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Savoir rire entre les lignes : matérialisme médical et « hiéropsychologie » dans la Revue de l'hypnotisme (1887-1910)

2018, Bulletin canadien d'histoire de la médecine

Le rire a joué, en France, dans la deuxième moitié du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle, un rôle stratégique crucial dans le combat anticlérical et antireligieux. De cet usage polémique du rire est résultée toute une production culturelle qu’on a distinguée d’une littérature « savante », qui mènerait la lutte contre la religion sur un tout autre plan, celui de la raison affrontant l’obscurantisme et le préjugé. Dans cet article, on essaye de montrer, à partir d’une analyse des contributions relevant de la « psychologie de la religion » ou « hiéropsychologie » publiées dans la Revue de l’hypnotisme, qu’il existe aussi un « ridicule savant », dont les formes, les codes et les usages sont caractéristiques du rire anticlérical que l’on peut associer au « matérialisme médical ».

Savoir rire entre les lignes : matérialisme médical et « hiéropsychologie » dans la Revue de l’hypnotisme (1887-1910) Initié à l’occasion d’une journée d’études sur « Savoirs sérieux, savoirs à plaisanterie dans l’histoire des sciences du psychisme. XIXe-XXe siècles », tenue en 2009 au Centre Alexandre Koyré (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris), ce travail a bénéficié, au cours de sa longue gestation, des commentaires de Jacqueline Carroy, Stéphanie Dupouy, Annick Ohayon, Hervé Guillemain, Régine Plas et Alexandra Bacopoulos-Viau ; mes remerciements vont aussi aux deux collègues qui ont évalué cette contribution, pour leurs précieuses suggestions. « Faites rire, parce que le rire tue. Ensuite nous pourrons penser » (La Raison, 25 mai 1902) Cité par Jacqueline Lalouette, La Libre pensée en France, 1848-1940, préface de Maurice Agulhon (Paris : Albin Michel, 2001), 216-217.. Comme le rappelle cette injonction tirée d’un journal libre-penseur, le rire a joué un rôle stratégique crucial dans le combat anti-clérical et anti-religieux de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième. Plaisanteries, parodies, recours à un registre obscène ou scatologique, sous forme orale, écrite, dessinée ou chantée, ont effectivement été utilisés comme autant de techniques destinées à saper les fondements de la foi et de la pratique religieuse Pour une introduction synthétique à cette problématique, voir l’ouvrage de Jacqueline Lalouette, La Libre pensée, « Le rire et son interprétation », p. 213-218.. De cet usage polémique du rire est résultée toute une production culturelle (contes, albums d’illustrations, chansons, caricatures) que les historiens de l’anti-cléricalisme n’ont pas manquée d’exploiter pour restituer à ce phénomène toute son ampleur Pour ce qui concerne la caricature, on peut se reporter à Michel Dixmier, Jacqueline Lalouette et Didier Pasamonik, La République et l’Église. Images d’une querelle (Paris : La Martinière, 2005) ; Guillaume Doizy et Jena-Bernard Lalaux, À bas la calotte. La caricature anticléricale et la Séparation des Églises et de l’État (Paris : Éditions Alternatives, 2005)., mais qu’on prend bien soin de distinguer d’une littérature « savante », qui mènerait la lutte contre la religion sur un tout autre plan, celui de la raison affrontant l’obscurantisme et le préjugé. Comme le résume Guillaume Doizy, « se met en place une critique du christianisme qui emprunte deux chemins parfois convergents. D’un côté une critique rationnelle des textes s’appuie sur les découvertes scientifiques, s’intéresse à l’historiographie ancienne et aux contributions des textes ‘‘saints’’. […] De l’autre se multiplient les assauts satiriques qui trouvent dans le comique un fort bon moyen de dénigrement. La critique sérieuse vise les élites ; le rire, de son côté, tend à transcrire les arguments en termes accessibles pour le plus grand nombre » Guillaume Doizy, « De la caricature anticléricale à la farce biblique », Archives de sciences sociales des religions, 134 (2006) : 64-65.. Pourtant, il nous semble aussi pouvoir retrouver un usage destructeur, avec bien sûr ses modalités propres, du rire dans cette littérature savante qui se présente avant tout comme « sérieuse » parce que scientifique. Car si rire de quelque chose, cela consiste aussi à le tourner en ridicule, à le rabaisser, à le dévaloriser, alors il faut bien reconnaître qu’un des objectifs d’une partie de cette littérature était bien de faire rire. Certes, pas d’un rire éclatant, mais plutôt – pour oser le jeu de mots – d’un « sous-rire », d’un rire contenu mais néanmoins féroce, qui exigeait du lecteur qu’il sache lire entre les lignes pour trouver « matière à rire ». C’est notamment le cas, comme on va essayer de le montrer, dans les écrits d’un certain nombre de représentants des « savoirs psy » (notamment psychiatrique et psychologique), dont il serait difficile de nier l’« esprit de sérieux » qui pourtant les animait dans cette entreprise. Cette volonté de rabaisser par le ridicule caractéristique d’un certain discours savant, William James la voyait particulièrement à l’œuvre dans ce que les pages d’ouverture des Varieties of Religious Experience (1902) qualifiaient de « matérialisme médical »: penser « avoir dit le dernier mot sur Saint Paul, en qualifiant sa vision sur la route de Damas de décharge épileptiforme dans l’écorce occipitale », traiter « Sainte Thérèse d’hystérique et Saint François d’Assise de dégénéré héréditaire », affirmer que « la répulsion de George Fox pour l’hypocrisie de son époque et son douloureux effort vers la sincérité spirituelle ne sont que des symptômes de désordres intestinaux », voilà, disait James, autant de façons de ridiculiser l’expérience religieuse, d’immanentiser la transcendance, de réduire le spirituel ou l’idéal au matériel, à l’anatomique ou au physiologique William James, L’Expérience religieuse. Essai de psychologie descriptive, trad. fr. de F. Abauzit, avec une préface d’E. Boutroux (Paris & Genève, Félix Alcan & Henry Kündig, 1906), 13.. Voilà où se trouve la « matière à rire » du « matérialisme médical ». Pour mieux saisir les modalités et les registres de ce « ridicule savant », on procédera à l’analyse d’un certain nombre d’écrits relevant de ce genre, en s’appuyant principalement sur les articles traitant de psychologie religieuse, ou « hiéropsychologie » comme l’on disait alors, notamment ceux parus dans la Revue de l’hypnotisme entre 1887 et 1910. On commencera ainsi par rappeler le contexte dans lequel va se développer en France, dans le dernier tiers du XIXe siècle, cet anticléricalisme médical, en insistant sur l’« esprit de sérieux » qui le caractérise, posture d’objectivité scientifique revendiquée qu’on retrouve à l’œuvre notamment dans les travaux de Charcot et Richer. On montrera ensuite comment les contributions touchant à la « psychologie religieuse » dans la Revue de l’hypnotisme, tout en se réclamant de cette objectivité scientifique, peuvent aussi s’appuyer sur un recours plus ou moins marqué au registre de l’ironie ou de la plaisanterie. Mais, et ce sera le dernier moment de notre analyse, on verra aussi que toute une série d’articles de la Revue vont radicaliser leur usage anticlérical du rire, pour cette fois rabaisser et dévaloriser, en se focalisant sur les corps des saints (et des saintes) et des extatiques, leurs organes sexuels et leur façon de vivre leur sexualité. Cette analyse nous donnera ainsi l’occasion de décrypter les formes, les codes et les usages du rire anti-clérical tel qu’on le trouve à l’œuvre dans ce « matérialisme médical ». Anticléricalisme médical et « esprit de sérieux » Dans son Histoire des passions françaises, Theodore Zeldin mettait à l’ordre du jour historiographique la tâche suivante : « Le mythe des médecins comme robuste phalange d’anti-cléricaux et d’athées mérite […] d’être mis au rancart » Theodore Zeldin, Histoire des passions françaises. 1848-1945, trad. fr. de P. Bolo et D. Demoy (Paris : Seuil, 1980), Tome 1 : Ambition et amour, 51. . Relevant ce défi, Nicole Edelman Nicole Edelman, Les Métamorphoses de l’hystérique. Du début du XIXe siècle à la Grande Guerre (Paris : La Découverte, 2003). et Hervé Guillemain Hervé Guillemain, Diriger les consciences, guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939) (Paris : La Découverte, 2006). ont montré, chacun à leur manière, que, derrière l’image traditionnelle d’une opposition frontale entre une corporation médicale farouchement anti-cléricale et une Église s’adossant à un parti clérical résolument anti-positiviste, se dessinait en réalité un paysage beaucoup plus complexe, et par là encore plus captivant pour l’historien. Y cohabitent des autorités ecclésiales et des médecins catholiques désireux de faire la part entre miracles véritables et contrefaçons frauduleuses, entre extases mystiques et crises hystériques, et des praticiens respectueux des croyances religieuses et soucieux de ne pas céder trop facilement à une tapageuse propagande anti-religieuse, c’est-à-dire pour le cas français, anti-catholique. Comme le résume Hervé Guillemain, si « [le] discours antireligieux est certes présent à chaque étape de l’évolution de la médecine psychique - discours des aliénistes dans la foulée de l’héritage pinélien (1840), discours des médecins à la Salpêtrière (1880), discours freudien (1920) », « le ‘‘trend’’ de la déchristianisation ne doit pas cacher l’influence sociale et culturelle persistante du religieux dans la France contemporaine. Ce schéma, qui fait la part belle à l’opposition entre médecine et religion, laisse de côté une complexité plus grande, la réalité des pratiques et la diversité des acteurs » Guillemain, Diriger, 8.. Il n’en reste pas moins qu’une fois le paysage historique recomposé plus fidèlement, il faut bien tout de même tenir compte de cette ligne de force qui le structure dans sa profondeur, à savoir celle d’un anticléricalisme médical ou d’un matérialisme médical anticlérical qui, pour les savoirs « psy », et comme le rappelle Nicole Edelman, se caractérise par « l’hystérisation des phénomènes mystiques par les médecins athées ou libres penseurs […]. Ces médecins anti-cléricaux poursuivent et affinent la pathologisation de la possession, de l’extase et des visions. Ils contestent la véracité des guérisons miraculeuses qui connaissaient une ampleur jamais égalée à Lourdes depuis les apparitions de Marie à Bernadette Soubirous en 1858 » Edelman, Métamorphoses, 208. .  Apparitions de la Salette (1846), de Lourdes, de Pontmain (1871), développement du culte marial, et revivification de celui du Sacré-Cœur, les occasions ne manquent pas à certains médecins pour exercer leur expertise aux dépends de la religion et mettre leur science au service de leur combat anti-clérical On notera d’ailleurs que certains clercs, eux aussi réservés à l’égard de ces phénomènes, questionneront les témoignages et expériences qui étaient supposés en attester.. L’histoire de cette critique des croyances et des pratiques de dévotion étant désormais bien connue, notamment grâce aux précieux travaux de Jacqueline Lalouette Voir notamment Lalouette, Libre pensée, 189-203 ; et du même auteur, La République anticléricale. XIXe - XXe siècles (Paris : Seuil, 2002), notamment les Chapitres 4, 8, et 13., il n’est pas nécessaire d’y revenir. Qu’on nous permette simplement d’insister sur un point, à savoir « l’esprit de sérieux » qui anime les écrits des protagonistes majeurs de ce mouvement. La plupart des travaux caractéristiques de cette entreprise relèvent bien en effet d’une des cinq grandes stratégies « libre-penseuses » pour saper les fondements de la foi qu’a identifiées Jacqueline Lalouette, en l’occurrence « l’appel à la raison » Lalouette, Libre pensée, 188.. Dans le registre des savoirs « psy », cette stratégie repose sur l’adoption d’une posture qui se veut impartiale et objective, abandonnant toute attitude polémique ou provocatrice parce qu’inconciliable avec la sérénité nécessaire à l’investigation, et qui entend jeter un œil non-prévenu sur les phénomènes passés et présents de la démonomanie, de l’extase et du miracle pour en rendre compte scientifiquement, c’est-à-dire dans le cadre des principes généraux qui gouvernent l’étude des phénomènes en général (observabilité, déterminisme, reproductibilité) Pour une perspective historique sur la nature de cette capacité à la « véridiction » et l’ethos dont elle est solidaire, voir Stephen Shapin, Une histoire sociale de la vérité. Science et mondanité dans l’Angleterre du XVIIe siècle, trad. par S. Coavoux et A. Steiger (Paris : La Découverte, 2014).. Les Études cliniques sur l’hystéro-épilepsie ou grande hystérie, de Paul Richer, publiées une première fois en 1881 et republiées sous le titre Etudes cliniques sur la grande hystérie ou hystéro-épilepsie en 1885 Paul Richer, Études cliniques sur l’hystéro-épilepsie ou grande hystérie (Paris : Delahaye & Lecrosnier, 1881) ; 2e édition, publiée sous le titre Études cliniques sur la grande hystérie ou hystéro-épilepsie (Paris : Delahaye & Lecrosnier, 1885) ; nous citons à partir de l’édition de 1885 ; sur Richer, voir Stéphane Gumpper, « Richer Paul (1849-1933), in Stéphane Gumpper & Franklin Rausky (dir.), Dictionnaire de Psychologie et de Psychopathologie des Religions (Paris : Bayard, 2013), 1171-1173., offrent une illustration tout à fait éclairante de cette posture. Elles contiennent en appendice des « Notes historiques », organisées en quatre sections (« Chorée épidémique du Moyen-Âge - Chorea Major », « Épidémies de possession démoniaque »; « Convulsionnaires », et « Extatiques »), et qui fournissent son matériau historique à une « médecine rétrospective » à la recherche de preuves empiriques de l’existence de la grande hystérie dans le passé, ce qui prouverait le caractère naturel de cette dernière Nous n’ignorons pas qu’il existe des interprétations beaucoup plus subtiles des usages et fonctions de la médecine rétrospective telle que pratiquée par Richer et, surtout, Charcot, mais elles ne nous semblent pas pertinente dans le cadre qui nous occupe : voir la postface de Georges Didi-Huberman, in Jean-Martin Charcot, Paul Richer, Les Démoniaques dans l’art, suivi de « La Foi qui guérit », présentation de Pierre Fédida, (Paris : Macula, 1984).. Mais, et c’est un des corollaires de sa position que Richer n’explicite pas ouvertement, une des conséquences de ses diagnostics portés a posteriori, c’est bien sûr de réintégrer les phénomènes démoniaques, extatiques ou miraculeux dans le registre du naturel et, ce faisant, de les priver de leurs dimensions apologétiques. Cette approche démystifiante, mais qui se veut conciliatrice (Richer affirme refuser d’ « entrer dans la discussion de la cause surnaturelle attribuée par quelques auteurs à tous ces accidents » Paul Richer, Études cliniques sur la grande hystérie ou hystéro-épilepsie, 616.) adopte un ton distancié et circonspect, qui sert parfaitement l’objectif de Richer, qui est de montrer que l’interprétation des phénomènes démoniaques, extatiques ou miraculeux dans les termes de la nosologie édifiée par son maître Charcot et lui-même permet bien de rendre compte de tous ces faits sans faire appel à une quelconque intervention divine ou influence démoniaque. « Esprit de sérieux » donc, mais aussi « esprit de suite ». Dans l’ensemble, le propos de Richer reste d’une extrême mesure, même si pointe parfois, mais somme toute rarement, une pointe d’indignation humaniste. Traitant de la Chorea Major au Moyen-Âge, Richer fait une brève mention du rôle des prêtres dans ces phénomènes, mais insiste surtout sur l’incapacité de la médecine (paracelsienne) de l’époque à soigner la maladie ou à endiguer l’épidémie. Évoquant la vague de possession démoniaque qui frappa les Ursulines d’Aix entre 1609 et 1611, il rappelle, gravement mais sans plus d’emphase, le sort de « Louis Gauffridi, prêtre bénéficié en l’Église des Acoules, de Marseille, […] brûlé à vif, sur la place dite des Prêcheurs et ses cendres non encore refroidies lancées au vent » Richer, Études, 627.. Même mention pour une des victimes de la possession des Ursulines de Loudun (1632-1639), Urbain Grandier, et évocation attristée des exorcistes (Surin, Lactance, etc.) eux-mêmes rendus fous par l’affaire. Même rappel de la triste issue de la possession de Louviers (1612), qui voit un prêtre consigné au bûcher et une religieuse enfermée. Mais hommage est aussi rendu, si l’on peut dire, dans l’affaire des possédés de Morzine (1861), à Monseigneur Rendu, qui a refusé de faire appel aux exorcismes pour régler le problème. Quant aux convulsionnaires de Saint Médard (1731), Richer s’indigne surtout de la brutalité et de la violence des « grands secours » (coups, lacérations, etc.) utilisés pour faire cesser les crises. Richer termine son étude avec la description de trois cas d’extases spirituelles interprétés comme autant de variétés de la troisième phase de la crise dans la Grande Hystérie, à savoir la phase dite des « attitudes passionnelles » : l’extase cataleptique avec insensibilité à la douleur de Douceline, les accès extatiques avec attitudes passionnelles et hallucinations de Marie de Moerl, et les stigmates et hématidroses de Louise Lateau. Tout cela reste clinique, froid, et jamais on ne sent une intention, ou même une velléité, de faire rire aux dépends ou grâce aux démoniaques, aux extatiques ou aux miraculés. On notera aussi que les phénomènes ou les faits choisis par Richer ne touchent pas au cœur du dogme, mais concernent plutôt des épisodes qui ne sont pas au centre de l’apologétique chrétienne et au sujet desquels le clergé de l’époque se montrait tout à fait circonspect. Mais il n’en reste pas moins que la charge critique de l’entreprise de Richer est bien sensible, et a bien été sentie comme telle par ses adversaires croyants ou cléricaux Sur la sécularisation de la possession et de l’extase, voir Edelman, Métamorphoses, Chap. 9 ; Guillemain, Diriger, Chap. 5.: pourquoi s’arrêter à Louise Lateau et ne pas étendre le diagnostic à Marguerite-Marie Alacoque ou à Sainte Thérèse d’Avila ? Double tâche que réalisera, dans un style autrement plus violent que celui de Richer, le Dr Pierre Rouby : Dr Pierre Rouby, L’Hystérie de Sainte Thérèse (Paris : Progrès Médical - Félix Alcan, 1902), publié dans la fameuse « Bibliothèque diabolique » du Dr D.-M. Bourneville ; Dr Pierre Rouby, La Vérité sur Marie Alacoque fondatrice du Sacré Cœur (Paris : Librairie critique E. Nourry, 1918) ; voir infra p. 17 et sq. Or, la force de la stratégie de Richer, et ce qui la rend si dangereuse pour ses ennemis, tient bien en partie à la posture qu’il adopte, celle de l’investigateur sérieux, objectif et impartial qui ne se moque pas, mais analyse et conclut. Pour le dire autrement, on ne plaisante pas avec certaines choses, parce que certaines choses sont trop sérieuses pour qu’on plaisante avec elles. Cette stratégie, dont le rire est absent, est aussi à l’œuvre dans deux autres textes célèbres. D’une part, dans Les Démoniaques dans l’art (1887), que Richer publie avec son maître Jean-Martin Charcot, où la médecine rétrospective, en s’appuyant sur un matériau pictural et sculptural, procède à la sécularisation de la possession qui devient névrose hystérique, et du même coup délivre a posteriori les démoniaques, « ces malades », « de la réputation mal fondée qu’on leur a imposée si longtemps » Jean-Martin Charcot & Paul Richer, Les Démoniaques dans l’art, XVI ; la première édition de l’ouvrage a été publiée à Paris, Adrien Delahaye & Emile Lecrosnier, éd., 1887., mais qui en même temps annexe les extases spirituelles à son domaine, dans la mesure où « [l]’extase hystérique ne possède guère par elle-même des caractères spéciaux qui puissent permettre de la distinguer des autres variétés d’extase » Charcot & Richer, Démoniaques, 107.. D’autre part, cette stratégie opère aussi dans ce que Gilles de La Tourette qualifiait de « testament philosophique » de Charcot, à savoir l’article « La foi qui guérit » (1892) Jean-Martin Charcot, « La foi qui guérit », Revue hebdomadaire, VII (1892), 111-123; l’article sera publié une deuxième fois en version anglaise sous le titre « Faith-Cure », dans la New Review, VIII : 44 (1893), 18-31, une troisième fois dans une version française légèrement remaniée dans les Archives de neurologie, 1893, XXV : 73 (1893), 72-87, puis comme le huitième volume de la « Bibliothèque diabolique » (avec une préface de Bourneville, Paris : Le Progrès Médical - Félix Alcan, 1897); nous citerons l’article à partir de Charcot & Richer, Démoniaques., qui entendait rendre raison des « miracles thérapeutiques » se multipliant, notamment à Lourdes, en en appelant à la suggestibilité des malades et à la nature hystérique de certains de leurs symptômes (qui ne se résumaient plus à des contractures, des paralysies ou des insensibilités, mais pouvaient aussi prendre la forme d’ulcères ou de tumeurs). Là encore, toute dérision, toute plaisanterie, toute moquerie est exclue comme tenue pour incompatible avec le ton et le contenu du propos de Charcot: « en pareille matière », prévient le maître de la Salpêtrière, « il ne faut jamais se départir de la rigueur inhérente à la discussion scientifique » Jean-Martin Charcot, « La foi qui guérit », p. 111., ce qui n’empêchera en rien le texte de déclencher une cabale contre Charcot, que certains croyants et partisans cléricaux accusaient de vouloir saper un des fondements de la foi (la croyance aux miracles) La réception de l’article de Charcot est analysée par Jacqueline Lalouette dans son « Charcot au cœur des problèmes religieux de son temps : à propos de ‘‘La foi qui guérit’’ », in Lalouette, République, 285-299.. Là encore, la démonstration fonctionne de manière « enthymèmatique » Cette forme de rhétorique est analysée en détail dans Marc Angenot, La Parole pamphlétaire. Contribution à la typologie des discours modernes (Paris : Payot, 1982), 30-34. : non pas une attaque directe (les miracles n’existent pas) qui tournerait en dérision ou caricaturerait (comme c’est le cas dans la littérature libre-penseuse parodique), mais une conclusion implicite qu’il revient au lecteur de tirer s’il a un peu d’ « esprit de suite » (si la suggestibilité et l’hystérie expliquent les « guérisons miraculeuses » de Lourdes, alors pourquoi n’expliqueraient-elles pas toutes les autres « guérisons thérapeutiques » invoquées l’Église?). Zola lui-même, dont on sait tout ce que le Lourdes (1894) doit à la littérature médicale d’inspiration charcotienne Voir Ruth Harris, Lourdes. Body and Spirit in the Secular Age (London : Penguin, 1999), en particulier le chap. 10., avait bien senti qu’il ne fallait pas mélanger les genres et usait dans son roman de trois registres qui jamais ne se confondent: d’abord une ode à l’humanité souffrante qui cherche sa consolation là où on la lui offre, en l’occurrence dans le sanctuaire des bords du Gave; ensuite une analyse sèchement clinique et démystificatrice des « miracles » opérés à la Grotte illustrée par le cas paradigmatique de l’hystérique Marie de Guersaint ; enfin, une dénonciation parodique du lucre entourant le Sanctuaire par le biais des récriminations de l’hôtelier Majesté et du barbier Cazaban contre les Sœurs et les Pères de la Grotte. Chez Zola, on peut donc rire du commerce du Sacré, mais chez lui comme chez Charcot ou Richer, on ne se moque pas des miracles, des extases ou des possessions : on les explique, pour les réduire. L’ « hiéropsychologie » dans la Revue de l’hypnotisme (1887-1910) Reste maintenant à savoir si cette stratégie est bien à l’œuvre dans le corpus que nous avons retenu pour cette étude, à savoir les articles relevant de l’ « hiéropsychologie » dans la Revue de l’hypnotisme, entre 1887 et 1910. Fondé en 1886 par le Dr Edgard Bérillon, ce périodique a bien sûr joué un rôle important dans la diffusion des controverses entourant la réalité et de la nature de l’hypnotisme Certes moins prestigieuse que les Annales médico-psychologiques, la Revue de l’hypnotisme peut compter sur des collaborateurs reconnus comme Jules-Bernard Luys, Joseph Grasset, Auguste Voisin ou Daniel Hack Tuke ; et comme le rappelle J. Carroy (Hypnose, suggestion et psychologie. L’invention de sujets [Paris : Puf, 1991], 244), y publient ou y sont associés « tenants de l’École de Paris et de Nancy », comme Charcot ou Amédée Dumontpallier pour la première, et Hippolyte Benrheim ou Jules Liégeois pour la seconde.Voir Dominique Barrucand, Histoire de l’hypnose en France (Paris : Puf, 1967); et Alan Gauld, A History of Hypnotism (Cambridge : Cambridge University Press, 1992). ; mais il accueillait aussi – symptôme des ambitions théoriques et pratiques de la profession médicale d’alors – toute une variété de contributions, qui lui permirent d’ailleurs de survivre à la fin de la vogue hypnotique Le progressif effacement de l’hypnotisme dans la Revue se manifeste dans les changements successifs de titre qu’elle a connus : alternativement Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique et Revue de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique entre 1886 et 1910, elle deviendra à cette date Revue de psychothérapie et psychologie appliquée, pour renaître après une pause de cinq ans, en 1920, sous l’appellation de La Psychologie appliquée, et finalement se transformer en 1922 en Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée., consacrées à la psychologie normale et pathologique, à l’éducation, à la médecine légale, et, ce qui nous retiendra ici, à la religion. Ainsi, au terme d’une recension qu’on a souhaité aussi exhaustive que possible Voir Annexe 1., il nous a été possible de répertorier une soixantaine d’items pertinents, allant de la contribution originale à la recension d’ouvrage, en passant par la republication d’articles déjà parus ailleurs dans la presse médicale et le compte rendu de conférences ou de cours. Ces items peuvent être grossièrement regroupés en cinq catégories, qui parfois se recoupent: de loin les plus nombreuses, les pièces s’intéressant à Jésus, aux prophètes, saints, religieux et à certains croyants célèbres 4, 7, 19, 22, 23, 25, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 39, 42, 43, 45, 46, 50, 61, 62.; ensuite viennent les pièces traitant des miracles, la plupart du temps des « guérisons miraculeuses » et du rôle qu’y joue la suggestion 1, 2, 3, 9, 11, 12, 14, 17, 20, 21, 26, 38, 41, 47, 48, 52, 53, 54, 55, 57.; complémentaire des deux précédentes, la catégorie qui traite de Lourdes, autant pour ce qui est de la personnalité de Bernadette, des miracles qui y ont lieu, que des phénomènes d’hystérie et de suggestion collective qui caractérisent le sanctuaire 8, 9, 13, 15, 16, 30, 42, 53, 54, 54.; puis viennent les pièces traitant, le plus souvent à partir d’un matériau historique et dans la veine de Charcot et Richer, des épidémies religieuses, des cas de possessions et des exorcismes 5, 18, 44, 49, 56.; finalement, on trouve quelques inclassables, comme cette reproduction d’un édit de 1712 dans lequel Louis XIV oblige les médecins à avertir leurs patients qu’ils doivent se confesser si la maladie dont ils souffrent est mortelle et les menace de lourdes sanctions s’ils ne le font pas An., « Médecine et confession », Revue de l’hypnotisme, VII : 6 (1892), sec. « Correspondance et chronique », 185-187., ou ces deux articles de « psychiatrie ethnique » qui traitent respectivement du « Juif errant à la Salpêtrière » An., « Le Juif errant à la Salpêtrière », Revue de l’hypnotisme, VIII : 5 (1893), sec. « Variétés », 146-150. et de « La pathologie nerveuse chez les anciens Hébreux » Louis Delmas, « La pathologie nerveuse chez les anciens Hébreux », Revue de l’hypnotisme, XXII : 9 (1908), sec. « Folklore », 252-254 ; XXII : 10 (1908), sec. « Folklore », 316-318., ou cet article évoquant une émanation anglaise de la Christian Science et les guérisseurs de la Nouvelle-Angleterre An., « Médecine et mysticisme », Revue de l’hypnotisme, sec. « Correspondance et chronique », XIV : 4 (1899), 125-126., ou cet entrefilet rapportant un cas d’auto-suggestion collective à Naples (où la foule croit voir une statue pleurer des larmes de sang) An., « Auto-suggestion religieuse », Revue de l’hypnotisme, XVIII : 2 (1903), sec. « Correspondance et chronique », 63., ou encore cette contribution s’intéressant aux « Vertus thérapeutiques des Reliques humaines » et, en particulier à celle du « Doigt de saint Jean, à Saint-Jean-Traoun-Mériadec (Finistère) » Dr Marcel Baudoin, « Les vertus thérapeutiques des Reliques humaines : Le Doigt de saint Jean, à Saint-Jean-Traoun-Mériadec (Finistère) », Revue de l’hypnotisme, XIX : 6 (1904), sec. « Croyances religieuses et folklore », 179-185 [repris de la Gazette médicale de Paris].. À première vue, la posture « sérieuse », objective et impartiale, semble bien celle adoptée dans nombre d’articles de « hiéropsychologie ». Ainsi en va-t-il bien sûr de l’extrait de « La foi qui guérit » de Charcot, republié sous le titre « La guérison par la foi » An., « La guérison par la foi », Revue de l’hypnotisme, VII : 9 (1893), sec. « Variétés », 282-285.. Cette posture, elle est parfois affirmée explicitement, comme pour se défendre de tout soupçon ou de toute accusation d’anticléricalisme. Le Dr Paul Ladame, dans son article sur « Les possédés et les démoniaques à Genève, au XVIIe siècle » Dr Paul Ladame, « Les possédés et les démoniaques à Genève, au XVIIe siècle », Revue de l’hypnotisme, VI : 9 (1892), sec. « Variétés », 283-285 ; VI : 10 (1892), sec. « Variétés », 315-317 ; VI : 11 (1892), sec. « Variétés », 338-342 ; & VI : 12 (1892), sec. « Variétés », 368-379., un exemple classique de « médecine rétrospective », termine son étude par la déclaration suivante : « Nous sommes […] un des collaborateurs du Dr Bérillon, directeur de la Revue de l’hypnotisme, mais […] nous ne faisons pas partie de ce groupe dont la devise est celle de Voltaire: ‘‘Ecrasons l’infâme!’’ c’est-à-dire le surnaturel. Nous ne voulons rien écraser, ni excommunier personne. Nous demandons plus de lumière, plus de charité, plus de liberté dans la discussion des phénomènes qui appartiennent au domaine scientifique, sans vouloir blesser la foi de qui ce soit » Ladame, « Possédés », 377.. Les articles d’un des plus prolifiques spécialistes de psychologie « hiérologique » pour la Revue Il donne cinq articles à la Revue sur ces sujets (11, 12, 14, 26 et 29) : sur Regnault, voir Stéphane Gumpper, « Regnault, Félix (1863-1938) », in Gumpper & Rausky, Dictionnaire, 1144-1148 ; le premier contributeur de la Revue dans le domaine religieux est, en volume (11 contributions), Charles Binet-Sanglé, qui, même s’il semble parfois se rapprocher du « ridicule savant » dont on essaye ici de décrypter les formes, les codes et les usages, ne nous semble pas au final en relever (sur cette figure, tout à la fois fascinante et effrayante, voir Stéphane Gumpper, « Binet-Sanglé, Charles (1868-1941) », in Gumpper & Rausky, Dictionnaire, 525-531). , le Dr Félix Regnault, sans se livrer à la même profession que Ladame, adopte lui aussi un ton résolument distancié et scientifique pour expliquer par la puissance de la suggestion et les conditions propres au pèlerinage les guérisons miraculeuses de Lourdes Dr Félix Regnault, « De l’hypnotisme dans la genèse des miracles », Revue de l’hypnotisme, VIII : 9 (1894), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 270-277., comme il rend compte des faits miraculeux attribués à Jésus (le fameux épisode de l’expulsion d’un démon transféré dans un troupeau de pourceaux) à ses talents d’hypnotiseur Dr Félix Regnault, « La vie de Jésus devant la science hypnotique », Revue de l’hypnotisme, XVI : 6 (1901), 168-175 ; XVI : 7 (1901), 210-214 ; XVI : 8 (1901), 236-240.. Moins conciliatrice que Ladame, mais empreinte de la même volonté de fournir une démonstration inattaquable, une contribution anonyme sur « Saint Ignace de Loyola » An., « Saint Ignace de Loyola », Revue de l’hypnotisme, X : 2 (1895), sec. « Variétés », 57-60. offre un tableau clinique du fondateur de l’ordre des jésuites qui, en réinterprétant les épisodes et les habitudes de la vie d’Ignace à la lumière du diagnostic d’hystérie, aboutit à une conclusion sans appel parce que scientifiquement fondée: « Il est certain, si l’on en croit ses biographes, qu’Ignace de Loyola fut souvent atteint de troubles nerveux ou mentaux » An., « Saint Ignace », 60.. Mais c’est peut-être le Dr Theodor Witry, de Trèves sur Moselle, un autre des spécialistes en « hiérologie » de la Revue Avec quatre contributions : 44, 49, 56 et 62 ; voir aussi infra p. 16., qui congédie le plus ouvertement toute tentation de recourir à l’ironie, au burlesque ou au ridicule: s’intéressant aux « Grands exorcismes du XIXe siècle » Dr Theodor Witry, « Les grands exorcismes du XIXe siècle », Revue de l’hypnotisme, XX : 6 (1905,), 163-167., en particulier à celui de la jeune lorraine Catherine Pfefferkorn par Monseigneur Laurent, évêque de Luxembourg, en mai 1842, il reconnaît qu’il « est bien dommage que Félicien Rops, le peintre de Satan, et Huysmans, l’auteur de Là-Bas, n’aient pas assisté à ces scènes extravagantes. Leur verve sarcastique y eut trouvé aliment précieux. Pour nous médecins, c’est avec un esprit moins ironiste qu’il convient d’étudier ces scènes attribuées par des esprits mystiques à l’intervention des démons. Nous les envisageons comme les manifestations de maladies morales qu’il convient de guérir au même titre que les maladies du corps » Witry, « Grands exorcismes », 167.. N’est pas littérateur qui veut et, en l’occurrence, semble nous dire Witry, le savant qu’il est, même s’il le pouvait, ne le devrait pas vouloir, surtout si c’est pour lui l’occasion de se départir de la réserve qui sied à l’homme de science quand il veut dissiper préjugés, superstitions et illusions. Démystifier par l’ironie Et pourtant, il est difficile de résister à la tentation d’un bon mot. Ce n’est là que péché véniel, pourrait-on dire, tant que le bon mot ne tient pas lieu de démonstration ou d’argument. Car on peut en effet voir affleurer dans certains articles comme une pointe d’ironie, légère, feutrée, qui suppose la connivence entre auteur et lecteur, un horizon d’attente commun qui permet de se comprendre à demi-mot, en en pensant pas moins et qui, dans l’échantillon qui nous occupe, s’amuse de certaines croyances, attitudes ou habitudes propres à la communauté des croyants et à ses pasteurs. Ainsi Paul Copin Paul Copin, « L’hypnotisme face à l’Église », Revue de l’hypnotisme, III : 1 (1888), 18-24 ; III : 2 (1888), 49-56., analysant le livre du Révérend Père de Bonniot Le Miracle et ses contrefaçons Père J. de Bonniot, Le Miracle et ses contrefaçons (Paris, Retaux-Bray, 1887) sur de Bonniot, voir Stéphane Gumpper, « Bonniot, Joseph de (1831-1889) », in Gumpper & Rausky, Dictionnaire, 545-549.  qui, selon lui, assimile illégitimement hypnotisme et contrefaçons de miracle (alors que les miracles ne sont en fait que des contrefaçons d’hypnotisme) s’interroge sur le paradoxe suivant: De Bonniot a bien des qualités de raisonnement, mais dès que l’on touche à des questions de doctrine catholique, elles s’évanouissent. A quoi cela est-il dû? Suit un argument ad hominem présenté sur un ton badin : il est suggestionné par son milieu catholique. « Le Père de Bonniot », ironise Copin, « […] est convaincu quand même, d’abord parce qu’il croît être convaincu, puis parce qu’il veut être déjà convaincu », ce qui rapproche De Bonniot de l’entêtement qu’il attribue lui-même à l’hypnotisé. « Je voudrais n’avoir pas à dire », conclut alors Copin, « que la conviction du P. de Bonniot est de ‘‘cette dernière forme’’. Mais je me demande si lui-même ne se défendrait pas contre mon scrupule, en protestant qu’il est bien de ceux qui se font honneur de répéter la fameuse parole: ‘‘je crois, j’affirme, même quand c’est absurde, et parce que c’est absurde!’’. Je doute que les hypnotiseurs qui opèrent dans les cliniques arrivent jamais à produire des résultats plus complets » Paul Copin, « L’hypnotisme face à l’Église », 56.. Cette ironie, comme en atteste un erratum publié par la rédaction dans le numéro suivant de la Revue, ne semble rien enlever « à l’argumentation si serrée par laquelle notre collaborateur [i.e. Copin] réfute les opinions d’ordre purement métaphysique du P. de Bonniot » An., « L’hypnotisme en face de l’Église », Revue de l’hypnotisme, III : 3 (1888), sec. « Correspondance et chronique », 94.. Comme quoi, il est bon parfois de rire un peu… C’est la même volonté de défendre l’hypnotisme contre ce qui est tenu pour des attaques venant de l’Eglise, qui motive l’ironie d’un contributeur anonyme rapportant la série de conférences sur l’hypnotisme faites par le Père Lemoigne, s. j., à l’église Saint-Merry An., « Les hypnotiseurs font-ils des miracles ? », Revue de l’hypnotisme, V : 12 (1891), sec. « Correspondance et chronique », 348-349.. Etant donné l’absence de « compétence et [de] sagacité du conférencier », qu’est-ce qui peut bien expliquer le public fourni ? Et une réponse d’être hasardée : La circulaire par laquelle un grand nombre de personnes ont été conviées à ces sermons portait, en outre, que tous ceux, même les étrangers à la paroisse, qui : 1° Auront assisté au moins cinq fois aux instructions de la deuxième série ; 2° Auront prié aux intentions du Souverain Pontife ; 3° Se seront confessées avec une sincère contrition de leurs péchés ; 4° Auront fait la communion à l’église Saint-Merry ; pourront gagner une indulgence plénière. Est-ce à ces promesses qu’il faut attribuer l’affluence inaccoutumée qui se pressait dans la nef de l’église Saint Merry ? Nous ne saurions pas l’affirmer An., « Les hypnotiseurs », 349.. Le lecteur averti, lui, connaît la réponse sans qu’elle est besoin d’être formulée. Bel exemple d’ironie enthymèmatique, qui se poursuit par une estocade finale, coup de pied de l’âne positiviste jouant avec la terminologie et le dogme catholique : Si les médecins hypnotiseurs veulent bien se borner à appliquer l’hypnotisme au traitement des malades sans se permettre d’en tirer des déductions philosophiques, le père Lemoigne se déclare prêt à les tolérer. Mais il n’est pas sans inquiétude à l’égard du diable qui pourrait bien quelque jour revêtir un costume d’hypnotiseur. Les démons qui opèrent aux abords de la Salpêtrière lui ont paru d’assez bon diables, mais il se défie beaucoup de ceux de Nancy et, en particulier, de celui qui s’est logé dans le corps de M. Liégeois An., « Les hypnotiseurs », 349; un des représentants, avec Bernheim, Liébeault et Beaunis, de l’École de Nancy, le juriste Jules Liégeois avait amené des sujets hypnotisés à réaliser des simulacres de meurtres : De la suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel (Paris : Picard, 1884).. Autre exemple d’ironie démystifiante, qui joue sur un fond commun entre auteur et lecteur, cette mise en doute des « guérisons miraculeuses » de Lourdes, dont le Revue abonde On traite même de cas étrangers, comme en atteste la traduction d’un article du Lancet britannique : Dr Thomas Oliver, Médecin du Royal Infirmary, Newcastle, « Cas d’une jeune fille qui aurait été miraculeusement guérie d’une paralysie, à la source de Sainte-Winifred, dans le pays de Galles », Revue de l’hypnotisme, IX : 10 (1895), sec. « Variétés », 311-315 [extrait du Lancet du 16 mars 1895]., mais le plus souvent sur le ton du plus grand sérieux. Prenant la suite des réflexions de Zola visitant Lourdes, ce contributeur anonyme rapporte lui aussi ses impressions de voyage: l’arrivée à la gare, avec l’essaim de mendiants impotents qui l’occupe, le commerce des bidons d’eau miraculeuse comme autant de fétiches et d’amulettes de l’humanité civilisée, l’ambiance fiévreuse des foules faites de femmes et de malades tous plus ou moins suggestionnés par les chants et les psalmodies, les abords de la Grotte dépeint comme un théâtre dont les prêtres seraient les régisseurs, rien ne manque à cette description qui obéit aux représentations les mieux partagées par la communauté des médecins « hypnotistes » de la Revue An., « Lourdes. – Psychologie pathologique ; impressions diverses », Revue de l’hypnotisme, VII : 7 (1893), sec. « Variétés », 217-221.. Puis vient l’évocation du miracle, qui bien sûr lui ne vient pas : Bien que les miracles soient des plus fréquents à Lourdes, m’a-t-on dit, je n’ai guère été favorisé. Toutefois, j’ai failli en voir un, mais, suivant l’expression d’un de mes voisins, prêtre local sans doute, le miracle était incomplet. Cette imperfection m’a surpris et choqué. Je m’étais figuré que la toute-puissance qui opère à Lourdes ne pouvait se manifester que par des œuvres complètes, sinon parfaites, mais il paraît que je me suis trompé. J’aurais mauvaise grâce à me montrer plus difficile que les spécialistes An., « Lourdes », 221.. Même ironie critique chez le Dr Verrier, qui lui aussi rapporte son voyage à Lourdes Dr Eugène Verrier, « Les miracles de Lourdes et le livre du Dr Boissarie », Revue de l’hypnotisme, IX : 9 (1895) sec. « Variétés », 275-278.. Venu visiter la « clinique de Lourdes », c’est-à-dire le Bureau des constatations, pour y rencontrer le fameux Dr Boissarie Gustave Boissarie (1836-1917) occupa le poste de Directeur du Bureau des constatations médicales de lourdes de 1892 à 1914 ; sur la figure de Boissarie, voir R. Harris, Lourdes. – qui ne s’y trouve pas –, Verrier livre ses réflexions sur le mode de vérification des « guérisons miraculeuses » à son retour: tout d’abord, pour être sûr que ceux qui se disent guéris le sont vraiment, il faudrait être sûr qu’ils sont malades et de quoi ils sont malades, ce que le bureau des constatations ne fait pas, selon Verrier (par exemple, on ne chercherait pas à distinguer les simulateurs avec assez de zèle); d’autre part, quand on invoque des cas chirurgicaux (résorption de tumeur ou d’ulcère, cicatrisation de plaies, soudure d’os), on ne doit pas automatiquement crier au miracle, parce que, et c’était là un des arguments invoqués par Charcot dans « La foi qui guérit », ces cas relèvent encore du tableau nosologique de certaines formes d’hystérie; ensuite, les statistiques de guérison de Lourdes ne sont pas meilleurs que celles des hôpitaux de Paris, rapportées au nombre de pèlerins; finalement, s’il y a bien une iconographie de la Salpêtrière, pourquoi n’y aurait-il pas une iconographie de Lourdes montrant le patient avant et après la guérison miraculeuse? Cette question de la vérification de l’authenticité des miracles était bien sûr au centre de l’activité du Bureau des constatations médicales, institution très étroitement liée à la Société médicale Saint-Luc, Saint-Côme et Saint Damien (sur cette dernière, voir Hervé Guillemain, « Les débuts de la médecine catholique en France. La Société médicale Saint-Luc, Saint-Côme et Saint Damien [1884-1914], Revue d’histoire du XIXe siècle, 26/27 (2003), 1-29, en particulier 13-15 ; sur le rôle et les usages de l’image dans l’apologétique lourdaise, voir Antoinette Guise Castelnuovo, « Photographier le miracle. Lourdes, au tournant du XXe siècle », Archives de sciences sociales des religions, 162 (2013), 161-182.   On dit que les affections chirurgicales prouvent une intervention surnaturelle, plus que ne le font les guérisons médicales, dans lesquelles l’élément nerveux peut jouer un grand rôle. Mais, outre que certaines affections chirurgicales peuvent elles-mêmes être parfaitement sous l’influence de l’élément nerveux, je demanderai pourquoi M. le Dr Boissarie se refuse obstinément à faire un atlas iconographique, comme celui de la Salpêtrière, où l’on verrait le malade avant le traitement et après la guérison. Pour du suggestif, voilà du suggestif ! Verrier, « Les miracles de Lourdes », 278.. Finalement, cette ironie d’hommes de science sûrs de leur fait (ou leurs faits, en l’occurrence), de médecins qui ne se laissent pas abuser par les apparences, d’esprits forts qui ne craignent pas de mettre en cause les dogmes et les croyances, elle va jusqu’à se nicher dans les entrefilets de la section « Correspondance et chronique » de la Revue. Ainsi est rapporté par le Dr M., sous le chapeau « Les faux miracles », un jugement de tribunal qui confirme « d’une façon tout à fait inattendue » la réalité d’un miracle de Lourdes Dr M., « Les faux miracles », Revue de l’hypnotisme, XXIII : 7 (1909), sec. « Correspondance et chronique », 190-191.. L’anecdote se peut ainsi résumer : un vacher normand, blessé par un taureau se vit adjuger par le tribunal une somme de sept mille francs de dommages et intérêts pour son bras gauche paralysé et une blessure suintante dans la région des reins. Au retour du pèlerinage à Lourdes qu’il effectua en 1908, son bras commença à bouger (« est-ce l’effet de la suggestion ? » suggère le Dr M. M., « Les faux miracles », 190.), et sa plaie cicatrisa progressivement. Le patron du vacher, apparemment mauvais coucheur et mauvais chrétien, réclame un nouvel examen, au terme duquel les juges révisèrent les dommages et intérêts à hauteur de 3000 francs. Et le Dr M. de conclure : Le voyage de Lourdes avait coûté au jeune vacher une somme assez importante. De ce qui précède il résulterait pour lui un dommage réel. Il paraît que ce n’est pas la première fois qu’un jugement de tribunal aurait reconnu pour valable une guérison obtenue à Lourdes et en aurait déduit la suppression de l’indemnité accordée pour la blessure M., « Les faux miracles », 191.. Là encore, on laisse au lecteur averti le soin de tirer la conséquence d’un tel fait : soit Dieu fait bien mal les choses, soit, comme on l’a vu précédemment Voir supra p. 12., peut-être s’agit-il d’un « miracle incomplet »… Le spectre du rire anticlérical Il existe donc bien, dans les pages de la Revue de l’hypnotisme, un usage démystificateur de l’ironie, une ironie plus ou moins légère, feutrée, qui vise certaines croyances, attitudes ou habitudes propres à la communauté des croyants et à ses pasteurs. Mais, et on monte là d’un cran dans l’usage anticlérical de la volonté de faire rire, il existe aussi une série d’articles, certes beaucoup moins nombreux mais pas pour autant insignifiants, qui vise à tourner en ridicule, à rabaisser, à dévaloriser. Ce « sous-rire », parce qu’il s’insinue dans la trame d’une charge anti-cléricale dont il ne veut pas amoindrir l’objectivité, exige du lecteur qu’il sache lire entre les lignes pour trouver la « matière à rire » de ce que William James qualifiait de « matérialisme médical ». Cette « matière à rire », elle a principalement à voir avec le corps des saints (et surtout des saintes) et des extatiques, avec leurs organes sexuels et leur façon de vivre leur sexualité. Et cette « matière », on peut en rire de différentes manières, des plus gauloises aux plus ricanantes On retrouve ici une stratégie qui n’est pas sans rappeler les attaques lancées, dans les années 1870 et 1880, par Maurice Lachâtre et Léo Taxil contre les manuels de confession catholiques, supposés véhiculer, sous couvert de piété, une « pornographie sacré » : voir Claude Langlois, Le Crime d’Onan. Le discours catholique sur la limitation des naissances (1816-1930) (Paris : Les Belles Lettres, 2005, 342-356). . A une extrémité du spectre, on trouve un rire anticlérical leste, parfois obscène, insistant sans retenue et avec délectation sur les aspects absurdes de certains épisodes de l’histoire religieuse ou de certaines pratiques de dévotion. Typique de ce rire médical grivois, l’article du Dr Marcel Baudoin, précédemment évoqué, sur « Le Doigt de saint Jean, à Saint-Jean-Traoun-Mériadec (Finistère) » Voir supra n. 40.. Dans une veine baylienne et voltairienne somme toute assez classique dans la littérature libre-penseuse, Baudoin tente de retracer le parcours d’une relique associée à un pardon breton, à savoir le doigt de saint Jean Baptiste conservé à Saint-Jean-Traoun-Mériadec Sur la question des reliques, voir Philippe Boutry, Dominique Julia et Pierre-Antoine Fabre (éd.), Reliques modernes : cultes et usages chrétiens des corps saints des réformes aux révolutions (Paris : Éditions de l’EHESS, 2009) : pour une synthèse d’ensemble récente sur les divers traitements réservés aux corps dans l’Occident moderne, voir Thomas W. Laqueur, The Work of the Dead. A Cultural History of Mortal Remains (Princeton : Princeton University Press, 2015).. Le premier problème consiste à savoir à quel doigt on a affaire : « la tradition, à laquelle croient tous les Bretons de façon absolue » dit qu’il s’agit de « l’index de la main droite » Baudoin, « Vertus », 180.; mais on a aussi avancé que ce pouvait être le médius; un paysan affirme même que c’est un pouce. Pour ce qui est de la dernière hypothèse, Baudoin n’hésite pas à la récuser, parce que « cet homme a vu le doigt… avec les yeux de la foi ! » Baudoin, « Vertus », 180.. Le seul témoin récent, se désole avec ironie Baudoin, Aymar de Blois, a bien décrit en détail le fameux doigt en 1805, mais il « est regrettable que cet auteur n’ait pas dit quel doigt il a vu, il y a près de cent ans !» Baudoin, « Vertus », 180.. Quand on sait en plus que ce témoin est « un baragouin de gentilhomme » Baudoin, « Vertus », 181., le lecteur ne peut que s’exclamer avec Baudoin :« Que l’Histoire est donc difficile à débrouiller !» Baudoin, « Vertus », 181.. Quant à l’origine de cette relique, elle n’est pas plus facile à identifier. Et Baudoin de dresser en note un inventaire à la Borges des différentes reliques du Baptiste : Le Père Albert le Grand a donné l’indication des endroits où se trouvent les restes de Saint Jean. Il serait intéressant de les rechercher et de les étudier, si possible. 1° Tête : À Constantinople d’abord ; actuellement à Rome (église Saint Sylvestre). 2° Face : Ville d’Amiens (Mais, si la tête est à Rome, il est difficile que la face soit à Amiens !). 3° Frontal : Sainte-Chapelle à Paris (Voilà qui est encore plus fort : le coronal devant d’ordinaire se trouver avec la tête !) 4° 1 Fragment : Nemours. 5° Cendres, après l’embrasement du corps : Saint Laurent, à Gênes (De plus en plus fort : on a brûlé le corps ; et il en reste encore la tête, la face, etc.). 6° Le pouce : Saint-Jean-de-Maurienne 7° Un doigt : Saint-Jean-du-Doigt (Bretagne). 8° Un autre doigt : Ile de Malte Voilà du travail pour les érudits, qui sont à la recherche des reliques humaines !  Baudoin, « Vertus », 181.. Conservé par les patriarches de Jérusalem, le doigt aurait été rapporté par une jeune vierge normande, Têcle, qui aurait fait édifier une chapelle pour le conserver. Baudoin utilise une fois de plus une note de bas de page pour souligner cette « intervention d’une jeune femme ! […] Il est bien extraordinaire qu’une jeune Normande ait fait le voyage de Palestine au Ve ou VIe siècle ! » Baudoin, « Vertus », 181.. Le rapatriement final en Bretagne n’en est pas moins extraordinaire, puisqu’il serait l’œuvre d’un jeune breton qui « découvrit ‘‘entre la peau et la chair de son poignet, le saint doigt’’, qui s’y était logé à son insu, pendant ses dévotions […] dans l’église normande » Baudoin, « Vertus », 181.. Trois notes de bas de page viennent une fois de plus s’appesantir sur l’anecdote : d’une part, pour souligner que c’est maintenant un « jeune homme qui entre en scène. - L’Amour a toujours joué un grand rôle, en ces matières, comme à présent » Baudoin, « Vertus », 181.; d’autre part, pour suggérer que le « jeune Breton faisait peut-être des dévotions à la jeune vierge normande, par l’intermédiaire de l’objet qu’elle était censée avoir rapporté d’Orient », rappelant qu’ « il ne faut pas oublier l’existence du culte phallique; et, en ces matières, un rapprochement s’impose, quoiqu’il soit fort délicat de l’indiquer ici, le français, dans les mots, ne bravant pas l’honnêteté » Baudoin, « Vertus », 181; brodant sur l’allusion, une note qui suit rappellera « qu’on est au pays des menhirs » (182).; finalement, pour rappeler au lecteur « qu’il ne faut pas s’étonner de voir le dit doigt entrer dans un bras; certaine déesse est bien sortie de la cuisse de Jupiter! » Baudoin, « Vertus », 182.. On le voit, on est toujours ici dans le registre de la plaisanterie plus ou moins potache, plus ou moins gauloise, qui atteint son paroxysme chez Baudoin quand il en vient à détailler les propriétés thérapeutiques de cette relique : « la spécialité du Doigt », nous dit Baudoin, « c’est l’Ophtalmologie » Baudoin, « Vertus », 183.; « On ne sait pas trop pourquoi ; et nous ignorons s’il y a un rapport quelconque entre ces faits et l’expression bien connue: Se mettre le ‘‘doigt’’ dans l’œil! » Il est à noter que le texte ne verse pas pour autant dans le burlesque, la plaisanterie sur « le doigt dans l’œil » étant immédiatement suivi d’une explication de la vertu thérapeutique digitale due à son association traditionnelle avec une variété de Millepertuis dont les propriétés curatives sont, affirme Baudoin, bien connues dans les cas de maladies oculaires. Le sérieux reprend donc le dessus. . Si on monte d’un cran sur l’échelle de férocité et de volonté de choquer du rire anti-clérical, mais en restant toujours dans cette veine baylienne-voltairienne typique de la critique des dogmes ou des pratiques de dévotion, on est confronté à des évocations plus ou moins égrillardes. Par exemple, le Dr Witry de Trèves-sur-Moselle, dont on a vu qu’il se voulait pourtant un observateur impartial et objectif Voir supra p. 10., n’hésite pas à évoquer le livre – rapidement censuré par les autorités ecclésiastiques – des Révélations d’une extatique du 12e siècle, Agnès Blannbekin, qui affirmait que Jésus est ressuscité avec son prépuce, alors que la tradition veut, d’après Sainte Brigitte, qu’il ait été enterré par Marie, qu’il l’avait gardé avec elle depuis la cérémonie de la circoncision Dr Theodor Witry, « Mysticisme et érotisme », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 10 (1910), 306-311.. Et Witry de suggérer doctement et sans ciller, mais en sachant bien quelle impression il peut provoquer chez un lecteur averti, la réconciliation suivante: « En y regardant d’assez près nous verrons que ces deux versions sur le prépuce de Jésus, contradictoires en apparence, se peuvent concilier si l’on admet que ce que la voix intérieure annonce à Sainte-Agnès quant à la résurrection du prépuce, n’a trait qu’à une partie du prépuce: alors la Sainte-Vierge, en parlant de la conservation du prépuce dans le sol, ne se rapporte qu’à la plus grande partie du prépuce » Witry, « Mysticisme », 307.. Après le sexe des anges, le prépuce du Seigneur… On ne peut douter que cette façon de concevoir le « corps glorieux » était censé déclencher chez les lecteurs bien disposés de la Revue une hilarité complice. Avec notre dernier exemple, on en arrive à une forme extrême, paroxystique, du « sous-rire » médical déjà évoqué, contenu mais néanmoins féroce, volontiers obscène, un rire mauvais au sens de méchant, qui a bien pour ambition de « tuer » l’ennemi clérical. Cette modalité du rire propre au « matérialisme médical », qui reprend les éléments de la forme précédemment passée en revue (on passe du grivois à l’obscène, du cru au scatologique), elle trouve une expression particulièrement frappante dans la série d’article du Dr Rouby, directeur de la Maison de Santé d’Alger, sur Marguerite-Marie Alacoque Dr Pierre Rouby, « Marie Alacoque », Revue de l’hypnotisme, XVII : 4 (1902), sec. « Psychologie hiérologique », 112-120 ; XVII : 5 (1902), sec. « Psychologie hiérologique », 150-157 ; XVII : 6 (1902), sec. « Psychologie hiérologique », 180-187 ; XVII : 11 (1903), sec. « Psychologie hiérologique », 215-220 ; sur Rouby, voir Jacqueline Lalouette, « Rouby, Pierre » (1841-1920) », in Gumpper & Rausky, Dictionnaire, 1189-1192. . Les écrits de Rouby sont particulièrement intéressants pour le thème qui nous occupe parce que la volonté de faire rire qui les anime entre dans une sorte de tension avec la volonté de faire science, de ne jamais se départir de l’objectivité et de l’impartialité reconnue comme consubstantielle de l’entreprise scientifique. Dans ce cas précis, pour que ce « sous-rire » qui se lit entre les lignes éclate à vive voix, il faudra l’intervention d’un tiers extérieur. Rouby est lui aussi un des spécialistes de hiérologie de la Revue : il publie sur ce thème deux longues série d’articles, l’une – comme on vient de l’évoquer – sur une des inspiratrices du Culte du Sacré Cœur, l’autre sur Bernadette Soubirous Dr Pierre Rouby, « L’hystérie de Bernadette de Lourdes », Revue de l’hypnotisme, XX : 1 (1905), 11-17 ; XX : 2 (1905), 46-53 ; XX : 4 (1905), 108-115 ; XX : 5 (1905), 142-146 ; ces deux séries d’articles deviendront des ouvrages postérieurement: voir supra n. 19.. Ses intérêts recoupent donc largement ceux des autres contributeurs de la Revue sur ces questions : les vies de saints et Lourdes. Sa méthode n’est pas plus originale : en se basant sur les écrits ou les récits de l’existence de Marguerite-Marie ou de Bernadette, il y découvre tous les signes et symptômes de la grande hystérie, se constituant en cela comme l’héritier et le continuateur de Charcot, qui s’était montré certes moins aventureux. Le ton de son propos est à l’avenant, plein d’emphase et bouffi de certitude : « on a élevé sur les hauteurs de Montmartre, au milieu de ce Paris qui renferme le Dôme de l’Institut, un autre Dôme en l’honneur d’une folle » Dr Pierre Rouby, « Marie Alacoque », XVII : 4 (1902), 113.. Son diagnostic est sans appel : « Marie Alacoque était atteinte de folie hystérique sans qu’aucun doute puisse naître à ce sujet, sans qu’aucune contradiction basée sur des raisons admissibles puissent avoir lieu » Rouby, « Marie Alacoque », XVII : 6 (1902), 181. . L’analyse de la vie de la Sainte se veut froide, clinique : on y dresse l’inventaire des hallucinations verbales, auditives et du sens génital de la sainte de Paray-le-Monial; on y insiste sur ces tendances à la coprophagie et sur sa suggestibilité extrême. Quant on en vient à l’érotomanie supposée de Marie Alacoque, on sent que Rouby a du mal à se retenir d’un bon mot: évoquant l’épisode où on lui fait garder des ânes dans un coin du jardin du monastère et pendant lequel Marie affirme que son amant divin « [lui] tenait une si fidèle compagnie que toutes les courses qu’il [lui] fallait faire pour mes ânes, ne [la] détournaient point de sa présence; [elle] ne pouvai[t] mettre d’empêchement à ces sensations où il n’y avait rien de [sa] participation », Rouby en conclut que « Marie Aalcoque arrive à ce moment à un véritable état d’érotomanie et elle attribue à Jésus un véritable état de priapisme » Rouby, « Marie Alacoque », XVII : 5 (1902), 153.. Dans la même veine, rappelant l’hallucination décrite par le journal de Marguerite-Marie dans laquelle Jésus, après lui avoir insufflé dans le cœur une part de ce feu divin qui émane de lui, lui promet que « son ardeur ne s’éteindra point, et [elle] ne pourr[a] y trouver de rafraîchissement que quelque peu dans la saignée » Rouby, « Marie Alacoque », 155., Rouby ironise sur « les livres pieux qui citent les paroles entendues par la bienheureuse et les plaques de marbre [à Paray-le-Monial] sur lesquelles on a gravé l’entretien, [et] ne vont pas jusqu’au bout et omettent à dessein de parler de la saignée, conseillée par Jésus comme rafraîchissement aux vives flammes de l’ardeur de la bienheureuse » : cette idée de la saignée dans la bouche de Dieu est tellement saugrenue, qu’elle était suffisante, pour faire réfléchir ceux qui ont copié cette histoire et les arrêter dans leur projet de publier ces faits comme miraculeux; ils ont préféré n’en rien dire; ils ont commis cette mauvaise action. La saignée était de mode alors et Jésus la recommande ; aujourd’hui qu’elle ne l’est plus, il conseillerait un autre remède ; les douches par exemple, seraient mieux en situation ; de plus l’hystérie s’accompagnant le plus souvent de chloro-anémie, et la saignée étant par conséquent contre-indiquée, l’on ne comprend pas cette erreur médicale de la part d’un Dieu omniscient Rouby, « Marie Alacoque », 155.. Cette série d’articles de Rouby ne va pas rester sans réponse : en effet, le jésuite Auguste Hamon, auteur d’un ouvrage consacré à Marie Alacoque et historien de la dévotion au Sacré-Cœur Auguste Hamon, Vie de la bienheureuse Marguerite-Marie, d'après les manuscrits et les documents originaux (Paris : G. Beauchesne, 1908) ; Histoire de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus (Paris : Beauchesne, 1907-1939)., en propose une réfutation pied à pied, précise, argumentée, qui met en évidence les simplifications et les interprétations discutables faites par Rouby des documents disponibles Auguste Hamon, « La folie hystérique de Marie Alacoque : M. le Dr Rouby et la critique historique », Revue de l’hypnotisme, XVII : 11 (1903), sec. « Discussions & polémiques », 339-348.. Hamon insiste en particulier sur la fait que l’épisode de la saignée n’a pas été omis, puisqu’il figure bien dans nombre d’écrits traitant de Marie Alacoque. Et s’il ne figure pas sur les plaques de Paray, c’est parce que, nous dit Hamon, une ligne de plus ou de moins ne fait pas vraiment de différence. La réplique de Rouby est sans concession Dr Pierre Rouby, « La folie hystérique de Marie Alacoque. Réponse du Dr Rouby », Revue de l’hypnotisme, XVII : 12 (1903), sec. « Discussions & polémiques », 373-379.: il maintient tout ce qu’il a avancé. En particulier, il n’en démord pas au sujet des plaques de marbre : l’omission est bien coupable, parce que ceux qui n’ont pas mentionné la saignée savaient bien ce qu’ils risquaient en ne commettant pas leur forfait: Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Pourquoi ne le fait-on pas encore ? C’est qu’un rire homérique éclaterait sous les voûtes des basiliques à la lecture de cette phrase grotesque mise dans la bouche de Dieu par la pauvre Marguerite-Marie. Cette phrase seule démolirait le Culte du Sacré-Cœur, et aucun prêtre, aucun évêque (…) n’oserait jamais l’inscrire sur les murs de l’église de Montmartre Rouby, « La folie hystérique », 378. Annexe 1 : les articles relevant de l’ « hiéropsychologie » dans la Revue de l’hypnotisme, 1887-1910. Paul Copin, « L’hypnotisme face à l’Église », Revue de l’hypnotisme, III : 1 (1888), 18-24 ; III : 2 (1888), 49-56. An., « Le miracle au point de vue médical », Revue de l’hypnotisme, III : 3 (1888), sec. « Correspondance et chronique », 92-93. An., « Les hypnotiseurs font-ils des miracles ? », Revue de l’hypnotisme, V : 12 (1891), sec. « Correspondance et chronique », 348-349. An., « Jésus de Nazareth, par Paul de Régla », Revue de l’hypnotisme, VI : 4 (1891), sec. « Revue bibliographique », 127. Dr Paul Ladame, « Les possédés et les démoniaques à Genève, au XVIIe siècle », Revue de l’hypnotisme, VI : 9 (1892), sec. « Variétés », 283-285 ; VI : 10 (1892), sec. « Variétés », 315-317 ; VI : 11 (1892), sec. « Variétés », 338-342 ; & VI : 12 (1892), sec. « Variétés », 368-379. An., « Médecine et confession », Revue de l’hypnotisme, VII : 6 (1892), sec. « Correspondance et chronique », 185-187. An., « Une page du ‘‘Jésus de Nazareth’’ de Paul de Régla », Revue de l’hypnotisme, VII : 6 (1892), sec. « Revue bibliographique », 187-189. An., « Lourdes. – Psychologie pathologique ; impressions diverses », Revue de l’hypnotisme, VII : 7 (1893), sec. « Variétés », 217-221. An., « La guérison par la foi », Revue de l’hypnotisme, VII : 9 (1893), sec. « Variétés », 282-285. An., « Le Juif errant à la Salpêtrière », Revue de l’hypnotisme, VIII : 5 (1893), sec. « Variétés », 146-150. Dr Félix Regnault, « De l’hypnotisme dans la genèse des miracles », Revue de l’hypnotisme, VIII : 9 (1894), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 270-277. Dr Félix Regnault, « Hypnotisme et Religion », Revue de l’hypnotisme, IX : 5 (1894), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 150-157. Dr Louis Berteaux, « Lourdes et la Science », Revue de l’hypnotisme, IX : 7 (1895), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 210-217. Dr Félix Regnault, « Utilité sociale de la suggestion religieuse », Revue de l’hypnotisme, IX : 9 (1895), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 269-271. Dr Eugène Verrier, « Les miracles de Lourdes et le livre du Dr Boissarie », Revue de l’hypnotisme, IX : 9 (1895) sec. « Variétés », 275-278. An., « Présentation de miraculés de Lourdes au Cercle catholique de Paris », Revue de l’hypnotisme, IX : 9 (1895), sec. « Correspondance et chronique », 284-285. Dr Thomas Oliver, Médecin du Royal Infirmary, Newcastle, « Cas d’une jeune fille qui aurait été miraculeusement guérie d’une paralysie, à la source de Sainte-Winifred, dans le pays de Galles », Revue de l’hypnotisme, IX : 10 (1895), sec. « Variétés », 311-315. Camille Martinet, « Une démoniaque à Laon au XVIe siècle », Revue de l’hypnotisme, sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », X : 2 (1895), 50-54. An., « Saint Ignace de Loyola », Revue de l’hypnotisme, X : 2 (1895), sec. « Variétés », 57-60. Dr Edgar Bérillon, « Une cure merveilleuse de sycosis », Revue de l’hypnotisme, X : 7 (1896), 193-198. Prof. Joseph Delboeuf, « A propos d’une cure merveilleuse de sycosis », Revue de l’hypnotisme, X : 8 (1896), 225-233. Dr Charles Binet-Sanglé, « La suggestion réciproque dans la famille Pascal », Revue de l’hypnotisme, sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », XI : 6 (1896), 184-186. Dr Charles Binet-Sanglé, « Histoire des suggestions religieuses dans la famille Pascal », Revue de l’hypnotisme, XII : 9 (1898), 266-273 ; XII : 10 (1898), 302-31 ; XII : 11 (1898), 335-340; XII : 12 (1898), 362-368; XIV : 1 (1899), 18-23; XIV : 3 (1899), 76-81. An., « Médecine et mysticisme », Revue de l’hypnotisme, sec. « Correspondance et chronique », XIV : 4 (1899), 125-126. Dr Charles Binet-Sanglé, « Les lois psychologiques de l’hiérogénie », Revue de l’hypnotisme, XIV : 6 (1899), 161-165 ; XIV : 8 (1900), 225-229 ; XIV : 9 (1900), 266-276 ; XIV : 10 (1900), 208-294 : XIV : 11 (1900), 321-325 ; XIV : 12 (1900), 353-364 ; XV : 1 (1901), 8-15. Dr Félix Regnault, « Guérison miraculeuse de maladies d’apparence organique. Rôle du système vaso-moteur », Revue de l’hypnotisme, sec. « Société d'hypnologie et de psychologie », XV : 8 (1901), 236-245. Dr Henry Lemesle, « La Transverbération de Sainte Thérèse d’Avila », Revue de l’hypnotisme, XVI : 3 (1901), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie »,78-87. Dr Charles Binet-Sanglé, « Psycho-physiologie des religieuses : les Religieuses de Port Royal », Revue de l’hypnotisme, XVI : 5 (1901), 129-134 ; XVI : 6 (1901), 161-167; XVI : 7 (1901), 202-210. Dr Félix Regnault, « La vie de Jésus devant la science hypnotique », Revue de l’hypnotisme, XVI : 6 (1901), 168-175 ; XVI : 7 (1901), 210-214 ; XVI : 8 (1901), 236-240. Dr Félix Jayle, « Lourdes », Revue de l’hypnotisme, XVII : 1 (1902), sec. « Variétés », 28-31; XVII : 2 (1902), sec. « Variétés », 61-63; XVII : 3 (1902), sec. « Variétés », 94-95 [repris de la Presse Médicale]. Dr Pierre Rouby, « Marie Alacoque », Revue de l’hypnotisme, XVII : 4 (1902), sec. « Psychologie hiérologique », 112-120 ; XVII : 5 (1902), sec. « Psychologie hiérologique », 150-157 ; XVII : 6 (1902), sec. « Psychologie hiérologique », 180-187 ; XVII : 11 (1903), sec. « Psychologie hiérologique », 215-220. Dr Charles Binet-Sanglé, « Les hiérosyncrotèmes familiaux », Revue de l’hypnotisme, XVII : 9 (1903), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 282-285. Auguste Hamon, « La folie hystérique de Marie Alacoque : M. le Dr Rouby et la critique historique », Revue de l’hypnotisme, XVII : 11 (1903), sec. « Discussions & polémiques », 339-348. Dr Pierre Rouby, « La folie hystérique de Marie Alacoque. Réponse du Dr Rouby », Revue de l’hypnotisme, XVII : 12 (1903), sec. « Discussions & polémiques », 373-379. An., « Auto-suggestion religieuse », Revue de l’hypnotisme, XVIII : 2 (1903), sec. « Correspondance et chronique », 63. Dr. Charles Binet-Sanglé, « Relation de la profession religieuse avec les signes de dégénérescence », Revue de l’hypnotisme, XVIII : 3 (1903), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 83-89. Dr Charles Binet-Sanglé, « L’ascendance de cinq religieuses de Port Royal », Revue de l’hypnotisme, XVIII : 4 (1903), 101-110 ; XVIII : 5 (1903), 133-140 ; XVIII : 6 (1903), 167-170 ; XVIII : 7 (1904), 200-209 ; XVIII : 9 (1904), 269-275. An., « Les miracles du curé d’Ars devant la Science », Revue de l’hypnotisme, XVIII : 11 (1904), sec. « Médecine et religion », 348 [repris de la Gazette médicale de Paris]. Dr Charles Binet-Sanglé, « Le prophète Samuel », Revue de l’hypnotisme, XIX : 6 (1904), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 152-156. Dr Marcel Baudoin, « Les vertus thérapeutiques des Reliques humaines : Le Doigt de saint Jean, à Saint-Jean-Traoun-Mériadec (Finistère) », Revue de l’hypnotisme, XIX : 6 (1904), sec. « Croyances religieuses et folklore », 179-185 [repris de la Gazette médicale de Paris]. An., « Médecine et religion : Miracles », Revue de l’hypnotisme, XIX : 6 (1904), sec. « Correspondance et chronique », 159-160. Dr Pierre Rouby, « L’hystérie de Bernadette de Lourdes », Revue de l’hypnotisme, XX : 1 (1905), 11-17 ; XX : 2 (1905), 46-53 ; XX : 4 (1905), 108-115 ; XX : 5 (1905), 142-146. Dr Charles Binet-Sanglé, « Psycho-physiologie des religieuses : les Religieuses de Port Royal », Revue de l’hypnotisme, XX : 4 (1905), 115-118 ; XX : 5 (1905), 146-153 ; XX : 6 (1905), 176-180 ; XX : 7 (1906), 209-213 ; XX : 8 (1906), 241-247 ; XX : 10 (1906), 302-304. Dr Theodor Witry, « Les grands exorcismes du XIXe siècle », Revue de l’hypnotisme, XX : 6 (1905,), 163-167. Dr Charles Binet-Sanglé, « Introduction à la psychologie de Jésus de Nazareth », Revue de l’hypnotisme, XXI : 8 (1907), 229-238. Rudolf Broda, « Quelques faits d’extase religieuse », Revue de l’hypnotisme, XXI : 11 (1907), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 349-351. Jules Bois, « Le Miracle moderne », Revue de l’hypnotisme, XXI : 12 (1907), 361-368 [extrait d’un chapitre de Jules Bois, Le Miracle moderne, Paris : Ollendorff, 1907]. An., « Le Miracle moderne, par Jules Bois », Revue de l’hypnotisme, XXII : 2 (1907), sec. « Revue des livres », 60-62. Dr Theodor Witry, « Une épidémie religieuse en Allemagne », Revue de l’hypnotisme, XXII : 3 (1907), 75-77. An., « Les Saints successeurs des Dieux, par P. Saint-Yves », Revue de l’hypnotisme, XXII : 7 (1908), sec. « Bulletin bibliographique », 222-223. Louis Delmas, « La pathologie nerveuse chez les anciens Hébreux », Revue de l’hypnotisme, XXII : 9 (1908), sec. « Folklore », 252-254 ; XXII : 10 (1908), sec. « Folklore », 316-318. An., « P. Saintyves, Les Vierges Mères et les naissances miraculeuses », Revue de l’hypnotisme, XXII : 12 (1908), sec. « Bulletin bibliographique », 375-376. An., « Un faux miracle de Lourdes », Revue de l’hypnotisme, XXIII : 3 (1908), sec. « Correspondance et chronique », 96. Pierre Saintyves [pseudonyme d’Émile Nourry], « Faux miracles », Revue de l’hypnotisme, XXIII : 5 (1908), sec. « Correspondance et chronique », 158. Dr M., « Les faux miracles », Revue de l’hypnotisme, XXIII : 7 (1909), sec. « Correspondance et chronique », 190-191. Dr Theodor Witry, « Une épidémie religieuse moderne, d’origine suggestive : la secte de la résurrection à Zurich », Revue de l’hypnotisme, XXIII : 9 (1909), sec. « Société d’hypnologie et de psychologie », 251-253. Pierre Saintyves [pseudonyme d’Émile Nourry], « Le miracle et la critique scientifique », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 3 (1909), 77-81 ; XXIV : 5 (1909), 140-143 ; XXIV : 6 (1909), 169-171 ; XXIV : 8 (1910), 208-209. Dr Paul Farez, « Encore la question de la responsabilité (A propos d’un livre récent du Dr Binet-Sanglé) », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 4 (1909), 115-123. Dr Charles Binet-Sanglé, « À propos du libre arbitre. Réponse au Dr Farez », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 5 (1909), 134-138. Dr Paul Farez, « Réplique du Dr Farez », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 5 (1909), 138-149. An., « Les saints guérisseurs vénérés en Touraine », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 9 (1910), sec. « Correspondance et chronique », 255. Dr Theodor Witry, « Mysticisme et érotisme », Revue de l’hypnotisme, XXIV : 10 (1910), 306-311..  Ce « rire homérique » qui tuerait le cléricalisme, c’est bien celui que voulaient déclencher Rouby et ses pareils. Il existe donc bien un rire savant, avec ses tonalités et son registre propres, et on ne peut sans doute pas nier qu’il ait été une des armes du combat anti-clérical mené par les partisans du « matérialisme médical ». L’étude plus fine d’un corpus plus large serait bien sûr nécessaire pour explorer les aspects négligés par notre analyse, notamment en explorant des revues plus au centre du champ médical comme les Archives générales de médecine, les Annales médico-psychologiques ou la Revue de neurologie. Mais il semble qu’une première généralisation puisse déjà en être tirée : parce que cette littérature savante anti-cléricale se légitime en grande partie par sa posture objective et impartiale, son recours à l’ironie ou à la plaisanterie est toujours problématique, car toujours susceptible de remettre en cause son statut même de contribution proprement scientifique. Ceci pourrait expliquer le rapport inverse entre notoriété scientifique des auteurs et charge satirique du propos dans les articles considérés: plus un auteur est scientifiquement reconnu (ou plus il veut être scientifiquement reconnu), plus son recours à l’ironie ou à la plaisanterie sera mesuré; plus un auteur aura recours à l’ironie ou à la plaisanterie, plus il est probable qu’il ne puisse exister dans le champ considéré que de cette manière, parce que sa légitimité scientifique est trop faible. Généralisation qui demeure bien sûr à tester sur un matériau plus large. Savoir rire entre les lignes : matérialisme médical et « hiéropsychologie » dans la Revue de l’hypnotisme (1887-1910) Le rire a joué, en France, dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et la première moitié du vingtième, un rôle stratégique crucial dans le combat anticlérical et antireligieux. De cet usage polémique du rire est résultée toute une production culturelle qu’on a distingué d’une littérature « savante », qui mènerait la lutte contre la religion sur un tout autre plan, celui de la raison affrontant l’obscurantisme et le préjugé. Dans cet article, on essaye de montrer, à partir d’une analyse des contributions relevant de la « psychologie de la religion » ou « hiéropsychologie » publiées dans la Revue de l’hypnotisme, qu’il existe aussi un « ridicule savant », dont les formes, les codes et les usages sont caractéristiques du rire anticlérical que l’on peut associer au « matérialisme médical ». Mots-clefs : psychologie de la religion; matérialisme médical; Revue de l’hypnotisme; anticléricalisme; 19e siècle; 20e siècle. Laughing Between the Lines: Medical Materialism and “Hieropsychology” in the Revue de l’hypnotisme (1887-1910) Laughter played a crucial strategic role in the fight against clericalism and religion in France, during the second half of the 19th century and the first half of the 20th. From this polemical use of laughter has resulted a cultural output that has been contrasted with a “scholarly literature”, which fought against religion in a radically different manner, with reason facing obscurantism and prejudice. In this paper, I will try to show, drawing on a study of the contributions dealing with “the psychology of religion” or “hieropsychology” published in the Revue de l’hypnotisme, that there also exists a “scholarly ridicule”, the forms, codes and uses of which are characteristic of the anticlerical laughter associated with “medical materialism”. Keywords : psychology of religion; medical materialism; Revue de l’hypnotisme; anticlericalism; 19th century; 20th century. paraître, Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 2018, 35/2. 30