous est instituée ; Ici est l’Institution dela Messe : au lieu que leurs predecesseurs, & nommément la Glosse ordinaire souloient noter ; Ici est instituée l’Eucharistie, le Sacrement pour memoire de la Passion du Seigneur. Dans cette séquence, on observe une succession de trois segments visant le même état de chose, avec la mise en scène de plusieurs voix énonciatives : Duplessis-Mornay, les adversaires catholiques, leurs prédécesseurs (la Glose ordinaire). Duplessis-Mornay commence par résumer la position des adversaires en deux étapes distinguant intention et réalisation (segments 1 et 2)118 : les catholiques, cherchant à donner une origine biblique à la messe, la considèrent comme étant dérivée de l’institution de la Cène et commentent donc les passages de la Bible traitant de la Cène en indiquant qu’il s’agit de l’institution de la messe. Leurs prédécesseurs (la Glose ordinaire) cependant, avaient plutôt l’habitude de commenter les mêmes passages en indiquant qu’il s’agissait de l’institution de l’eucharistie (segment 3). Que les auteurs du Moyen Âge soient considérés comme les prédécesseurs des adversaires catholiques et non comme un héritage commun illustre le principe protestant de la prééminence des textes bibliques sur tout autre texte. Il semble donc intéressant d’examiner la démarche de l’auteur concernant ce choix ainsi que l’effet produit. Le thème de cette séquence porte sur l’interprétation de passages bibliques, en l’occurrence les Évangiles synoptiques. Cependant, le discours de Duplessis-Mornay ne se présente pas comme une interprétation mais comme la description de différents faits. Les trois segments sont séparés par le signe de ponctuation « : » indiquant un rapport logique entre chaque segment. Le connecteur « et », entre le segment 1 et le segment 2, a une valeur consécutive mais permet aussi à Duplessis-Mornay d’introduire la preuve de ce qu’il avance dans le segment 1. Les segments 1 et 2 sont co-orientés (concordance concordante, coénonciation). La présence de « au lieu que » entre les segments 2 et 3 indique que ces segments ne sont pas co-orientés (énonciation de deux PDV opposés). Les segments 1 et 3 ne le sont donc pas non plus. Le contenu de la citation présentée en italique dans le segment 3 va dans le sens du positionnement protestant sur la question. Cette citation constitue une reformulation du discours rapporté dans le segment 2 : « Ici est l’Institution dela Messe ». Il s’agit ici d’un usage polémique de la reformulation qui 118 Nous expliquons dans le paragraphe suivant comment ces segments sont délimités. Par ailleurs, nous utilisons le terme segments de façon neutre, afin de surmonter leurs statuts grammaticaux différents et afin de disposer d’un terme à ce stade de l’analyse où ils ne sont pas encore qualifiés d’énoncé source ou d’énoncé reformulé. 237 réoriente la visée argumentative (Steuckardt 2007). On peut aussi considérer que l’intégralité du segment 3 constitue une reformulation de l’intégralité du segment 2 avec similitude des verbes décrivant l’action des commentateurs bibliques : « marquent ordinairement », « souloient noter », similitude du début du discours rapporté : « Ici est l’Institution », « Ici est instituée » et discordance en ce qui concerne la fin du discours rapporté : « la Messe », « l’Eucharistie, le Sacrement pour mémoire de la Passion du Seigneur ». Dans cette séquence, le positionnement protestant n’est pas mis en scène119 ; il n’est que sous-entendu par la hiérarchisation des segments allant de l’erreur vers la vérité. La stratégie utilisée ici par Duplessis-Mornay consiste donc à combattre les adversaires avec leurs propres armes et à terminer la séquence par une citation d’auteur reconnu par les catholiques. Dans cet exemple, on le voit, la reformulation ne sert pas à interpréter mais à défendre une interprétation. Deuxième exemple : d’un agneau à l’autre 6. Entant que cest Agneau offert par le pere de famille, nous prefigure l’Agneau que le Pere celeste immoloit en l’arbre de la Croix, pour le salut des domestiques de la foy ; & nostre Propitiation en son sang, selon qu’il est exposé par S. Iean le Precurseur ; Voicy l’Agneau de Dieu qui oste les pechez du monde. Trois segments se succèdent dans cette séquence. Duplessis-Mornay commence par résumer un passage de l’Ancien Testament : l’offrande de l’agneau par le père de famille lors de la Pâque juive (segment 1). Selon une lecture typologique de la Bible, marquée par l’emploi du verbe « prefigure », il associe ce passage avec les passages du Nouveau Testament décrivant le sacrifice du Christ pour le salut des hommes, en utilisant là encore ses propres mots (segment 2 : de « nous prefigure » à « sang »). Il termine la séquence par une citation biblique qui redit ce qui est dit dans le segment 2 (segment 3). Les segments 2 et 3 sont co-orientés (concordance concordante, coénonciation). Plutôt que de partir d’un passage biblique pour aller vers son exégèse, cette organisation permet à Duplessis-Mornay de faire valider sa démonstration par une citation biblique et de terminer la séquence par la parole divine. Dans cet exemple, la citation reformulante permet donc à l’auteur de défendre son point de vue, c’est-à-dire de confirmer par l’Écriture sainte ce qu’il a initialement formulé avec ses propres mots. 119 C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’énoncé indiquant « Nous, les protestants, commentons ainsi l’institution de la sainte Cène… » 238 Troisième exemple : sur la Pâque juive, sacrement et sacrifice 7. Voici donq l’Institution de la Pasque en Exode ; Pharao persistant en sa rebellion, Dieu declara à Moyse qu’il veut exterminer tous les premiers nez d’Egypte ; Et neantmoins […] il veut espargner les premiers-nez d’Israel […]. Il ordonne donq qu’en chasque famille […] un agneau sans macule, en figure de ce vrai Agneau, soit immolé, & mangé. Que de son sang les posteaux des maisons de son peuple soient arrousez, afin que l’Ange Exterminateur passe par dessus : En admonition evidente, que là où ce sang n’est point, quelque famille ou personne que ce soit, il n’y a que matiere de son ire : Que d’abondant ceste immolation de l’Agneau soit renouvellée tous les ans, & en tous aages, pour l’instruction de la posterité ; tant en memoire des benefices ia receus, qu’en attente des plus grands à venir & à recevoir. Or en ceste mesme Institution nous avons à considerer, & le Sacrement, & le Sacrifice. Le Sacrement, donné de Dieu à son peuple, en seau & asseurance de sa promesse, & de l’exhibition & accomplissemen d’icelle ; Car à ceste fin sont donnez de Dieu les Sacremens ou signes sacrez à son Peuple, quand il dit ; Et ce sang vous sera en signe és maisons esquelles vous serez, Et ie verrai ce sang, & vous outrepasserai, & n’y aura point de plaie entre vous en perdition, quand ie frapperai l’Egypte. Le Sacrifice, rendu à Dieu par son Peuple ; Car aussi sont-ils proprement du Peuple envers Dieu, comme les Sacremens de Dieu au Peuple, quand il dit ; Et ce iour vous sera en memoire & celebrerez ceste feste en vos generations ; de service perpetuel &c. Parce que l’Eternel frappa l’Egypte, & passa neantmoins par dessus nos maisons, &c. Sacrement toutesfois, qui nous mene de cet agneau à un autre Agneau On observe dans cet exemple une succession de quatre segments de formulation-reformulations alternant avec des segments de commentaires. Duplessis-Mornay commence par raconter avec ses propres mots l’institution de la Pâque juive en Exode120 (segment 1). Ce premier segment est suivi de commentaires de Duplessis-Mornay concernant ce passage de l’Ancien Testament (à partir de « Or en ceste mesme Institution… ») : il indique que deux points doivent être considérés dans ce passage – le sacrement et le sacrifice – et commence par le sacrement. Puis une première citation biblique est donnée (segment 2), sanctionnant les propos que Duplessis-Mornay vient de faire sur le sacrement et reformulant partiellement son propre résumé (donné dans le co-texte gauche) de ce passage de l’Exode. La référence exacte de la citation biblique – Exode 12-13 – est donnée en manchette. DuplessisMornay reprend ensuite sa démonstration et examine son deuxième point – le sacrifice. Deux autres citations bibliques sont ensuite données (segments 3 et 4), sanctionnant de même les propos de Duplessis-Mornay et reformulant 120 Le segment 1 correspond à une reformulation intertextuelle d’un passage de l’Ancien Testament qui n’est pas donné tel quel sous forme de citation. 239 partiellement le résumé du passage de l’Exode (segment 1). Là encore, les références exactes des citations bibliques – Exode 12-14 et Exode 12-27 – sont données en manchette. Les citations, outre le marqueur typographique de l’italique, sont signalées par « quand il dit ». Ce groupe introducteur réactive la mémoire du lecteur (« quand il dit » fonctionne en effet différemment de « il dit ») et peut être considéré également comme un marqueur de reformulation. Dans cette séquence, il y a une certaine distance entre l’énoncé source (segment 1) et les énoncés reformulés. Les segments 1, 2, 3 et 4 sont coorientés (concordance concordante, coénonciation). La modalité est délocutive dans le segment 1 et allocutive dans les segments 2, 3 et 4 qui servent de preuve à ce qui est avancé dans le co-texte gauche. L’organisation spatiale de cette séquence permet à Duplessis-Mornay d’insérer dans le schéma formulation-reformulations ses propres commentaires (sur la façon dont on doit selon lui interpréter ces passages de l’Exode) et de les faire valider par trois citations bibliques. Quatrième exemple : « Mes freres, n’en croions point les hommes » 8. Mes freres, n’en croions point les hommes […]. En une mer si inconnuë à l’homme, en ces golfes si perilleux, nous ne pouvons prendre langue asseurée que de Dieu mesmes : du Pere qui a parlé du ciel, nous a monstré le fils ; nous à dit, Escoutez le : du Fils, qui nous crie au milieu du Temple, en l’ardeur de la dispute des Pharisiens, de tous ces grands Docteurs ; Enquerez-vous soigneusement des Escritures : Du Sainct Esprit qui nous dit par le Prophete ; La Loy de Dieu fournit de sapience aux petits, &c. Le commandement de Dieu est clair, & illumine les yeux. […] Iustin Martyr ; Nous n’avons point de commandement de Christ, de croire aux doctrinees humaines […] Mais a celles que les Apostres ont presché, & lui mesme a enseigné. Item, Il faut recourir aux Escritures afin que nous y trouvions seureté en toutes choses […] Tertullian ; Je ne reçois point ce que tu apportes du tien, hors l’Escriture Cette séquence est en réalité beaucoup plus longue et s’étend sur plusieurs pages, reflétant en cela la démarche de Duplessis-Mornay qui consiste à dire et redire par citations interposées. Plusieurs voix énonciatives sont ainsi mises en scène : Duplessis-Mornay, le Père, le Fils, le Saint-Esprit, des auteurs de la période patristique121. L’extrait ci-dessus commence par une succession de quatre segments séparés par le signe de ponctuation « : » indiquant un rapport logique entre chaque segment. Le segment 1 correspond aux propos de Duplessis-Mornay exprimés de façon injonctive. Il est suivi des segments 2 (le Père), 3 (le Fils) et 4 (le Saint-Esprit), constitués de citations bibliques 121 Pour des raisons évidentes de place, il n’est pas possible de retranscrire ici l’intégralité de cette séquence. Nous présentons donc avec cet extrait quelques exemples pertinents. 240 issues des deux Testaments. Duplessis-Mornay poursuit sa démonstration, alignant de nombreuses citations de Pères de l’Église. La modalité est allocutive dans le segment 1 et dans la plupart des segments suivants. Certaines citations reprennent le mode injonctif. Entre les propos de Duplessis-Mornay et ces citations, on observe des similitudes concernant le lexique : « asseurée » et « seureté », « les hommes » et « doctrinees humaines ». Tous les segments sont co-orientés. Cependant, la concordance semble discordante et on peut distinguer dans cette séquence plusieurs cas de surénonciation, par exemple : « Mes freres, n’en croions point les hommes »/ « Le commandement de Dieu est clair, et illumine les yeux ». Toutefois, ces citations, dans leur ensemble, reformulent les propos de Duplessis-Mornay, lui permettant de faire valider son dire par des auteurs bibliques et non bibliques. 4. Conclusion Notre première question de travail consistait à se demander s’il était possible de reformuler avec un énoncé figé. Définie comme « un retour réflexif sur une première formulation » (Rabatel 2017), la reformulation apparaît comme un processus de mise en relation de deux énoncés : un énoncé source et un énoncé reformulé. Ce processus implique donc une opération cognitive dans laquelle le locuteur crée, à partir d’un premier énoncé, un second énoncé ayant une valeur paraphrastique ou non. Cette création suppose des choix de la part du locuteur (choix qui se font habituellement au niveau du lexique, de la syntaxe…). Or la citation est par définition un énoncé figé dont l’auteur citant respecte en principe la forme et l’esprit. Où est le choix si l’énoncé est figé ? Le choix se fait à un niveau macro-textuel : choix d’une citation plutôt que d’une autre, choix dans l’organisation des citations les unes par rapport aux autres (notamment dans leur hiérarchisation) et par rapport aux propres mots de l’auteur citant. La responsabilité de celui-ci est de plus engagée, du processus de citation jusqu’à son effet dans le texte citant : respect de la forme du passage prélevé, mention de la source, prise en compte du contexte d’origine. Les adversaires de Duplessis-Mornay n’ont pas manqué de l’attaquer sur sa façon de citer, l’accusant d’avoir inventé, modifié et utilisé à contresens les passages cités122, ce qui montre bien le caractère essentiel de cet appareil argumentatif. Le caractère figé de la citation n’apparaît donc pas comme un obstacle au fait de considérer celle-ci comme une reformulation. Une seconde question de travail portait sur la dimension spatio-temporelle de la citation reformulante. Dans l’organisation interne du Traité de 122 Il ne s’agit pas ici de déterminer si c’est le cas ou non, mais de souligner le rôle central de la citation dans les ouvrages de controverse religieuse et en conséquence la focalisation des adversaires sur cet aspect. 241 l’eucharistie, la citation reformulante apparaît, d’un point de vue linéaire, après l’énoncé source… dans certains cas directement après et dans d’autres à distance, permettant à Duplessis-Mornay d’inclure ses propres commentaires dans la validation opérée par la citation. Le discours de l’auteur se trouve donc sanctionné par des textes plus anciens, dont les textes sacrés, bouleversant ainsi la réalité chronologique de l’apparition initiale de chaque énoncé dans le réel. Il s’agit là d’une organisation du discours méticuleusement planifiée. Les différents énoncés sont donnés dans un ordre précis, selon une progression voulue par l’auteur. Peut-on considérer que les propos de Duplessis-Mornay, qui apparaissent dans le co-texte gauche au sein de chaque séquence concernée par la reformulation, soient une reformulation par anticipation des citations qui sont données dans le co-texte droit123 ? Cette question invite à distinguer deux phases généralement liées à la production d’un texte : son élaboration et la livraison d’un produit fini dans le but de produire un effet. C’est donc lors de la phase d’élaboration qu’une reformulation par anticipation pourrait être envisagée124. Cependant, les différentes formes prises par le discours théologal au fil des siècles, l’évolution du statut du commentaire (Compagnon 1979) ainsi que le fonctionnement même de ce discours dans le contexte de la controverse religieuse confirment plutôt notre hypothèse de départ. Selon la définition de la controverse proposée par Charaudeau (2014 et 2017), le type de relation est antagonique et le positionnement se fait par rapport à un contenu dogmatique et doctrinal. On part donc d’un point de vue, d’une conception initiale que l’on cherche à défendre (enjeu). Il s’agit donc moins d’interpréter que de défendre une interprétation et cela se fait par le recours à la citation. Ainsi, les propos de Duplessis-Mornay dans le co-texte gauche constituent un point de départ, au moment même de la conception du texte, et doivent, selon nous, être considérés comme énoncé source. Notre troisième question de travail avait pour objectif d’examiner le rôle argumentatif de la citation reformulante. Sa dimension spatio-temporelle lui confère une efficacité argumentative certaine. Elle reflète le principe protestant de retour aux origines lorsque la citation est issue de la Bible et elle témoigne de l’adaptation à l’auditoire catholique lorsqu’elle met en scène des auteurs post-bibliques. Selon Le Bot, Schuwer et Richard (2008), la reformulation impose dans son mieux-dit du déjà-dit. C’est par le mieux-dit de la citation que Duplessis-Mornay entend convaincre ses adversaires, son déjàdit n’ayant pas de valeur à leurs yeux. À la fois explication et argument, la citation reformulante cherche à contourner le doute (Plantin 2002 : 251). Donnée comme assurée, elle permet à Duplessis-Mornay de déplacer 123 Nous remercions Claire Martinot et Alain Rabatel pour leurs remarques stimulantes à ce sujet lors du colloque. 124 Car, en ce qui concerne le texte comme produit fini, l’organisation linéaire de celui-ci place le co-texte gauche dans l’antériorité. 242 l’argument de l’explanandum vers l’explanans. L’analyse, dans notre corpus, de la relation entre énoncé source et énoncé reformulé sur « l’axe concordance vs discordance » (Rabatel 2007 : 77-78) mériterait d’être approfondie avec plusieurs autres exemples afin d’examiner si la citation reformulante adopte une posture générale de surénonciation. Cette étude a permis de mettre en évidence une stratégie argumentative chez Duplessis-Mornay tout en contribuant à la réflexion sur la reformulation à partir d’un corpus de controverse religieuse. Références CHARAUDEAU, P. (2014), « La scénographie du débat politique. Du contrat aux stratégies », in Political discourse in the Romance speaking countries: new perspectives at the crossroads of linguistics and social sciences, Université de Stockholm, [Communication]. CHARAUDEAU, P. (2017), Le Débat public. Entre controverse et polémique. Enjeu de vérité, enjeu de pouvoir, Limoges, Lambert-Lucas. COMPAGNON, A. (1979), La seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil. ESTIENNE, R. 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Corpus DUPLESSIS-MORNAY, P. (1604), De l’Institution, usage, et doctrine du sainct sacrement de l’Eucharistie en l’Eglise Ancienne. Ensemble Quand, Comment, et par quels degrez la Messe s’est introduicte en sa place. Le tout en quatre livres. Par Philippes de Mornay, Seigneur du Plessis-Marly. Reveu, et augmente par icelvi ; et les passages des Autheurs employez en marge. Seconde edition. A Saumur, par Thomas Portau. MDCIIII. [1604]125 125 Le titre étant assez long, l’ouvrage a connu des appellations plus courtes dès l’époque de publication, notamment : Livre contre la messe, Livre de la messe, Livre de l’eucharistie, Traité de l’eucharistie. C’est par cette dernière appelation que nous désignons l’ouvrage dans cet article. L’exemplaire utilisé est conservé aux Archives Départementales de Maine-et-Loire, Angers, et appartient à un fonds privé (Collection particulière). L’ouvrage ne comporte pas de cote. Nous travaillons à partir d’un tirage papier du microfilm réalisé en décembre 1996 par les soins des Archives Départementales. 244