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L'ORGANISATION MEDICALE1

Avant d'envisager la vie et l'évolution du corps médical au sein du Vieux-Bavière, il convient d'analyser les différentes étapes de la formation des médecins et chirurgiens et l'étendue de leurs pratiques à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe, époque d'une société en mutation, de transformations des mentalités. Ces changements apporteront une modification des législations accompagnée de découvertes médicales et de bouleversements technologiques, lesquelles vont métamorphoser l'art de guérir et, par corollaire le paysage hospitalier. LA CREATION DU COLLEGE DES MEDECINS EN 16992 Au XVIe siècle, à Liège, les protagonistes de l'art de guérir sont dispersés dans diverses institutions. Les chirurgiens accompagnent les barbiers et perruquiers dans une même confrérie, placée sous le patronage des saints Cosme et Damien3. Les apothicaires englobent le métier des merciers. Confréries et métiers ne sont destinés qu'à protéger l'espace professionnel et à préserver la cohésion du groupe, sans objectif ni thérapeutique, ni médical. Quant aux médecins, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, ils échappent à tout contrôle professionnel ou corporatif, ce qui permet l'intrusion de charlatans dans le champ médical. Le siècle suivant voit des initiatives émerger pour une rencontre des médecins et des chirurgiens. En 1687, ces derniers s'émancipent des barbiers et perruquiers pour former un corps indépendant où les candidats sont soumis à un examen en présence de trois Docteurs en médecine et de six Maîtres chirurgiens. Chaque « profession » suit des règles de plus en plus précises et ne peut, en principe, empiéter sur l'espace des autres : les chirurgiens par exemple sont seuls habilités à poser des actes précis de chirurgie4. Ces modifications vont permettre la refonte de la législation en matière d'art de guérir. C'est en 16995 que le prince-évêque Joseph-Clément de Bavière crée le Collège des Médecins de la Cité, Faubourg et Banlieue de Liège et y établit son autorité en y nommant le président. Cette « révolution institutionnelle » réunit l'ensemble des professions médicales-caractéristique liégeoise-, uniformise les savoirs des médecins, chirurgiens et apothicaires, ainsi que des sages-femmes, en contrôle les usages et les individus, dans un souci de « santé publique ». « A l'autonomie des pratiques se substitue la complémentarité hiérarchique des qualifications6 » où se créent des domaines exclusifs pour les différents intervenants. La professionnalisation de l'art de guérir est ainsi amorcée. Le Collège des Médecins se situe à mi-chemin des corporations et des organismes médicaux modernes. En cette fin extrême du XVIIe siècle, la nouvelle image du praticien reconnu se conjugue, petit à petit, avec les idées de responsabilité thérapeutique et d'altruisme. A côté de médecins diplômés d'universités prestigieuses, Cologne, Leyde, Paris et Montpellier, où ils étudient pendant quatre ans, la plupart suivent un cursus peu onéreux, de seulement quelques mois, dans de modestes universités comme Pont-à-Mousson ou Reims, « petites facultés borgnes où l'on marchande le bonnet de docteur, comme une aune de drap7 ». Ils y obtiennent le titre de licencié, suffisant pour pratiquer ; quelquefois les plus fortunés défendent une thèse de docteur. Mais l'enseignement, en latin, se borne surtout à la connaissance de la médecine traditionnelle basée sur les auteurs classiques, sur la dictée du cours et l'argumentation dialectique, peu d'anatomie, d'autopsie, de clinique. Quant aux chirurgiens et pharmaciens, c'est lors de leur apprentissage qu'ils acquièrent leur savoir et pratique. Deux praticiens de l'hôpital de Bavière, Gilles-Guillaume Clermont et Gilles-François de Loncin, vont jouer un rôle plus ou moins important dans le fonctionnement du Collège des Médecins. Ils y sont admis dès sa création le 15 avril 1699. Médecin-assesseur du Collège, de Loncin fait partie de la délégation des quatre médecins requise par le prince-évêque Joseph-Clément de Bavière pour rédiger la première pharmacopée liégeoise, outil indispensable pour uniformiser et contrôler les pratiques médicales et pharmaceutiques. Quant à Clermont, son fils Gilles-Guillaume sera un des signataires de la Pharmacopea Leodiensis, terminée en 1737-1738 mais seulement publiée en 1741, date où elle devient la seule référence dans la principauté de Liège.

L’ORGANISATION MEDICALE Les sources utilisées pour ce chapitre sont principalement : ULG, Manuscrits et fonds anciens, Procès-verbaux de la Faculté de Médecine. Ms. 6208, , 1835-1841 ; Ms. 6209, 1842-1853 ; Ms. 6290, 1853-1872 ; Ms. 6211, 1871/72-janvier 1886. M.A.D.O., 1804- 1808. HAVELANGE, 1990 : principal ouvrage de référence pour Liège et la Principauté pendant l’Ancien régime et la première moitié du XIXe siècle ; DEPUYDT, s.d. ; BRUNEEL et SERVAIS (éds), 1989 ; DHONDT, 2011. Avant d’envisager la vie et l’évolution du corps médical au sein du Vieux-Bavière, il convient d’analyser les différentes étapes de la formation des médecins et chirurgiens et l’étendue de leurs pratiques à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe, époque d’une société en mutation, de transformations des mentalités. Ces changements apporteront une modification des législations accompagnée de découvertes médicales et de bouleversements technologiques, lesquelles vont métamorphoser l’art de guérir et, par corollaire le paysage hospitalier. LA CREATION DU COLLEGE DES MEDECINS EN 1699 FLORKIN, vol. II, 1957, pp. 31-43 ; vol. III, 1964, pp. 118-130. Au XVIe siècle, à Liège, les protagonistes de l’art de guérir sont dispersés dans diverses institutions. Les chirurgiens accompagnent les barbiers et perruquiers dans une même confrérie, placée sous le patronage des saints Cosme et Damien « Règlement pour la confrérie de saint Cosme et saint Damien [de 1592, confirmé en 1666] », in POLAIN, vol.2, 1871, pp. 122-126.. Les apothicaires englobent le métier des merciers. Confréries et métiers ne sont destinés qu’à protéger l’espace professionnel et à préserver la cohésion du groupe, sans objectif ni thérapeutique, ni médical. Quant aux médecins, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, ils échappent à tout contrôle professionnel ou corporatif, ce qui permet l’intrusion de charlatans dans le champ médical. Le siècle suivant voit des initiatives émerger pour une rencontre des médecins et des chirurgiens. En 1687, ces derniers s’émancipent des barbiers et perruquiers pour former un corps indépendant où les candidats sont soumis à un examen en présence de trois Docteurs en médecine et de six Maîtres chirurgiens. Chaque « profession » suit des règles de plus en plus précises et ne peut, en principe, empiéter sur l’espace des autres : les chirurgiens par exemple sont seuls habilités à poser des actes précis de chirurgie « Règlement pour les chirurgiens et pour les barbiers et perruquiers, 10 mars 1687 », in DE LOUVREX, vol. 3, 1751, pp. 57-62.. Ces modifications vont permettre la refonte de la législation en matière d’art de guérir. C’est en 1699 « Règlement du Collège des Médecins [suivi de réflexions et remontrances 1700-1741],  », in DE LOUVREX, vol. 3, 1751, pp. 46-63. que le prince-évêque Joseph-Clément de Bavière crée le Collège des Médecins de la Cité, Faubourg et Banlieue de Liège et y établit son autorité en y nommant le président. Cette « révolution institutionnelle » réunit l’ensemble des professions médicales -caractéristique liégeoise-, uniformise les savoirs des médecins, chirurgiens et apothicaires, ainsi que des sages-femmes, en contrôle les usages et les individus, dans un souci de « santé publique ». « A l’autonomie des pratiques se substitue la complémentarité hiérarchique des qualifications HAVELANGE, 1990, p ; 72. » où se créent des domaines exclusifs pour les différents intervenants. La professionnalisation de l’art de guérir est ainsi amorcée. Le Collège des Médecins se situe à mi-chemin des corporations et des organismes médicaux modernes. En cette fin extrême du XVIIe siècle, la nouvelle image du praticien reconnu se conjugue, petit à petit, avec les idées de responsabilité thérapeutique et d’altruisme. A côté de médecins diplômés d’universités prestigieuses, Cologne, Leyde, Paris et Montpellier, où ils étudient pendant quatre ans, la plupart suivent un cursus peu onéreux, de seulement quelques mois, dans de modestes universités comme Pont-à-Mousson ou Reims, « petites facultés borgnes où l’on marchande le bonnet de docteur, comme une aune de drap Pamphlet de La Mettrie cité par FLORKIN, vol. II, 1957, p. 34. ». Ils y obtiennent le titre de licencié, suffisant pour pratiquer ; quelquefois les plus fortunés défendent une thèse de docteur. Mais l’enseignement, en latin, se borne surtout à la connaissance de la médecine traditionnelle basée sur les auteurs classiques, sur la dictée du cours et l’argumentation dialectique, peu d’anatomie, d’autopsie, de clinique. Quant aux chirurgiens et pharmaciens, c’est lors de leur apprentissage qu’ils acquièrent leur savoir et pratique. Deux praticiens de l’hôpital de Bavière, Gilles-Guillaume Clermont et Gilles-François de Loncin, vont jouer un rôle plus ou moins important dans le fonctionnement du Collège des Médecins. Ils y sont admis dès sa création le 15 avril 1699. Médecin-assesseur du Collège, de Loncin fait partie de la délégation des quatre médecins requise par le prince-évêque Joseph-Clément de Bavière pour rédiger la première pharmacopée liégeoise, outil indispensable pour uniformiser et contrôler les pratiques médicales et pharmaceutiques. Quant à Clermont, son fils Gilles-Guillaume sera un des signataires de la Pharmacopea Leodiensis, terminée en 1737-1738 mais seulement publiée en 1741, date où elle devient la seule référence dans la principauté de Liège. Mais la mise en place du Collège n’a pas éradiqué tous les usages antérieurs. D’autres thérapeutes secondaires, dont des femmes, sont également reçus ; ils ne doivent faire la preuve que d’une connaissance minimale et ne peuvent exercer que dans un lieu bien déterminé. RECEPTION DE PRATICIENS SECONDAIRES 1699 -1794 QUALIFICATIONS TOTAL Nombre DE FEMMES Distributeurs de remèdes 26 3 « Petite rate ou raete » de la chirurgie1 23 8 « Pour la saignée » 18 5 Arracheurs de dents 6 1 « Pour appliquer les ventouses » 4 2 0pérateur 2 Herboriste 1 TOTAL 80 19 1 Il y a synonymie entre les appellations « pour la saignée »  et « pour la petite rate de la chirurgie », des individus se retrouvent aussi bien sous l’une ou l’autre identification, AEL, Métiers, Collège des Médecins, n°865, Réception des praticiens liégeois. Carl HAVELANGE, Les figures de la guérison (XVIIIe – XIXe siècles). Une histoire sociale et culturelle des professions médicales au pays de Liège, ULG, Liège, 1990, tableau II.9, p.133 et p.442. Parfois occasionnellement, un opérateur extérieur est autorisé à se livrer à son art ; c’est le cas des oculistes. Spécialistes rares, ils mènent une existence nomade de ville en ville. Manquer leur passage, c’est s’exposer à rester sans soins des années durant. Et la liste de leurs succès est une garantie contre les imposteurs « Médecins et malades », Clio XXe. Nouvelles du passé, n°30, Bruxelles, sd, p. 7.. Le célèbre oculiste français, le Chevalier de Tadiny est autorisé pendant quelques jours, en février et mars 1783 Gazette de Liège, 19 et 26 février ; 3, 5 et 7 mars 1783., à pratiquer sa technique dans la cité, en présence des chirurgiens Romthom et Dehousse FLORKIN et KELECOM, vol. 1, 1996., sans jamais pouvoir outrepasser l’autorisation reçue sous peine de poursuites. En même temps, bon nombre de personnes continuent à professer en toute illégalité, soit quotidiennement, soit occasionnellement. Liège voit aussi, en 1773, émerger l’idée de la création d’une école pratique pour les praticiens de l’art de guérir, avec cours d’anatomie et de botanique, située au milieu d’un vaste terrain transformé en jardin de plantes. Cet institut est prévu pour initier les étudiants qui devraient d’autre part se montrer assidus à la visite du médecin et participer aux pansements des blessés, notamment à l’hôpital. Pour financer ce projet d’ « école de médecine », Jacques de Heusy, ancien bourgmestre et auteur de mémoires relatifs à la bienfaisance, envisage d’y affecter les revenus de l’ancienne léproserie de Cornillon devenue inutile. Réussir ce parcours avant d’être reçu par le Collège des Médecins permettrait aux futurs diplômés d’être reconnus et estimés dans la Cité. Mais ce programme de de Heusy s’avère trop hardi pour les « lumières » de la Cité FLORKIN, 1957, pp. 31-53; 1954 (5), pp. 85-93.. Tout au long du XVIIIe siècle, le Collège des Médecins sera l’expression de l’identité collective et de la force des praticiens liégeois HAVELANGE, 1990, p. 193.. Mais en tant qu’institution, le Collège ne participe pas aux changements révolutionnaires : il subit les évènements et tente de s’y adapter tout en continuant à préserver et exercer ses prérogatives. Sa dernière réunion a lieu le 29 avril 1794 quelque temps avant l’entrée dans la cité des troupes françaises du général Jourdan HAVELANGE, 1990, p. 178.. REVOLUTION POLITIQUE, REVOLUTION MEDICALE DE 1789 A 1815 LEROY, 1869, col. 39-42; IMBERT, 1954, FLORKIN, vol. II, 1957, pp.116-122; FLORKIN, 1967 (1), pp.23-38 ; FLORKIN, 1967 (2), pp.29-52. Les années révolutionnaires, difficiles sur les plans politique et économique, laissent le champ médical ouvert à tous les excès. La suppression des corporations instaure une libéralisation totale d’accès aux professions médicales, aucune connaissance n’est requise, seul le paiement d’une patente est exigé. De 1794 à 1800, les abus sont criants THOMASSIN, 1879, pp. 299-300.. Mais en ces temps de guerre, l’important pour le pouvoir français est la réorganisation du Service de Santé militaire : fin 1794, trois écoles sont ouvertes pour former les officiers de santé, à Paris, Montpellier et Strasbourg HAVELANGE, 1990, pp. 183-184.. Avec le passage de l’armée de Jourdan en 1794, un médecin militaire, Gruysard, ouvre à Liège, à l’hospice de l’Egalité, dans le quartier d’Outremeuse, un cours d’anatomie humaine, le tout premier du genre dans la Cité, guère habituée à ces nouveautés. La première année, l’enseignement porte sur l’ostéologie et la seconde sur la myologie. Le jeune Nicolas-Gabriel Ansiaux, alors âgé de 15 ans, y suit ces leçons, tout en apprenant la pratique médicale au côté de son père, celle de la chirurgie et de l’obstétrique auprès de Jean-Michel Ramoux. A 18 ans, il prend le titre de chirurgien, charge libérée de toute contrainte, tout en ayant conscience de l’insuffisance de ses premières études. Mais il faut attendre l’installation en mars 1800 du premier préfet du département de l’Ourthe, Antoine Desmousseaux, pour que s’établisse, en octobre 1802, une Commission de Santé dans la continuité du ci-devant Collège des Médecins et de son règlement. Cette nouvelle structure avait d’ailleurs été suggérée l’année précédente par de Sélys-Longchamps, maire de la cité, effrayé des désordres et de l’insécurité qui résultaient de l’absence de toute règlementation pour l’exercice de l’art de guérir. La première tâche du préfet, dans l’attente d’une loi nationale, est donc de mettre un terme à ces abus avec l’aide de la Commission et des édiles communaux qui, pendant quelques temps, vont contrôler les savoirs, réprimer les illégalités et permettre à ceux qui se soumettent à ce règlement d’obtenir un certificat de capacité, après paiement de la patente, pour exercer dans le département Sont visés par cette règlementation : les médecins, chirurgiens, sages-femmes, apothicaires, opérateur-chirurgiens, vendeurs ou distributeurs de remèdes, ceux qui donnent des consultations de santé. HAVELANGE, 1990, pp. 193-195.. La Commission de Santé va également informer les autorités sur les problèmes de santé publique M.A.D.O., t. 9, 25 frimaire an 14 (16 décembre 1805), n°304, pp. 265-266.. Y participent neuf membres : des médecins, Ansiaux I, Blondel et Sauveur père, des chirurgiens, Bovy, Dehousse et Ramoux, et des pharmaciens, Chèvremont, Lazarus et Raikem, aussi bien partisans de l’Ancien Régime que de la Révolution selon la volonté d’apaisement du préfet en application de la politique pragmatique de Bonaparte FLORKIN, vol. II, 1957, pp.143-155 ; RAXHON., 2017, p. 21.. En 1803, plusieurs lois nationales réorganisent totalement l’art de guérir, véritable acte de naissance des professions médicales actuelles SAUVEUR, 1862, p. 85.. Dans l’Empire français, les écoles de médecine sont au nombre de cinq : Paris, Montpellier, Strasbourg et, à partir de 1812, Mayence et Turin. Nos futurs docteurs doivent donc toujours s’expatrier pour acquérir les diplômes nécessaires à la pratique de l’art de guérir. A l’inscription, un diplôme d’humanités secondaires ou un examen d’entrée sont requis. Les diplômes de docteur en médecine et de docteur en chirurgie s’obtiennent après quatre années d’études où la formation pratique est mise en exergue, six examens, dont deux en latin, et la présentation d’une thèse ; seule l’épreuve finale distingue médecin et chirurgien : le Régime français, même s’il a mis les deux titres sur pied d’égalité , n’est pas parvenu à fondre médecine interne et externe, pour ne pas heurter l’opinion publique toujours attachée aux titres anciens. La discussion à ce propos se prolongera pendant la première partie du XIXe siècle. Selon la législation, des écoles de pharmacie sont également organisées : pour décrocher un diplôme national, le candidat poursuit trois années d’études dans une des écoles de médecine. Il les complète par trois ans d’apprentissage. Le diplôme d’officier de santé, profession de second ordre, est obtenu, en français, devant un jury médical départemental, soit après trois ans d’études dans une des écoles officielles, après cinq ans comme élève d’un docteur ou après six ans de pratique à l’hôpital. Les officiers de santé sont prioritairement destinés aux armées mais aussi à la médicalisation des campagnes et à la médecine des pauvres LEONARD, 1981, pp. 46-47.. La loi de 1803 aboutit donc à créer une médecine à deux niveaux qui subsistera jusqu’en 1835. Le jury départemental organise également les examens des pharmaciens de discipline secondaire et des sages-femmes. Quant aux praticiens d’Ancien Régime, diplômés, patentés ou non, s’ils fournissent une preuve de leur activité antérieure, ils reçoivent un certificat de reconnaissance d’officier de santé, mais aucun recyclage n’est prévu par la loi DHONDT, 2011, p. 43, note 22.. ART DE GUERIR - VILLE DE LIEGE 1804 NOMBRE DE PRATICIENS Docteurs en médecine AR 17 Docteurs en médecine NR 2 Maîtres en chirurgie AR 17 Docteurs en chirurgie NR 1 Officiers de santé s/certif 17 Officiers de santé NR 0 Pharmaciens AR 22 Pharmaciens NR 10 Carl HAVELANGE, Les figures de la guérison (XVIIIe – XIXe siècles). Une histoire sociale et culturelle des professions médicales au pays de Liège, ULG, Liège, 1990, tableau III.3, p. 218. En 1804, le professeur Tourdes de Strasbourg, commissaire-président du jury médical de Liège Ils doivent s’acquitter de frais d’inscription : 200 frs pour les officiers de santé et les pharmaciens, 30 frs pour les herboristes et la gratuité pour les sages-femmes : M.A.D.O., 1808, t. 13, n°423, p. 77, décision du 19 janvier 1808., constate à la session de juillet, le manque de connaissances anatomiques des candidats officiers de santé qui avaient bénéficié, en janvier, de quelques rares démonstrations de Ansiaux II. Avec l’appui du préfet Desmousseaux, il soutient l’idée de Comhaire et Ansiaux II, tous deux diplômés fin 1803 de l’Ecole de Médecine de Paris, d’ouvrir une Ecole d’anatomie. Dès novembre M.A.D.O, t 7, an XIII, 1, p. 205 ; A.E.L., FF, liasse 464. Et non le 15 octobre 1806 selon FLORKIN, 1957, p. 209 ; 1967 (2), p. 36 et sa probable source LEROY, 1867, col. 42, lui-même copiant HABETS, 1842, pp. 11-12. Voir à ce sujet HAVELANGE, 1990, pp. 246-247. , ils y dispensent alternativement divers cours -dont l’anthropographie sur cadavres- renforcés par des répétitions; les leçons de physiologie sont prises en charge par Comhaire, celles de chirurgie théorique ainsi que les démonstrations pratiques par Ansiaux ; ensuite sont donnés des cours de pathologie et de « matière médicale », à savoir la pharmacologie ; ce derniers cours est vivement demandé par les élèves qui chaque jour voient administrer à l’hôpital des médicaments dont ils n’ont point encore étudié la nature M.A.D.O., 1806-2, t 10, p.263; 1808, t. 13, n°423, pp. 78-79.. ECOLE D’ANATOMIE TRAVAUX DE L’AN XIII (1806) Ostéologie, suivie d’une exposition du système de Petrus Camper d’observations sur la forme du crâne. Myologie. Angéilogie, avec toutes les ramifications procurées par les ressources de l’art. Névrologie, avec étude des auteurs les plus clairs en ce domaine. Splanchnologie Physiologie, suivie d’expériences nécessaires à l’intelligence des faits physiologiques. Pathologie externe, avec la mise en pratique des cours théoriques. Mémorial administratif du Département de l’Ourthe (M.A.D.O), t. 9, 1806, n°317, pp. 479-480. En les nommant membres du Comité de Salubrité le 10 septembre 1805 (23 fructidor an XIII), le maire de la Cité, H.G. Bailly, discourt élogieusement sur leurs prestations : « Je suis charmé que l’occasion se soit présentée de donner à ces concitoyens des marques de reconnaissance pour le zèle constant et désintéressé qu’ils manifestent dans leurs cours publics de dissections. Cet établissement n’existait point avant eux. L’avoir créé avec succès est d’autant plus honorable et flatteur que l’anatomie doit précéder toutes les études de médecine et de chirurgie, et, par-là, ils ont rendu un grand service à ceux qui veulent connaître l’art de guérir A.E.L., FF, liasse 464.. » Exposés théoriques, démonstrations anatomiques, exercices de dissection avec maniement du scalpel, expériences galvaniques font partie des différentes sessions. Elles sont suivies par de nombreux élèves. Ansiaux et Comhaire essaient d’implanter à Liège les philosophie et pratique acquises à l’Ecole de Médecine de Paris. A plusieurs reprises, le préfet aussi leur témoigne sa satisfaction pour le zèle à remplir ces fonctions et pour « leurs qualités à former de bons élèves qui acquièrent les connaissances indispensablement nécessaires à ceux qui se vouent à la profession d’un art si précieux pour l’humanité » M.A.D.O., t. 9, 20 vendémiaire an XIV (12 octobre 1805), n°291, p.63 ; 1806, n°317, p. 479 ; 1808, t. 13, n°423, p .78.. Pour promouvoir cet enseignement, le préfet autorise les officiers de santé à s’y inscrire gratuitement. L’amphithéâtre d’anatomie est d’abord établi dans l’église désaffectée de Saint-Clément aux degrés Saint-Pierre. Desmousseaux enjoint la Commission des Hospices de fournir un concierge ; elle s’y refuse et propose d’ouvrir un amphithéâtre à Bavière. Finalement le sieur Théodore Remacle est nommé à la fonction de « garçon préposé à soigner la propreté de l’amphithéâtre de dissection ». La démolition, en 1811, de l’église Saint-Pierre toute proche constitue une menace pour les élèves et les professeurs. L’année suivante, les autorités leur accordent l’usage de la chapelle de l’hospice Saint-Michel, rue de L‘Etuve. Ce local manque de la lumière extérieure nécessaire aux dissections mais la Commission des Hospices ne permet pas le percement de fenêtres ; de plus l’accès à l’eau, pourtant nécessaire pour le nettoyage des locaux, leur est interdit ; aucun local n’est disponible pour entreposer le matériel, les pièces anatomiques et même le charbon. La question de savoir à qui incombe les charges du chauffage se pose. Si l’aspect budgétaire ne permet pas les aménagements attendus rapidement, il faut aussi évoquer la répugnance de certains administrateurs, peu acquis aux idées nouvelles, d’autoriser des démonstrations anatomiques dans des locaux sous leur responsabilité HAVELANGE, 1990, p.248, note 82.. Après l’intervention énergique du maire et du préfet, quelques aménagements sont autorisés. Début 1813, des plans sont élaborés pour la construction d’un amphithéâtre d’anatomie pour les deux protagonistes au couvent des Croisiers qui doit servir de siège à l’Académie impériale. Un aide est associé à l’amphithéâtre et prépare les démonstrations sur cadavres, quelquefois fournis par le maire A.E.L., FF, liasses 456 et 464.. En novembre 1806, Ansiaux II, devenu chirurgien en chef de l’hôpital de Bavière, inaugure, de manière informelle, un enseignement de clinique chirurgicale en y effectuant une « infinité de démonstrations extrêmement utiles » M.A.D.O., 1808, t. 13, n°423, p. 79.. Ces nouveaux cours sont suivis par un grand nombre d’élèves et contribuent « puissamment à former et à répandre la réputation du jeune professeur » : clair, précis, sans sécheresse, Ansiaux II, par ses conseils et son influence, dirige et soutient ses étudiants, même lorsqu’ils sont devenus praticiens. Dans un mémoire remis au préfet par Sauveur et Ansiaux père et fils s’exprime le vœux de créer à Liège une école de médecine. Cette idée fait son chemin jusqu’à Paris et début mai 1812, sur ordre du préfet Micoud d’Umons, la science médicale va investir officiellement le Vieux-Bavière par l’établissement de cours de clinique médicale et chirurgicale, confiés naturellement aux deux professeurs, mais la charge administrative et financière incombe aux Hospices civils. L’hôpital n’est plus considéré comme « l’antichambre du ciel » mais devient un lieu de soins où les futurs praticiens peuvent se former à leur art. Cette « idée profondément révolutionnaire FLORKIN, vol. II, 1957, p. 31. » inaugure une opposition grandissante entre l’hôpital, avec comme acteurs la Commission des Hospices et le personnel religieux, et d’autre part l’enseignement universitaire ressenti « comme une intrusion difficilement acceptable dans l’univers jusque-là immuable de l’hôpital HAVELANGE, 1990, p. 249. ». ART DE GUERIR ARRONDISSEMENT DE LIEGE 1811 Docteurs en médecine 35 Docteurs en chirurgie 25 Chirurgien 1 Officiers de santé 60 Pharmaciens 49 Sages-femmes 40 Louis François THOMASSIN, Mémoire statistique du Département de l’Ourte (commencé dans le courant de l’année 1806), Liège, 1879, pp.299-300. De plus en plus d’élèves suivent, avec assiduité, l’enseignement des deux maîtres : 15 à 18 en 1806, 45 en 1812 ; il s’agit de futurs officiers de santé mais également d’étudiants qui poursuivront leurs études à Paris (4), Leyde (3) ou Utrecht (1), et à Liège après 1817 (3). D’autre part, la Faculté des Sciences, , embryon de l’Academia leodiensis, est fonctionnelle en septembre 1811. 21 élèves y suivent les cours de chimie et physique, donnés par un médecin, Jean-Charles Delvaux de Feneffe, ainsi que d’histoire naturelle en vue d’aborder certains cours de Comhaire et Ansiaux, qui préparent à l’obtention du diplôme d’officier de santé FLORKIN, 1957, p. 266.. L’enseignement médical et chirurgical mis sur pied pendant le Régime français est une formation de base approfondie qui permet un recrutement local des futurs praticiens de l’art de guérir. En cette matière, le Régime français, héritier de la philosophie des Lumières, intègre la notion de santé publique où doivent se reconnaitre la force de la nation et la collaboration entre autorités publiques et praticiens de l’art de guérir. C’est le début de la médicalisation de nos sociétés modernes HAVELANGE, 1990, p. 222.. LA CREATION DE LA FACULTE DE MEDECINE DE 1815 A 1830 FLORKIN, 1967 (1), pp.39-52 ; DHONDT, 2011. Le passage au royaume des Pays-Bas, en 1815, ne fait pas table rase du passé. Le but du nouveau pouvoir s’inscrit dans la continuité de la politique française, pionnière du monde contemporain en ce domaine. Cela se vérifie tant au niveau des études que dans la répression de l’exercice illégal de l’art de guérir. Déjà pendant la période d’occupation de la Coalition (1814-1815), le commissaire du Gouvernement du Bas-Rhin autorise, dès avril 1814, la reprise des cours de clinique et invite la Commission des Hospices à mettre à la disposition des deux professeurs, les locaux nécessaires. Le roi Guillaume I crée en septembre 1816, dans les provinces méridionales, trois universités pourvues d’une faculté de médecine à Gand, Liège et Louvain, sur le modèle de celles établies au nord, Utrecht, Leyde et Groningue. L’enseignement devra y être à la hauteur de la science des pays les plus avancés, dispensé par un personnel qualifié, venant de différents pays. A Liège, l’Academia leodiensis s’installe le 25 septembre 1817 dans les locaux de l’ancien Collège des Jésuites wallons. Dans la petite Faculté de Médecine, reconnue pour sa compétence comme un des centres scientifiques d’Europe HABETS,1842, p. 14., la continuité est également de rigueur dans la désignation des trois professeurs requis Personnel, matériel et bâtiments de l’Ecole de Médecine sont intégrés dans la nouvelle faculté ; il en va de même à Gand., ceux-là même, favoris des préfets français : Ansiaux II, Comhaire ainsi que Toussaint-Dieudonné Sauveur, président du jury médical, qui devient le premier recteur. Tous trois, originaires de Liège, occuperont cette charge annuelle sous le Régime hollandais. Ils sont rejoints dès 1818 par Henri-Maurice Gaëte, anatomiste danois mais surtout botaniste affecté principalement à la Faculté des Sciences. « Je ne suis pas plus attaché aux médecins anciens que modernes, je me sers indifféremment des uns et des autres lorsqu’ils suivent la vérité : une expérience souvent répétée est mon principal guide. » T. D. SAUVEUR Cité dans L.E. RENARD, Notice nécrologique sur le docteur T.D. SAUVEUR. Hommage à sa mémoire, Liège, 1838, p. 16. Les professeurs sont nommés dans une faculté. L’attribution d’un enseignement spécifique, réparti sur huit cours, relève en dernier ressort du Collège des curateurs qui peut créer ou supprimer des chaires ou augmenter le nombre de professeurs si l’intérêt de la science l’exige Sur la fonction et le pouvoir des curateurs, voir LEROY, 1869, pp. XXXVIII-XLIV.. En 1826, un nouveau professeur, l’anatomiste badois Vincent Fohmann vient étoffer le groupe, tant en nombre qu’en expertise scientifique, qui se redistribue les compétences. Fohmann porte un soin extrême à l’enseignement de l’anatomie et plus particulièrement aux dissections. Il ne quitte presque jamais sa salle d’examens où il se livre à de nombreuses expériences et dirige lui-même les exercices pratiques des élèves Rapport sur quelques questions relatives à l’enseignement supérieur adopté par le Cercle médical liégeois en assemblée générales du 29 novembre 1872, Liège, p. 5.. C’est le début du caractère international du corps professoral particulièrement marqué à Liège dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cependant une certaine opposition de représentants des praticiens se marquera pendant de nombreuses années face à cette internationalisation. Deux ans plus tard, deux lecteurs « belges », aspirants officieux au professorat, sont présents : Ferdinand-Charles Vottem et Nicolas-Joseph-Victor Ansiaux qui accueillent en 1830 Hyacinthe Sauveur dans les mêmes fonctions. Un diplôme d’études secondaires ou un examen d’entrée devant la Faculté des Lettres est requis. Un grade préparatoire est créé, il consiste en une candidature en sciences mathématiques et physiques, ou à un examen d’admission devant la Faculté de Médecine. Les étudiants suivent pendant quatre ans les cours où la pratique a une faible part. Suite à la réussite d’un examen, en latin, ils deviennent docteur en médecine ; ils peuvent ensuite décrocher un titre complémentaire de docteur en chirurgie, docteur en accouchements ou docteur en pharmacie Le doctorat en pharmacie n’est délivré à aucun candidat à Liège : HAVELANGE, 1990, p. 278, note 31. et sont autorisés à exercer simultanément les différentes branches de l’art de guérir. Mais en mars 1818, le roi promulgue la loi qui crée le régime médical hollando-belge. Elle limite dorénavant l’exercice simultané de ces diverses branches, sauf autorisation spéciale rarement accordée aux praticiens des villes. Cette situation entraîne d’incessants conflits, les universitaires étant le plus souvent cantonnés dans leur discipline. Tout au contraire les grades de second ordre Il s’agit, outre les chirurgiens des villes et campagnes et accoucheurs, des sages-femmes, pharmaciens, oculistes, dentistes, droguistes et herboristes. concernent dorénavant la médecine externe : accoucheur, chirurgien de ville, chirurgien de campagne obtenus après cinq ans d’apprentissage et un examen devant la Commission médicale provinciale. Si nécessaire, un chirurgien de campagne peut s’occuper de maladies internes et même prescrire des médicaments. Ainsi le chirurgien secondaire, avec une formation plus limitée, peut cumuler différentes branches de l’art de guérir. Pour « servir à éclaircir la connaissance du corps humain », le règlement prévoit la création de bibliothèques, cabinets de préparations anatomiques, physiologiques et pathologiques ainsi que des préparations d’anatomie comparée. Pendant trente ans, le matériel scientifique sera principalement constitué par les apports des professeurs. Une collection complète d’instruments y compris les fantômes, est mise à la disposition des chirurgiens et des accoucheurs ; elle sera constituée non seulement des instruments à usage courant « mais aussi de ceux qui peuvent servir à des comparaisons historiques afin de faire connaître les progrès de la science et les opérations en usage ailleurs ». De nouveaux cours, non prévus au cursus, font également leur apparition, notamment celui de médecine légale, introduit grâce à la complicité de deux anciens condisciples, le juriste Pierre-Joseph Destriveaux et Ansiaux II AULg, Secrétariat central 1 : Destriveaux, Rapport au Collège des Curateurs (31/12/1823). DESTRIVEAUX et ANSIAUX, 1821 ; ANSIAUX, 1825.. Ce dernier exerce également hors des murs hospitaliers en perfectionnant notamment la chirurgie orthopédique. ETABLISSEMENT ORTHOPEDIQUE scan Le 1er juin 1827, le Professeur Nicolas-Gabriel Ansiaux et Théodore Vaust, étudiant en 2e doctorat ouvrent un établissement orthopédique ou maison de santé destiné au traitement de très nombreuses difformités de la colonne vertébrale, des déviations des côtes, clavicules et vertèbres, malformations des membres supérieurs et inférieurs et des déviations de la tête. Les traitements de ces maux se feront au moyen d’appareils mécaniques, appareils pour bains simples, aromatiques, douches, etc. Les moyens employés aujourd’hui ont reçu « les plus heureux perfectionnements et sont employés d’après les théories les mieux raisonnées1 ». 1A. RICHERAND, Histoire des progrès récents de la chirurgie, Paris, 1825, pp. 152-153. N.G.A.J. ANSIAUX et Th. VAUST, Etablissement orthopédique ou Maison de santé destinée au traitement des difformités, prospectus, Liège, 1827. ULIEGE, Bibliothèque ALPHA, RO2243B. Les professeurs sont des fonctionnaires d’Etat qui perçoivent un traitement fixe de 2.200 florins. Ils se répartissent les inscriptions des étudiants, ce qui entraîne d’âpres discussions à ce sujet tout au long du siècle. Ils reçoivent également une somme fixe par cours donné, tout comme les lecteurs. Jusqu’au milieu du XIXe siècle vont se côtoyer une mosaïque de praticiens : des médecins, chirurgiens et apothicaires d’Ancien Régime, des docteurs en médecine, en chirurgie et les pharmaciens diplômés selon les lois de 1803, chirurgiens et médecins du régime hollando-belge ainsi que des praticiens de second ordre, officiers de santé, pharmaciens, chirurgiens de ville et chirurgiens de campagne HAVELANGE, 1990, P. 43.. LE DEVELOPPEMENTS DE LA FACULTE DE MEDECINE ET LES DEBUT DES SPECIALISATIONS DE 1830 A 1895 Ce chapitre repose notamment sur le dépouillement systématique des procès-verbaux de la Faculté de Médecine de 1835 à janvier 1886 ; les suivant sont manquants jusqu’en 1919. ULG, Bibliothèque ALPHA, Manuscrits et fonds anciens, Ms 6208, 6209, 6290 et 6211. La Belgique indépendante adopte l’héritage bicéphale français et hollandais de l’art de guérir. Les discussions concernant l’enseignement de la médecine portent sur deux sujets : la formation des futurs praticiens doit être exclusivement universitaire et doit délivrer un diplôme unique de docteur en médecine, chirurgie et accouchements. Certains cependant épinglent comme causes à « l’imperfection de l’instruction médicale » le trop d’universités, un corps enseignant limité en nombre, l’absence d’émulation entre étudiants. ils militent aussi pour la centralisation de chaque branche de l’enseignement supérieur au même endroit, les universités se répartiraient ainsi les facultés ; un seul jury d’examens serait créé qui se réunirait à Bruxelles. La seule concession, adoptée dans la nouvelle loi du 27 septembre 1835, est la suppression de l’officiat, bien qu’il exerce toujours une influence déterminante sur la médicalisation des campagnes. Dans la province de Liège, son dernier représentant s’éteindra en 1884. Mais cette législation concerne l’enseignement et non l’organisation des professions médicales, et ce nouveau cursus doit viser en premier lieu une formation unique tournée vers le progrès. LA LOI DE 1835 ET LA LIBERTE DE L’ENSEIGNEMENT La loi de 1835 n’admet plus que deux Universités subsidiées par l’l’Etat, Gand et Liège où tout changement professoral doit avoir lieu avec l’autorisation ministérielle. Elle confirme les dispositions de 1816 concernant l’organisation de l’enseignement clinique dans les Hospices civils de ces villes. Mais la portée budgétaire pour la ville universitaire s’accroit : l’Administration communale doit à présent prendre en charge les dépenses d’agrandissement et d’entretien des bâtiments universitaires. Ainsi donc le conflit entre Hospices et Faculté, initié dès 1812, et entre Ville et Etat ira crescendo pendant tout le XIXe siècle, aussi bien à Liège qu’à Gand, au point d’atteindre le Parlement ! LOI SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN Belgique 27 septembre 1835 Art. 3. L'enseignement supérieur comprend, dans la faculté de médecine: L'encyclopédie et l'histoire de la médecine, L'anatomie (générale, descriptive, pathologique, organogénésie, monstruosités), La physiologie, L'hygiène, La pathologie et la thérapeutique générale des maladies internes, La pathologie et la thérapeutique spéciale des mêmes maladies, La pharmacologie et la matière médicale, La pharmacie théorique et pratique, La clinique interne, La pathologie externe (chirurgie) et la médecine opératoire, La clinique externe, Le cours théorique et pratique des accouchements, La médecine légale et la police médicale. Epreuve préalable en philosophie et candidature préparatoire en sciences sont requises pour des étudiants, dont la formation de base laisse pourtant à désirer. L’assistance aux cours n’est pas obligatoire même si elle est recommandée et parfois contrôlée. Certains étudiants se contentent d’ailleurs de suivre tel ou tel enseignement, sans viser l’obtention finale d’un diplôme ! Mais pour obtenir son doctorat, l’étudiant doit avoir suivi pendant deux années les cliniques interne, externe et obstétricale. Au fil des années, les huit professeurs, requis par la loi, se plaignent de cette situation préjudiciable à la qualité de la médecine. Ils proposent au Recteur un plan d’études qui pourrait se dérouler sur trois ou quatre ans au choix des étudiants. La Faculté de Liège accepte la gratuité des cours pour les boursiers de l’Etat et pour certains candidats qui ont prouvé l’insuffisance de leurs moyens pécuniaires. De même, des chirurgiens, médecins ou pharmaciens militaires peuvent suivre gratuitement certains cours puisqu’ils ont déjà subi des examens et sont en possession d’un titre. Il en va tout autrement pour la plupart des élèves-médecins militaires pour qui le ministre de la Guerre demande la gratuité du cursus, comme cela se pratique aux Universités libres de Bruxelles et Louvain. Le ministre a octroyé des avantages à ces deux Universités: à Louvain, l’hôpital militaire, le dépôt général de tous les ophtalmiques et des malades de la peau sont ouverts aux cliniques ; il en va de même à l’hôpital militaire de Bruxelles ; de plus ces deux Universités disposent des cadavres militaires pour leurs dissections. L’Université de Liège, ne bénéficiant pas des mêmes avantages, ne peut envisager la suppression du minerval, sauf à prouver l’insuffisance des ressources comme pour d’autres postulants ULG, Ms 6208, janvier et 26 décembre 1836 ; Ms. 6209, 14 et 26 juin, 17 juillet 1845, 31 juillet 1846 ; octobre 1847 ; 3 décembre 1849 ; 5 et 19 novembre 1851 ; 9 janvier et 4 février 1852.. La liberté de l’enseignement est instituée mais l’Etat, via un jury central nommé par le Gouvernement et les deux Chambres, a le monopole de la collation des grades académiques, ce qui a pour effet immédiat de priver les professeurs de toute influence sur leurs élèves. Régulièrement le corps professoral se plaindra de cette perte et d’autorité et de leur liberté académique RAXHON et GRANATA (coll.), 2017, p. 43.. Ce jury a pourtant la difficile tâche « de concilier la totale liberté de l’enseignement d’un côté et le droit et le devoir du Gouvernement de contrôler l’exercice des professions libérales de l’autre DHONDT, 2011, p. 130. ». Cette situation alimentera régulièrement les débats parlementaires jusqu’à la suppression de ce jury en 1876. Le latin cesse d’être la langue de référence car déjà sous le Régime hollandais, une majorité d’étudiants, toutes facultés confondues, faisait appel à des « officines spéciales » pour traduire leur thèse en latin. D’autre part, l’usage des thèses devient facultatif. La formation pratique imposée est moindre que sous les deux régimes précédents : seule est obligatoire l’assistance aux démonstrations anatomiques et aux trois cliniques. En outre comme cela était déjà accepté sous le régime précédent, chirurgie et accouchements sont officieusement réunis, mais le titre de docteur en pharmacie disparaît. Les pharmaciens restent, à leur grand dam, des praticiens de qualité inférieure. Le corps professoral composé de huit membres subit quelques remaniements : Sauveur, resté Orangiste et anticlérical convaincu, est évincé FLORKIN, 1957, p. 282.. Son cours de pathologie médicale est confié à Charles Frankinet qui presqu’aussitôt l’abandonne pour s’occuper, pendant une vingtaine d’années, de la clinique interne de concert avec son collègue Lambert-Materne Lombard. Tous deux d’ailleurs sont plus cliniciens que purs scientifiques. Quant à la clinique externe, elle est confiée à Barthélemy-Valentin De Lavacherie, agrégé. Le Gouvernement fait appel à des chercheurs étrangers pour occuper les chaires d’anatomie et de physiologie : c’est ainsi qu’est recruté le Bavarois Antoine Spring qui, tout en enseignant ces deux matières, va surtout exercer « une influence déterminante dans le développement de l’enseignement clinique » dont il prend en charge le volet médical de 1858 à 1872 en remplacement de Lombard ; il contribuera aussi à la modification de la législation de l’enseignement supérieur. C’est également lui qui négocie la nomination à Liège du Rhénan Théodore Schwann, futur grand novateur dans presque tous les domaines de la science. En juillet 1836, vu la liberté des étudiants de suivre n’importe quel enseignement, les cours de clinique sont alors strictement réservés aux seuls candidats en médecine déjà pourvus d’une formation de base ULG, Ms 6208, 3 juillet 1836; ACPASLg. Bavière, n°21 Lettre du 16 novembre 1836 de l’Administrateur-insecteur demandant aux Hospices de faire respecter l’entrée des étudiants certifiés... Deux ans plus tard, par arrêté ministériel, la clinique d’ophtalmologie est créée au sein de la clinique externe où Ansiaux III recevait déjà des patients de ce type ; le cours théorique, non contraignant, lui est également confié. Deux salles indépendantes du Vieux-Bavière ne seront pourtant dédiées à cette nouvelle spécialité que fin 1858. Quant à des études spécifiques de dentisterie, la Faculté, interrogée quelques années plus tard, n’en voit pas la nécessité : tout docteur en chirurgie est qualifié pour exercer l’art dentaire ULG, , Ms. 6209, 23 septembre 1846.. LES AGREGES Les lecteurs du Régime hollandais prennent le titre d’agrégés, à l’exemple des privat-docents allemands, mais sans rémunération fixe ; leur fonction est purement honorifique conférée sans examen spécial : ils sont désignés sur base de leurs résultats aux examens et n’ont pas à justifier de leur aptitude dans la branche choisie, « certains même n’ont pu produire de diplôme de docteur » ! La mission des agrégés est de donner des répétitions ou des leçons sur la matière déjà vue ; ils sont parfois chargés d’enseigner de nouveaux cours ULG, Ms 6208, 10 décembre 1835 ; Notes au 22 décembre 1836 ; Ms. 6209, 19 novembre 1851. et quelques-uns en deviennent par la suite titulaires. Quant aux étudiants, ils suivent à leur convenance les cours donnés par le professeur ou ceux de l’agrégé. Les agrégés chargés de cours sont, fin 1835, au nombre de cinq : De Lavacherie à qui est confiée la clinique externe, il deviendra professeur extraordinaire deux ans plus tard ; Jean-Guillaume Royer remplace Sauveur en pathologie et thérapeutique générale ; Jacques-Henri Simon prend en charge la théorie des accouchements et la clinique ad hoc à la place de Ansiaux III ; Théodore Vaust succède à Comhaire en pharmacologie et en hygiène publique et privée ; quant à Gilles-Pascal Peters-Vaust, il continue l’enseignement de Comhaire en pharmacie théorique et pratique. En septembre 1845, un arrêté royal précise l’organisation de ce corps illimité pour « donner un but à l’activité de l’élite » des diplômés de l’enseignement supérieur et puiser en son sein les futurs professeurs ; cela ne leur permet pas de participer aux délibérations de la Faculté sauf en cas de discussion des programmes ULG, Ms. 6209, 19 novembre 1851.. Dans la foulée, le Premier ministre Van de Weyer procède à une fournée de désignations à la Faculté de Médecine : Nicolas Fossion, Joseph Borlée, Jean-Hubert Dresse, Henri Heuse et Pierre-Alexandre Wilmart. Quelques-uns sont chargés, en concurrence, du même cours qu’un titulaire, tel Fossion face à Spring pour le cours de physiologie humaine et comparée ! Ils sont parfois autorisés à ouvrir un cours privé, prérogative refusée à Wilmart pour son projet d’anatomie chirurgicale, subdivision non prévue au programme… qui ne comporte par ailleurs aucunes lacunes, dixit le corps professoral : l’autoriser ferait donc double emploi et serait du luxe ULG, Ms. 6209, 24 décembre 1845.  ! Quelques années plus tard, l’agrégé Alphonse Didot demande l’attribution d’un cours de médecine opératoire ULG, Ms. 6209, 28 janvier et 4 février 1851., ce qui est refusé. Ensuite, il souhaite la modification dans la distribution des cours de chirurgie pour se voir confier une partie de la pathologie chirurgicale. Une commission de trois membres, Ansiaux III, Sauveur et Simon, est constituée ; elle doit statuer sur deux points : l’enseignement chirurgical doit-il être réorganisé ? Le personnel de la Faculté doit-il être augmenté ? La réponse est non et la requête de Didot rejetée Raikem a refusé de faire partie de cette commission : ULG, Ms. 6209, 8 et 25 juin 1850.. Ce qui ne l’empêche pas d’introduire une nouvelle demande en 1851 : pouvoir donner, en concurrence avec les titulaires, Ansiaux III et Wilmart agrégé, la pathologie chirurgicale. Nouveau refus, comme pour d’autres demandeurs, car, selon la Faculté, ce cours est bien structuré au vu des résultats des élèves aux différents concours. Et dans la foulée, on relèvera la prise de position du corps professoral : à partir de 1852, il s’oppose désormais au principe des cours à concurrence car « les Universités d’Etat doivent se montrer unies de l’intérieur face à la concurrence extérieure », ce type de cours ne fait qu’affaiblir le niveau des études et le prestige universitaire Un rapport a été élaboré à ce sujet par Sauveur, Schwann et Frankinet et remis au Ministre mais nous n’avons pu le consulter: ULG, Ms. 6209, 5 et 19 novembre 1851.. Quant à l’agrégé Borlée, il souhaite être préparateur du cours d’ophtalmologie. La réponse de Ansiaux III est négative puisque cette fonction est déjà remplie par l’élève interne des Hospices attaché à son service, élève qui par ailleurs lui donne entière satisfaction. Borlée revient à la charge en novembre 1848 en sollicitant directement le ministre : il souhaite obtenir, pendant la nouvelle année académique, les cours d’ophtalmologie théorique et clinique ainsi que celui de « Maladies des os, bandages et appareils ». La Faculté ne l’entend pas de cette façon et confirme l’inclusion de la clinique des yeux au sein de la clinique externe, aux mains de Ansiaux III depuis sa création en 1838. Il est alors décidé de confier à Borlée le cours théorique d’ophtalmologie, optionnel, et celui des maladies des os. Nouvelle réclamation de Borlée l’année suivante : la Faculté intègre alors la partie ophtalmologique dans les cours de pathologie externe qui devient matière à examen tout en étant dispensée par un agrégé. Borlée ne se décourage pas et réclame, début 1851, le cours de Clinique ophtalmique. Nouveau refus de la Faculté ULG, Ms. 6209, 28 janvier et 4 février 1851.. Les agrégés sont au nombre de 15 en 1850, mais seulement trois, huit ans plus tard. En effet le Gouvernement en a arrêté les nominations depuis la création des doctorats spéciaux en 1853. VERS LE GRADE UNIQUE DE DOCTEUR : LA LOI DE 1849 La réflexion sur les études médicales se poursuit au fil des ans. Pour répondre aux vœux de l’élite scientifique, l’Académie royale de médecine est créée en 1841 : divisée en six sections, elle devra donner son essor aux recherches médicales et informer les pouvoirs publics à ce sujet. Sept professeurs de la Faculté de médecine de Liège en font partie : Lombard, Raikem, Vottem, Frankinet, Delvaux, Rutten et De Lavacherie. Une de ses premières tâches sera de se pencher sur la suppression de l’interdiction de cumuler médecine interne et externe et sur la création d’un grade unique de docteur en médecine, chirurgie et accouchements. Cette réflexion va osciller entre deux pôles : Paris et Berlin. Diplômé docteur en médecine de Liège en août 1840, Wilmart obtient les doctorats de chirurgie et d’accouchements l’année suivante, ce qui lui vaut l’obtention d’une bourse de voyage. Pendant deux ans, il visite les grandes écoles de médecine de Paris, Berlin et Vienne. Comparant les deux systèmes in situ, il fait rapport au Gouvernement sur l’organisation de ces études médicales. Dans sa communication, il écrit : « (…) on peut reprocher à l’école de Paris de donner à l’art [médical] une prépondérance trop forte, et à celle de Berlin d’accorder la même prédilection à la science WILMART, 1843; 1844.. ». Il convient donc de réaliser un compromis « à la belge » : concilier formation théorique en laboratoires et instituts, et formation pratique de qualité au chevet du malade. A la lecture de ce témoignage Le rapport du Dr Wilmart est soumis pour avis CONFIDENTIEL en décembre 1844 aux membres de la Faculté qui statuent même sur l’obligation de confidentialité sous peine de blâme et de restriction des droits des membres : ULG, Ms. 6209, séance du 13 décembre 1844., les membres de la Faculté en font l’éloge en ce qui concerne les doctrines scientifiques diffusées et les méthodes d’enseignement appliquées mais ils remarquent que Wilmart est trop jeune et peu expérimenté pour s’occuper de bonne organisation administrative, son avis est donc à négliger à ce sujet ULG, Ms. 6208, séance du 4 février 1845.. En 1849, la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur entérine le diplôme unique qui réunit médecine, chirurgie et accouchements, réclamé par une majorité de l’Académie de Médecine depuis 1842. Le jury central unique, fortement combattu, jugé « institution bâtarde, irrationnelle DUPERRON, 1848 : il cite un opuscule publié par un professeur de l’université de Liège sous un pseudonyme juste avant la nouvelle loi qui met en garde contre l’assimilation des études dispensée par l’Etat et celles des universités privées. », est supprimé et remplacé par le « jury combiné », incluant le même nombre de membres des quatre universités. Si ce système de jury a été voulu pour des raisons politiques, il échouera complètement dans sa « tentative de compromis destiné à apaiser la rivalité sanglante qui oppose les universités libres à celles de l’Etat, et les universités libres entre elles » DICKSTEIN-BERNARD,1989 (2), p. 73.. Quelques années plus tard, d’une manière anonyme, le professeur Spring continue à combattre vigoureusement cette institution, il veut la restructurer et y faire entrer l’élément professionnel Un membre du Conseil de Perfectionnement de l’Enseignement supérieur [M. Spring, écrit à la main], La liberté de l’enseignement, la Science et les professions médicales. A propos de la Révision de la Loi sur les examens universitaires, Liège, 1854.. A titre transitoire, les docteurs en médecine sont autorisés à participer aux examens spéciaux en chirurgie et obstétrique conformément aux dispositions de 1835. Les grades secondaires de médecin militaire, officier de santé, chirurgien des villes et chirurgien des campagnes sont eux assimilés au diplôme de candidat en médecine. Dans le programme, l’intitulé du cours de Sauveur a été modifié sans son aval, ce dont il se plaint à plusieurs reprises car cela pourrait restreindre la portée de son enseignement : lui a été retirée la partie concernant les maladies syphilitiques alors qu’il l’enseigne depuis 1830 dans le cadre des pathologies et thérapeutiques internes. La rectification est faite en décembre avec un intitulé complet « Pathologie et thérapeutique des maladies internes y compris les maladies des femmes et des enfants et les maladies vénériennes ». Par contre cette partie de la clinique lui échappe pour être confiée à… Ansiaux III, chirurgien, dans le cadre de la clinique externe ULG, Ms. 6209, 16 juin et 19 novembre 1849. ! Les oculistes doivent désormais obtenir au préalable le titre de docteur, mais la « spécialité », outre la clinique, se limite toujours à quelques cours facultatifs et ne donne pas droit à un titre particulier. En 1863, le professeur Borlée regrette les lacunes que présente, à Liège, l’enseignement des cliniques spéciales « qui portent atteinte à la Faculté et la place dans un état fâcheux d’infériorité vis-à-vis de l’enseignement libre et de sa rude concurrence ». Il signale que certains élèves passent à Liège les examens de candidat puis désertent notamment pour Bruxelles où il existe plus de cliniques spéciales. De même pour Louvain où l’hôpital militaire et le dépôt général de tous les ophtalmiques et des malades de la peau sont ouverts aux cliniques ULG, Ms. 6209, 9 janvier et 4 février 1852.. Ces dires sont confirmés par Dresse et Royer. En effet, l’enseignement clinique dispose à Bruxelles de deux hôpitaux totalisant plus de 700 lits tandis qu’à Liège, il n’y en a que 118. De plus la sélection des malades reste une prérogative des médecins des Hospices jusqu’en 1880. Sauveur et Heuse se demandent si la désertion des étudiants est due au rétablissement du grade d’élève universitaire. Quant à Spring, il estime que l’enseignement de la Faculté n’est pas ce qu’il devrait être ULG, Ms. 6290, 10 juillet 1863. : l’Université est-elle capable de former des hommes de science dévolus à la recherche et non uniquement de futurs praticiens ? D’autre part malgré l’insistance de l’Académie, l’odontologie reste en dehors des Universités et les dentistes sont uniquement soumis à l’examen de la Commission médicale provinciale. Le titre universitaire de pharmacien est enfin institué et en novembre la Faculté se penche sur un plan d’études ULG, Ms. 6209, 8 novembre 1849.. Le Gouvernement opte pour une formation relativement simple et courte, comportant deux années de stage. Par contre le titre de docteur en pharmacie sera réservé aux seuls médecins qui se spécialiseront dans cette matière. DOCTORATS SPECIAUX ET COURS PRIVES A partir de septembre 1853, les agrégés disparaissent mais les docteurs peuvent se spécialiser pendant deux ans et se familiariser avec la recherche scientifique en sciences physiologiques, médicales, chirurgicales ou pharmacologiques. Dans ce cadre, il leur est conseillé de fréquenter des établissements scientifiques et des hôpitaux étrangers ainsi que de publier leurs travaux. Les examens se répartissent en quatre épreuves: la rédaction d’une thèse dont le sujet est choisi par le candidat, un examen à huis-clos sur quelques matières déterminées, une orale -futur marchepied vers le professorat- sur un sujet imposé par la Faculté remis au candidat huit jours plus tôt et la défense publique de la dissertation et des thèses annexes. Une fois diplômés, ils font partie de l’Alma Mater et peuvent remplacer momentanément le titulaire d’un cours et prendre à ce moment le titre de professeur agrégé. En instituant le diplôme en sciences spécialisées, le Gouvernement montre que c’est par cette voie qu’il considère que l’on peut accéder au professorat dans les Universités, ce que ne manquera pas de rappeler la Faculté lors des vacances de cours. Cette option n’exclut pourtant pas impérativement un choix plus large, notamment lors de prospections à l’étranger ULG, Ms. 6209, 19 novembre 1853.. La sélection d’un professeur étranger à la place de docteurs spécialisés prendra ainsi une dimension nationale lors de la succession de Ansiaux III. Ces docteurs spécialisés continuent leur travail de recherche dont ils diffusent les observations dans différentes communications académiques, parfois soutenues par des sociétés savantes. La Société médico-chirurgicale de Liège va acquérir une grande renommée en publiant les articles de cette nouvelle génération : Oscar Ansiaux IV et Adolphe Wasseige, tous deux « docteur spécial en sciences chirurgicales » en 1861 ; Gustave Krans et Léon Goffart, « docteur spécial en sciences médicales » l’année suivante ainsi que Dieudonné Hicguet « docteur en sciences chirurgicales », Charles Horion en 1863 et Nicolas-Joseph Larondelle en 1865. Mais peu d’entre eux vont continuer dans la voie universitaire. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour qu’une nouvelle cuvée apparaisse. Des cours privés leur sont ouverts officiellement au sein de l’Alma Mater. La définition de ces « matières complémentaires et nouvelles » va susciter de nombreuses discussions. Sauveur rappelle que réglementer l’enseignement privé est contraire à la Constitution qui en proclame la liberté. La Faculté souhaite ne pas retomber dans le travers des cours à concurrence ; par contre elle peut toujours étendre ou limiter certaines parties des matières, notamment celles qui ne sont pas sujet d’examen : selon Schwann, le challenge peut alors se développer. Il insiste à différentes reprises sur « sa » définition : il faut un sujet isolé pris dans un cours académique et en présenter une étude approfondie. D’autre part la multiplication de ces enseignements doit être circonscrite « car ce qui guette les jeunes docteurs, c’est le manque d’auditeurs », ceci se vérifiera. Le nombre de leçons est limité à dix ou douze, en dehors des plages obligatoires. Les premières demandes sont toutes rejetées faute d’avoir pu offrir aux candidats une définition claire de ce qui est autorisé. Ils doivent donc reformuler leur intitulé. Début 1865, les demandes sont de nouveau refusées, aussi bien par le corps professoral que par le Ministre. L’accord intervient enfin en juin : le Ministre donne son autorisation pour trois années au terme desquelles la Faculté évaluera l’expérience ULG, Ms. 6290, 4 mars, 18 avril, 7 mai, 8 juin 1864 ; 17et 23 février, 8 mars, 17 mai, 21 juin, 19 octobre 1865.. Quelques personnalités se voient aussi autorisées à donner des enseignements publics sans pourtant posséder de doctorat spécial : c’est le cas de Hyacinthe Kuborn, « l’un des élèves les plus brillants qu’a connu l’Institution ,,,, ref». Lui aussi voit son premier projet « Hygiène industrielle et professionnelle et philosophie médicale » récusé à l’unanimité. Par contre le sujet qu’il propose ensuite « Uroscopie pratique ou Uroscopie au lit du malade » a été couronné par l’Académie de Médecine, ce qui l’autorise à entamer ses leçons. Mais la faveur accordée à Kuborn l’est sur sa réputation et ne sera pas nécessairement reconduite pour d’autres praticiens ULG, Ms. 6290, 23 novembre 1865 et 17 février 1866.. Quand le Dr Droixhe est autorisé à donner ses cours, après quelques discussions, c’est au vu de ses travaux qui ne sont pas seulement des compilations mais qui font surtout preuve d’originalité ULG, Ms. 6211, 3 novembre 1876 et 19 janvier 1877.. COURS PRIVES DONNES A L’ULG G. KRANS Les journaux ont annoncé le cours de Krans comme étant le chargé de cours des maladies de l’enfance alors que le titulaire est Royer. La Faculté dit se montrer à l’avenir attentive à ce que ces « dérapages » ne se reproduisent plus : ULG, Ms. 6290, 12 décembre 1865. Thérapeutique générale des maladies de l’enfance 1865-1866 L. GOFFART Physiologie appliquée à la médecine (1865 : non donné) D. HICGUET Histoire et progrès récents de la chirurgie (1865 : non donné) O. ANSIAUX Etude générale et approfondie du traitement des fractures 1865-1866/1867 H. KUBORN Uroscopie pratique ou Uroscopie au lit du malade 1866-1867 A. GRENSON Anatomie topographique médico-chirurgicale 1868-1872 N.J. LARONDELLE Chirurgie topographique des formes normales et 1867 pathologiques du corps de l’homme A. SMETS Anatomie pathologique, pathologie, thérapeutique 1877 médicale et chirurgicale des organes génito-urinaires. DROIXHE Hygiène et maladies des nourrissons 1877-1880 Les convulsions des enfants considérées du point de vue 1880 du diagnostic préférentiel et du traitement H. ROMIEE Optométrie 1881 ULG, Bibliothèque, Ms. 6290, 21 juin 1865 ; 3 mai 1867 ; 26 mai 1871 ; Ms. 6211, 8 mars et 4 mai 1876 ; 3 novembre 1876 ; 19 janvier 1877 ; 3 mars et 28 avril 1888 ; 27 juillet 1882. Alphonse LEROY, Liber Memorialis de l’Université de Liège depuis sa fondation, Liège, 1869, pp. xxxvij-xxxviij ; col. 831-832. Paul HARSIN, « Introduction », in Léon HALKIN (Dir), Liber Memorialis de l’Université de Liège de 1867 à 1930, t. I, Liège, 1936, pp. 31-32. Ces cours privés suivent des évolutions différentes. L. Goffart n’a pu donner aucune leçon suite à une grave maladie ; Krans est décédé et n’a dispensé que le début de son enseignement. Kuborn et Larondelle ne profitent qu’une seule année de leur prérogative. Quant à Hicguet, il n’a jamais fait suite à sa demande, ce qui pourrait avoir joué en sa défaveur dans son avenir professionnel à l’Université. Ansiaux IV assure une première fois douze leçons, dix-huit la seconde année où il est autorisé à effectuer des démonstrations d’appareils sur le mannequin. Grenson enseigne pendant quatre ans ; en 1872, à la demande notamment des candidats en médecine il organise des répétitions à l’amphithéâtre d’anatomie, ce à quoi Masius ne s’oppose pas mais ce professeur insiste pour que Grenson apporte plus de zèle dans son travail de prosecteur d’anatomie s’il veut être reconduit. Le recteur est également attentif à la nature du public et au nombre de personnes qui suivent ces cours ULG, Ms. 6290, 17 février, 15 juin et 28 novembre 1866 ; 2 avril, 3 mai, 7 juin et 8 juillet 1867 ; 30 avril et 26 juin 1868 ; 2 juillet 1870 ; 22 novembre 1871 ; 31 janvier 1872 ; Ms. 6211, 7 juin 1872.. En janvier 1881, pendant la vacance de la chaire d’ophtalmologie suite à la mise à l’éméritat de Borlée, Henri Romiée, ophtalmologue aux Hospices civils de Verviers, demande à pouvoir donner un cours d’ophtalmoscopie avec exercices pratiques. Alexandre von Winiwarter est chargé d’établir un rapport à ce sujet. Six pages sont recopiées in extenso dans les procès-verbaux de la Faculté : les enquêtes de von Winiwarter sont toujours précises, minutieuses, détaillées. Il a lu toutes les publications de l’intéressé. Le seul travail impeccable, spécifie-t-il, est la recherche en physiologie et pathologie expérimentale effectuée avec Putzeys. Quant à ses travaux en ophtalmologie, Romiée, même s’il a recueilli de nombreuses observations, n’a pas exploité les matériaux mis à sa disposition ; de plus, outre de nombreuses lacunes, il manque d’esprit critique. Une discussion s’engage de nouveau sur le sens à donner aux « cours privés » : matières complémentaires à l’enseignement officiel ou matières nouvelles ? Vanlair signale que l’ophtalmoscopie est à l’ophtalmologie ce que l’auscultation et la percussion sont à la clinique médicale et qu’elle fait partie intégrante de l’enseignement théorique et pratique ; par contre l’optométrie est une notion nouvelle. Swaen rappelle l’interprétation étendue déjà donnée à la législation, notamment pour le cours de Smets qui pourtant faisait partie de l’enseignement officiel, mais à l’époque, Borlée, titulaire du cours de pathologie chirurgicale spéciale, n’avait soulevé aucune objection. Swaen se montre donc plutôt favorable à la demande de Romiée car il y a actuellement interruption de l’enseignement en ophtalmologie. Vanlair revient à la charge : il y a eu une fois abus avec l’autorisation donnée à Smets ; il faut dorénavant s’en tenir aux termes stricts de l’Arrêté royal. Il rappelle à ses confrères que le futur professeur d’ophtalmologie se trouverait dans une situation singulière vis-à-vis de Romiée qui pourrait donner des leçons pendant trois ans ! La demande est donc rejetée, sauf pour Swaen et Putzeys. En mars Romiée revient avec une nouvelle demande concernant l’optométrie seule, ce qui est accepté ULG, Ms. 6211, 10 janvier, 19 février, 3 mars et 24 avril 1881. . Quelques années plus tard, un autre de ces cours introduit une réflexion sur leur « valeur préparatoire ». Le Dr Droixhe a donné ses leçons d’Hygiène et maladies des nourrissons pendant trois ans. La première année a été suivie par des étudiants en médecine et des élèves sages-femmes ; en 1878, aux deux premières leçons assistent encore quelques étudiants et puis uniquement les futures accoucheuses. La troisième année, le cours ne s’ouvre pas faute d’auditeurs. Pourtant en juillet 1882, Droixhe demande la création d’un cours sur L’hygiène et la médecine pratique de l’enfance dont il serait chargé. Pour sa désignation, il invoque « son stage Souligné dans le texte. auquel il s’est soumis » et présente le résumé de ses leçons. La Faculté se penche en premier lieu sur l’intitulé du cours : l’hygiène de l’enfance fait partie de l’hygiène générale et « son importance n’est pas telle qu’elle doive faire l’objet d’un cours spécial ». Quant à la médecine pratique de l’enfance, elle fait partie de la pathologie interne, de la clinique et de la policlinique de l’enfance. Vient ensuite l’examen des titres du demandeur : les chargés de cours sont, depuis le début de 1882 Arrêté royal du 21 janvier 1882 instituant les agrégés spéciaux., régis par la législation sur les agrégés spéciaux qui doivent être choisis parmi les assistants. La Faculté ne peut donc « confier un cours spécial à une personne qui n’a jamais fait preuve d’aptitude pour l’enseignement supérieur et dont les publications sont dépourvues de toute valeur » où « l’esprit scientifique fait absolument défaut et la banalité des idées n’est même pas voilée par l’élégance de la forme ». Telle est l’appréciation tranchée de von Winiwarter ULG, Ms. 6211 28 juillet 1882. ! A terme, la création des agrégés (1835 et 1845) suivie des doctorats spéciaux (1853) et la diffusion de cours privés ne produisent pas les résultats escomptés, notamment quant au relèvement des sciences fondamentales. UN PREMIER DIPLÔME « HONORIS CAUSA » EN 1860 Le 28 mars 1860, le Dr Martin demande à obtenir le diplôme honorifique de docteur en Médecine de l’Université de Liège. Sur rapport favorable des professeurs N. Ansiaux III et J. Borlée, le Conseil académique fait docteur honoris causa Ferdinand Martin (1795-1866), docteur en Médecine et en Chirurgie à Paris, orthopédiste des Maisons impériales d’Education de la Légion d’Honneur (1836), chirurgien-mécanicien aux Invalides (1837), lauréat de l’Institut (Académie des Sciences, Médecine et Chirurgie) en 1835, 1839 et 1850. Il devient en 1864 président de la Société médico-pratique de Paris. Jusqu’à la fin des années 1860, c’est le seul diplôme honorifique délivré par la Faculté de Médecine. Le Dr Martin est connu pour l’invention de différents instruments de chirurgie et surtout pour ses prothèses de jambe. Voici ce qu’en dit le professeur Nicolas Ansiaux III : « La jambe de M. Martin a subi l’épreuve du temps et de l’expérience. Une jeune fille opérée il y a trois ans par votre rapporteur, et qu’il vous a présentée lui-même, en porte une depuis cette époque, et en éprouve si peu de gêne qu’elle oublie parfois qu’elle a perdu une partie de sa jambe naturelle, qu’elle peut danser avec grâce et fait sans se fatiguer des courses très longues et très pénibles. Un jeune Espagnol que nous avons également montré, est dans le même cas. Enfin, plusieurs autres malades opérés par d’autres chirurgiens ont comme ceux-là éprouvé les avantages du moyen que nous préconisons. » N.J.V. ANSIAUX III, Traité des bandages et appareils, Riga, 1839, p.321. Alphonse LEROY, Liber Memorialis de l’Université de Liège depuis sa fondation, Liège, 1869, p. XLII. ULG, Bibliothèque. Manuscrits et fonds anciens, Ms 6209 Procès-verbaux de la Faculté de Médecine 1842-1853, 24 janvier et 21 mars 1860. http://www/valmorency.fr/59.html LE DEVELOPPEMENT DE L’ESPRIT SCIENTIFIQUE De 1830 jusqu’à la fin des années 1860, la Faculté vivote, l’enseignement supérieur est en pleine décadence Le Scalpel, 15 juillet 1874, n°19, p. 1, col. 1-2 ; HAVELANGE, 1984, p. 678. , l’esprit scientifique s’affaiblit progressivement car beaucoup de monde « n’aime la science que quand on y est contraint ». Ce que nie Joseph-Antoine Spring tout en constatant l’attrait du matériel et de l’utilitaire « sur les âmes faibles ». Mais à quoi attribue-t-il cette stagnation ? Il s’interroge sur ce que devrait être une Université. Sa conception est triple : l’Université doit être une école professionnelle qui prépare les jeunes gens à acquérir les bases utilitaires, notamment nécessaires à la mission publique ; être un institut scientifique compétent pour former de futurs savants ; être une école de vie capable de façonner des hommes responsables SPRING, 1962 ; 1963 Le discours de Spring sera repris vingt ans plus tard par le recteur Trasenster. ! Sur le terrain, le constat est évident : la Belgique doit recruter des professeurs étrangers surtout pour les sciences fondamentales DICKSTEIN-BERNARD, 1989 (2), p. 70.. L’ESPRIT SCIENTIFIQUE SELON J.A. SPRING « L’esprit scientifique est celui qui se porte aux sources du savoir. Favoriser l’esprit scientifique dans l’Université, c’est d’abord : développer et transmettre les bonnes méthodes d’observation et d’expérimentation ; c’est ensuite : donner partout aux études philosophiques et mathématiques la place qu’elles doivent avoir ; c’est, enfin, tenir compte du développement historique des connaissances et ne pas dédaigner le trésor littéraire qu’avant nous les siècles ont amassé. » A. SPRING, « De l’esprit scientifique à notre époque et dans nos universités », », Université de Liège. Ouverture solennelle des cours. Discours et rapports, Liège 14 octobre 1862,p.11. Pourquoi cette carence ? Une première cause déjà évoquée est « le défaut de curiosité intellectuelle » lié au manque de formation préalable des étudiants L’enseignement moyen officiel n’est organisé qu’à partir de 1850. ; la faiblesse des examens de gradué est également signalée ULG, Ms. 6290, 28 janvier 1871.. Mais il faut aussi épingler la rotation rapide des cours entre professeurs, notamment à la chaire d’anatomie Rapport sur quelques questions relatives à l’enseignement supérieur adopté par le Cercle médical liégeois en assemblée générales du 29 novembre 1872, Liège, p.5., et le manque criant d’enseignants en présence du développement continu de la science médicale. Pourtant dans un souci budgétaire, institutionnel mais aussi personnel, certains titulaires de chaires ne souhaitent pas voir leur nombre augmenter. Lors d’une vacance, ils préfèrent se répartir entre eux les cours, ce qui se passe déjà au décès de Lombard en 1855 ainsi qu’en 1872 lors de la disparition de Spring Le Scalpel, n°17, 27 octobre 1872, p. 97 ; n°18, 3 novembre 1872, pp. 103-104.. Les professeurs doivent donc assimiler et restituer des matières qui ne leur sont pas familières. Cette situation n’est certes pas de nature à élever le niveau universitaire vers le summum de la science. D’autre part, il y a le découragement du corps professoral devant le peu d’autorité dont il jouit sur le présent et l’avenir de l’enseignement universitaire ; cela avait été flagrant lors de la création des cours à certificat sans la moindre consultation des Facultés. En effet, la Faculté de Médecine constate qu’ils exercent une influence néfaste sur la direction des études et la portée des examens ainsi que sur la fréquentation des cours, requise pour l’obtention du document ad hoc, mais impossible à organiser sans une perte de temps inutile Le recteur demande à différentes reprises que les professeurs lui signalent les élèves qui ne suivent pas régulièrement les cours ; parfois ce sont les professeurs eux-mêmes qui demandent le rétablissement des listes de présence des élèves : ULG, Ms. 6209, 9 juin et 15 juillet 1853 ; Ms. 6290, 17 février 1864.. De plus ce type de cours abaisse le niveau scientifique des études, même si certains en sont une base nécessaire et incontournable : anatomie générale et pathologique, pathologie générale ULG, Ms. 6290, 7 mars 1859 ; Ms. 6211, 28 janvier 1871 ; Le Scalpel, n°21, 24 novembre 1872, pp. 121-122. ! Pour pallier ce déficit scientifique, des professeurs souhaitent, dès les années 1860, rendre obligatoire de nouvelles leçons pratiques, qu’ils donnent parfois de leur propre initiative en complément de la théorie. Cette obligation veut atteindre deux buts : contraindre tous les étudiants à participer à cet enseignement prodigué dans les 1er et 2e doctorats car devenant matières à examen et non plus à certificat, et ce faisant favoriser les facultés analytiques de ces étudiants et les amener à faire de la recherche par eux-mêmes. La théorie acquise, ils ne peuvent actuellement l’appliquer alors que « la science médicale est entrée dans la voie féconde de l’expérimentation Ref ??? ». La Faculté veut également obtenir du Gouvernement des subsides, jusqu’alors assez réduits, pour acheter du matériel afin d’équiper des laboratoires, pour disposer de collections scientifiques, de préparations microscopiques ou de modèles anatomiques ainsi que des bibliothèques dignes de ce nom. Ces travaux pratiques visent également à multiplier les travaux de laboratoire des étudiants, à les familiariser avec le maniement d’instruments : microscope, miroir oculaire, laryngoscope, sphygmographe. L’idée germe alors d’incorporer ces exercices aux examens et pour ce faire locaux, matériel et personnel doivent venir renforcer les enseignements démonstratifs de base que sont l’anatomie et la physiologie. Mais la priorité reste la création des laboratoires. En effet « les laboratoires constituent une condition essentielle de tout progrès Souligné dans le texte. », et de citer la situation en Allemagne où certains sont destinés aux recherches expérimentales des professeurs tandis que les exercices pratiques des élèves s’effectuent dans d’autres locaux, ce qui a permis d’immenses progrès. Un état des lieux est effectué : qu’en est-il des locaux, du matériel et du personnel affectés aux démonstrations pratiques ? Les locaux : en anatomie descriptive, il y a un auditoire et une salle de dissection trop sombre ; en physiologie, les locaux sont trop petits et ne peuvent contenir tous les appareils de physique physiologique ; aucun local particulier n’est réservé à l’anatomie générale ; quant à l’anatomie pathologique, le service ne comprend qu’une pièce et aucun local pour les examens histologiques et chimiques, aucun auditoire pour les démonstrations microscopiques. Partout le matériel est insuffisant, il manque cruellement d’instruments et d’appareils spécifiques. Quant au personnel, outre le prosecteur d’anatomie qui est médecin, il est trop peu nombreux et pas suffisamment qualifié (un domestique pour 6 cours, trois préparateurs dont un pour la pharmacie). Or il faudrait pour chaque cours un médecin habile et expérimenté pour seconder le professeur, préparer les leçons et diriger les élèves, ainsi qu’un garçon de laboratoire dans chaque section. Et de constater que la demande est en-dessous de ce que l’on peut trouver en Allemagne, en France ou en Hollande en faveur des études expérimentales. Introduire des contrôles pratiques aux examens implique de former d’abord les étudiants, ensuite de modifier l’institution des jurys. A partir de l’année académique 1865-66, les professeurs liégeois, interprétant la loi au sens large, interrogent en séance publique les élèves sur les matières des cours à certificat. Mais in fine ils souhaitent la disparition des distinctions entre les différentes formes de leçons afin de promouvoir un véritable esprit de recherche. A côté de la formation de praticiens, la mission scientifique de la Faculté doit donc être de plus en plus présente. Mais le corps professoral ne se fait pas d’illusion : ils savent que les modifications qu’ils apportent aux études médicales ne pourront « porter leurs fruits aussi longtemps que d’autres principes ne présideront pas à l’institution des jurys d’examens » et déplorent les demi-mesures adoptées jusqu’alors ULG, Ms. 6290, 2 juillet et 22 novembre 1870, 12 janvier 1871 ; Ms. 6211, 10 juin 1874 .. Les années 1870-75 marquent un véritable tournant dans l’histoire de l’Alma Mater liégeoise où la Faculté de Médecine sera la première à sentir souffler l’ « esprit nouveau » HARSIN, « Introduction »…, pp. 2 et 36-39. : passer d’un enseignement dogmatique à un enseignement expérimental et clinique. Des hommes, formés à la science allemande, à Liège même auprès de Spring ou Schwann, ou auprès de maîtres prestigieux tel Claude Bernard, vont moderniser la Faculté de Médecine : Voltaire Masius, Constant Vanlair, Auguste Swaen, Léon Frédéricq. En 1870, Edouard Van Beneden inaugure son enseignement de la zoologie et de l’embryologie ; de ses recherches résultera « la notion selon laquelle les chromosomes sont le support de l’hérédité FLORKIN, 1967 (2), p. 45-46.. » A Liège, Vanlair, formé chez le grand Rudolf Virchow à Berlin, introduit l’enseignement microscopique en complément des cours théoriques d’anatomie dès 1872 ; il se donne une fois par semaine pour chacun d’eux. Cela a été possible grâce notamment à un budget communal pour l’appropriation des locaux. Masius, van Beneden et Vanlair obtiennent l’année suivante, du Ministre de l’Intérieur, l’autorisation, agrémentée d’un subside Le subside est, en 1875, de 400 frs pour la microscopie normale et comparée et de la même somme pour la microscopie pathologique : ULG, Ms. 6211, 9 décembre 1874., de donner ces cours de microscopie pratique, à la satisfaction enthousiaste des élèves. Cet enseignement, inscrit au programme des études, deviendra une des premières écoles de recherche belge. Et la Faculté de constater que depuis 1871, l’assiduité et l’application des étudiants se renforcent d’année en année ULG, Ms. 6290, 24 juillet 1872 ; Ms. 2211, 13 juin 1873 ; 10 juin 1874.. COURS DE MICROSCOPIE 1873-1874 A. SWAEN microscopie humaine normale C. VANLAIR microscopie pathologique E. Van BENEDEN microscopie comparée Fin de l’été 1873 s’ouvrent deux nouvelles cliniques : celle des enfants confiée à Masius, qui reprend le flambeau de Frankinet et la clinique des maladies des vieillards à Vanlair, établie à l’hospice des Femmes Incurables du Vertbois. Mais ces deux professeurs au vu de leurs multiples charges pourront-ils s’acquitter de ces difficiles et nouvelles tâches hospitalières, spécialités éminemment pratiques. C’est la question que se pose Le Scalpel Le Scalpel, T 26, 1873-1874, N°10, 7 septembre 1873, pp. 55-56.. Effectivement les cliniques vont être au cœur de multiples contestations pendant de nombreuses années. QUELQUES APPAREILS DES COLLECTIONS SCIENTIFIQUES1 + scans Microscopes simple et composé de Chevalier, ainsi que le petit modèle de Nachet qui sont à la disposition constante des étudiants. Ces deux types de microscopes sont habituellement conseillés lorsque le budget est limité. « Ils sont excellent pour faire tous les genres de recherches exigées l’histologie, la botanique, la médecine légale, etc. L’étudiant qui débute avec ces modèles, se trouve toujours à même de les compléter ultérieurement (…). Ils permettent donc de faire toutes les observations désirables dans la pratique médicale et sont d’un maniement très facile et très commode. » Le grand microscope de Nachet et celui d’Hartnack permettent d’effectuer des études plus poussées2. 1 Alphonse LEROY, Liber Memorialis de l’Université de Liège depuis sa fondation, Liège, 1869, col. 1142-1160. 2 Dr Paul LATTEUX, Manuel de techniques microscopiques ou guide pratique pour l’étude et le maniement du microscope, 2e éd., Paris 1883, p. 6. LA PROBLEMATIQUE DE L’ENSEIGNEMENT CHIRURGICAL DANS LES ANNEES 1870 : LA SUCCESSION DE NICOLAS ANSIAUX III ET LE RECRUTEMENT D’UN PROFESSEUR ETRANGER Les années 1870 voient s’installer une très vive polémique sur l’enseignement chirurgical. Déjà en juin 1867, Ansiaux III demande à être déchargé du cours des Maladies des os et Des Bandages. Son fils Oscar se présente pour le suppléer. Une discussion s’en suit entre les professeurs car il n’y a pas eu d’appel mais une candidature unique. La Faculté accepte le remplacement pour autant que le Gouvernement l’approuve ULG, Ms. 6290, 7 juin et 6 novembre 1867 ; arrêté ministériel du 3 juillet 1867.. Cette suppléance sans concurrence durera sept ans ! En mai 1872, Ansiaux III souhaite consacrer plus de temps à la clinique et pour ce faire être libéré du cours théorique de Pathologie chirurgicale générale. Aucun membre de la Faculté ne veut reprendre cet enseignement. Sauveur estime que c’est au Gouvernement de statuer sur sa prise en charge. Schwann propose de reconnaître à Ansiaux III le bénéfice de l’éméritat puisqu’âgé de 70 ans depuis le 9 mars ce qui provoque de véhémentes protestations de l’intéressé. La suppléance d’une partie indépendante de ce cours, Les maladies des os et des Bandages, dure déjà depuis cinq ans et est occupée par son fils Oscar. Cela porte préjudice aux études, estime Schwann. Il insiste pour mettre fin au provisoire, soutenu par Masius et Van Aubel. Mais les « anciens » font front : Ansiaux III, Sauveur, Heuse et Wasseige. A la séance suivante, Borlée, présent, est étonné qu’Ansiaux III ait pu participer au vote alors qu’il est concerné ! Mais rien dans le règlement n’autorisait le doyen Masius, à s’y opposer : « Mr Ansiaux est, dit-il, seul juge de savoir jusqu’à quel point sa dignité lui permettait d’intervenir ». Borlée signale qu’il aurait voté contre le provisoire et contre la proposition de remplacement, bien qu’il ne se porte pas candidat ! Il se positionne alors sur ce qui le préoccupe personnellement : la séparation de la clinique chirurgicale en deux sections, situation latente depuis 1848. Schwann et Vanlair désirent que soit réexaminée toute la problématique de l’enseignement chirurgical avant de prendre la moindre décision. La majorité décide néanmoins d’examiner la réclamation de Borlée. Ansiaux accepte de perdre une partie de ses attributions hospitalières à la condition que le nombre de malades concernés reste réservé aux deux cliniques – externe et ophtalmologique- et qu’aucun hospitalisé ne soit soustrait pour alimenter de nouvelles cliniques spéciales. La discussion est reportée sine die ULG, Ms. 6290, 22 mai 1872 ; Ms. 6211…, 10 janvier 1871, 13 et 15 octobre, 25 novembre 1873. Le procès-verbal du 13 octobre 1873 est refusé et réécrit par une Commission composée de Sauveur, Heuse et Wasseige. ! 1831- 1848 MALADIES DES OS + BANDAGES ET APPAREILS ANSIAUX III 1848- 1855 MALADIES DES OS + BANDAGES ET APPAREILS BORLEE 1855- 1860 BANDAGES ET APPAREILS ANSIAUX III 1861 - 1874 MALADIES DES OS + BANDAGES ET APPAREILS ANSIAUX III 1874- 1879 MALADIES DES OS + BANDAGES ET APPAREILS ANSIAUX O 1843- 1849 PATHOLOGIE CHIRURGICALE GENERALE ET SPECIALE ANSIAUX III 1849- 1855 PATHOLOGIE CHIRURGICALE GENERALE ANSIAUX III 1849- 1860 PATHOLOGIE CHIRURGICALE SPECIALE WILMART 1855 1860 PATHOLOGIE CHIRURGICALE GENERALE BORLEE Y compris Maladies des os et Maladies des yeux 1861 1875 PATHOLOGIE CHIRURGICALE GENERALE ANSIAUX III Y compris Maladies des os + Bandages et appareils 1867-1874 : suppléance ANSIAUX O. 1861- 1881 PATHOLOGIE CHIRURGICALE SPECIALE BORLEE Y compris Maladies des yeux 1875- 1878 PATHOLOGIE CHIRURGICALE GENERALE GUSSENBAUER 1878- 1917 PATHOLOGIE CHIRURGICALE GENERALE VON WINIWARTER 1855- 1858 ANATOMIE DESCRIPTIVE (partim Ostéologie et myologie) BORLEE 1838- 1848 OPHTALMOLOGIE ANSIAUX III 1848- 1881 OPHTALMOLOGIE BORLEE 1881- 1885 OPHTALMOLOGIE FUCHS 1838- 1844 MEDECINE OPERATOIRE ET OPERATIONS CHIRURGICALES ANSIAUX III … 1861-1876 MEDECINE OPERATOIRE ET OPERATIONS CHIRURGICALES BORLEE 1876- 1879 MEDECINE OPERATOIRE ET OPERATIONS CHIRURGICALES ANSIAUX O 1879- 1917 THEORIE ET PRATIQUE DES OPERATIONS CHIRURGICALES von WINIWARTER 1834 -1835 CLINIQUE EXTERNE ANSIAUX III 1835- 1848 CLINIQUE EXTERNE DE LAVACHERIE 1849- oct.1876 CLINIQUE EXTERNE ANSIAUX III Y compris Maladies syphilitiques à partir de 1849 1876- 1878 CLINIQUE EXTERNE GUSSENBAUER 1878- 1917 CLINIQUE EXTERNE von WINIWARTER [[1876- 1880 Clinique externe dans les salles qui lui sont réservées BORLEE]] à l’hôpital de Bavière en tant que chirurgien des Hospices. A titre tout à fait personnel et provisoire accordé par la Cion des Hospices 1838- 1858 CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE ANSIAUX III (Inclus dans la Clinique externe) 1858- 1881 CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE BORLEE Inclus dans la Clinique externe jusqu’en 1876 1855- 1860 MEDECINE LEGALE BORLEE Début 1873, Borlée fait part à ses collègues des propos malveillants et calomnieux répandus sur son enseignement de la Pathologie chirurgicale spéciale, suivi par les étudiants de 2e et 3e doctorats, pour justifier la nomination future d’un étranger à cette chaire. Il s’indigne de ces médisances et « n’a pas hésité à prouver son zèle, son dévouement et le succès rencontré dans certaines branches de son enseignement ». « Mais comme, dit-il, on désirait ardemment obtenir la nomination en question, on a eu recours à de perfides et déloyales accusations contre celui qui a sacrifié pendant vingt-quatre ans tous ses intérêts pour se vouer entièrement à l’enseignement et aux progrès des étudiants en médecine ». Fin de l’année, Borlée demande à nouveau, sans l’obtenir, la division de la clinique chirurgicale ULG, Ms. 6211, 10 janvier, 25 novembre 1873.. L’Université, par l’intermédiaire du recteur Loomans, est en effet à la recherche d’un pathologiste… étranger. C’est le début d’une polémique qui pendant trois ans va se focaliser contre ce type de recrutement. En effet à terme, ce nouveau professeur reprendrait également la clinique chirurgicale. La première charge est lancée dès l’automne. Le journal médical Le Scalpel publie lettre et article du Dr Jean Crocq , président de la Fédération médicale belge, professeur à l’Université de Bruxelles. Crocq intervient avec virulence au sein de l’Académie de Médecine et s’insurge contre une situation qui est un véritable déni de justice envers les chirurgiens belges et reproche aux Universités d’Etat de coûter plus d’un million sans être capables de former des enseignants malgré la réussite d’études spéciales. Le Scalpel relaie également les doléances du Cercle médical liégeois par les voix de son secrétaire, Nicolas Charles et de son président, Nicolas Fossion. Mais d’autres articles, anonymes, sont encore plus mordants Le Scalpel, 8, 15 et 20 décembre 1872.. La nomination d’un étranger, d’un Allemand est un projet antinational, anti-scientifique et antiprogressiste, dixit Charles lui-même : « [Le génie du peuple belge] est essentiellement pratique et se distingue complètement de celui de nos voisins d’outre-Rhin. Les Allemands naturellement enclins à la philosophie, aux théories plus ou moins nuageuses, se trouvent déplacés chez nous. » D’ailleurs l’enseignement de professeurs étrangers mêmes éminents a eu peu de succès en Belgique ! Allusion à Fohmann, Spring, Schwann, bien que non-chirurgiens ? Quelques mois plus tard, c’est le parti de quelques germains et germanophiles incompétents, hostile aux candidats liégeois ou belges, compétents, qui est attaqué, notamment Schwann, physiologiste éminent certes mais aux connaissances médicales médiocres et dont l’incompétence chirurgicale est notoire ! Il est même question d’une possible intervention du Roi qui insisterait pour obtenir cette nomination, tout comme son père féru de médecins étrangers ! Finalement le Dr Albert (ou Albrecht) est nommé à l’Université d’Innsbruck. L’honneur des chirurgiens belges est sauf. Il faut pourtant s’atteler à sortir l’enseignement chirurgical liégeois du marasme où il croupit, accaparé par un seul homme dont le nom n’est jamais cité dans la presse médicale, à savoir Ansiaux III Rapport sur quelques questions relatives à l’enseignement supérieur adopté par le Cercle médical liégeois en assemblée générales du 29 novembre 1872, Liège, p. 7 ; Le Scalpel, n°6, 10 août 1873, pp. 31-33.. Mais les discussions s’éternisent, la Faculté reproche notamment à certains candidats un manque d’habileté à manier le microscope. De nouvelles rumeurs portent sur le nom d’un jeune chirurgien viennois pour reprendre l’enseignement de la pathologie chirurgicale. Parallèlement, l’idée d’organiser des concours pour recruter des professeurs universitaires fait son chemin dans les esprits Le Scalpel, 17,24 et 31 août, 21 et 28 septembre, 5 octobre 1873 ; 4 janvier, 19 avril, 3 mai, 5 juillet, 29 novembre, 13 décembre 1874 ; 10 et 17 janvier 1875 .. Le 8 octobre 1874, Ansiaux III est admis à l’éméritat. La titularisation du cours de Pathologie chirurgicale générale est alors mise au vote, à bulletin secret à la demande de Borlée qui, tout comme en 1872, n’a toujours pas posé sa candidature. Sur les cinq candidats, trois sont refusés à l’unanimité. Les deux autres obtiennent des votes partagés majoritairement négatifs, dont Dieudonné Hicguet, chirurgien des Hospices à l’hôpital de Bavière, titulaire d’un doctorat en science chirurgicale et qui se trouve être le vrai aspirant à cette charge, laquelle est donc déclarée vacante Hicquet : 4 oui/6 non. ULG, Ms. 6211…, 19 et 21 décembre 1874.. De nouveau Le Scalpel s’insurge : les Facultés de Médecine des Universités d’Etat sont assez malades : elles ont peu d’élèves et ne forment pas « une pépinière de jeunes professeurs qui puissent les illustrer, et la preuve en est dans les démarches qu’elles font de nouveau pour en obtenir de l’étranger » Le Scalpel, n°27, 4 janvier 1874, p.158.. En effet, le Gouvernement a chargé l’administrateur-inspecteur, François Folie, de rechercher « un professeur étranger, catholique, et capable de rénover à Liège l’enseignement de la chirurgie » FLORKIN, 1967(1), p. 217.. Folie est favorable à la nomination d’une personne de culture scientifique allemande, « façon idéale de stimuler la naissante modernisation de la Faculté de Médecine ». Il est suivi en cela par Vanlair, Masius et Van Beneden qui y voient une façon d’introduire méthodes et idées neuves. Folie se tourne alors vers l’école la plus brillante, celle de Vienne où, avec le parrainage de Schwann, Théodor Billroth lui recommande son premier assistant. Karl Gussenbauer, privat-docent à l’Université de Vienne est nommé professeur extraordinaire le 16 octobre 1875, chargé du cours de Pathologie chirurgicale générale et d’une partie de la Clinique externe ULG, Ms. 6211, 16 décembre 1875. Gussenbauer est nommé professeur ordinaire le 20 octobre 1876.. En effet, deux Arrêtés royaux stipulent que les professeurs Gussenbauer et Borlée seront chargés chacun d’une partie à déterminer de la chirurgie externe. Entretemps Ansiaux III, émérite, conserve toute la clinique ULG, Ms. 6211, 11 novembre et 6 décembre 1875 ; AR des 16 octobre et 12 novembre 1875, terme souligné dans le texte.. De mars à septembre 1876, la clinique est divisée entre Ansiaux III et Gussenbauer qui assumera la totalité de la charge en octobre GUSSENBAUER et PLUCKER, 1878, pp. 3 et 5.. La nomination d’un étranger continue à susciter des discussions passionnées tant dans la presse médicale qu’à l’Académie de Médecine : Crocq regrette que des candidats nationaux -il s’agit notamment de Borlée- ne soient pas pris en considération ! Mais à deux reprises Borlée ne s’est pas porté candidat... sauf pour la reprise de la clinique externe. Dans son réquisitoire, Crocq émet le vœu que le Gouvernement prenne, à l’avenir, des mesures pour que les Universités soient obligées de recruter au sein des praticiens belges sans devoir recourir à des étrangers. Vanlair se sent personnellement attaqué au travers de son institution par un professeur de Bruxelles dont on ne sait, dit-il, si « son Université n’a pas fait un peu de nécessité vertu », en référence au passage de scientifiques réputés vers Liège et Gand eu égard à la rémunération modique offerte dans les Universités libres Vanlair, 1877, p. 3.. Quoiqu’il en soit, Borlée n’a rien perdu de son mandat suite à la nomination de Gussenbauer, sauf le cours de Médecine opératoire et opérations chirurgicales dont il « a été dépouillé », stipule-t-il, … au profit d’Oscar Ansiaux ULG, Ms. 6211, 17 mai 1877. Contrairement à ce qu’écrit DHONDT, p. 117 : « Quoiqu’il en soit, par la nomination de l’Autrichien Gussenbauer, Borlée, le candidat belge favori, perdit une part importante de son mandat d’enseignant. » Dhondt p.235 signale aussi que Borlée est un « jeune médecin belge » : il a à ce moment 58 ans ! ! Pourtant début 1876, Borlée écrit aux Hospices qu’il s’est dessaisi lui-même de ce cours ACPASLg, Bavière, Bte 22 Organisation du service médical. Lettre de Borlée à la Commission des Hospices du 1er mars 1876.. Quoi qu’il en soit, son objectif depuis de nombreuses années, à savoir obtenir la moitié de la chaire de Clinique chirurgicale en plus de la Clinique ophtalmologique, lui a échappé : lors de sa candidature, Gussenbauer a exigé l’ensemble de la clinique externe tenue par Ansiaux III qui en avait toujours refusé la division au profit de Borlée. En attendant, le Ministre décide que Ansiaux III, émérite, et Gussenbauer se partageront d’une manière équitable les 61 lits de la clinique chirurgicale ; que Borlée en sa qualité de médecin des Hospices se servira des malades à sa disposition pour des leçons cliniques, comme cela s’est maintes fois produit depuis 1835, rappelle Sauveur, quand un même homme cumulait une charge universitaire et une fonction hospitalière ULG, Ms. 6211, 8 mars 1876 : la décision ministérielle du 22 février se fait conformément à l’art. 5 du Règlement des Hospices du 18 décembre 1835, interprétation vivement contestée par la Commission des Hospices, et à l’avis émis par la Faculté le 11 novembre 1875.. Ceci amène la Commission des Hospices, après d’âpres discussions, à faire un geste « à titre personnel et purement provisoire » pour l’année académique 1875-1876 et à se rallier temporairement à la décision ministérielle ACPASLg. Délibération du 20 mai 1876. . Les années suivantes, la situation ne sera jamais réglée officiellement malgré les nombreuses tractations entre l’Université et la Commission des Hospices. Borlée continuera donc d’utiliser pour « sa » clinique officieuse les patients qui lui sont attribués dans son mandat hospitalier ULG, Ms. 6211, 17 mai, 27 novembre 1877 ; 17 février, 8 mars, 9 mai, 4 juin, 17 décembre 1878 ; 15 mars, 5 mai, 8 juin 1880.. Une nouvelle polémique s’élève lors des dernières sessions de jurys combinés en juin-juillet 1876. Borlée ne fait pas partie du jury de 3e doctorat, ce qui lui fait perdre sa dignité de professeur, dit-il, vu le nombre de services rendus à l’enseignement ! Mais cela est du ressort du conseil des assesseurs. Van Aubel rappelle que seul Gussenbauer a donné officiellement le cours de clinique et a donc été nommé membre du jury. Même si Van Aubel a voulu soutenir un moment la revendication de Borlée, d’autres membres de la Faculté s’y sont opposés suite aux propos de l’intéressé : « Mr Borlée avait menacé certains de ses élèves d’être sévère pour eux aux examens s’ils ne posaient pas certains actes qu’il est inutile de spécifier pour le moment. » Van Beneden confirme ces dires de la bouche même d’étudiants. Et Ansiaux IV de rappeler que deux professeurs de clinique ne siègent jamais ensemble dans le même jury ULG, Ms. 6211, 14 juin 1876.. Toute nouvelle attribution de cours de chirurgie est vivement critiquée par Borlée, notamment lors du décès d’Ansiaux IV dont le cours de Technique opératoire échoit au successeur de Gussenbauer, von Winiwarter, lui aussi viennois. A plusieurs reprises, Borlée s’adresse directement au Ministre pour se plaindre de son collègue, ce qui choque particulièrement le corps professoral ; en outre, il désapprouve systématiquement toute demande ou initiative de von Winiwarter ULG, Ms. 6211, 22 novembre 1878 ; 13 février, 12 septembre, 22 novembre 1879 ; 8 juin 1880.. Au printemps 1880, de nouveaux incidents graves surviennent à l’hôpital de Bavière où Borlée s’est comporté uniquement en tant que chirurgien des Hospices sans égard pour son statut universitaire, votant les propositions des Hospices contre la Faculté de Médecine. Un mois plus tard, son contrat de chirurgien des Hospices prenant fin, il renouvelle sa demande de division de la clinique chirurgicale,. Tout le corps professoral rejette sa proposition. Il leur signale qu’« il s’est d’ailleurs assuré de puissants appuis au sein de la Députation et si le Ministre adoptait une mesure aussi spoliatrice [que de le priver d’une clinique chirurgicale], il serait interpellé aux Chambres » ULG, Ms. 6211, 5 mai, 8 juin, 10 novembre 1880. ! Finalement à la mi-janvier 1881, le Ministre suspend Borlée de ses fonctions pour quinze jours. Le Ministre n’est pas satisfait de la décision de n’avoir qu’une seule clinique chirurgicale, au lieu de deux comme à Gand, mais pour éviter tout nouveau conflit, il demande que la Faculté se prononce sur le changement d’attributions de Borlée. Vanlair estime la conduite de celui-ci incompatible avec sa présence à l’hôpital : il vient d’être source d’un nouveau conflit avec l’équipe de von Winiwarter et « il est juste que celui qui l’a fait naître en supporte les conséquences ». La Faculté, pour ne pas indisposer le Gouvernement ne se prononce pas sur le fonds de la question d’une ou plusieurs cliniques Le Ministre a fait valoir des arguments totalement opposés à ceux de la Faculté de Liège pour justifier la création d’une deuxième clinique à Gand : ULG, Ms. 6211, 19 janvier 1881., mais retire tout enseignement clinique à Borlée. Un mois plus tard, ce professeur est admis à l’éméritat alors qu’il n’en a pas atteint l’âge ULG, Ms. 6211, 19 janvier et 19 février 1881.. La saga de l’enseignement chirurgical est enfin terminée ! LA FACULTE DE MEDECINE DE 1876 A 1895 Depuis le début des années 1870, la Chambre des Représentants s’est penchée sur l’amélioration de l’enseignement supérieur. Ceci est analysé, aussi bien par les académiciens, les universitaires que les politiques, « c’est la capacité des universités à former des hommes de sciences, capables de s’adonner à la recherche » DICKSTEIN-BERNARD, 1989 (2), p.70.. Spring avait déjà soulevé le problème dix ans plus tôt. Fin 1872, le Cercle médical liégeois analyse également les questions relatives à l’enseignement supérieur et émet les propositions suivantes qui concernent principalement les cours cliniques : abréger la durée des cours théoriques et accorder par conséquent plus d’importance et plus de temps aux cours cliniques ; les cours théoriques de Pathologie interne et de Pathologie chirurgicale seraient sommairement exposés par les cliniciens dans les leçons qu’ils donnent à l’amphithéâtre de l’hôpital de Bavière ; charger des cours cliniques la plupart des professeurs de la Faculté de Médecine qui prendraient en charge de nouvelles cliniques : maladie de la première enfance, maladies mentales et affections cutanées et syphilitiques ; exiger que les chefs de clinique et les préparateurs soient à l’avenir déjà diplômés et chargés d’inculquer aux élèves les méthodes d’exploration en s’initiant ainsi à une carrière d’enseignant ; établir des chaires libres en concurrence ou non avec les officielles pour stimuler l’émulation ; restreindre la pratique des professeurs aux avis de cabinet et aux consultations et leur interdire toute pratique de la médecine en ville ; établir un système des jurys centraux dont les membres seraient pris en dehors du corps enseignant ; restreindre le temps des vacances, qui est de cinq mois, ce qui est disproportionné par rapport au temps consacré aux cours ; prendre des mesures rigoureuses pour l’acceptation des candidats doctorants, notamment un certificat de fréquentation et de réussite de cours cliniques pendant trois ans Rapport sur quelques questions relatives à l’enseignement supérieur adopté par le Cercle médical liégeois en assemblée générales du 29 novembre 1872, Liège.. Trois ans plus tard, la Faculté analyse le mémoire qui lui est soumis sur à l’enseignement de la médecine ; elle souhaite rendre « à l’Université d’Etat la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre Souligné dans le texte. » ! Pour ce faire, elle émet ses desiderata : pour les examens, le système des jurys combinés est complètement défectueux, remis constamment en question depuis leur création en 1849 ; la Faculté s’oppose à la scission des examens de candidat en sciences et en médecine ; elle approuve la création d’un cours d’histochimie ou de chimie physique, comme c’est le cas en Allemagne ; il faut sortir l’embryologie du cours de physiologie car ils prennent tous deux de plus en plus d’extension au fil des années et des nouvelles recherches, revoir les matières enseignées dans la section de pharmacie. Mais la Faculté insiste pour que le Gouvernement s’attelle à d’autres mesures : augmenter le nombre des professeurs qui est insuffisant ; organiser complètement, les cours de microscopie ; donner une organisation convenable au cours de médecine légale et d’anatomie pathologique ; créer un cours de chimie physiologique ; réorganiser les cliniques spéciales existantes ; créer des cliniques spéciales pour les maladies des femmes, les affections de la peau et les atteintes syphilitiques ; créer et organiser, comme en Allemagne, les policliniques ; adjoindre aux différents cours pratiques, des assistants déjà docteurs ; donner à cette institution tout le développement nécessaire : suppléance des professeurs ; possibilité de cours privés sur n’importe quelle partie des sciences médicales ULG, Ms. 6211, 28 janvier 1876.. La nouvelle loi sur l’enseignement supérieur paraît en mai 1876. Elle supprime, à titre d’essai, le système de jurys d’examens et confère enfin aux Facultés le droit de délivrer les diplômes académiques que doit valider le Gouvernement. En 1890, l’Etat témoigne sa confiance aux Universités en leur conférant définitivement la collation des grades académiques légaux. Il reconnaît également aux femmes le droit d’obtenir tous les grades académiques et, en outre, celui d’exercer la médecine et la pharmacie Loi du 10 avril 1890: voir Situation de l’Enseignement supérieur donné aux frais de l’Etat…, 1893, pp. CLXIII, CLXXIV-CLXXV. Loi complétée par la loi du 3 juillet 1891, l’arrêté royal du 31 juillet 1891.. LOIS SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR 1876 et 1890 Certificat d’humanités rétablis en 1890 Candidature préparatoire en sciences naturelles 1 an puis 2 ans (Cours de base de chimie générale et de physique expérimentale, éléments de botanique et de zoologie, notions élémentaires de minéralogie, géologie et géographie physique, logique, philosophie morale. Epreuve pratique de chimie et démonstration microscopique) Candidature en médecine 1 an puis 2 ans (Embryologie, anatomie humaine, systématique et topographique, histologie générale et spéciale, éléments d’anatomie comparée, psychologie, physiologie. Epreuve pratique de démonstrations anatomiques ordinaires ou macroscopiques et microscopiques Doctorat 3 ans (Pathologie et thérapeutiques générales, anatomie pathologique, pathologie interne et thérapeutique spéciale des maladies internes y compris les maladies mentales, pathologie chirurgicale générale et spéciale, théorie et pratique des opérations chirurgicales, théorie des accouchements, hygiène publique et privée, médecine légale, pharmacologie (pharmacie théorique) et pharmacodynamique, cliniques médicale, chirurgicale et obstétricale, ophtalmologie et clinique ophtalmologique. Trois épreuves pratiques de démonstrations macroscopiques et microscopiques d’anatomie pathologique, et démonstrations d’anatomie des régions) La loi de 1876 supprime le graduat et toutes exigences préalables à l’admission, qui sont cependant rétablis en 1890, et fixe un programme minimum où les cours à certificat deviennent officiellement matière à examen, car avant de suivre tout cours de clinique, les étudiants doivent recevoir obligatoirement les connaissances générales de base sur les affections médicales et chirurgicales Pathologie et thérapeutique générale, anatomie pathologique, pathologie interne, pathologie chirurgicale générale, bandage et appareils.. La législation tend à donner plus d’autonomie aux Universités et ainsi plus d’originalité à leur enseignement. Elle leur laisse la possibilité de réduire certains cours théoriques pour permettre aux étudiants de s’exercer aux travaux pratiques mais aussi d’en introduire de nouveaux Les travaux pratiques obligatoires sont l’anatomie pathologique microscopique et l’anatomie des voies respiratoires. : à Liège, la Faculté se concentre sur l’histologie et l’anatomie topographique aux mains de Swaen et sur l’ostéologie, la syndesinologie, la myologie et l’angéiologie dans celles de Putzeys. Dans l’esprit de la Faculté, la réorganisation des laboratoires va permettre de déployer « l’esprit de recherche et d’investigation » ULG, Ms. 6211, 21 et 29 juin 1876. qui se développera ultérieurement dans les cliniques. De même une attention particulière est conférée aux parties de cours consacrées aux « spécialités », l’instauration de cliniques spécifiques leur donne un caractère pratique mais suscite à chaque fois d’âpres discussions Situation …, 1889, pp. CXXXVI-CXXXVI ; HALKIN (Dir), Liber Memorialis…, Annexe XII, p. 115.. Les nouveaux spécialistes se tiennent au courant de ce qui se passe dans les Universités étrangères et y effectuent des missions : en 1886, Théodore Plucker visite les Instituts dermatologiques de Hambourg, Berlin et Vienne ; Putzeys se rend, en 1887, à Berlin et Londres au Musée d’hygiène et Jean-Pierre Nuel visite différentes installations ophtalmologiques. LES ASSISTANTS ET LES AGREGES SPECIAUX D’autre part le Gouvernement rencontre le vœu des professeurs : créer des postes d’assistants, d’élèves assistants et d’agrégés spéciaux. C’est nouvel essai d’organisation de la carrière scientifique. Pour accompagner les cours pratiques, dès mai 1875, la Faculté avait souhaité à l’unanimité pouvoir recruter des assistants, déjà présents à Gand depuis plusieurs années. La sélection se ferait parmi les jeunes docteurs brillamment diplômés depuis au moins deux ans et ayant fréquenté les instituts étrangers ; ils devraient présenter des aptitudes scientifiques et de l’habilité dans les travaux pratiques ; seraient également examinés les services rendus comme préparateur ou chef de clinique, leurs publications et leur moralité. Le Ministre les désignerait sur présentation d’un dossier, pour un an, au maximum quatre, terme qui parfois peut être prolongé ; ils recevraient un traitement de 1000 frs Les assistants reçoivent 2000 frs en 1879. ULG, Ms. 6211, mai 1875 ; 30 janvier, 17 novembre 1879 ; 28 décembre 1882 ; 9 juillet 1883..Finalement le libre choix du professeur n’est acquis qu’avec de nombreuses réserves. Dans les cliniques, ils seraient les yeux et les oreilles de leur maître, rendant compte de l’histoire de chaque malade, en assurant le suivi, signalant chaque maladie intéressante et prenant en charge les étudiants. Dans les laboratoires, ils rendraient un plus grand service encore : pendant les travaux pratiques, ils seraient présents auprès des étudiants pendant trois ou quatre heures tout en leur prodiguant des conseils avisés. Leur recrutement ne peut qu’avoir d’excellents résultats et augmenter la réputation scientifique de l’Alma Mater par leur spécialisation et la publication de leurs recherches. En outre ils serviraient de vivier professoral, préparés à l’enseignement supérieur et pouvant remplacer leur maître. « C’est par une institution du même genre que l’Allemagne a su créer ce corps enseignant qui fait la brillante réputation de ses Universités ». A la demande de Swaen que son préparateur du cours d’Histologie générale soit docteur en médecine, ses collègues rappellent que la création des assistants n’a pas pour but de supprimer les emplois d’étudiants dans les laboratoires ou comme chefs de clinique. D’autres demandent la priorité du recrutement pour les exercices microscopiques : refus des deux Ansiaux, de Borlée et de Heuse ULG, Ms. 6211, 10 et 25 mai, 5 juin 1875 ; 15 février 1878.. Au printemps 1876, le Ministre n’a toujours pas statué alors qu’il a reçu depuis quelque temps déjà le rapport complet de Heuse pour la Faculté liégeoise ULG, Ms. 6211, 8 mars 1876. Nous n’avons pu consulter ce document.. Ce n’est que le 21 janvier 1882 qu’un arrêté royal règle l’institution des assistants et donne ainsi une existence légale à ceux déjà en fonction depuis quelques années : Schiffers, Gilkinet, Plucker, Closson ULG, Ms. 6211, 16 novembre 1876 ; 22 février 1877.. Dans le même temps, le législateur crée des postes d’agrégés spéciaux… sans consulter la Faculté, ce qui soulève immanquablement des discussions. Ils doivent être choisis parmi les assistants, mais pas seulement selon Masius. Les assistants auront dû faire la preuve d’aptitudes spéciales pendant la durée de leurs fonctions et publier des travaux scientifiques ; leur mandat est renouvelable tous les trois ans. Ils peuvent être autorisés par le Ministre à donner des leçons sur des matières nouvelles ou spéciales et même à participer à l’enseignement théorique sur demande du professeur. La Faculté en profite pour assimiler les chargés de cours à ces nouvelles fonctions ULG, Ms. 6211, 21 janvier, 23 mars, 25 mai, 28 juillet, 28 décembre 1882. Pour devenir chargé de cours, il n’y avait pas de conditions exigibles, seulement faire preuve de qualités scientifiques notamment au travers de travaux.. Grâce à la multiplication des assistants, la Faculté de Médecine va pouvoir donner tout son développement à l’enseignement pratique qui ne sera plus limité par le manque de moyens financiers car les subsides sont augmentés de manière permanente à partir de mai 1877. Ils ne couvrent cependant pas toutes les dépenses coûteuse imposées aux cours pratiques par la nouvelle loi. Ainsi Vanlair souligne que les épreuves de microscopie pathologique impliquent en aval des exercices réguliers pour tous les étudiants (800 frs) ; pour son nouveau cours d’embryologie, Van Beneden demande une somme de 1000 frs pour couvrir les frais de l’entretien et l’augmentation de la collection, l’expérimentation sur les animaux et les études embryologiques au laboratoire. Grâce à la générosité d’Adolphe Wasseige et Paul Troisfontaines, le service d’embryologie acquiert deux embryons humains ainsi que 93 planches murales tandis qu’en anatomo-pathologie, cent pièces ont été recueillies auprès du service d’autopsie qui a également acquis des planches murales et des dessins ainsi que différents microscopes Situation …, 1889, pp. XLIV et XLIX : microscope de Zeiss, microscope de Jung avec différents objectifs, thermocautère de Paquelin.. Aucune collection, aucun instrument ne sont prévus pour le nouveau cours d’anatomie topographique donné par Swaen, il réclame aussi 1000 frs ; de son côté, Masius, nouveau professeur de clinique interne, veut étudier les propriétés physiologiques et thérapeutiques de substances médicamenteuses nouvelles et pour ce faire acquérir des animaux de laboratoire ; il veut aussi étendre les exercices chimiques et microscopiques pour pouvoir donner un cours clinique digne de ce nom (1000 frs en plus du subside de base de … 285 frs !) ; Gussenbauer a lui obtenu une somme de 1500 frs destinée aux exercices pratiques de pathologie chirurgicale mais est démuni dans sa clinique externe pour laquelle il réclame 2500 frs ULG, Ms. 6211, 5 mai 1877.. Se pose alors le problème des locaux. Le manque de salles et de bâtiments est un obstacle au développement des cours pratiques et de l’enseignement et génère même des situations dangereuses : il est très difficile d’organiser certains cours de pharmacie où sont manipulés des produits toxiques et des gaz corrosifs ; ces cours se donnent dans l’auditoire qui conserve la collection d’instruments de chirurgie… qui sont en train de rouiller ! L’insuffisance des crédits et des locaux est rappelée au Ministre pour qu’il statue dans les plus brefs délais. Cette demande est inlassablement répétée en 1877 et l’année suivante. Finalement la Faculté décide d’une étude approfondie pour déterminer ce que seraient les futurs instituts. Début 1880, un crédit de 500.000 frs est accordé par superficie. La Faculté doit formuler ses desiderata, notamment quant au choix du ou des emplacements, des constructions groupées ou isolées, et relayer les souhaits de chaque service ULG, Ms. 6211, 5 mai 1877 ; 15 février, 7 et 22 novembre, 17 décembre 1878 ; 18 juillet 1879 ; 19 janvier, 2 février, 13 mars, 21 avril, 28 novembre 1880 ; 26 février, 20 mai, 28 octobre 1881 ; 8 décembre 1882 ; 9 juillet 1883 ; 1er juin 1885.. Enfin l’Alma-mater liégeoise voit s’ouvrir en 1883 l’institut de pharmacie au Jardin botanique et sur la rive droite du fleuve s’établissent les instituts d’anatomie (1885), de physiologie et de zoologie (1888). LES PREMIERES ETUDIANTES LACOMBLE-MASEREEL, 1980. La fin du siècle inaugure une nouvelle révolution : l’entrée de femmes à l’Université et notamment à la Faculté de médecine Paraît dans Le Scalpel, début 1875, une série d’articles sur Les femmes médecins rédigés par l’Union médicale de France : 24 janvier 1875, pp. 175-178 ; 21 mars 1875, pp. 223-224 ; 25 avril 1875, pp. 253-257.. A Liège, le Conseil académique examine en avril 1875 une question du Ministre : est-il possible, est-il désirable que les femmes soient admises à pratiquer la médecine ou certaines de ses branches, notamment à traiter les maladies des femmes et des enfants ?  Quelles connaissances doivent-elles présenter ? Comment organiser cet enseignement ? Sont contre l’accès des femmes en médecine : Ansiaux III et Macors ; y sont favorables Vanlair avec réserve et Trasenster. Finalement grâce à ce dernier, la Faculté de Médecine adopte l’intégration d’étudiantes dans le cursus universitaire, bien qu’aucune discussion à ce sujet n’ait été abordée en son sein. Dans les divers débats, si on reconnait à la femme des aptitudes à soigner les malades -sages-femmes et religieuses-, les professeurs, tout comme les parlementaires, insistent sur son infériorité : physique : peu de résistance, moins robuste… intellectuelle : pas d’idées synthétiques ni d’aptitude pour les études abstraites… psychologique : manque de sang-froid, d’esprit de décision… A cela s’ajoute la pudeur féminine incompatible avec les « travaux dégoûtants » des étudiants en médecine et l’horreur d’une promiscuité des sexes. Mais c’est surtout la place de la femme dans la société qui ne saurait être remise en question : épouse et mère selon la volonté de Dieu et de la nature ! En 1876, la nouvelle loi sur les études supérieures, en supprimant le graduat, permet à toute personne de s’inscrire dans un cursus universitaire sans avoir terminé le cycle des humanités. Plusieurs décennies après les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne ou la France, la Belgique accepte en 1880 les candidatures féminines ; l’année suivante, une première étudiante entame, à Liège, des études de pharmacie. Mais en 1890, l’entrée à l’université est de nouveau subordonnée à un diplôme homologué des humanités ou, à défaut, la réussite d’un examen devant le jury central, mesure totalement discriminatoire vis-à-vis des femmes. En effet l’absence de lycée, avant 1925, est un véritable handicap à la préparation aux études universitaires, et toutes devront se présenter devant le jury central. En 1882 et 1883, Trasenster, devenu recteur, prononce deux discours en faveur de l’accès des femmes à l’enseignement supérieur. Il estime qu’il est indispensable d’ouvrir de nouvelles professions aux femmes des classes moyennes et inférieures pour des raisons économiques ; pour les femmes des classes élevées, une solide culture intellectuelle leur servira de base pour l’éducation de leurs enfants. C’est là, pour Trasenster, le but principal de l’enseignement supérieur féminin. Il incite également le gouvernement à se pencher sur la réforme de l’enseignement moyen féminin pour qu’il puisse servir de base à un futur parcours universitaire. Wasseige, son successeur au rectorat, ne partage pas du tout ces idées. Professeur d’obstétrique, il estime que tout l’organisme féminin est adapté à une fonction principale, à savoir « la conservation, la protection et la première éducation du fruit de ses entrailles ». Et il reprend avec force tous les arguments allant à l’encontre de la femme médecin WASSEIGE, 1887.. Par l’intermédiaire du Journal de Liège Jeanne L…, « Lettre d’une aspirante élève pharmacienne en réponse au discours rectoral sur la femme médecin », Journal de Liège, 23 et 24 octobre 1886, p. 3, col. 1-2., de Wasseige est contredit avec beaucoup d’esprit par une étudiante en pharmacie : si la femme est un être faible dont la vocation est de se dévouer à son foyer, « pourquoi le législateur permet-il que des femmes se fassent botteresses, balayeuses de rue, couturières, ouvrières de filature, de ferme ou de manufacture, voir même accoucheuses ? » Si la femme doit travailler pour éviter la misère, n’est-il pas mille fois préférable qu’elle exerce la pharmacie ou la médecine. REPARTITION DES ETUDIANTES DATE CD. SC Nat. 2 ans CD1 PHARM. 1 an puis 2 ans à partir de 1890 PHARMACIE 2 ans puis 3 ans à partir de 1890 MEDECINE 5 ans 1881 1 1882 7 1883 24 1 1884 18 1 1885 14 7 1886 12 + 1 étr. 8 1887 10 + 1 étr. 3 0 1888 9 + 2 étr. 5 + 1 étr. 0 + 1 étr. 1889 20 + 2 étr. 6 + 1 étr. 1890 17 4 1 + 2 étr. 1891 12 3 2 + 4 étr. 1892 6 + 1 étr. 8 2 + 4 étr. 1893 2 + 1 étr. 5 4 + 4 étr. 1894 3 7 2 + 4 étr. 1895 3 + 1 étr. 2 1 + 4 étr. LACOMBLE-MASEREEL Bernadette, Les premières étudiantes à l'université de Liège, Liège, 1980, pp. 142-143, Tableau XIV. La Faculté des sciences accueille dès 1881 les premières candidates en sciences naturelles, accès à la médecine et préparatoire à la pharmacie. Une majorité se dirige vers les études de pharmacie où l’usage avait admis la présence de femmes. Dès 1888, la section de médecine enregistre plus d’étudiantes étrangères que de belges ; elles sont souvent russes ou polonaises mais les succès sont mitigés. Cependant à partir de 1890, quelques étudiantes de médecine poursuivent de brillantes études. FIN DE SIECLE Au cours de ce dernier quart de siècle, la Faculté est témoin de l’arrivée de plusieurs maîtres qui lui donnent encore plus d’éclat, à savoir Alfred Gilkinet en pharmacie (1877) ; Alexandre von Winiwarter, qui remplace Gussenbauer aux chaires de pathologie chirurgicale, de clinique externe et de théorie pratique opératoire (1878) ; Léon Fredericq qui illustre d’une manière extrêmement vivante la chaire de physiologie (1879) ; Théodore Plucker qui prend la tête d’une vrai clinique dermatologique et syphilitique (1881), F. Putzeys qui s’occupe d’une partie de l’anatomie mais se fera surtout une réputation d’hygiéniste ; Ernst Fusch, le grand ophtalmologue viennois (1881). En 1885, Charles Firket inaugure un cours facultatif de bactériologie pathologique, suivi en 1889 d’exercices pratiques. De même Léon Fredericq a ouvert l’année précédente un cours optionnel d’exercices pratiques de physiologie ; pour organiser « convenablement des exercices d’un grand intérêt au point de vue médical », le Gouvernement va mettre à la disposition de ce professeur de nouveaux instruments spécifiques Situation …, 1889, p. XXVII : Arrêté ministériel du 27 août 1888 et p. XLIV : les appareils acquis sont oxygénomètre, oxygénographe, sondes cardiographiques, calorimètres, etc., un appareil photographique et une lanterne à projection.. Dans la clinique interne de Masius se développe, dès 1889, la gynécologie confiée à Ferdinand Fraipont. Mais en 1885, deux professeurs sont sollicités par l’étranger. Van Beneden est appelé à l’université de Prague. Ses collègues tentent de le dissuader de quitter Liège. Il ne s’est pas encore engagé et sera seulement guidé par des choix scientifiques, dit-il : il ne demande pas au Gouvernement belge des avantages personnels, par contre, s’il reste, il usera de son pouvoir pour mener à bien la réalisation de l’institut de zoologie, chose faite trois ans plus tard. Quant à Fusch, arrivé en 1881, il exerça dans des conditions difficiles tant à l’hôpital que dans son laboratoire où les installations n’étaient pas en rapport avec ses exigences scientifiques. Invité à la chaire de Vienne, il ne peut résister à retourner dans sa ville natale ULG, Ms. 6211, 10 et 11 juin 1885.. Il est remplacé par Nuel en décembre 1885. En octobre 1886, la Faculté se montre favorable à l’introduction par F. Schiffers d’un cours privé d’otologie, laryngologie et rhinologie dont la clinique ne sera installée qu’en 1890. Xavier Francotte, agrégé spécial, ancien assistant de Masius, est autorisé, en 1887, à donner un cours spécial sur les maladies du système nerveux en général, avant de reprendre celui de Pathologie générale laissé vacant par son maître. Il inaugure en 1890 une clinique des maladies mentales qui s’implante à l’Asile des Insensés de Volière ; l’année suivante, il donne un cours libre de psychiatrie médico-légale et reprend la pathologie des maladies mentales en 1898 Fin 1873, le Ministre avait offert à la Faculté l’opportunité de créer un cours de maladies mentales comme à Gand (Dr Guislain) et à Louvain, en même temps qu’à Bruxelles. Vanlair signale qu’il enseigne sommairement les maladies mentales dans son cours de pathologie et que l’ouverture d’une clinique serait opportune. Mais deux difficultés se présentent : le remaniement du programme et l’absence d’un professeur ad hoc parmi la Faculté : ULG, Ms. 6211, 23 décembre 1873.. L’organisation des cours facultatifs, oraux et pratiques, est réglée en 1887 : ils peuvent être donnés par les professeurs titulaires et les agrégés spéciaux ; les cours oraux sont gratuits pour les étudiants inscrits ; pour les leçons pratiques, la Faculté en fixe elle-même les droits Arrêté ministériel du 12 octobre 1887.. L’ophtalmologie, cours théorique et clinique, est érigée en enseignement indépendant par la loi du 10 avril 1890 et la fréquentation de cette quatrième clinique devient obligatoire Loi du 10 avril 1890, art. 24.. Par contre, la Faculté refuse la création d’un cours de dentisterie suite à la demande de Mr Gulikers, officier de santé hollandais et diplômé dentiste qui devrait au préalable obtenir son titre de docteur. A terme une clinique de ce type ne saurait s’ouvrir qu’avec le consentement du Ministre ULG, Ms. 6211, 15 mars 1884.. LES ETUDES DANS LES ANNEES 1880 « Nos études et la préparation aux examens n’exigeaient pas d’énorme dépense de temps et le colossal effort de mémoire imposés aux étudiants d’aujourd’hui [1938]. Les cours étaient peu nombreux et la matière à assimiler peu copieuse. Le personnel universitaire ne dépasse pas la douzaine, il aurait pu être supérieur si l’Etat avait participé à sa rétribution (personnel, laboratoire) sans toujours accabler les Hospices civils, dont le déficit budgétaire est supporté par la Ville, soit par les contribuables liégeois. » Propos d’Ernest Malvoz, étudiant à la Faculté de Médecine dans les années 1880. MALVOZ Ernest, « A l’ancien Hôpital de Bavière (Mes souvenirs estudiantins », Le Carabin, 3e année, n°4, mars 1938, p.14. La formation du médecin Le présent volume s'attache à retracer les conditions d’émergence d’une médecine qui se détache définitivement de l’enseignement médiéval, principalement scholastique, pour aboutir à la médecine clinique "moderne ", telle qu’on la conçoit au XIXe siècle. Les contributions mettent en lumière les pôles d’activité de ce développement, de Leyde à Paris en passant par Vienne, Louvain, Edimburg et Montpellier. Ce n’est pas seulement la pratique qui évolue mais aussi, bien entendu, l’enseignement et la recherche qui l’accompagnent, ainsi que, remarquablement, la chirurgie et la pharmacie, qui, du barbier au chirurgien et de l’apothicaire au pharmacien, s’érigent en véritables professions, appuyées sur l’anatomie et sur la chimie, et exigeant désormais une formation adéquate. Le monde politique n’est pas indifférent à cette évolution : il y participe en imposant des réformes à l’Université, pour moderniser la pratique par l’amélioration de l’enseignement et de la recherche, soucieux d’éviter l’exode des étudiants et des professeurs vers des centres plus réputés. Il a aussi d’autres effets plus désastreux, comme la Révolution française qui ferme purement et simplement les universités dans les territoires qu’elle contrôle. Dans ce contexte, la presse médicale fait son apparition, s’appuyant sur la littérature produite par les grands médecins ainsi que sur le retentissement des opérations ou expériences notables qu’ils réalisent : elle reflète à la fois l’image du médecin moderne et les attentes renouvelées du public à l’égard de cette figure sociale importante. 32