....
La France
(t
face aux crises et aux conflits
des périphéries européennes
et atlantiques
.
I
_.
..,
du XVIIeau xxe sieele
-.
Textes réunis par
"Érie Sehnakenbourg
et Frédérie Dessberg
~
PressesUniversitaires
deRennes.
-
Alliancesde reverset modernisationmilitaire:
le röle desenvoyésmilitairesfran~ais
en Europecentraleet orientale,XVlle-XVlllesiécles
La problématique complexe des rapports diplomatiques et militaires entre
la France et l'Europe centrale et orientale releve de questions conceptuelles
auxquelles il faut répondre afin de déterminer le röle des coopérations militaires
et diplomatiques. Dans notre étude, nous nous proposons d'évoquer les fonctions
des agents diplomatiques et militaires afin de souligner l'évolution des missions
militaires dans la période concernée. Nous attachons une importance particuliere
aux conflits internationaux
auxquels la politique extérieure fran~aise devait
réagir dans les régions périphériques. Le terme « périphérie)) exige également
une définition et explication dans une optique politique et militaire. Nous examinons les problemes des déplacements et de la trans miss ion des messages
dans un espace lointain, ainsi que les méthodes de travail des agents militaires
de l'époque. En dernier lieu, nous essayerons de démontrer les effets modernisateurs de l'activité des envoyés militaires fran~ais.
Pour réduire le champ d'investigation, nous avons privilégié quelques cas
de figure dans le nombre important des envoyés militaires dans le vaste espace
de temps couvert par notre période. Premierement, nous évoquons les envoyés
fran~ais qui collaboraient avec les révoltés hongrois de la fin du xvne siecle et
du début du xvme siecle. Parmi ceux qui y travaillaient, il faut souligner l'importance du brigadier général Louis Lemaire dont les souvenirs viennent d'etre
publiés par les soins du professeur Jean Bérenger 1.Il a été envoyé en mission
en Hongrie au cours de la guerre d'indépendance de Fran~ois II Rákóczi. Il faisait partie de l'entourage du comte Des Alleurs, lieutenant général choisi par
Louis XIV pour diriger une miss ion mixte fl la fo is diplomatique et militaire afin
de «donner forme de troupes de guerre fl ces légions de Mécontents2 )). Avec
d'autres officiers fran~ais, il était placé comme « conseiller technique)) aupres
du prince Fran~ois II Rákóczi. Il nous laissa une Relation assez détaillée et tres
critique de son séjour en Hongrie. L'État du prince Fran~ois II Rákóczi est doté
d'une véritable armée dont la valeur militaire n'est pas négligeable, malgré ses
échecs systématiques dans les campagnes. Cependant, la véritable discipline
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FERENC
TÓTH
n'existe pas dans l'armée kouroutz et les envoyés militairesfran<;aiss'en plaignent
souvent dans leurs rapports. Le brigadier Lemaire nous donne un témoignage
sarcastique de valeur militaire d'un des principaux chefs de l'armée kouroutz:
« Forgatsn'oubliant pas la tentative de I'ambitionde Bercseni,ne perdait pas
un momenta le décréditer non seulementdans I'esprit du Prince,maisencore
dans celui des autres générauxen luidisant et a eux,qu'j)prenait un pouvoir
qui obscurcissait tout autre et le Prince meme et ne faisaitdistinguer que sa
personne, soit dans les négociations, dans les projets de guerre, dans les
expéditions et dans les commandements des troupes dont la direction ne lui
convenait pas puisque depuis qu'iJs'en melait j)n'avait établi dans la miIice
ni regle, ni exercice ou disciplineet que de ceUemaniere on ne ferait jamais
de bons soldats, ni de bons officiers,j) parlait en guerrier consommé et de
meme que s'j) eut été disciple de César3.»
Le brigadier Lemaire constitue un exemple d'envoyé miIitaireofficielaupres
d'un prince quasiment alliéde la France pendant une guerre ouverte avec I'ennemi
commun. Un autre eas de figure est fourni par l'activité militaire d'Alexandre
de Bonneval4 en Turquie qui était plutöt un conseiller militaire de fortune se
trouvant en Turquie au moment ou la diplomatie fran<;aiseavait besoin de ses
services. Militaire chevronné, ayant une expérience internationale reconnue,
ce gentilhommefran<;aisbrouilléavec le prince Eugenede Savoiechoisit le turban
et le service du sultan. IIa instruit le corps turc qui était confié selon les exercices et les évolutions des armées européennes. Pendant la guerre austro-russoturque de 1737-1739,il contribue a la réforme de l'artillerie turque, en fondant
le corps des bombardiers (humbara~ien turc) et en introduisant une série de
réformes dans l'armée oUomane. De concert avec I'ambassadeur de France a
Constantinople, le marquis de Villeneuve, il contribue a l'issue heureuse de
cette guerre pour la Turquie qui reconquiert la forteresse de Belgrade et conclut
un trait é de paix avantageux. L'activité remarquable de Bonneval Pacha ouvre
une série de missions militaires fran<;aisesen Turquie qui continuera jusqu'au
XIXe
siecle. Ce deuxieme eas de figure représente done celui des missions militaires non-officielles,ou secretes, dans des périodes ou la France n'était pas en
guerre ouverte.
Letroisieme eas de figureest celui du baron de Tott qui est celui d'un expert
prédestiné pour sa tíkhe, et qui réunit les qualités du diplomate et du miIitaire.
Fran<;oisbaron de Tott était le second fils d'un émigré hongrois nommé András
Tóth, ancien combattant de la guerre d'indépendance hongroise (1703-1711).
András Tóth réussit il.s'intégrer au sein de I'armée royale fran<;aise,notamment
dans le régiment de hussards Berchény.Grace a ses connaissances dans la langue
turque, il fut meme employé dans la diplomatie fran<;aise.Le marquis de Villeneuve, ambassadeur de la France a Constantinople, constata les qualités linguistiques de Tóth lors d'un de ses séjours de recrutement en Turquie et commen<;aa I'employer pour différentes missions en Orient5. Il se distingua en
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AWANCESDE REVERSET MODERNISATIONMILITAlRE
particulier durant les négociations de paix de Belgradeterminant la guerre austroturque de 1737-1739,et devint vite un agent expérimenté et fut bientöt initié a
la diplomatie secrete de Louis XV,le fameux Secret du RoLEn sa qualité d'agent
secret, il fit des démarches en faveur des Hongrois émigrés en Turquie6. Pour
assurer la continuité des agents hongrois au service de la France en Turquie, le
filscadet d'András Tóth fut également envoyé a Constantinople, en 1755,comme
«enfant de langue)).Ily passa huit ans et se lia avec I'ambassadeur,le comte de
Vergennes, et se maria avec Marie de Rambaud. II perdit son pere en 1757 et une
grande partie de ses revenus basés sur les pensions viageres d'András Tóth.
Ayant terminé son apprentissage, il retourna en France ou il espéra un poste
diplomatique digne de sa formation. Une premiere occasion se présenta en 1766,
date a laquelle ilfut envoyé a Neuehatel, principauté prussienne, afin de s'informer sur I'effervescence politique dans la population de cette ville.Sa mission fut
rapidement dévoilée, et il dut se retirer en France des le début de I'année 17677.
Lavéritable possibiIité d'un emploi en Orient s'offrit la meme année. Le duc
de Choiseul envoya Fran~ois de Tott en Crimée aupres du khan des Tatars en
qualité de consuI de France en septembre 1767. II devait inciter le souverain
tatar a faire la guerre cont re les Russes. Tott camoufla sa vraie mission par des
buts secondaires: par exemple par le prétexte de I'achat des chevaux de remonte
pour les régiments de hussards en France8. II y réussit a gagner la grace du
khan KirimGuiray dont ildevint le confident. En juillet 1768,des Cosaques briilerent la petite ville de Balta en territoire tatar. Cette affaire fournit au baron de
Tott I'occasion d'exciter la vengeance du khan et for~a le Grand Seigneur de
lever I'étendard de la guerre. Ladéclaration en fut faitele 6 octobre 1768.Fran~ois
de Tott accompagna le khan dans une incursion contre les nouveaux établissements russes en Nouvelle Servie. IIassista a la mort de KirimGuiray auquel
il consacra plusieurs pages de ses mémoires9. Ayant ainsi rempli sa mission, il
se rendit a Constantinople en 1770.
Dans la capitale ottomane, la situation devint eritique apres la défaite de la
marine turque a Ceshmé le 5 juillet 1770.L'amiralOrloffmena~ait déja d'envahir
Constantinople. Ce fUta ce moment-Ia que le baron de Tott se distingua dans
le perfectionnement de la défense turque et contribua a sauver la capitale. II
continua ensuite la réorganisation et la modernisation de I'artillerie turque. Le
baron de Tott reprit le projet de Bonneval pacha en utilisant les acquis de la
réforme de I'artillerie fran~aise moderne représentée par des ingénieurs aussi
éminents que Bélidor ou Gribeauval. IIy constitua une école de mathématiques
et avec I'aide d'un renégat écossais du nom de Campbell Mustapha Agha et du
capitaine d'artillerie fran~ais Antoine-CharlesObert (Aubert) qui forma un nouveau corps d'artillerie a tir rapide, nommé des sürat~i(sürattop~ulanl. L'établissement d'une fonderie de canons a Hasköy sous la direction des spécialistes
fran~ais fut un succes et resta un effet durable de I'activité modernisatrice de
Tott. II devint le favori du jeune sultan Mustapha IIIet élabora des projets de
grande envergure: il envisagea, par exemple, le rétablissement de I'ancien canal
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n
FERENC
TÓTH
de Suez. La mort prématurée du sultan mit fin au séjour du baron de Tott en
Turquie et il retourna en France en 1776.
En analysant le röle des envoyés militaires, il faut souligner qu'a I'époque
moderne les fonctions des diplomates et des envoyés militaires sont souvent
similaires. Meme si le caractere des membres du corps diplomatique est a notre
époque relativement bien défini,les affaires militaires relevent souvent du secret
et de la confusion avec les taches diplomatiques. IIest évident que les ambas-
sadeurs et envoyésdiplomatiquessont des «honnetes espions» qui réunissent
des renseignements sur le pays de leurs missions, y compris ceux qui intéressent
I'état général de I'armée du pays ou ils sont envoyés ainsi que les réformes militaires qui s'y produisent durant leur séjour. Les correspondances des ambassadeurs impériauxa Constantinople et a Berlinmontrent deux exemples évidents
dans les années 1770-1780.Le baron de Thugut remarque tous les événements
d'exercices militaires a Constantinople, en général a la fin de ses dépeches 10.
La correspondance du baron Charles Reviczky,ambassadeur impérial a Berlin
en 1782relate surtout les nouvelles détaillées sur les réformes militaires prussiennes 11.Par ailleurs, les envoyés diplomatiques peuvent avoir des missions
de reconnaissance militairedes territoires parcourus pendant leur voyage. Leurs
missions secretes sont évidemment camouflées par d'autres missions (économiques, commerciales, administratives, etc.). Le contraire est beaucoup plus
rare et n'existe que dans des cas ou les pays respectifs entretiennent des relations amicales. Telest le cas des agents hongrois envoyés en Turquie pour chercher des recrues et des chevaux pour les régiments de hussards franc;aisdans
la premiere partie du xvmesiecle12.Les ambassadeurs sont souvent entourés
d'agents militaires détachés de leurs régiments pour des missions précises.
Aux échelons inférieurs de la diplomatie, nous rencontrons fréquemment des
militaires chargés d'une mission de consuis ou d'agents diplomatiques en particuliers dans des régions de conflits armés. Ce sont des agents polyvalents qui
sont tantöt des négociateurs accrédités, tantöt des conseillers militaires. Les
röles sont interchangeables et complémentaires. Par exemple, le baron de Tott
qui est envoyé en Crimée. Le bon négociateur peut se révéler en cas de besoin
un conseiller militaire, voire un expert de réforme.
Lapériodeconcernée,les xvneet xvmesiecles,est riche en événementsmilitaires, ce sont des siecles belliqueux ou les armées puissances européennes
s'affrontent avec des moyens de plus en plus sophistiqués. Les luttes de la France
contre l'Empire, l'Angleterre, la Prusse ou la Russie poussent a l'adoption d'une
politique subversive et a la création des alliances de revers sur les périphéries
européennes. La diplomatie franc;aisese constitue un réseau d'alliance de petits
et moyens états d'Europe centrale et orientale sans compter le redoutable Empire
ottoman fort utile lorsque les monarques franc;aissont en conflit militaire avec
la maison d'Autriche. Ce systeme d'alliance comprend essentieIlement la Suede,
la Pologne,la Transylvanieet les Hongroismécontents ou malcontents et I'Empire
ottoman. Dans la construction des liens entre les différents pays et centres de
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AlLIANCESDE REVERSET MODERNISATIONMILITAIRE
rebelles anti-Habsbourg, les agents franc;aisjouent un röle a la fois important
et efficace. La concentration des forces et la réussite des négociations multipartites sont l'reuvre des experts franc;ais. Lors de la guerre de Hollande, la
diplomatie franc;aise,en particulier l'ambassadeur franc;aisde Varsovie, le marquis de Béthune, réussit a réunir dans une meme alliance les Polonais, les
Hongrois révoltés (les kouroutz) et les Transylvains. Le 27 mai 1677,on signe a
Varsovie un traité de collaboration entre les alliés franc;ais, polonais, transylvains et kouroutz. L'aide franc;aiseconsiste en cent milletallers (trois cent mille
livrestournois environ) de pension annuelle pour les frais d'une armée de quinze
millehommes, et de plus une aide militairede six millemercenaires de Pologne13.
Au mois de septembre, sous la direction des colonels Boham et Forval, un corps
de quatre mille hommes, composé surtout des Cosaques recrutés en Ukraine,
arrive en Hongrie14.Réunis aux forces transylvaines et rebelles, ils écrasent
l'armée impériale le 10 octobre 1677aNyalábvár. Cette victoire montre bien
l'efficacité des experts militaires franc;aisdans un territoire lointain. Ellecontribue a l'élargissement de la guerre en Hongriecontre les Impériaux sous la direction d'un nouveau chef: Thököly.Lefonctionnementde l'aIliancede revers s'avere
impeccable dans les années qui viennent, les agents et experts militaires réactivent de concert les rebelles hongrois en cas de besoin pour faciliter la politique
des réunions sur les frontieres franc;aises. La réussite de cette coopération
franco-hongroise est évoquée ainsi, un siecle apres les événements, par CharlesEmmanuel de Warnery: «Avant la paix de Riswick la France avait un tres puissant allié dans son bon ami le Turc, et les Hongrois de Tökeli n'étaient pas a
regarder pour rien. Cette guerre de Hongrie donnait seule assez d'occupation
aux troupes de l'empereur, le Nord n'était de meme point tranquille, ainsi la
France sans alliés ne faisait pas seule la guerre a toute I'Europe15.,)
Pendant la guerre de Succession d'Espagne, l'alliance de revers resurgit en
Hongrie avec la guerre d'indépendance de Franc;oisIIRákóczi.Louis XN profite
de cette opportunité, malgré ses réticences envers les Hongrois qui se sont
révoltés contre leur roi légitime. L'alliance de revers reste ainsi une alliance
informelle, mais le roi franc;aisenvoie en Hongrie un représentant, le comte des
Alleurs et plusieurs experts militaires, dont le plus connu est le brigadier
Lernaire. Grike aux mémoires de ce dernier, nous connaissons les difficultés
des envoyés militaires occidentaux dans une armée traditionnelle et quasiment
féodale. L'activité de des Alleurs et de Lemaire prouve encore une fois le caractere complémentaire des diplomates et des militaires: le premier donne souvent des conseils militaires au prince Rákóczi,tandis que le second sert plutöt
d'expert militaire aux officiers de l'armée du prince. Malgré les conseils des
deux envoyés franc;ais,les Hongrois perdent toutes les batailles, mais se révelent excellents partisans dans les opérations de petite guerre. Apres la fin de la
guerre hongroise, nombreux sont les anciens combattants qui quittent leur pays
et entrent dans l'armée royale franc;aisepour y former des célebres régiments
de hussards. Parmi ceux-ci les meilleurs sont employés a leur tour en Europe
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FERENC
TÓTH
orientale, notamment en Turquie et en Crimée, comme agents ou experts militaires au service de la politique extérieure fran<;aise.Les projets du Secret du
Roi en Europe orientale et l'ouverture de la question d'Orient vers la fin du
siecle favorisent leur emploi dans la périphérie de l'Europe.
Apres ce rapide survol, il est tout IIfait légitime de s'interroger sur la significationdu mot « périphérie ti. L'emploide ce mot suppose qu'il existe aussi un
« centre ti, une entité géographiquequi correspond dans notre cas a l'Europe
occidentale.L'idéede l'oppositionc(centre-périphérieti existedans la penséede
Fernand Braudel et cette théorie a été exploitée par d'autres historiens, notamment l'américain Immanuel Wallerstein16qui considéraient surtout les caractéristiques économiques des régions européennes. Le centre marqué par un développement commercial et industriel devient IIl'époque moderne le berceau du
capitalisme, tandis que les périphéries sombrent dans une économie basée sur
la production agricole. L'évolution sociale reflete ces différences: IIl'ouest, la
bourgeoisie s'enrichit, tandis qu'll l'est la société féodale demeure (systeme du
second servage = zweite Leibeigenschaft). Cette théorie a été nuancée par les
chercheurs d'Europe centrale, comme Jenö Szücs, qui élabore, dans son ouvrage
intitulé Les troisEuropes, l'idée d'une zone intermédiaire, une Europe centrale
des états moyens comme la Pologne, la Boheme et la Hongrie qui constituent
des pays semi-périphériques, surtout par rapport IIla Russie et l'Empire ottoman 17.Ces théories sont bien utiles pour faire des cours d'histoire, mais, en réalité, ne refletent pas la situation des rapports des forces. En histoire militaire,
notam ment, l'idée du centre et des périphéries est plus difficileIIcerner. Comment peut-on admettre que l'armée espagnole, les fameux tercios du début du
XVIre
siecle, sont des forces périphériques? Of.!bien qui pourrait quaIifierl'armée
russe de Catherine II d'importance secondaire? En plus, les périphéries européennes sont parsemées de centres d'importance stratégiques liés IIl'existence
des puissances périphériques. Ilen résulte une hiérarchie des alliances et des
politiques IIsuivre. Dans l'optique de la diplomatie fran<;aise,les MaIcontents
hongrois ou les Tatars de Crimée dépendent de l'appui de I'Empire ottoman et
de la Pologne, qui sont des deux centres régionaux. La carriere du comte Des
Alleurs montre bien l'importance des lieux: d'abord envoyé aupres du prince
Rákóczi, ensuite il devient ambassadeur de France IIConstantinople 18.
En histoire militaire, nous avons un concept qui correspond aux questions
du développement militaire IIl'époque moderne: c'est la théorie de la fameuse
« révolution militaire ti développée par des historiens anglo-saxons comme
Michael Roberts ou Geoffrey Parkerl9. Cette théorie décrit schématiquement
les changements dans l'organisation, dans la tactique et surtout dans la technologie militaire. Ces changements se déroulent dans les forces militaires des
grandes puissances, alors que les États petits et moyens n'y arrivent que grace
IIune assistance extérieure. L'aide peut consister en armes, en argent et surtout
en envoyant des missionsmilitairesdans les pays ciblés.Telest le cas des envoyés
militaires en Hongrie ou en Pologne au tournant des XVlle
et XVIIIe
siecles.
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ALLIANCESDE REVERSET MODERNISATIONMILITAIRE
La révolution militaire n'a pas marqué d'une maniere égale tout le territoire
de l'Europe. Dans son ouvrage magistral, Lucien Bély parle des « résistancesa
la révolution militaire»dans les périphéries européennes. Ils'agit essentieIlement
de l'Europe centrale et orientale ou il y avait peu de défenses bastionnées, et
la cavalerie, surtout la cavalerie légere, dépasse largement l'infanterie dans la
secondemoitiédu xvuesiecle20.Cetterésistances'avere memeefficaceet favorise, au cours du xvmesiecle, le succes de la tactique de la petite guerre dans
les armées occidentales. Néanmoins,ces quelques exceptions ne font que confirrner les regles du processus de la révolution militaire. Al'époque des Lumieres,
certainespuissances«périphériques » reconnaissentleurretarddans le domaine
militaire et recrutent des experts et réalisent des réformes militaires toujours
dans la lignéede la fameuse«révolutionmilitaire».Lerecrutement des experts
militaires étrangers vise a moderniser la structure entiere des armées, tandis
que les missions militaires éphémeres ne sont souvent que des remedes d'urgence pour éviter le pire. En tout état de cause, le développement militaire est
une condition sine qua non de l'existence d'une puissance. Leconcept du despotisme éclairé reflete bien l'ambigu'ité des réformes de certaines puissances de
la «périphérie» dans la perspective de rattraper leur retard militaire, bien souvent avec succes comme l'exemple de Russie de Catherine IIl'illustre bien. En
revanche, la théorie du despotisme oriental qui a provoqué un grand débat au
xvmesiecle, démontre bien que le manque de réformes suffisamment profondes
ne permet aux envoyés militaires que d'emporter des succes momentanés et
précaires.
Comment travaille un envoyé militaire? Malgréles histoires rocambolesques
des envoyés aventuriers, ils operent rarement seuls. Derriere les envoyés renommés, il y a souvent une équipe d'experts militaires recrutés sur le terrain ou
détachés d'autres services diplomatiques ou militaires.Par exemple, le brigadier
Lemaire est entouré de plusieurs autres officiers fran~ais qui étaient enrölés
dans les «troupes étrangeres» de l'armée du prince Rákóczi. Alexandre de
Bonnevalcrée un véritable réseau d'officiers militaires,parmi eux nous trouvons
des déserteurs autrichiens, des réfugiés hongrois (André de Tott), des renégats
comme l'illustre Ibrahim Mütteferrika. Lebaron de Tott trouve a Constantinople
des officiersauxiliaires,qu'il oublie ingratement en écrivant ses mémoires quand
il raconte qu'il n'avait sous la main que les exemplaires illustrés de l'Encyclopédie
de Diderot et de d'Alembert pour réaliser ses canons a tir rapide. Or, les documents d'archives montrent bien qu'il y a plusieurs experts dans son entourage,
comme l'artilleur Obert et un renégat écossais nommé Campbell Mustapha Aga.
La vanité est un facteur important dans la formation de la légende qui entoure
l'activité des envoyés militaires.
La méthode de travail de l'envoyé est totalement différente de celle d'un
officier subordonné dans une armée européenne. Il est plus autonome, plus
libre, mais ildoit affronter des difficultésde toutes parts. L'inventionet l'intuition
jouent un röle primordial et ses initiatives doivent répondre aux possibilités et
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..
FERENC TÓTH
aux besoins du terrain. Ses ordres arrivent de loin ce qui lui confere une large
autonomie d'action. Néanmoins, il doit agir de concert avec les autorités militaires locales ce qui lui pose le plus de problemes quotidiens. Le brigadierLemaire
n'arrive jamais livaincre la méfiance et I'animosité des officiers supérieurs hongrois. Bonneval doit se convertir li \'islam pour se faire accepter par les Turcs.
Le baron de Tott, dans ses Mémoires, fustige le fanatisme et la superstition des
autorités turques auxquelles il attribue les échecs de la guerre russo-turque de
1768-1774.Le célebre historien américain, Theodore Orvell Murphey dans sa
monographie consacrée li la carriere de Vergennes, Charles Gravier comte de
Vergennes,FrenchDiplomacy in the Age of Revolution 1719-1787,remarque avec
justesse le caractere ambivalent des envoyés. IIconsidere les deux officiers de
hussards attachés au service de I'ambassadeur fran~ais, André de Tott et son
fils Fran~ois, comme les prototypes des conseillers militaires d'aujourd'hui qui
ne savent pas toujours envers qui ils sont véritablement responsables21.
Un envoyé militaire doit s'adapter aux regles du terrain. Dans un premier
temps, il ne s'agit pas forcément de transforrner l'art militaire traditionnel du
pays en méthodes de guerre occidentales, mais de réaliser des opérations militaires ponctuelIes avec une concentration optimale des forces existantes. C'est
pourquoi le colonel Bohamrecrute plutöt des Cosaques, cavaliers légers d'Europe
orientale, pour lutter contre les Impériauxen 1677.Lecomte des Alleursconseille
au prince Rákóczi d'employer la guerre li la hussarde, la petite guerre, cont re
les Autrichiens et d'éviter les batailles rangées. Ces exemples vont li I'encontre
des théories figées de I'historiographie militaire qui décrivent la relation entre
les grandes et petites guerres dans une perspective géographique est-ouest22.
Les domaines dans lesquels les envoyés militaires agissent sont tres variés.
En général, ils'agit d'un travail d'ingénieurcompliqué ou la formation des officiers
occidentaux se montre absolument supérieure li ceIle de leurs homologues du
pays d'accueil. Par exemple, pour les représentations cartographiques, les officiers fran~ais s'étonnent souvent des lacunes qu'ils constatent dans les pays
lointains, comme le baron de Tott le remarque sarcastiquement dans ses
mémoires: « Aucun vaisseau n' avait encore paru li Constantinople: donc les
Russes n'ont pas de vaisseaux, ou si par hasard ils en ont, cela ne fait rien aux
Turcs, puisqu'iI n'y a point de communication entre la Baltique et l'ArchipeI23.»
Le comte Alexandre de Bonneval fournit des cartes militaires aux Turcs qu'iI
fait meme imprimer par un renégat d'origine transylvaine, Ibrahim Müteferrika,
qui a fondé la premiere imprimerie dans I'Empire ottoman. Le baron de Tott
prépare aussi des cartes militaires pour la direction de I'armée ottomane pendant la guerre russo-turque de 1768-1774.
L'autre domaine important de I'activité des envoyés militaires en territoire
ottoman est celui de I'artillerie. Malgré les progres rapides des armées turques
dans cette arme, il faut rappeler que les succes les plus spectaculaires (la prise
de Constantinople en 1453 ou la bataille de Mohács en 1526) sont dus aux
artilleurs renégats, le plus souvent des Italiens. Cette arme savante représente
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AWANCESDE REVERSET MODERNISATIONMILITAIRE
un des piliers les plus remarquables du process us de modernisation des armées
occidentales européennes de l'époque moderne. Les historiens qui étudient
les questions de modernisation de l'armée ottomane acette époque y attachent
beaucoup de d'importance24. Dans notre étude, nous soulignons en particulier
les travaux d'Alexandre de Bonneval et de Fran~ois de Tott dans l'introduction
des nouvelles technologies de l'artillerie dans l'armée ottomane.
Sinous évoquons les armes savantes, ilest indispensable de parler des fortifications qui, parallelement aux progres de l'artillerie, connaissent un développement spectaculaire en Europe occidentale, mais que les régions périphériques
suivent souvent avec un retard considérable, comme nous pouvons le remarquer
dans le cas de la Pologne ou la Hongrie. La situation de I'Empire ottoman reste
particuliere. Tandis que ses confins sont renforcés par des forteresses strat&
giques puissantes et modernes, ses régions centrales sont dans une situation
tres différente. Le marquis de Silvaremarque dans son ouvrage la faiblesse des
Turcsdans l'art de la fortification:« Leursingénieursne sont pas plus habiles
que les artilleurs. Les fortifications sont ou mauvaises, ou dans l'état le plus
dégradé. Les nouvellesn'ont ni flancs ni ouvrages bien construits &les anciennes
ne sont point entretenues. Les Bassas, qui ne songent qu'a amasser de l'argent,
les laissent dépérir &n'ont garde d'y faire des réparations. Il n'y a pas dans tout
I'Empireuneseule placeen état de soutenirun longsiege25.tt L'activitédu baron
de Tott dans la fortification des Dardanelles et du Bosphore reste un moment
symbolique de la réussite des envoyés militaires européens dans la fortification. Et nous pourrions y ajouter des questions diverses concernant le génie
militaire de l'époque, comme les questions techniques du trans port militaire,
qui trouvent leur place dans le travail des officiers européens et dans leurs missions militaires en Europe centrale et orientale.
Une autre branche des réformes introduites par les envoyés militaires vise
a opérer des changements plus profonds et rencontre de ce fait des oppositions
plus virulentes de la part de l'élite militaire des armées traditionnelles. La discipline militaire massivement introduite en Europe occidentale, a peu de sens
dans l'armée des rebelles hongrois du prince Fran~ois II Rákóczi caractérisée
par l'art de la petite guerre et l'idéologie de la liberté nobiliaire qui s'oppose
diamétralement a toute idée de subordination autre que celle établie par l'ordre
social. La discipline rencontre des obstacles religieux dans l'Empire ottoman,
commele célebre passage des Mémoiresdu baron de Tott le montre: « Cette
multitude d'imbéciles fanatiques osaient meme reprocher aux Russes quelques
attaques que ceux-ci avaient fait pendant le saint temps du Ramazan26.))Un
autre volet des réformes structurelles porte sur la formation pratique et théorique des militaires. Dans cette catégorie, nous pouvons souligner les exemples
de la constitution des corps des humbara9iet sürat9inés des changements introduits par le comte de Bonneval et le baron de Tott. Le sommet des réformes
théoriques est la fondation d'une école de mathématiques par le baron de Tott
pour la formation des militaires des armes savantes et de la marine. Le succes
151
FERENC TÓTH
de ces réalisations est confirmé par les missions ultérieures, comme celle de
Lafitte-Clavé dans les années 1780, dont les rapports précis démontrent cIairement le besoin d'avoir des envoyés militaires en Turquie27.
En guise de conclusion, nous pouvons constater li travers ces quelques
exemples une transformation du röle des envoyés militaires en Europe centrale
et orientale. Dans un premier temps, il s'agit d'interventions ponctuelles pour
réactiver le systeme d'aIliance de revers en cas de besoin, mais volonté de réformer le systeme militaire des alliés de la France. L'action des envoyés est alors
strictement subordonnée aux fins politiques qui déterminent les missions,
comme le cas des missions du comte des Alleurs et du brigadier Lemaire nous
le mont re bien pendant la guerre d'indépendance hongroise. Ily a néanmoins
des exceptions qui, tout en confirmant la regle, font avancer les choses dans
une autre direction. Il s'agit avant tout d'aventuriers, de transfuges, d'émigrés
qui profitent de leur expérience au sein des armées internationales de
monarques occidentaux pour passer au service des souverains orientaux, contribuant ainsi largement li une diffusion des technologies militaires. La Iibre circulation des experts militaires favorise ce phénomene li une échelle remarquable.
Ainsi,nous assistons, vers la fin du xvmesiecle, li la transformation des missions ponctuelles en une véritable coopération militaire avec les alliés potentieis de la France dans l'espace périphérique européen en vue de réformes de
plus en plus profondes et structurelles.
Ferenc TÓTH
Professeur d'Histoire moderne, université de Szombathely (Hongrie)
1. Brlgadier général Louls LEMAIRE,
Relation abrégée de ce qui s'est passé dans la guerre de Hongrie
depuis le commencement de la campagne de 1705 jusqu 'au mois de mars 1708, Jean BtRENGER
(éd.), Paris, Honoré Champlon, 2007.
2. Jean BtRENGER,
"Un exemple de coopératlon mllltaire franco-hongrolse: la mission du brlgadler
général Le Malre pendant la guerre d'lndépendance de Fran~ois II Rákóczi", Zita TRlNGU
et Ferenc
TOTH(dir.), Mi/Ile ans de contacts ll, Relations fronco-hongroises de /'an mil li nos jours, Szombathely,
2004, p. 41-42.
3. Brlgadler-général Louis LEMAIRE,
Relation abrégée
op. cit., p. 188-189.
4. Sur ce personnage, volr Heinrich BENEDIKT,
Der Pascha-Graf Alexander von Bonneval 1657-1747,
Graz-Köln, 1959, et AIbert VANDAL,
Le pacha Bonneval, Paris, 1885.
5. Albert VANDAL,
Une ambassade frant;aise en Orient sous Louis Xv. La mission du marquis de
Villeneuve 1728-1741, Paris, 1887, p. 197.
6. Centre des Archives Dlplomatiques de Nantes (dorénavant CADN), sérle Salnt-Priest 158.
7. Georges LIVET,Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France.
tome XXX,Suisse, vol. II,Paris, CNRSéditions, 1983,p. 807-811.
8. CADN,sérle Saint-Priest 207, piece n° 5.
9. Ferenc TÓTH(éd.), Mémoires du baron de Tolt sur les Turcs et les Tartares, Maestrlcht, 1785, Paris,
Honoré Champion, 2004.
152
ALLIANCESDE REVERSET MODERNISATIONMILITAIRE
10. Haus-, Hot- und Staatsarchiv (Vienne, désormais HHuStA), Türkei II 57 (Berichte 1771) série
Turcica 1771.
11.HHuStA, Preussen Kt. 62 Korrespondenz 1782-1783.
12.Voir a ce sujet Ferenc TÓTH,«Agents hongrois au service de la France dans la premiere moitié
du XVIIIe
siecle», dans Marie PAVET
et Ferenc TÓTH(dir.), Milleansde contacts,Relationsfrancohongroisesde l'an mil a nos jours, Études fram;aisesde Szombathely II,Szombathely, 2001, p. 5,
et 47-59.
13.Zsolt TRócsÁNYI,
TelekiMihály,Erdélyés a kurucmozgalom1690-ig(TelekiMihály,La Transylvanie
et le mouvement kouroutzjusqu'en 169(]),Budapest, 1972, p. 187-204.
14. Joan HUOITA,
Répertoire des documents concernant les négociations diplomatiques entre la France
et la Transylvanie au xVlf siecle (/636-1683), Paris, 1926, p. 168.
15. Charles-Emmanuel de WARNERY, Commentaires sur les commentaires du comte de Turpin sur Montecuculi, avec des anecdotes relatives a l'histoire militaire du siecle présent et des remarques sur
Guibert et autres écrivains anciens et modernes, torne 1,St. Marino, 1777, p. 222.
16. Voir a ce sujet Immanuel WALLERSTEIN,
Capitalisme et économie-monde, /450-1640, Paris, 1980.
17. Jeno Szucs, Les trois Europes, Paris, L'Harmattan, 1992.
18.Voir sur la carriere de Pierre Des Alleurs : Pierre DUPARc
(éd.), Recueil des instructionsdonnées
aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie jusqu'a la Révolution
fran~aise,tome XXIX:Turquie,Paris, CNRSéditions, 1969,p.187-189.
19. Geoffrey
PARKER,La révolution militaire, La guerre et l'essor de l'Occident 1500-1800, Paris, Gallirnard, 1993.
20. Lucien B~LY,Les relations internationales en Europe xvlf-XVllf siecles, Paris, PUF, 1992, p. 319-320.
21. Orville Theodore MURPHY,
CharlesGravierComtede Vergennes,
FrenchDiplomacyin theAgeof
Revolution: 1719-1787,Albany,State University ot New York Press, 1982.p. 80.
22. Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie (se éd.), Paris, Economica, 2006, p. 238-243.
23. Cité par Ferenc TÓTH,La guerre russo-turque (/768-1774) et la défense des Dardanelles. L'extraordinaire mission du baron de Toft, Paris, Economica, 2008,p. 61.
24. Nous pensons ici surtout aux travaux de Virginia Aksan et de Gábor Ágoston.
25. Marquis de SILVA,
Pensées sur la tactique, et la stratégique ou vra is principes de la science militaire,
Turin, 1778, p. 25.
26. F. TÓTH(éd.), Mémoires du baron de Tott..., op. cit., p. 244.
27.Jean B~RENGER,
«Lesvicissitudesde l'alliancemilitairetranco-turque (1520-1800)»,DanielTOLLET
(dir.), Guerres et paix en Europe centrale, Mélanges d'histoire des relations internationales offerts
a JeanBérenger,Paris, PUPS,2003,p. 323-327.
.
153
La France face aux crises
et aux conflits des périphéries européennes
et atlantiques
E
Ce volume rassemble les contributions
qui ont été présentées lors de deux
journées d'études organisées en 2008 et 2009 par le Centre de Recherche en
Histoire Internationale etAtlantique de l'université de Nantes (CRHlA) et les Écoles .;
militaires de Saint-Cyr Coetquidan. Les intervenants étaient invités a réfléchir a la' '. . ,
notion de périphérie dans la politique étrangere de la France du XVII"au xxe siecle.
"
L'objectif général est de savoir si et comment, sur cette longue période, il est
possible de caractériser une permanence dans les objectifs diplomatiques et dans
les pratiques militaires de la France, tels qu 'ils se révelent au miroir des conflits et
des crises des régions situées au-dela de son voisinage. Les régions continentales
privilégiées étaient celles de la grande dorsale allant de la mer Baltique a la mer
Noire, ainsi que l'espace maritime comprenant
la Méditerranée
occidentale et
l'Atlantique.
Il a fallu s'interroger sur la notion meme de périphérie européenne pour en montrer
Ie caractere dynamique et relatif. Elle doit avant tout etre entendue comme un espace
intégré a la politique étrangere de la France. Si l'action politique et militaire dans
les périphéries n'est pas la priorité des gouvernements franc;ais, elle n'en participe
pas moins au succes général de son action extérieure. L'interrogation sous-jacente
porte sur la capacité de la France a peser, par la diplomatie ou l'action militaire,
sur les crises et les conflits de régions plus ou moins lointaines qui demandent
une mobilisation de moyens pour connaitre et comprendre les situations locales;
pour pacifier ou, au contraire, activer les conflits; pour conserver ou modifier les
.-
équilibres
des forces régionales par la diplomatie
ou l'intervention
armée.
Éric SCHNAKENBOURG, maitre de conférences
d'Histoire moderne il I'université de
Nantes est membre de I'Institut Universitaire de France. Ses travaux portent sur I'histoire de
la politique étrangere fram;aise il I'époque moderne, en particulier dans ses rapports avec les
pays du Nord. II a notamment publié La France, le Nord et l'Europe au déhut du XVlIle siecle,
Honoré Champion, 2008.
Frédéric DESSBERG, agrégé et docteur en histoire. Maitre de conférences il I'université
Paris I-Panthéon
Sorbonne, détaché aux écoles de Saint-Cyr Coetquidan.
A publié Le
triangle impossihle. Les relations franco-soviétiques et le facteur polonais dans les questions de
sécurité en Europe (I 924-1935), BruxeIles, PIE-Peter Lang, 2009.
En couverture: Carte drolatique d'Europe pour 1870, par Madol.
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Reseaudes Universites
ISBN 978-2-7535-0994-8
DUm RTLRNTlOUE
18 €
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