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NOUVELLES DROITES ET POUVOIR EN EUROPE Pascal DELWIT, Centre d’étude de la vie politique à l’Université libre de Bruxelles Depuis une trentaine d’année, nombre d’Etats européens ont vu resurgir des formations de droite radicale. Dans une large mesure, on peut qualifier ce phénomène nouveau. De 1945 à nos jours, il est en effet possible de distinguer deux grandes périodes pour apprécier le déploiement politico‐électoral de formations d’extrême droite : de 1945 à 1973 et de 1973 à nos jours. L’EXTRÊME DROITE DE 1945 À 1973 La période qui suit la deuxième guerre mondiale est marquée par l’évanescence des partis d’extrême droite en Europe. Les droites radicales sont très affectées par le discrédit qui les touche en raison de la deuxième guerre mondiale, du génocide perpétré à l’encontre des communautés juive, rom, homosexuelle… et, bien évidemment, des millions de morts et blessés durant la conflagration mondiale. Ce temps est par ailleurs une étape de recul de l’idée nationaliste. Au contraire, de nombreuses organisations internationales sont édifiées. Citons entre autres l’Organisation des Unions Unies, la signature des accords de Breton‐Woods, … Sur le continent européen, après l’établissement de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) qui deviendra l’OCDE, naissent les premiers traités communautaires : Communauté européenne du charbon et de l’acier (1954), Organisation européenne de l’énergie atomique (Euratom, 1957) et Marché commun (1957), ancêtres de la future Union européenne. Cette période est caractérisée par un redressement économique et même une croissance économique soutenue, singulièrement dans les Golden sixties. C’est aussi le temps de l’avènement de l’Etat‐providence moderne. La majorité de la population connaît une amélioration sensible de ses conditions de travail et de rémunération. En outre, elle est désormais couverte contre deux grands risques : l’inactivité professionnelle, par l’allocation de chômage et la pension, et la maladie, par l’assurance maladie‐invalidité. Artichaut / Dans ce contexte, on ne relève qu’une seule formation d’extrême droite digne de ce nom, le Mouvement social italien (MSI). Formation post‐fasciste italienne, le MSI capte entre 5 et 8% des suffrages tout au long de la période et est le parti qui inspire la plupart des groupes d’extrême droite. Le Front national français lui empruntera une part de son corpus programmatique et la flamme qui est devenu son signe de reconnaissance. Si l’extrême droite est absente en temps normal du jeu politico‐électoral, des poussées sont néanmoins possibles. En 1956, il en alla ainsi avec la percée du mouvement poujadiste qui voit le jour à partir d’une révolte de commerçants/artisans contre une nouvelle imposition. Se présentant sous le nom de l’Union de défense des commerçants et des artisans, le parti poujadiste réalise un très bon score en 1956 et permet notamment l’élection d’un député appelé à faire parler de lui, Jean‐Marie Le Pen. Cette pénétration de l’Assemblée reste pourtant sans lendemain et l’UDCA sombre en même temps que la quatrième République. A la première élection présidentielle au suffrage universel, en 1965, c’est Jean‐Louis Tixier‐Vignancour qui porte les couleurs d’extrême droite. L’engagement est centré sur la « trahison » des accords d’Evian et la valorisation de l’Algérie française. Le directeur de campagne de Tixier‐ Vignacour n’est autre que Jean‐Marie Le Pen. Mais le résultat reste modeste. Enfin, si l’extrême droite reste absente du terrain politique et des arènes parlementaires, il existe des organisations activistes, qui n’hésitent pas à disputer le pavé aux organisations estudiantines d’extrême gauche. Dans la deuxième moitié des années soixante et au début des années soixante‐dix, plusieurs groupements d’extrême droite se font connaître par un activisme violent en Italie, en France, en Allemagne… En France, des organisations Page comme Occident et Ordre nouveau frappent les imaginations. chrétienne, socialisme et communisme) et, dans beaucoup d’Etats, la fin du mythe du retour des travailleurs étrangers. L’EXTRÊME DROITE DE 1973 À NOS JOURS Après les « trente glorieuses », l’Europe et le monde entrent dans un nouveau cycle économique au milieu des années soixante‐dix. Ce nouveau cycle est symboliquement inauguré par les deux grands chocs pétroliers des années soixante‐dix (1973 et 1978). Et très rapidement se donnent à voir des évolutions économiques majeures : très forte élévation de l’inflation, affaissement saisissant de la croissance économique et occasionnellement entrée en récession, et montée très importante du chômage. Ce tournant est concomitant à d’autres évolutions. La première est la montée des mises en cause de l’Etat. Cette mise en cause vient d’abord de la nouvelle gauche libertaire qui critique sévèrement certains choix, notamment celui du nucléaire civil à des fins de production énergétique, et l’idée d’un Etat réalisant ses choix sans concertation. Elle est ensuite néo‐libérale sur le plan économique. von Hayek1 et Friedman2, prix Nobel d’économie respectivement en 1974 et 1976, sont mis à l’honneur et portés politiquement par Margaret Thatcher, premier ministre britannique à partir de 1979, et Ronald Reagan, président des Etats‐Unis de 1980 à 1988. S’engage alors un processus ininterrompu de libéralisation3 et de délégitimation de l’action publique. La deuxième est l’avènement de la « révolution silencieuse », épinglée par le sociologue Ronald Inglehart4. Cette « révolution » est marquée par l’éloignement générationnel vis‐à‐vis de la guerre mondiale, qui a façonné nombre de comportements, et par une élévation tendancielle du capital scolaire des nouvelles générations. Ce phénomène aurait deux impacts majeurs : l’importance accrue des valeurs et des thématiques dites post‐ matérialistes (environnement, droit des femmes, bonheur,…) et la sortie de comportements inconditionnels vis‐à‐vis des organisations et des autorités publiques. La demande participative s’accroît. Enfin, on observe de très grandes mutations sociales, sociétales et territoriales. Citons quelques évolutions majeures : l’affaissement de l’industrie lourde en Europe et, plus généralement, l’érosion de l’industrialisation, le déclassement progressif socio‐démographique et socio‐ politique de la classe ouvrière, la fin des grandes idéologies structurantes et, parfois, transformatrices (démocratie Artichaut / C’est dans ce bouleversement de l’histoire que naissent et se développent de nouvelles formations d’extrême droite. Globalement, quatre caractéristiques sont communes aux partis en développement dans les années quatre‐vingt. Il s’agit d’abord, et c’est un point nodal, d’une extrême droite nationaliste. La nation est déclinée comme un organe à protéger des attaques et des virus. Aussi l’extrême droite est‐elle résolument xénophobe et raciste. Trois figures incarnent le mal : le juif, l’arabe et le noir. Fait, dans une certaine mesure, différent par rapport à l’entre‐deux‐guerres, cette extrême droite est assez libérale sur le plan économique et fait montre d’un anti‐ étatisme et d’un anti‐fiscalisme importants. Enfin, l’extrême droite affiche un anti‐communisme profond et trouve dans les Etats‐Unis et l’OTAN des protecteurs contre ce spectre. Les partis de droite radicale qui se développent à ce moment sont emblématiques de ces observations : le Front national en France, le Vlaams Blok en Belgique, le parti de la liberté en Autriche, les partis du progrès au Danemark et en Norvège. Dans les années quatre‐vingt‐dix et deux mille, certaines inflexions se donnent à voir. Ainsi en est‐il de l’estompement progressif de la figure du juif et de l’arabe comme vecteurs de maux. Le musulman est désormais épinglé comme la menace principale. Petit à petit, l’extrême droite se fait aussi moins libérale sur le plan socio‐économique. On observe une revalorisation rhétorique de l’action de l’Etat, qui prend même la figure d’Etat protecteur et de « modèle » dans une contestation adressée à l’Union européenne. Sur le plan social, assiste‐t‐on à l’avènement de ce que l’on nomme le Welfare Chauvinism (le chauvinisme de bien‐ être5) : une protection sociale oui, mais pour les (bons) nationaux et certainement pas dans l’espace européen. Cette mutation amène l’extrême droite à se faire, discursivement, le parangon des valeurs occidentales. Ainsi la voit‐on occasionnellement faire montre de compassion pour les homosexuels, les femmes,… groupes supposés mis à mal par les musulmans6. La participation du FN français à la manifestation hostile au mariage des couples de même genre a brouillé cette image et prouvé, si besoin en était, qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Page FPÖ BZÖ 26,9 30,0 22,5 21,9 25,0 15,0 10,0 17,5 16,6 20,0 10,0 11,0 10,7 9,7 6,1 5,0 4,1 5,0 0,0 1979 1983 1986 1990 1994 1995 1999 2002 2006 2008 Tableau 1. Evolution des résultats électoraux du FPÖ et du BZÖ pouvoir lui a fait perdre beaucoup de crédit mais le dernier scrutin témoigne d’un nouveau succès d’estime pour les deux partis de la droite radicale en Autriche. En Belgique, le Vlaams Blok a attendu une dizaine d’années avant de sortir de son confinement initial à Anvers. Mais dans les quinze années qui suivent la percée opérée aux élections législatives de novembre 1991, le Vlaams Blok qui se renomme en Vlaams Belang en 2004 connaît une progression saisissante. Celle‐ci s’est interrompue et le Vlaams Belang est désormais en difficulté majeure comme l’a encore attesté son résultat aux élections communales d’octobre 2012, singulièrement dans son fiel anversois où il a perdu 20 points de pourcent. Pour sa part, le Front national belge n’a jamais été qu’une coquille vide d’un point de vue idéologique et organisationnel. Mais, il a su à certains moments être le réceptacle d’un vote d’un segment électoral non marginal 7. L’interdiction de porter le nom de Front national est pour lui un problème majeur (tableau 2). Enfin, dans le contexte de la chute du mur de Berlin et des transformations de l’ordre mondial, nombre de partis d’extrême droite affichent désormais une posture anti‐ américaine et n’hésitent à valoriser des régimes dictatoriaux au nom de leur lutte contre le péril musulman. La posture à l’endroit du régime d’Assad en Syrie est exemplative. Etrangement, elle n’est parfois pas éloignée de celle de certains partis de la gauche radicale. RÉALITÉS DE LA PERCÉE D’EXTRÊME DROITE Ces trente dernières années, quelques partis ont opéré une percée dans leur spectre politique. Néanmoins, on observera que celle‐ci est loin d’être toujours linéaire. Il en est ainsi du parti autrichien de la liberté (FPÖ) et, d’une dissidence, l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ). Le FPÖ a connu une progression soutenue dans les années quatre‐vingt et quatre‐vingt‐dix au point de devenir le deuxième parti du pays en 1999. Sa participation au Vlaams Belang FN 20,00 18,07 18,00 18,95 15,43 16,00 12,60 12,25 14,00 10,28 12,00 10,00 8,00 5,11 6,00 4,00 2,01 1,37 1978 1981 2,00 2,18 3,03 5,56 5,57 3,95 1,40 1,67 0,00 1985 1987 1991 1995 1999 2003 2007 2010 Tableau 2. Evolution des résultats électoraux du Vlaams Blok/Belang et du Front national Artichaut / Page 14,94 16,00 13,60 14,00 12,42 11,34 12,00 9,43 10,00 9,79 8,00 6,00 4,29 4,00 2,00 0,29 0,18 0,00 1978 1981 1986 1988 1993 1997 2002 2007 2012 Tableau 3. Evolution des résultats électoraux du Front national aux élections législatives En France, le Front national a vu le jour en 1972 et a connu une longue « traversée du désert » avant d’être un acteur écouté et connu 8. Du milieu des années quatre‐ vingt à la fin des années quatre‐vingt‐dix. Jean‐Marie Le Pen aux élections présidentielles et le FN aux élections nationales connaissent une croissance, qui n’a cependant qu’une très faible traduction en sièges. Le conflit qui oppose Mégret et Le Pen, fin 1998, génère un déclin d’une décennie pour l’organisation frontiste ; et ce malgré la présence de Jean‐Marie Le Pen au deuxième de l’élection présidentielle en 2002. Depuis l’élection de Marine Le Pen à la présidence du parti en janvier 2011, le parti connaît une nouvelle vie, symbolisée par les 18% décrochés à l’élection présidentielle et les 13,6% au scrutin législatif de 2012. Il reste que la traduction parlementaire reste mineure. Le FN n’a que deux députés à l’Assemblée nationale (tableau 3). Au Danemark, le parti du progrès (FRP) a longtemps porté les habits du principal parti de droite radicale. Mais, déclinant, il a été supplanté à la fin des années quatre‐ vingt‐dix par le nouveau parti populaire danois (DFP), plus agencé à un discours xénophobe, qui a réussi à stabiliser un résultat dans une fourchette entre 11 et 13% des suffrages (tableau 4). Le parti du progrès norvégien est peut‐être la formation de la droite radicale qui a connu l’évolution la plus linéaire, à l’exception du scrutin de 1993. Elle s’est progressivement imposée à l’extrême droite du spectre politique au point de disputer au parti conservateur, FRP DFP 18 15,89 14,61 16 13,58 14 11,01 12 13,86 13,25 12,32 12,00 8,96 8,91 10 7,91 6,44 6,43 8 6 3,59 4,57 2,42 4 0,56 2 0 1973 1975 1977 1979 1981 1984 1987 1988 1990 1994 1998 2001 2005 2007 2011 Tableau 4. Evolution des résultats électoraux du parti du progrès et du parti populaire danois Artichaut / Page 25 22,06 22,91 20 15 15,3 14,64 1997 2001 13,04 10 6,28 5,01 5 4,46 3,72 1,88 0 1973 1977 1981 1985 1989 1993 2005 2009 Tableau 5. Evolution des résultats électoraux du parti du progrès en Norvège Hoyre, le statut de première formation de droite. Il s’agira de voir lors du prochain scrutin dans quelle mesure le massacre de l’été 2011 perpétré par Anders Behring Breivik, qui est passé dans ses rangs, peut affecter son crédit politique (tableau 5). L’Union démocratique du centre en Suisse se donne aussi à voir comme une formation à la progression linéaire. Parti relativement ancien, il s’est transformé sous la houlette Christoph Blocher de parti conservateur en parti de la droite radicale, désormais connu pour ses campagnes xénophobes. L’UDC a commencé à enregistrer une progression soutenue dans la deuxième moitié des années quatre‐vingt‐dix et a flirté en 2007 avec la barre des 30%. Contrairement aux attentes, le scrutin de 2011 a été une déception pour l’UDC, qui a connu un tassement électoral (tableau 6). Nous l’avons souligné, le Mouvement social italien a longtemps fait office de modèle pour l’extrême droite européenne. Pourtant, le MSI a connu une spectaculaire mue dans les années quatre‐vingt‐dix. Sous l’impulsion de son dirigeant, Gianfranco Fini, le parti s’est transformé en parti conservateur moderne et s’est renommé en Alliance nationale. Au milieu des années deux mille, l’Alliance s’est même fondue dans le Peuple de la Liberté, établi par Silvio Berlusconi. Après en être sorti, Fini n’a plus su rebondir et est désormais un naufragé du système politique italien. En parallèle, la Ligue du nord a vu le jour au début des années quatre‐vingt‐dix. Sous l’impulsion d’Umberto Bossi, elle a su s’imposer comme une « alternative » dans un système alors affecté par l’opération Mani Pulite9. Peu à peu, la Ligue du nord a endossé une rhétorique de plus en plus xénophobe et même raciste. Mais après s’être imposée comme un « chevalier blanc » dans la vie politique italienne, la Ligue a elle‐même été rattrapée 35,00 30,00 26,73 26,60 22,50 25,00 20,00 15,00 28,92 14,90 11,03 9,93 11,58 11,07 11,02 11,89 1971 1975 1979 10,00 5,00 0,00 1983 1987 1991 1995 1999 2003 2007 2011 Tableau 6. Evolution des résultats électoraux de l’Union démocratique du centre en Suisse Artichaut / Page AN (MSI) 18,00 15,66 16,00 13,48 14,00 12,02 12,00 12,18 10,07 8,66 10,00 8,00 Ligue du nord 6,80 5,92 6,00 8,62 8,30 5,36 3,94 4,58 4,08 4,00 2,00 0,00 1983 1987 1992 1994 1996 2001 2006 2008 2011 Tableau 7. Evolution des résultats électoraux du MSI et de l’Alliance nationale, et de la Ligue du nord par des affaires de corruption, en particulier dans le chef de la famille Bossi. Aux récentes élections législatives italiennes, elle n’a pu capter que 4% des voix (tableau 7). Cette évanescence politico‐électorale de partis d’extrême droite n’est pas spécifique à l’Allemagne. Il en va dans une large mesure de même dans des Etats comme l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, le Grand‐Duché de Luxembourg, la République tchèque et la Grande‐Bretagne. On notera, néanmoins, qu’aux dernières élections européennes, le British National Party (BNP) a été capable de décrocher deux sièges. Dans le spectre d’extrême droite, ce qui a sans doute marqué les imaginations, c’est la percée contemporaine de certaines formations. Il en est par exemple ainsi du parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders aux Pays‐Bas ou des Vrais finlandais (PERRU), qui ont réussi à engranger près de 20% des voix lors du dernier scrutin en date. Mais ces deux exemples n’épuisent pas le sujet. L’extrême droite, sous le nom des Démocrates suédois, a aussi réussi à entrer au Parlement en Suède. Dans cet ensemble, la configuration allemande détonne. Contrairement à ce que nous venons d’observer pour d’autres Etats européens, aucun parti d’extrême droite n’a réussi à s’y imposer au plan fédéral. Trois formations se meuvent dans le spectre de l’extrême droite Les républicains (REP), l’Union populaire allemande (DVU) et le parti national démocrate (NPD). Aucune n’a jamais franchi le seuil des 5% pour atteindre le Bundestag. En revanche, les Républicains ont déjà décroché des parlementaires européens et les trois ont occasionnellement su capter des parlementaires régionaux lors de scrutins de länder (tableau 8). NPD REP DVU 2,5 2,13 1,86 2 1,84 1,58 1,5 1,47 1,22 1 0,60 0,5 0,18 0,23 1980 1983 0,58 0,45 0,31 0,56 0,45 0,26 0,11 0 1987 1990 1994 1998 2002 2005 2009 Tableau 8. Evolution des résultats électoraux des REP, de la DVU et du NPD Artichaut / Page PVV LPF Pays‐Bas 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Perru Finlande SD Suède Jobbik Hongrie Ataka Bulgarie Laos Aube dorée Grèce LPR Pologne 7,87 17 5,7 2,19 8,14 5,89 0,21 2,93 4,07 3,8 9,39 15,45 7,89 1,38 5,7 1,3 5,63 16,67 19,05 10,08 2,89 1,58 6,97 6,92 Tableau 9. Evolution des résultats électoraux d’autres partis de droite radicale en Europe. Le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik) est aussi une formation qui a énormément progressé. Elle n’hésite pas à se prêter à des intimidations physiques. Il en va d’ailleurs de même pour Aube dorée en Grèce, qui assume pleinement son identité nazie. Lors des deux scrutins de 2012, elle a réussi à décrocher un peu moins de 7% des voix. Les expressions électorales pour des formations radicales se sont donc affirmées récemment même si, nous l’avons montré, l’idée d’une vague déferlante ne correspond pas à la réalité (tableau 9). de quelques régions, en Italie pour la Ligue du nord et l’Alliance nationale…. Enfin, on peut isoler une troisième posture : le soutien extérieur à un gouvernement sans y prendre part pour autant. Trois formations importantes ont joué ce rôle : le parti populaire danois et le parti du progrès durant deux législatures et, plus récemment, le parti de la liberté aux Pays‐Bas. Dans ce dernier cas, c’est même la fin du soutien de Geert Wilders à la coalition entre libéraux et démocrates chrétiens qui a conduit à l’organisation d’un scrutin anticipé en septembre 2012. L’EXTRÊME DROITE ET LE RAPPORT AU POUVOIR 1 Pour clore ce tour d’horizon, abordons enfin la relation des partis d’extrême droite à l’exercice du pouvoir. En la matière, on peut épingler trois configurations. La première est la plus simple. Aucune relation à l’exercice du pouvoir ne s’est produite. Le parti d’extrême droite est, à tous les niveaux, un parti d’opposition. L’exemple le plus manifeste de ce cas d’école est le Vlaams Belang belge. Depuis sa naissance en 1978, il n’a pris part, de manière directe ou indirecte, à aucun exercice du pouvoir quel que soit le niveau considéré. L’avantage est, bien sûr, de pouvoir assurer un discours clair qui ne s’encombre pas des multiples contraintes présentes dans l’exercice des responsabilités. L’inconvénient est que la sempiternelle posture d’opposition lasse les cadres et les militants. La deuxième est la prise de responsabilité, seule ou en coalition. Plusieurs partis des droites radicales ont été ou sont des acteurs du pouvoir. Il en est ainsi en Suisse, où l’exécutif est composé proportionnellement aux résultats électoraux. Nous l’avons mentionné, il en a été ainsi en Autriche, en Slovaquie dans le chef du parti national slovaque, en France à l’échelle de certaines communes et Artichaut / F. von Hayek, The road to serfdom : text and documents : the definitive edition, New York, Routledge, 2008. 2 M. Friedman, Capitalism and freedom, Chicago, Chicago University Press, 1982. 3 E. Suleiman, Le démantèlement de l’Etat démocratique, Paris, Seuil, 2005. 4 R. Inglehart, The silent revolution : changing values and political styles among Western publics, Princeton, Princeton University Press, 1977. 5 E. Koning, The Real and Perceived Economics of Immigration: Welfare Chauvinism and Immigrants’ Use of Government Transfers in Twelve Countries, Paper prepared for 2011 Canadian Political Science Association conference, Waterloo, Ontario, Canada. 6 P. Ignazi, « Le Front national et les autres. Influence et évolutions », in P. Delwit (ed.), Le Front national. Mutations de l’extrême droite française, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2012, pp. 37‐56. 7 P. Delwit, « The Belgian National Front and the question of power », in P. Delwit, Ph. Poirier (eds), Extrême droite et pouvoir en Europe, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, pp. 141‐166. 8 P. Delwit, « Les étapes du Front national (1972‐2011) », in P. Delwit (ed.), Le Front national. Mutations de l’extrême droite française, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, pp. 11‐ 36. 9 M. Telo, G. Sandri, L. Tomini (ed.), L’état de la démocratie en Italie, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2013. 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