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ENTRE IDÉALISME CULTUREL ET RÉALITÉ POLITIQUE : POSSIBILITÉ D'UNE CRÉATION D'UNE ''UNION TÜRK'' ?

Mémoire de recherche de M2 concernant la possibilité ou l'impossibilité de la création d'une union autour de la turcité, des théories et idéologies panturquistes et touranistes.

MASTER 2 Domaine : Sciences humaines et sociales Mention : Science Politique Politique Transnationale Mélanie Meltem AYDOGAN - 11292058 ENTRE IDÉALISME CULTUREL ET RÉALITÉ POLITIQUE : POSSIBILITÉ D’UNE CRÉATION D’UNE ‘‘UNION TÜRK’’ ? Sous la direction de Thomas BRISSON Année 2016-2017 !1 !2 MASTER 2 Domaine : Sciences humaines et sociales Mention : Science Politique Politique Transnationale Mélanie Meltem AYDOGAN 11292058 ENTRE IDÉALISME CULTUREL ET RÉALITÉ POLITIQUE : POSSIBILITÉ D’UNE CRÉATION D’UNE ‘‘UNION TÜRK’’ ? Sous la direction de Thomas BRISSON Année 2016-2017 !3 REMERCIEMENTS J’adresse mes remerciements aux personnes qui ont permis la réalisation de ce mémoire. Au préalable, j’aimerais remercier Mr Thomas Brisson qui a encadré mon travail. En tant que directeur de mémoire, il m’a aidé à son élaboration et est resté disponible durant cette année. Il a apporté des solutions aux problèmes que j’ai rencontrés. Je voudrais également remercier toute l’équipe pédagogique de l’université Paris 8, avec laquelle j’ai évolué au cours de ces années universitaires. J’adresse un grand merci à ma famille qui m’a soutenue durant toute cette année. Leurs encouragements ont permis l’élaboration de ce mémoire; un merci particulier à Selcan Kiliçaslan qui m’a aidée dans la correction du mémoire. !4 REMERCIEMENTS 4 INTRODUCTION 6 PARTIE 1 : LE PANTURQUISME ET LE TOURANISME COMME IDÉOLOGIES UNIFICATRICES DU MONDE TÜRK 13 1. LES DIFFÉRENTES DÉFINITIONS DU PANTURQUISME 14 2. LA GÉOGRAPHIE DU MONDE TURCOPHONE 20 3. LES ÉLÉMENTS CULTURELS COMME CONDITIONS DE RASSEMBLEMENT 23 PARTIE 2 : LES ORGANISATIONS POLITIQUES AUTOUR DU PANTURQUISME 27 1. L’EFFONDREMENT DE L’EMPIRE OTTOMAN ET L’ÉMERGENCE DE PENSEURS PANTURQUISTES EN ANATOLIE 28 2. LES CONSTITUTIONS POLITIQUES EN AZERBAIDJAN AUTOUR DES IDÉOLOGIES TRANSNATIONALISTES 33 3. UN PAYS DE L’UNION EUROPÉNNE MEMBRE D’UNE POSSIBLE UNION TÜRK: LA HONGRIE 38 PARTIE 3 : LES FORMATIONS TRANSNATIONALES ET LEURS CONSÉQUENCES SUR LE PANTURQUISME AUJOURD’HUI 42 1. LES ORGANISATIONS CULTURELLES TRANSNATIONALES EN FAVEUR DE L’UNION TÜRK 43 2. LE PANTURQUISME COMME UNE REVENDICATION IDENTITAIRE 48 3. L’IDÉOLOGIE PANTURQUISTE AUJOURD’HUI 51 CONCLUSION 54 BIBLIOGRAPHIE 57 ANNEXES 60 RÉSUMÉ 65 !5 INTRODUCTION Le 19ème siècle marque l’émergence d’un nouveau concept politique qui est celui de l’Etatnation. En émanent des théories du nationalisme qui se propagent sur le monde et également en Anatolie, en Asie Centrale, là où les populations turcophones sont concentrées. Le nationalisme vu comme un renouveau politique va permettre l’affirmation d’une identité nationale commune à chaque pays. Les définitions sur la nation peuvent varier. Pour Gobineau, la nation est définie par la « race ». Le terme « race » peut être connoté et utilisé à des fins politiques comme le définit Gobineau. Nous ne suivrons pas cette définition ni cette théorie racialiste qui catégorise des populations selon leur couleur de peau. Dans ce mémoire, nous allons l’utiliser dans le sens de la définition turque. En Turquie, le mot ırk, est utilisé couramment dans les recherches académiques et définit la « race » comme une ethnie, une communauté, une minorité. L’utilisation de ce terme est important dans notre recherche. Le transnationalisme turquiste prend parfois des formes racistes de la transnation turcophone souhaitée. Ziya Gökalp montre que les nations sont construites par la culture. Quant à Marx, il définit la nation sur les bases économiques d’une population1. La nation peut être également définie par des principes religieux tel qu’expliqué dans le Coran, livre saint des Musulmans, qui revendique la création de la oummah. La communauté musulmane est une transnation selon cette interprétation, et non plus une nation. Dans ce mémoire, nous allons utiliser majoritairement la définition de la nation par Gökalp, selon la culture. Gökalp différencie la culture et la civilisation. La culture est propre à une population alors que la civilisation peut être partagée entre plusieurs populations. C’est pourquoi, la culture turque est importante dans les théories panturquistes. Quand les populations adoptent une forme de nationalisme pour leur population, ils essayent de former la nation selon la culture, qui engendre la langue, l’histoire, la moralité, l’esthétique, l’ethnographie, les coutumes, les traditions. C’est pendant cette transition là qu’interviennent les théories panturquistes, que l’on peut qualifier de nationalistes voire de transnationalistes. Le premier pays turcophone a déclaré la création de sa République sera l’Azerbaïdjan en 1918, mais qui sera également de courte durée jusqu’en 1920, date de l’annexion à l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. C’est en 1923 que la Turquie proclamera sa République démocratique, laïque et nationaliste. Les pays turcophones sont majoritairement membre de l’URSS 1 ERTÜRK, Hocaoglu Selahattin. Türkçülük nedir? p. 23 !6 et auront donc du retard sur l’affirmation de leur nation. Cela jouera un rôle important dans le rassemblement des pays turcophones autour de mêmes valeurs. Tout comme pour la nation, le panturquisme a plusieurs définitions. Cette théorie reprend les bases d’une théorie nationaliste et l’applique seulement au monde turcique. Elle n’est valable que pour les Türks. Nous utiliserons l’orthographe Türk au long de ce mémoire pour désigner toutes les personnes appartenant au monde turcophone, pour ne pas confondre avec Turc qui définit une personne de nationalité de la République de Turquie. La différence entre la nationalité et la nation reste importante. On peut appartenir par défaut à une nation sans avoir la nationalité ou être un national sans avoir les principes de la nation. Les pays qui ont réussi à concilier la nationalité et la nation sont la France, l’Espagne et l’Italie. Parfois des pays ont une nationalité pour plusieurs nations comme l’Allemagne et l’Autriche. Quant à la Turquie, une partie de sa nationalité est dans sa nation2 . Les Türks forment une grande famille de langues rattachée aux langues altaïques. Le territoire des turcophones est très espacé, il va de l’Europe vers la Chine, en passant par Sibérie et Chypre. Ce mémoire concerne l’union des Türks dans ce territoire, non déterminé, mais plus ou moins limité par la géographie naturelle. Il faut savoir que la diaspora turque est également comptabilisée dans les minorités turciques mondiales. Le monde compte environ 200 millions de Türk3. Nous avons estimer ce nombre car en 1992 il était de 120 millions. Si l’on estime à environ 200 millions le nombre de turcophones dans le monde, comment permettre leur union? L’union idéalisée est pour les Türks marqués par la volonté de s’attacher aux anciens empires gagnés, aux anciennes traditions défendues. Au 21ème siècle, avec le système politique de l’Etat-nation adopté par la majorité du monde, les pays turcophones doivent au préalable affirmer leur propre territoire national, avec leur langue türk (qu’elle soit nationale ou transnationale), leur culture et leur histoire. C’est après la chute de l’URSS que la majorité des pays turcophones peut prétendre à devenir des Républiques indépendantes ou des régions autonomes. A partir des années 1990, les volontés d’union se font de plus en plus fortes. C’est là qu’intervient la deuxième étape chaque état doit faire évoluer sa propre nation. Le nationalisme est la seule idéologie politique qui puisse être appliquée aux turcophones s’ils veulent s’unir par la suite. Car en effet, après avoir créé sa propre nation, chacune d’entre elles peut prétendre de défendre la culture turcique en ayant conscience de l’importance de l’entraide entre Türks, en conservant la culture, l’histoire est l’unité entre chaque 2 ERTÜRK, Hocaoglu Selahattin. Türkçülük nedir? p. 26. 3 HAZAI, György.. La question linguistique dans le monde turc actuel. p. 11. !7 pays4. Aujourd’hui, le panturquisme n’est qu’à la première étape, c’est-à-dire celle de créer et fortifier sa propre nation. Durant ce mémoire, nous allons montrer les différentes définitions de la théorie panturquiste, en nous appuyant sur des penseurs turcophones. Ils essayent d’apporter des solutions quant aux problèmes rencontrés pour l’union. Nous nous allons examiner les processus par lesquels les pays et les populations turcophones doivent passer pour prétendre à une union. Après avoir créer ses propres nations, le monde turcophone voudrait une union sur une base culturelle. Alors que les pays évoluent toutes d’un temps et d’une manière différents, on essayera d’établir la possibilité de se rassembler autour d’une idéologie qui promeut la culture ancestrale. Zoya Gökalp dit « Türkçülük, Türk Milletini yükseltmek demektir »5, « Le Turquisme signifie élever la nation Türk ». Le panturquisme est l’idéologie qui met en avant la culture turque par le biais d’une fortification linguistique. Le panturquisme ou le touranisme ne sont pas dans le but premier dans théories politiques, ils ne prétendent pas à la création d’un grand Etat-nation avec tous les peuples turcophones. Ils veulent une entente entre chaque pays Türk pour préserver et perdurer la culture turcique. Les finalités politiques peuvent apparaitre après avoir créer cette union et après qu’elle soit solidifier par des éléments de sentiments d’appartenance à une communauté transnationale. Le panturquisme est néanmoins souvent utilisé à des buts politiques pour désigner la grandeur de la communauté turcophone dans sa totalité ou aussi pour permettre la prise de conscience sur l’intérêt des valeurs culturelles transmis par la théorie. Le touranisme qui prévoit la création d’un grand pays qui serait le Touran montre aussi que sa finalité n’est que culturelle voire sociale et non pas politique. Elle ne prétend pas pouvoir créer un espace où 200 millions de Türks issus des espaces géographiques différents pourraient vivre en harmonie et surtout sous le même système politique. Cela révélerait de l’utopie. Or, cette espace créé culturellement pourrait être un moyen pour l’union turcophone de s’élever dans le système international. Nous pouvons comparer cette volonté d’union avec celle de l’Union Européenne qui par des raisons économiques a créer un espace politisé avec l’émergence d’une identité naissante transnational. C’est autant l’enjeu de l’UE que l’Union Türk de garder sa propre nation, nationalité, et d’être en adéquat avec les autres pays de l’union. Encore faut il que les états turcophones actuels veuillent adhérer à cet idéalisme. C’est tout là l’enjeu du panturquisme; de faire accepter son idéologie à toutes les populations turcophones sans engendrer leur système politique déjà bien installé. 4 ERTÜRK, Hocaoglu Selahattin. Türkçülük nedir? p. 35. 5 ibid. p. 7. !8 La création d’une union doit passer par plusieurs étapes. Tout d’abord nous devons identifier quelles sont les idéologies émergentes et dominantes. Pour cela dans une première partie, nous allons étudier trois grands idéologues et leur façon de définir le panturquisme. Il s’agit de Yusuf Akçura, Ziya Gökalp et de Hüseyin Nihal Atsiz. Ils sont tous les trois turcophones et Türk. Ils se revendiquent d’appartenir à la même famille turcique et montrent des ressemblances pour la finalité de l’union: celle de créer un grand espace commun à toutes les populations turcophones pour faciliter les relations économiques, politiques, culturelles et sociales. Cependant, leurs définitions sont différenciées et montrent des faiblesses. Ces faiblesses sont le fait de ne pas savoir quelle définition accepter, quel turquisme appliquer, quelle forme culturelle utiliser. Apres avoir identifier les différentes idéologies panturquistes, nous allons identifier le territoire turcophone. Il est d’une grande importance pour savoir dans quelle partie de la géographie se situe les Türks. Les Türks étaient des peuples nomades qui ont migré des terres Mongoles actuelles jusqu’en Anatolie, la Turquie actuelle. Il faut savoir aussi que les populations immigrées en Europe et en Amérique font tout autant partie de l’Union Türk. Bien que ces populations soient éparpillées dans une géographie étendue de l’Europe à l’Asie, les modes de vie et les politiques appliquées sont tout autant différentes. Le nationalisme est intervenu majoritairement dans les pays de l’Asie Centrale après la chute de l’URSS, où il y a encore la présence de plusieurs communautés autonomes et non pas indépendantes. C’est pourquoi, le fait politique national n’est pas un des éléments unificateurs. Il faut trouver d’autres éléments pour prétendre à une union. C’est là qu’intervient la culture linguistique. Ces populations sont de la même famille des langues altaïques et ont évolué au cours de l’histoire car ils se trouvaient dans différents territoires, au sein de différents empires. Si l’on prétend à une union turcique, il faut que la langue soit le moyen de communication et qu’elle puisse être identificatrice pour chacune des populations. La religion a été pendant un cours moment la raison d’une union islamique et turcique. Mais au sein des prétendues 200 millions de turcophones, il existe des minorités chrétiennes, des populations toujours chamanistes, des minorités alévies. L’union autour d’une religion transnational n’est donc pas présagée. Mais, la religion peut être un élément intermédiaire pour arriver aux fins voulues. C’est ainsi que nous étudierons notre première partie. Nous allons situer tout d’abord les théories émanantes et dominantes, puis nous essayerons d’identifier le territoire du Touran où toutes les populations seront réunies. Nous verrons, ensuite, que la langue est l’élément culturel de prédilection pour le turquisme, qui veut faire un retour en arrière et unir toutes les populations qui ont émigré vers différents horizons. !9 Après avoir identifier les éléments dominants du turquisme, nous verrons son émergence au sein de trois pays, la Turquie, l’Azerbaïdjan et la Hongrie. Le choix de ces pays a été fait par une logique de centralisation des valeurs turciques. En effet, la Turquie en 1923 déclare sa République laïque, démocratique et met en oeuvre un nationalisme étatique autour de la culture et de la langue turque. Les penseurs les plus fréquemment cités sont issus de l’Empire Ottoman. L’Empire est fragilisé à la fin du 18ème siècle et il faut trouver de nouvelles solutions pour éviter son effondrement. Le turquisme en fait parti mais n’est pas la première qui sera adaptée. Après être passé par les phases de l’ottomanisme et de l’islamisme, le turquisme refait apparition et semble être la seule applicable au niveau national. Elle permettra la création d’une pré-nation, avant même la proclamation de la République. Elle servira dans la création d’une identité révolutionnaire et pour la volonté d’indépendance durant les guerres d’indépendances menées par Atatürk. Ce dernier déclarera une politique nationaliste, basée sur le turquisme pour la création de la nation turque. La Turquie aujourd'hui préserve des relations particulières avec l’Azerbaïdjan, tous deux se déclarent de deux états mais d’une seule nation. C’est pourquoi le deuxième pays étudié est l’Azerbaïdjan. Ce pays devient indépendant avec la chute de l’URSS, mais déjà lorsqu’il appartenait au bloc soviétique, avait une tendance à vouloir nationaliser sa population. L’Azerbaïdjan est un exemple à prendre pour les différents partis politiques basés sur le touranisme. Un homme politique turquiste a même été élu premier Président non communiste, il s’agit de Ebulfez Elcibey. Ce dernier entretient des relations particulieres avec la Turquie et surtout avec le leader du parti nationaliste turc, Alparslan Türkes. Elcibey a même initié Türkes sur le signe représentatif des Türks du monde qui est le signe de la main bozkurt6 . Les relations entre ces deux pays et la montée du nationalisme entre elles montrent la volonté de créer un espace commun turcophone. Le troisième pays choisi est la Hongrie. Elle appartient à l’Union Européenne et on pourrait la qualifier plus proche culturellement de l’Europe que du monde turcique. C’est au sein de ce pays qu’un parti politique touraniste s’est créé le Jobbik pour affirmer sa provenance de l’Asie et surtout pour déclarer son appartenance à l’idéal du Touran. Au sein même de l’Europe, nous remarquons que des crises identitaires peuvent créer le rapprochement au monde turc. La Hongrie devient un exemple important surtout dans la création dans son espace national d’une revendication culturelle transnationale. Cette deuxième partie montre donc l’application des théories transnationalistes turquistes au sein de plusieurs blocs différents. 6 Le signe de la main du bozkurt représente l’appartenance au monde turcique. Il est interprété différemment selon la tendance politique. Türkes l’a utilisé comme symbole de son parti en disant que cela représentait la dominance des Turks dans le monde, voire annexe. !10 L’Union Türk est organisée de façon culturelle depuis plusieurs années. C’est ce que nous allons voir durant une troisième partie. Bien que les idéologies nationalistes montrent des différences, la finalité de l’union est de rassemblement au sein d’un même espace des populations de la même famille linguistique et culturelle. Ce n’est pas dans les pays de l’Asie Centrale que se déroule ce rassemblement, mais en Hongrie. La Hongrie organise tous les ans ou tous les deux ans un rassemblement des familles turcique et hunnique. L’ancêtre commun des deux familles serait Atilla (385-434). Le Congrès du Touran représente la culture, la langue, les sports nationaux des deux familles dans le but de se rassembler et de créer une fraternité. Nous pouvons voir que le Congrès représente plusieurs ethnies turcophones et organisé fait dans un but de partage culturel. Des organisations plus institutionnalisées existent aussi, qui relient les pays turcophones autour de centres culturels, principalement Ankara ou Astana. Ces organisations ont pour but premier de développer les recherches sur la culture, la langue, l’alphabet qui unissent les Türks. Elles ne sont pas pourtant pas très actives et restent présentes pour affirmer les relations diplomatiques entre les turcophones. Cela montre une volonté de revendication culturelle. En effet, mettre des organisations en oeuvre pour le développement de la culture et surtout de la langue commune türk permet une affirmation identitaire. C’est souvent pour cette raison que le turquisme est utilisé. Ces organisations sont liées avec les Républiques turcophones indépendantes, anciennement sous la gestion de l’URSS. Pour éviter un rapprochement entre la Russie et celles-ci, l’identité transnationale est mise en avant et permet donc de créer de nouvelles relations privilégiées. C’est aussi la raison de la fragilité du turquisme aujourd’hui. Les relations diplomatiques et politiques sont dominantes sur les relations culturelles envisagées. Nous verrons que les intérêts nationaux sont plus importants que les intérêts transnationaux de la possible union türk. Nous verrons également quels sont les problèmes qui interviennent et qui peuvent fragiliser l’union Türk tant voulue par les turcophones. Aujourd'hui les théories nationalistes sont très vite associées aux théories racistes et sont également interprétées de cette façon par les nationalistes du 21ème siècle. Le racisme, la discrimination, l’exclusion ne font pas partis du turquisme, sauf pour les penseurs contemporains comme Atsiz. Les nouveaux adhérents à la théorie prennent exemple sur le dernier penseur panturquiste et essayent de reproduire le nationalisme dans un contexte politique actuel différent. En Turquie, nous verrons qu’il s’agit d’un comportement revendicateur contre l’islamisme naissant depuis plus de 15 ans. !11 Notre mémoire est organisé d’une façon croissante. Nous identifions au préalable les définitions du panturquisme et du touranisme, nous délimitons ensuite le territoire d’une future union Türk, nous analysons par la suite les éléments qui peuvent unifier les turcophones. Nous allons ensuite voir leur application politique au sein de plusieurs pays comme dit précédemment, la Turquie, l’Azerbaïdjan et la Hongrie. Pour prétendre à une union Türk il faut d’abord stabiliser sa politique intérieure par le biais des éléments nationaux unificateurs, puis essayer de propager sa nation au sein des puissances mondiales. L’union des pays turcophones sera donc possible, avec les éléments linguistiques, culturels et politiques qui ont évolué et permis d’en identifier qu’une seule dominante. La difficulté de ce travail est la qualification d’une part des Türks. Nous utiliserons les termes de turcique, turcophone et türk. Ils ont durant ce mémoire la même signification, celle de désignait une personne appartenant à une population turcophone. Il y a aussi la difficulté des traductions des théories nationalistes turquistes. Nous avons essayé de rapporter les termes utilisés par les idéologues, sans engendrer leur façon de pensée. La majorité de la bibliographie est de langue turque. Nous avons essayé de réaliser des entretiens avec des personnes qui se revendiquent panturquiste et touraniste en Turquie. La réalisation d’entretiens a été impossible et évitée par ces derniers, car depuis le coup d’état manqué en juillet 2016 en Turquie, il y a une peur autour des dénonciations, des espionnages. Avec des entretiens, nous aurions pu identifier en Turquie les raisons pour lesquelles la jeunesse turque est attirée par le transnationalisme turcique. !12 PARTIE 1 : LE PANTURQUISME ET LE TOURANISME COMME IDÉOLOGIES UNIFICATRICES DU MONDE TÜRK C’est au début du 19ème siècle que les idéologies panturquistes et touranistes font leurs apparitions. Elles sont toutes deux liées, mais avec de semblants de différences. Dans un premier temps, nous exposerons ces différences, en mettant en lumière les principaux idéologues qui ont influencé les idéologies précédentes. Nous évoquerons les idées de Yusuf Akçura, de Ziya Gökalp et de Hüseyin Nihal Atsiz. Chacun explique sa version différente du panturquisme. Les deux premiers sont issus de la même période mais proviennent de régions différentes. Akçura utilise le turquisme comme une revendication identitaire, car il nait dans l’Empire Russe, il défendra le principe de minorité à la fois religieuse et ethnique. Quant à Gökalp, il est le premier sociologue turc et revendique plus un turquisme culturel que ethnique. Atsiz grandit pendant la première période de la République Turque, il centrera son idéologie sur le principe de supériorité de race et voudra apporter des réponses aux Turcs pendant le contexte de la seconde Guerre Mondiale. Après avoir défini ce que sont ces théories nationalistes, nous étudierons la géographie du monde turcique. En effet, les Turcs ne sont pas seulement concentrés au sein de la République de Turquie. On comptait en 1992 plus de 120 millions de turcophones dans le monde7, on peut estimer plus de 15 ans après, environ 200 millions la population mondiale de Türks. Issues de plusieurs ethnies et éparpillées dans le large continent d’Asie et d’Europe, nous listerons chacune de ces populations. Les différentes définitions du turquisme nous amènent à nous concentrer sur les éléments unificateurs des populations turcophones. Pour certains penseurs, cela peut être la langue, la culture, pour d’autres la vision plus politisée est utilisée comme les théories de la race et de la supériorité. Nous globaliserons chaque élément, pour définir ceux qui sont les plus dominants et les plus aptes à créer une union Türk. !13 1. LES DIFFÉRENTES DÉFINITIONS DU PANTURQUISME C’est pendant la fragilisation de l’Empire Ottoman que la théorie panturquiste fait son apparition. Elle devient très vite importante et logique aux yeux des révolutionnaires de l’Empire et des membres du Comité Union et Progrès8. Pendant que la majorité des pays Européens créent des nations autour d’une politique étatique nationaliste et centralisée, l’Empire Ottoman essaye toujours de se préserver, malgré son démantèlement progressif. C’est alors que des penseurs Türks prennent l’Europe comme exemple et essayent d’établir des théories nationalistes sur leur territoire également. En 1904, Yusuf Akçura (1876-1935) publie un article qui s’intitule « Üç Tarz-ı Siyâset » qui signifie « Trois styles de politiques ». Il définit trois théories qui sont applicables à l’Empire pour lui redonner une nouvelle épopée : l’ottomanisme, l’islamisme et le turquisme. La première théorie examinée est l’ottomanisme, c’est-à-dire la volonté de créer une nation ottomane. L’Empire Ottoman est composé de plusieurs ethnies et de plusieurs religions. Il compte des Turcs, des Arabes, des Albanais, des Bulgares, des Arméniens, des Grecs9 . A la même période, ces minorités prennent également exemple sur les pays Européens, surtout sur la révolution Française en avance sur le nationalisme et tentent de créer leur propre mouvement nationaliste. Pour éviter des révolutions et une guerre civile, l’ottomanisme propose d’unifier la nation ottomane, sans différence, ni de race, ni d’ethnie, ni de religion. Cela a été possible du Tanzimat10 jusqu’au début de la première guerre mondiale. Akçura se positionne contre la théorie de l’ottomanisme car l’unification des ethnies sous le nom de nation n’est pas naturelle, elle n’est pas historique. Les minorités elles-mêmes revendiquent leurs droits à l’autonomie ou à l’indépendance et forment un risque pour une nation qui se montre fragile. Cette fragilité est accentuée sur les objectifs de la nation, est-ce que dans le futur ces populations auront le même but ? Est-ce qu’elles voudront encore s’unir alors qu’il y a des risques que la population turque soit dominante et privilégiée ? Le risque peut être également la perdition progressive de la « pure » nation turque11 . Akçura voudrait plutôt utiliser l’ottomanisme, 8 La CUP (en turc Ittihat ve Terraki Cemiyeti) est le parti politique des Jeunes-Turcs. L’idéologie nationalité révolutionnaire est dominante. En 1908 se déroulera la révolution des Jeunes-Turcs qui emmènera à une nationalisation et une turquification de l’Anatolie. 9 COLAK, Çağrı. Türk siyasal hayatında türkçülük fikrinin gelişmesine yolacan etkenler. p. 68. 10 Le Tanzimat est une période de réforme sous l’ère Ottomane (1839-1869), qui apporte une promulgation d’une Constitution ottomane et qui réhabilite l’Empire durant une courte durée jusqu’à sa fin. 11 COLAK, Çağrı. Türk siyasal hayatında türkçülük fikrinin gelişmesine yolacan etkenler. p. 68. !14 comme une revendication identitaire des Turcs contre les minorités. La domination des Turcs durant cette courte période pourrait permettre d’acquérir une conscience commune et la volonté de création d’une seule et unique nation turque. C’est dans ce cas, qu’Akçura propose l’ottomanisme comme une forme de revendication identitaire mais également de propagande pour se diriger vers la théorie qu’il voudrait voir s’appliquer en Anatolie : le turquisme. Mais avant cela, il démontre que l’islamisme n’est également pas adapté pour soulever l’Empire Ottoman. Les Turcs prennent exemple sur les deux autres empires présents : l’Empire Russe et l’Empire Austro-Hongrois. Les Russes ont le soutien de l’église orthodoxe pendant que les Austro-Hongrois ont celui de l’église catholique. L’Empire Ottoman veut également le soutien de tous les pays musulmans et met donc en avant cette théorie. Cependant, l’Ottomanisme promet l’égalité entre les peuples sans différencier la religion. L’islamisme privilégierait les musulmans de la nation. Au même moment, Abdülhamit II favorise une politique d’islamisation de l’Empire et engendrent la migration des non-musulmans dans d’autres pays d’Europe12 . En parallèle, alors que l’islamisme soutient le rassemblement aux populations musulmanes, les Albanais et les Arabes préparent respectivement leurs mouvements d’indépendance. Ces deux populations sont à majorité musulmane. Les revendications et les émeutes de chaque minorité montrent que ni l’ottomanisme ni l’islamisme ne sont applicables sur le territoire ottoman. Plusieurs théories politiques ont été donc essayées durant l’Empire pour éviter sa fin et pour sauver le reste du territoire (concentré majoritairement en Anatolie). C’est alors que Akçura propose le nationalisme türk sous le nom du turquisme. Yusuf Akçura définit l’Etat-nation par une géographie déterminée par des frontières, par une langue, culture, passé et futur commun pour chaque membre de la nation13. Pour répandre le turquisme aux populations de l’Empire, il créé en 1908 avec Veled Celebi et Necip Asim le Türk Derneği qui est l’Association Turque. Le but de l’association n’est pas politique mais plutôt académique et intellectuelle. Elle se veut de faire des recherches approfondies sur l’histoire, la littérature, la langue et la sociologie des Türks. Plusieurs créations d’associations s’en suivent comme en 1912, la création du Türk Ocağı, Foyer Turc, qui prétend vouloir s’éloigner politiquement mais se rapprocher culturellement et sociologiquement des autres Türks14. Akçura 12 ibid. p. 69. 13 YILMAZ, Mehmet-Emre. Pantürkizm’den ulus-devlete Yusuf Akçura. p. 32. 14 ibid. p. 33. !15 était très actif au sein du Foyer Turc. Il publiait régulièrement ses essais et ses articles par le biais de publications périodiques dans le Türk Yurdu (Patrie Turque) et Halka Doğru (Vers le Peuple)15 . Bien qu’Akçura refuse la théorie de l’islamisme au sein de l’Empire Ottoman, il reste persuader que l’Islam est un élément unificateur pour les Türks musulmans par une future prise de conscience. C’est pourquoi, il donne fréquemment des conférences surtout pour les Türks et musulmans de Russie. Il rencontrera même Lenine en 1916 en Suisse. Il définit sa vision du turquisme par un turquisme démocratique, contre le turquisme impérialiste qu’il rejette. Il favorise cette version du turquisme et est présent durant les guerres d’indépendances vécues par la Turquie, jusqu’a sa déclaration de République démocratique, laïque et nationaliste en 1923. Akçura défend l’adoption de l’alphabet latin pour les langues türks, aux cotés du Foyer Turc et des autres turquistes comme Ziya Gökalp. Ziya Gökalp (1876-1924) est le premier sociologue turc qui met en évidence le touranisme et le panturquisme. Il évolue au fil du temps sur ces définitions mais reste sur la même base. Alors qu’Akçura se concentre plutôt sur le turquisme, Gökalp veut montrer que le touranisme est aussi une idéologie importante pour le monde Türk et en montre les différences. Pour Ziya Gökalp, ceux qui partagent la même éducation dans les domaines de la langue, de la moralité et des beaux arts appartiennent à une nation16. Son ouvrage intitulé Türkçülüğün esasları est traduit par « Les bases du Turquisme ». Il explique comment le monde Türk peut s’unir et par quelles étapes il doit passer. Il pose des frontières entre le Touran et le Türk. Les Türks de Turquie, les Türks de l’Azerbaïdjan, les Türks d’Iran proviennent tous de l’ethnie Oghouze, ils sont Turkmènes. En premier lieu, l’idéalisme des Turkmènes devrait être leur unification. Le but n’étant pas politique, il devient culturel. La création d’un pays qui unifie les Oghouzes culturellement serait le Oghouztan. L’union de la culture autour de ce pays serait le premier pas vers une union Touranienne. C’est là qu’intervient le deuxième idéalisme, dit lointain, le touranisme. Les ethnies de langues ouralo-altaïques telles que les Mongols et les Macédoniens n’en font pas partis pour Gökalp17. Le Touran regroupe les Yakoutes, les Kirghizes, les Ouzbeks, les Kipchaks, les Tatars et les Oghouzes18. Le Touran est favorisé par la langue et les coutumes communes à toutes ces tribus Türks. Il favorisera l’évolution de la langue, de la littérature et de la culture türk autour d’un seul 15 ibid. p. 34. 16 GÖKALP, Ziya. Türkçülüğün esasları. p. 22. 17 ibid. p. 27. 18 ibid. p. 27. !16 centre. Gökalp définit le Touran à la fois avec la théorie de la race et le sytème géographique avec cette citation suivante « Vatan ne Türkiye’dir Türklere ne de Turkistan, Vatan büyük ve müebbet bir ülkedir Turan. »19 (La patrie n’est ni celle de la Turquie pour les Turcs ni le Turkestan, la patrie est un grand pays qui est le Touran pour la vie). Il montre par cette phrase que l’importance pour les Türks n’est pas de créer leur propre état et d’être divisés, mais au contraire, d’être réunis à l’intérieur du même pays le Touran. Pour accéder au Touran, il faut en premier lieu créer une nation turque en Anatolie20 , puis créer un territoire commun à tous les Oghouzes et puis créer une union entre chaque ethnie pour finalement accéder à l’idéal du Touran. Le Touranisme a été possible plusieurs fois dans le passé auprès de plusieurs empires Türks. Gökalp cite les Empire des Avars (3ème siècle), des Göktürk (6-7ème siècle), des Oghouzes (8-10ème siècle), des kirghiz (7-9ème siècle), de Gengis Khan (12ème siècle), de Tamerlan (14ème siècle)21. Les théories du panturquisme et du touranisme pour Gökalp sont définies par la culture. Il différencie la culture de la civilisation. Bien qu’elles aient des points communs, la culture est propre à une nation, à une population, tandis que la civilisation peut appartenir à plusieurs populations de nations différentes. Les points communs entre la culture et la civilisation sont la religion, la moralité, le droit, l’intelligence, l’esthétique, l’économie, la langue et la science22. Considéré comme le dernier penseur du panturquisme, Hüseyin Nihal Atsiz (1905-1975) a une influence sur le turquisme d’aujourd’hui en Turquie et au-delà de ces frontières. Il est considéré comme un idéologue raciste également, car il utilise beaucoup la supériorité de la race turque comme un facteur d’union entre les turcophones. Il se demande à quelle race appartiennent les Türks. Il observe que les races aujourd’hui sont classées non par rapport à la couleur de peau mais par rapport à la langue parlée et la famille de langue. C’est pourquoi, il ne désigne pas la race turque au sein de la race blanche aryenne, mais plutôt la race jaune ouralo-altaïque. Il considère que les Türks sont de la même famille que les Mongoles, les Hongrois et les Finnois23 . On remarque la différence dans le classement des Türks entre Atsiz et Gökalp, qui celui-ci refusait l’appartenance à 19 KADIOGLU, Muhsin. Yeni bir medeniyet projesi: Hun halkarının kardeşliği turancılık. p. 30. 20 L’auteur publie cet ouvrage en 1923, date de la déclaration de la République de Turquie, ce qui montre que la première étape pour accéder au Touranisme est achevée. 21 GÖKALP, Ziya. Türkçülüğün esasları. p.29. 22 ibid. p. 30. 23 ATSIZ, Hüseyin Nihal. Türkler Hangi Irktandır? !17 la même famille que les Mongoles. Atsiz considère que l’objectif principal des Turcs devraient être le touranisme24 . Il pense que si dans le passé les Türks ont pu s’unir, aujourd’hui ils le peuvent également. Mais cette union ne doit pas être seulement basée sur l’élément culturel. Bien que la culture joue un rôle important, les relations sociales et politiques entre les peuples turcophones sont plus importantes et plus signifiantes. Après avoir accomplie l’association sociale, les Türks devront trouver un renouveau politique en mettant en avant l’union linguistique. La langue est un des éléments d’union des Türks. Mais pour Atsiz, il faut être rapide car l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et sa présence sur le territoire présumé du Touran est proche de la russification et donc de la destruction de la langue turque25 . En parallèle, les pays turcophones ne sont pas actifs dans la création du Touran car aussi bien que la Turquie comme les autres pays sous l’influence russe, manquent de culture générale sur l’histoire, la langue, la culture des Türks. Atsiz se différencie encore de Gökalp en disant que les éléments pour le turquisme aujourd’hui sont encore plus faibles qu’ils étaient avant la création de la République de Turquie. Le panturquisme est un idéal pour les Türks. Cet idéal doit être au sein de chaque tribu, pays, population turcophone. Sans idéaux, les pays ne peuvent ni évoluer le processus d’unification, ni prétendre de le faire évoluer26. Ceux qui peuvent refaire vivre le touranisme par le panturquisme aujourd’hui est la jeunesse pour Atsiz. Il définit la jeunesse Türk par deux branches, les Turcs actifs et les Turcs passifs. Etre un Turc actif pour Atsiz est à chaque fait et geste, à chaque pas dans sa vie personnelle, établir des choses en plus pour l’avancée du panturquisme. Le fait de se sentir Turc est une des étapes primordiales. Il faut être fier et le montrer, faire propager les idéologies pour se qualifier de Turc. Quant au Turc passif, il fait parti de la race turque sans être un membre actif de la future union des turcophones. Il se prétend Turc mais n’aide pas quotidiennement pour le bienfait des Turcs. Alors qu’il définit la jeunesse turque en deux, il montre que les sources du panturquisme sont évidentes par quatre points. Le premier étant que le nationalisme turc existe depuis des siècles, surtout par le biais des anciens empires türks qui ont toujours voulu s’unifier. Le deuxième est le fait que après le Tanzimat durant l’Empire Ottoman, les idéalistes ont pris l’exemple de la montée du nationalisme en Europe pour l’appliquer à la Turquie. Le troisième point est important car il concerne les éléments étrangers à la nation turque, qui ont accompli plusieurs traitrises au sein de la nation ottomane et donc qui a engendré une volonté de nationalisme turque. Et le quatrième point cité par Atsiz est le fait que depuis plus de 200 ans, les Turcs vivent des problèmes similaires et 24 ATSIZ, 25 Hüseyin Nihal. Turancılık, milli degerler ve gençlik (makaleler-1). ibid. 26 ATSIZ, Nihal. Türkçülük. !18 obtiennent à la fin une volonté d’union. C’est pourquoi, le turquisme devient panturquisme et que grâce à cette théorie, les Turcs vont pouvoir se relever, se fortifier, avancer et évoluer27 . Nous avons étudier les définitions essentiellement de la théorie panturquiste pour trois penseur emblématiques et importants dans l’histoire du nationalisme turc. Le nationalisme turc veut évoluer pour devenir un transnationalisme Türk. C’est pourquoi il est important de délimiter les frontières qui concernent ce mouvement transnational. 27 ATSIZ, Nihal. Türkçülük. !19 2. LA GÉOGRAPHIE DU MONDE TURCOPHONE Comme dit précédemment, la géographie du monde Türk ne se limite pas seulement à la Turquie. Au contraire, la Turquie n’est pas non plus peuplée seulement que de Türks. Nous allons dans cette sous-partie lister tous les pays indépendants appartenant à la famille des Türks, mais également les régions indépendantes Türks. Dans l’introduction, nous avons défini les turcophones par le terme « Türk » pour les différencier des Turcs de nationalité du pays de la Turquie. C’est également le cas pour chacun des pays et des régions que l’on citera. Nous utiliserons également l’orthographe Türk qui permet de ne pas confondre entre la nationalité et l’appartenance à la transnation. Les langues turques sont classées en six groupes. Ces six groupes ont été identifié également dans la première sous-partie. Le premier groupe est le groupe du sud-ouest des Oghouze, il y a l’azerbaïdjanais, le turc de Turquie, le turc de Crimée, le gagaouze et le turkmène. Les pays qui parlent ces langues sont les suivants : L’Azerbaïdjan, l’Iran, l’Afghanistan, la Bulgarie, la Turquie, l’Allemagne, les Pays Balkans, Chypre du Nord, les pays arabes28 . Le deuxième groupe est le groupe Kiptchak et représente les familles de langue du Nord-Ouest comme le bachkir, le karaim, le karakalpak, le karatchaï-balkar, le kazakh, le kirghiz, le koumouk, le nogaï, le tatar de Crimée, le tatar de Kazan, le tatar de Sibérie. Ces langues sont parlées majoritairement dans les pays appartenants à la Communauté des Etats Indépendants29, en Afghanistan, en Chine, en Mongolie. Le troisième groupe représente le sud-est et est le groupe tchagataï où sont parlés l’ouïgour, l’ouïgour jaune et l’ouzbek. Ces langues sont utilisées en Chine et dans les pays appartenants à la CEI. Le dernier groupe, du nord-est, est le groupe sibérien de l’Altaï qui parle l’altaïen, le khakas et le tuvinien et sont parlées en Iran, en Mongolie et dans les pays de la CEI30 . On remarque que la famille des langues turques est éparpillée entre l’Europe et l’Asie et couvre une superficie importante du monde. Le nombre de Türks se compte à partir du nombre de 28 HAZAI, György.. La question linguistique dans le monde turc actuel. p. 6. 29 La CEI regroupe 9 anciennes républiques soviétiques: l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakstan, le Kirghizistan, la Moldavie, l’Ouzbékistan, la Russie, le Tadjikistan, le Turkmenistan, la Mongolie. 30 HAZAI, György.. La question linguistique dans le monde turc actuel. p. 7-8. !20 turcophones, Atsiz arrivera au nombre de 100 millions en 193431. Comme nous l’avions déjà prétendu précédemment, nous pouvons estimer qu’en presqu’un siècle, le nombre de Türks ait pu atteindre 200 millions. Pour simplifier, nous pouvons définir deux zones géographiques. Les Türks de l’Occident se situent de l’Adriatique jusqu’au bord de la mer Caspienne. La Turquie, l’Azerbaïdjan, les régions autonomes de la Fédération russe du Caucase, les communautés turques du Sud-est de l’Europe, la diaspora turque en Europe et les turcophones d’Iran, d’Irak et de Syrie sont compris dans cet aire ci32 . Les Türks d’Orient se trouvent en Asie Centrale, donc les Républiques Turques indépendantes telles que le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkmenistan, le Kirghizistan, mais aussi des territoire non indépendants comme le Turkestan oriental en Chine (les Ouïgours de Xinjiang), le Turkestan occidental en Iran (Khorasan)33 . On remarque que beaucoup des pays appartenants aux zones turcophones ont obtenu leur indépendance qu’en 1991 avec la chute de l’URSS. C’est également la raison de leur grande influence de la langue russe au sein de leur nation. Il n’y a seulement que la République Turque de Chypre du Nord qui a été reconnue indépendante seulement par la Turquie qui a sa langue officielle qui est le turc. Nous devons citer tous les pays qui sont susceptibles de faire partie de l’Union Türk. Il y a les républiques turques : Turquie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, République Chypre du Nord, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkmenistan. Mais également les états autonomes turcs, l’Adjarie, les Adyguéens, l’Altay (Xinjiang), la Bachkirie, la Tchouvachie, le Daghestan, le Turkestan orientale, la Gagaouzie, la Khakassie, la Kabardino-Balkarie, la Karatchaïévo-Tcherkessie, la Karakalpakistan, la Ossétie-du-Nord-Alanie, les Tatars de Crimée, le Nakhichevan, les Nogaï, le Tatarstan, le Taymir, les îles Turques-et-Caïques, le Touva et la Yakoutie. Hormis les pays indépendants et les régions autonomes türks, il existe des populations minoritaires türks à travers le monde, également influencées par la diaspora importante en Europe. Il s’agit des Türks d’Afghanistan, des Türks d’Ahiska, des Türks d’Allemagne, des Türks d’Altaï, des Türks de Trakya, des Tatars de Biélorussie, des Türks de Bosnie, des Türks de Bulgarie, des Turkmènes d’Irak, des Türks de Kazan, des Türks de Kachkaïs, des Türks du Kosovo, des Türks de Mongolie, 31 ATSIZ, Hüseyin Nihal. Türk birliği. 32 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 134. 33 ibid. !21 des Türks de Pologne, des Türks Pomak, des Türks de Roumanie, des Türks de Sandžak, des Türks de Syrie, des Türks de Talas et des Türkmens. Nous remarquons donc que la famille des langues Türks est très grande mais aussi bien diversifiées. Les langues évoluent et sont influencées par les Empires qui les entourent, par les Empires qui les colonisent également. Entre toutes ces populations seulement sept sont indépendants, dont la République Turque de Chypre du Nord qui n’est pas reconnue internationalement. Pourtant, les théories nationalistes sont toujours d’actualité et veulent permettre l’union par ce lien sacralisé linguistique. !22 3. LES ÉLÉMENTS CULTURELS COMME CONDITIONS DE RASSEMBLEMENT Bien que la minorité des peuples turciques soit indépendante, l’union Türk est toujours un idéal pour certains d’entre eux. Pour se faire, il faut un élément déclencheur unificateur. On remarque que cet élément est la langue. La famille des langues turques est difficile à unir lorsque l’on voit qu’il y a des groupements par rapport à la géographie du monde Türk. Les Türks, peuples nomades durant des siècles, ont vu leurs langues évoluer. Ayant eu beaucoup d’influences, les langues Türk n’ont tout de même pas été oublié ou ignoré34. La cohabitation avec d’autres peuples ont permis un mélange interculturel. Si les relations diplomatiques ou économiques se faisaient dans la langue du coté adversaire, les Türks avaient l’avantage de s’adapter à ces alliés. La conversion à l’Islam des Ouïgour au 8ème siècle prend une nouvelle tournure dans l’histoire des langues Türks. A partir du 11ème siècle, l’alphabet arabe est adopté pour la retranscription des textes türks. La tribune Oghouze Seldjoukide qui est l’ancêtre de l’Empire Ottoman va faire de l’Islam la religion de l’Empire et va recréer une nouvelle langue qui est l’ottoman, un mélange de turc, d’arabe et de persan. Les accumulations culturelles se font en Anatolie mais également dans les autres territoires35. La langue a toujours été un facteur important dans la détermination de la grandeur d’un empire. Les pays turcophones ont voulu exiger durant leur appartenance à l’URSS la langue türk. C’est au contraire pour éviter un nationalisme naissant dans des zones soviétiques que les Russes ont décidé d’appliquer une politique de russification, que l’on peut qualifiée assimilatrice. En effet, les Russes ont pour but d’imposer la langue russe, avec l’alphabet cyrillique, la culture russe au sein des populations turcophones, l’influence également d’une littérature tournée vers la Russie. Nous remarquons que les pays turcophones sont sous l’influence de la politique de russification tandis que l’Anatolie et l’Empire Ottoman sous l’influence de l’Islam donc majoritairement de l’arabe. En 1926 se déroule le Congrès des Turcologues qui demande la création d’une Fédération de langue turque36 . Cette fédération sera utilisée pour l’adoption de l’alphabet latin au sein des populations turcophones pour moderniser la langue et se rapprocher chacune d’entre elles. 34 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 132. 35 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 136. 36 ibid. p. 136. !23 Pour la République de Turquie, la langue a été un facteur déterminant pour la création de la nation et l’importance d’unir chaque membre de sa nation. La langue officielle est le turc, mais quel turc? La Turquie a choisi d’utiliser le turc d’Istanbul comme langue officielle, en délaissant par intérêt l’ottoman37 . Il y a plusieurs facteurs qui ont fait que le turc d’Istanbul soit accepté comme langue du peuple. Le processus adopté en Turquie a été le suivant, trouver les mots turcs pour remplacer ceux qui sont en arabes ou en persans, ensuite laisser les mots arabes et persans turquifiés. Ces mots sont considérés comme turcs par la suite. Mais il y a tout de même la volonté d’utiliser l’ancien turc et de chercher les mots turcs auprès du peuple. La population turque durant l’Empire Ottoman a su préserver sa langue par l’oral. Le turc d’Istanbul est une langue parlée et non écrite, contrairement à l’ottoman qui était une langue écrite et non parlée. Bien qu’elle soit utilisée pour les affaires d’état, l’ottoman manquait de grammaire. Il y avait également une difficulté d’impression des caractères arabes, qui prenaient trop de place, qui n’étaient pas toujours compréhensibles. C’est pourquoi l’ étape d’ôter toute grammaire arabe et persan de la langue turque a été primordial. Tous les mots utilisés par le peuple turc sont considérés comme turcs, car aucune population ottomane ne savait parler l’ottoman, hormis ceux qui faisaient partis de la dynastie du Sultan. La langue a permis pour la nation turque de s’unir, elle a été un élément clef pour la détermination des frontières linguistiques de la nation. Une nation n’est pas définie seulement par sa famille linguistique, mais la langue peut apporter une différence importante. Comme le mentionnait Atsiz, les races aujourd’hui ne sont plus classées par la couleur de peau mais par la langue parlée par les populations. La langue permet à la Turquie contemporaine d’avoir une nation unie, qui pourra passer à la prochaine étape du turquisme prétendue par Gökalp. Il y a plusieurs éléments autre que la langue qui interviennent au sein de la possible union turcique. Ziya Gökalp apporte des réponses sur les questions générales du turquisme. Tous ces éléments doivent être au préalable expérimentés par la Turquie et ensuite appliqués au sein du Touran. Le droit dans le panturquisme est aussi un élément unificateur. Le droit contemporain est un exemple à suivre et permet d’enlever toutes les traces de la théocratie et du cléricalisme pour permettre une jurisprudence adéquate avec le modernité. Le turquisme doit permettre l’égalité entre tous, les égalités culturelles, religieuses, linguistiques. Si un élément est contre la justice, elle doit être ôtée du droit contemporain turc38 . La religion qui ne serait pas la jurisprudence du Touran joue un rôle important dans l’acceptation de la langue. Comme nous l’avons vu, l’alphabet arabe avait 37 GÖKALP, Ziya. Türkçülüğün esasları. p. 87. 38 GÖKALP, Ziya. Türkçülüğün esasları. p. 131. !24 été adopté car les Türks avaient accepté l’Islam. L’arabe étant la langue officielle du Coran, il serait difficile de nationaliser également des écrits saints. Or, l’imam Azam Ebu Hanife (699-769), qui est le fondateur de l’école de jurisprudence Hanifi, a étudié la question de récitations des sourates dans la langue nationale du pays et il l’a autorisé39 . Les sourates durant les rites musulmans et les prières quotidiennes peuvent être récitées en langue nationale. Cependant, cette acceptation ne fait pas l’unanimité de tous et la volonté de turquifier les éléments religieux peut être un élément déclencheur inverse de rébellion contre le nationalisme. Le Coran a été traduit pour la première fois en turc en 1932, ce qui a été suivi par l’essai de l’appel à la prière (ezan) en langue turc. Ziya Gökalp défend cette idée dans un de ces poèmes qui dit que « Les mosquées dans un pays peuvent réciter l’ezan en turc » ou encore « Dans les écoles coraniques d’un pays, le Coran peut se lire en turc ». En 1950, après avoir instauré le multipartisme en Turquie, l’ezan est de nouveau récité en arabe. Tous les éléments culturels, la langue, le territoire, la religion sont utilisés pour créer une union türk. Apres avoir évoqués les éléments culturels, nous nous demandons où est ce que la politique se situe. Le panturquisme n’est pas politique, le touranisme ne l’est pas non plus. Ce ne sont pas des partis politiques, ni des idéologies politiques, bien qu’elles soient dirigées vers un transnationalisme. Le turquisme apporte des réponses dans les domaines scientifiques, philosophiques et esthétiques. L’utilisation de ces éléments unificateurs veulent permettre l’union et la compatibilité entre les peuples turciques. Celles-ci seront permises encore une fois grâce à la jeunesse turque selon Gökalp qui dit « Ey bugünün Türk genci! Bütün bu işlerin yapılması yüzyıllardan beri seni bekliyor »40 (Ey Grande jeunesse türk! Depuis des siècles, toutes ces choses n’attendent que toi pour se réaliser). Dans cette partie, nous avons définis les différentes théories transnatioanlistes touranistes et panturquistes. Qu’elles soient basées sur la race, la culture, la langue ou la religion, ces théories ont qu’un seul but : l’union de toutes les populations membre des familles de langues turques. La possibilité de cette union est encore à voir au cours de ce mémoire, mais il y a des conséquences qui sont importantes à désigner. Premièrement, quelles définitions choisir? Celle qui date du début du 19ème siècle et qui est culturelle ou celle qui est contemporaine mais plus raciste? Ceux qui adopteraient les théories panturquistes auraient un dilemme et devraient choisir entre ces deux cas 39 ibid. p. 133. 40 GÖKALP, Ziya. Türkçülüğün esasları. p. 143. !25 de figure. Mais si ce dilemme est possible dans une nation comme la Turquie, elle le sera aussi dans les autres pays indépendants ou dans les régions autonomes Türks. Il faut revoir la définition donc du turquisme pour qu’elle puisse être universelle. Mais nous allons accepter durant ce mémoire, le panturquisme comme une idéologie basée sur l’union culturelle des pays turciques. Le deuxième problème qui survient dans cette première partie est la nature de l’union linguistique. Durant des siècles, le turc a changé d’alphabets, d’empires, de territoires. Bien qu’elle ait gardée des bases solides communes à chacun des groupes linguistiques, elle demeure néanmoins fragilisée. Il faut par la suite que l’on accepte le fait que la langue ne sera jamais la même pour toutes les populations mais qu’elle est le lien entre chacune d’entres elles. Le turquisme est donc à la fois un idéalisme national propre à chacune des populations et à la fois permet l’union de toutes ces populations. C’est ce que nous allons voir dans une deuxième partie. !26 PARTIE 2 : LES ORGANISATIONS POLITIQUES AUTOUR DU PANTURQUISME Après avoir défini le panturquisme, nous devons voir comment cette théorie a pu être appliqué dans le monde turcique. Nous avons choisi d’étudier trois pays appartenant au monde Türk et à l’idéal touranien. Le premier pays choisi est la Turquie. La Turquie représente aujourd'hui majoritairement les Türks et prétend avoir un rôle dominant dans la gestion des relations entre les pays turcophones. La Turquie est la première République déclarée, elle a eu un début de République nationaliste, elle a imposé une nouvelle langue et un nouvel alphabet basé sur les volontés et les attentes de ces voisins turcophones. Les premiers penseurs du turquisme sont nés sur le sol anatolien, grâce à la fragilisation de l’Empire Ottoman. La Turquie est le pays le plus puissant du monde turcophone. Il est également candidat à l’adhésion de l’Union Européenne. La Turquie peut être donc un modèle d’évolution et de puissance mondiale. La Turquie est souvent considérée comme le centre culturel du Touran. Le deuxième pays étudié sera l’Azerbaïdjan. Pays avoisinant la Turquie, il est au centre de l’Asie centrale et de l’Orient. Il est passé la période soviétique et a donc été indépendant tardivement en 1991. L’Azerbaïdjan est donc passé par des périodes de communisme, pour ensuite essayer les théories nationalistes panturquistes. Il sera intéressant de voir comment cette nation récente arrivera a concilier le transnationalisme panturquiste et l’évolution propre de sa nation. La Hongrie est le troisième pays étudié. Membre de l’Union Européenne, elle a à premier abord pas de liens avec le turquisme. La Hongrie est pourtant un des pays les plus actifs concernant le touranisme et a permis l’avancement du Touran sur son propre sol. Nous verrons comment un pays politiquement propre de l’Europe se revendique culturellement proche des Türks. !27 1. L’EFFONDREMENT DE L’EMPIRE OTTOMAN ET L’ÉMERGENCE DE PENSEURS PANTURQUISTES EN ANATOLIE Le panturquisme en Turquie a été introduit dans la première partie avec les différents penseurs qui ont émergé et qui ont permis la construction d’une identité transnationale türk au sein de plusieurs pays, mais au préalable en Turquie. En 1923, la déclaration de la création de la République de Turquie est proclamée. La Turquie est maintenant indépendante, elle n’est plus un Empire. Elle supprime aussitôt le califat islamique et déclare une laïcité à la française. Atatürk, créateur de la République turque et premier Président de la Turquie, a pris exemple sur les nationalismes en Europe pour permettre à son pays d’évoluer dans le nationalisme sans entrer dans des excès incontrôlables. C’est pourquoi durant la première période de la République, il y a un monopartisme politique. Bien que le turquisme ait été un élément essentiel durant la révolution des Jeunes-Turcs en 1908 et durant les guerres d’indépendances sous le contrôle d’Atatürk, pendant les premières années de la République le but est de créer et surtout maintenir une nation turque. Il est indéniable d’accepter l’influence de la révolution Française sur le nationalisme turc. Bien avant la création de la République, il y a la création d’une « pré-nation », pour déterminer la volonté politique, sociale et économique de la nation41. C’est avec cette nation pré-établie que la Turquie va pouvoir se déclarer indépendante et commencer ces recherches sur le turquisme ou plutôt sur l’union des Türks. L’Empire Ottoman a laissé une des grandes influences sur le monde Türk : l’islam. C’est pourquoi, Yusuf Akçura, qui refusait la création de la nation ottomane, acceptait la création d’une nation turque basée sur une race. Ces recherches étaient dirigées vers une union Türk mais islamique42 . La République évincera cette volonté islamique de s’unir et se rapprochera également de l’Occident. Pour certains penseurs, c’est une étape importante pour la réalisation de l’union, pour d’autres, cela empêche les possibilités de rapprochement avec l’orient, dont les populations sont à majorité turcique. 41 COLAK, Çağrı. Türk siyasal hayatında türkçülük fikrinin gelişmesine yolacan etkenler. p. 64. 42 LEBEROV, Faik. Türkiye-Azerbaycan ilişkilerinde. Türk Birliği fikrinin başları). p. 7. !28 önemi (XX yüzyıl-XXI yüzyılın La République ne délaisse pas l’union Türk mais avance à un rythme plus réduit. La Turquie n’oublie pas pour autant son nationalisme étatique. Elle adopte l’ancien turc comme langue officielle, elle place dans sa constitution qu’il existe qu’une seule et unique nation, la nation turque, malgré le fait plusieurs ethnies cohabitent toujours ensembles (Lazes, Kurdes, Turcs, Adyguéens, Zaza)43. Même s’il y a volonté de se rapprocher du monde turcique, il y a aussi une impossibilité. La raison est que la majorité des pays turciques sont membres de l’URSS et donc sont empêchées de prétendre à un nationalisme. Durant la deuxième guerre mondiale, nous remarquons la montée du nationalisme extrémiste avec le Nazisme et son génocide qui aura marqué l’histoire. Beaucoup de peuples sont influencés par le nationalisme pendant cette période de l’histoire, c’est le cas du Hüseyin Nihal Atsiz et ses compagnons idéologiques. Le premier ministre de l’époque Şükrü Saracoğlu annonce en 1942 une politique de panturquisme en disant « Biz Türk'üz, Türkçüyüz ve daima Türkçü kalacağız. Bizim için Türkçülük bir kan meselesi olduğu kadar bir vicdan ve kültür meselesidir. Biz azalan veya azaltan Türkçü değil, çoğalan ve çoğaltan Türkçüyüz. Ve her vakit bu istikamette çalışacağız.44 » (Nous sommes Turcs, Turquistes et nous resterons Turquistes. Pour nous, le turquisme n’est pas seulement une histoire de sang, c’est aussi une histoire de conscience de de culture. Nous ne voulons pas réduire le turquisme, nous voulons le faire évoluer. Nous travaillons pour arriver à cette direction). Malgré cette déclaration du Premier Ministre, Atsiz lui répond en se plaignant de sa politique trop « proche du communisme » à son gout dans la revue Orhun en avril 1944. Atsiz, ayant prononcé des menaces envers le Premier Ministre Turc, sera poursuivi en justice, et l’audience aura lieu le 3 mai 194445. Avec Atsiz seront jugés les présumés panturquistes, accusés de racisme et touranisme, interdits à l’époque. Ce qui est paradoxale, c’est que Şükrü Saracoğlu déclare ouvertement sa sympathie pour ces théories également. Atsiz n’est pas le seul accusé, avec lui nous trouvons Zaki Velidi Togan, Hasan Ferit Cansever, Alparslan Türkes, Nejdet Sancar, Fethi Tevetoglu, Orhan Sair Gökyay, Reha Oguz Türkkan, Hüseyin Namik Orkun, Sait Bilgiç, Zeki Özgür, Ismet Tümtürk, Hikmet Tanyu, Hamza Sadi Özbek, Muzaffer Eris, Cebbar Senel, Nurullah Bariman, Fazik Hisarcikli, Yusuf Kadigil, Fehiman Altan et Saim Bayrak46. 43 ELEBEROV, Faik. Türkiye-Azerbaycan ilişkilerinde. Türk Birliği fikrinin önemi (XX yüzyıl-XXI yüzyılın başları).p. 14. 44 TBMM, Zabit Cerideleri. 5 aout 1942, volume 27, pp. 24-25 45 SEFERCIOGLU, Necmeddin. 3 mayıs 1944 ve türkçülük davası. p. 7. 46 ibid. p. 23. !29 Les noms que nous allons retenir sont ceux de Atsiz et également de Alparslan Türkes. Türkes est à ce moment lieutenant de l’armée de terre et sera le fondateur du Parti d’Action Nationaliste en 1969. Ils seront tous deux jugés à 10 ans de prison ferme et détenus jusqu’à septembre 1945. Le 3 mai de cette même année a eu lieu la première commémoration de ce cas de justice et a été décrété comme le jour du turquisme. Chaque année, à la date du 3 mai, les turquistes et les touranistes de Turquie se rejoignent dans la capitale à Ankara et organisent une manifestation et un rassemblement à Anitkabir, le mausolée en l’honneur d’Atatürk. Mais ils se regroupent également à Istanbul, au mausolée de Atsiz pour célébrer cette journée. Le Parti d’Action Nationaliste (Milliyetçi Hareket Partisi; MHP) quant à lui se revendique du nationalisme turc, de l’idéalisme turc (ülkücülük), de la théorie des 9 lumières de Türkes (dokuz ışık) et de la synthèse islamo-turc du nationalisme. Les neufs lumières défendues par Türkes sont les suivantes: le nationalisme, l’idéalisme, la moralité, la science, le socialisme, l’intérêt pour les villageois, le libertarianisme, le développement et le populisme et l’industrie et la technique47 . En ayant créer un parti nationaliste, Türkes veut faire accepter ces lumières à tous membres de la nation turque. Il défend également les minorités religieuses comme le alévisme qu’il considère comme la religion des Türks. Les Türks ayant acceptés l’Islam comme religion d’état ont voulu l’assembler avec leur culture chamaniste qui a donné lieu à l’alévisme. Les alévis sont majoritairement présents dans les tribus Turkmènes. Nous remarquons que les enjeux politiques du pays et de la nation turque ont empiété sur les idéologies turquistes. Bien qu’elles soient présentes au sein de la nation turque et qu’elles soient importantes pour la jeunesse turque, le touranisme et le turquisme sont vus comme des idéologies racistes et discriminatoire. C’est pourquoi, l’acceptation de la religion dans la théorie peut affaiblir ces pensées, comme l’a fait Türkes. En parallèle, après ce cas de justice, Atsiz se montrera de plus en plus sévère, il se décrira comme anti-islam, anticommuniste et favorisera ces articles sur la définition du turquisme basée du la théorie de la race. Avant sa mort, il laissera une lettre à son fils, Yagmur Atsiz où il le préviendra des ennemis de la Turquie. Il lui dira d’être un bon Türk, de considérer le communisme comme la théorie ennemie, les Russes, les Chinois, les Grecs, les Juifs sont les ennemis historiques des Türks. Les Bulgares, les Allemands, les Italiens, les Anglais, les Français, les Arabes, les Croates, les Serbes, les Espagnols, les Portugais et les Roms sont des nouveaux ennemis. Les Arméniens, les Kurdes, les Bosniaques, les Albanais, les Pomaks, les Lazes, 47 TÜRKES, Alparslan. Millî Doktrin Dokuz Işık. 1965, Hamle Basın Yayın., İstanbul, p. 15 !30 les Georgiens, les Tchétchènes et les Lezgins sont les ennemis de l’intérieur, ils sont présents au sein de la nation turque. Puis il cite les ennemis de demain qui seront les Japonais, les Afghans et les Américains48. Il souhaite bon courage à son fils pour la transmission de ces informations. La Turquie compte plusieurs organisations associatives à son actif d’idéologies turquistes. Nous pouvons citer la première association panturquiste qui a été créé par Yusuf Akçura en 1912, le Foyer Turc (Türk ocaklari) qui est associé avec la revue turquiste Türk Yurdu (la Patrie Turque) créé en 1911 qui utilise le slogan de Gaspirali « Dilde, Fikirde, Iste Birlik » (l’union linguistique, dans les idées et dans le travail). Cette association est présente dans toutes les grandes villes de Turquie et bien qu’elles soient turquistes, elle favorise une idéologie centralisée sur les événements de la Turquie. Il y a également l’association des Turquistes du Tanridag (Tanrıdağ Türkçüler Derneği) créé en 2014 à Ankara. Cette association présente un aspect plus raciste, qui met en avant la « race » turque en supériorité par rapport aux autres « races ». Pour notre mémoire, nous avons essayer de rencontrer des adhérents à ce parti, en observant leur organisation durant la fête nationale du 29 octobre. Une manifestation et une marche ont été organisé qui partait du centre d’Ankara à Kizilay jusqu’au mausolée d’Atatürk. Les adhérents sont peu nombreux, ils affichent leur sympathisant au touranisme avec l’exposition des drapeaux des Républiques turcophones indépendantes par exemple. La majorité des manifestants sont des jeunes étudiants. Ils sont également assez proches et se montre comme une famille. Les slogans utilisés étaient de revendication politiques, ils s’affirment être des soldats d’Atatürk (Mustafa Kemalin askerleriyiz), ils défendent l’appartenance de Kirkouk à la nation türk (Kerkük, Türktür, Türk kalacaktir; Kirkouk est turc et restera turc). Ils ont également des slogans racistes comme Atsız Ata var olsun Türk ırkı sağolsun qui signifie « Vive le leader Atsiz et merci à la race turque ». Ils se revendiquent comme héritiers de l’idéologie de Atsiz tout particulièrement et organisent des visites au mausolée de Atsiz pour sa commémoration de l’anniversaire de sa mort. Une fois arrivée au mausolée Anitkabir, ils récitent des chants nationalistes comme le Izmir marşı (l’hymne d’Izmir) et le Cumhuriyet marşı (l’hymne de la République)49 et bien sur l’hymne nationale turque. Lors de l’entrée dans le mausolée, ils pratiquent la tradition du Diz Vurma (l’agenouillement devant Atatürk). Dans les romans d’Atsiz, il évoque souvent cette tradition qui était pratiquée pour montrer son respect et sa sympathie. Ils ont également des branches de leur association à Izmir, Aydin, Karahmanmars et Kirikkale. 48 ATSIZ, 49 Hüseyin Nihal. H. Nihal Atsiz’in Vasiyeti. http://www.nihal-atsiz.com/yazi/h-nihal-atsizin-vasiyeti.html voire annexe. !31 Genç Atsizlar (les Jeunes Atsiz) est un mouvement qui se revendique de panturquiste et de touraniste sous l’influence de l’idéologie d’Atsiz. Ils diffusent leurs idées et leurs articles dans la revue Ötüken. L’association est créé en 2014 alors que le mouvement a débuté en 2005. Nous voyons que les associations turquistes sont divisées également et ne font pas l’unanimité dans la pratique de l’idéologie touraniste. Ils ne sont pas actifs sur la totalité du territoire turc et l’accès y est limité. Ils ont essayé de se regrouper autour d’un nouveau parti politique créé en 2008 qui est le Hak ve Eşitlik Partisi (Parti du Droit et de l’Egalité) symbolisé par un aigle et non pas un loup gris comme les précédentes associations. Beaucoup de turquistes se retrouvent dans ce parti car il se revendique de kémaliste et du nationalisme turc de droite. En Turquie, les créations des associations turquistes ou touranistes et même les créations des partis politiques sont limitées car la Turquie connait plusieurs coups d’états et voient durant des décennies perdurer la guerre idéologique entre la gauche communiste et la droite nationaliste. Cela a été le cas durant les années 1970 mais surtout 1980. Il y avait un réel problème de sécurité qui avait lieu avec des assassinats arbitraires entre les deux camps idéologiques. Apres le coup d’état, les tensions sont retombées car la majorité des militants du communisme ou du nationalisme turc ont été arrêté, jugé, parfois condamné à mort, exilé en Europe. Le turquisme est passé donc par une période difficile et s’est freiné durant cette décennie. C’est d’ailleurs à la fin du 19ème siècle que le nationalisme Türk fait son apparition dans d’autres pays turcophones comme l’Azerbaïdjan. !32 2. LES CONSTITUTIONS POLITIQUES EN AZERBAIDJAN AUTOUR DES IDÉOLOGIES TRANSNATIONALISTES En 1918, l’Azerbaïdjan déclare la création de sa République démocratique et laïque. La prise de la capitale par les forces armées Russes débute l’occupation du pays par la Russie à partir de 1920. Elle sera indépendante en 1991, après la chute de l’URSS. C’est au début du 19ème siècle que les premières organisations du turquisme ont lieu en Azerbaïdjan50 . En 1911 est créé le premier parti politique turquiste et touraniste, le Türk Federal Müsavat Halk Partisi51 (Parti Müsavat Populaire du Peuple Turc). Avant même de passer par la phase nationale puis transnationale, ce parti revendique les liens familiaux avec tous les autres turcophones et revendique un transnationalisme türk. L’objectif de ce parti n’est pas seulement la création d’une union culturelle entre les pays turciques mais la création d’un mouvement transnational qui aboutirait à la création d’un regroupement de tous ces pays concernés. C’est à partir de la moitié du 19ème siècle que ces idéologies prennent de l’ampleur et deviennent importantes. Mirza Fethi Ali Ahundzade (1811-1878) se rend en 1863 à Istanbul pour militer pour l’adoption de l’alphabet latin et donc la suppression de l’alphabet arabe pour les langues turques. Melekzade Hasan Bey Zerdabi, quant à lui, sort le premier journal en langue türk en Russie, où se trouvent des articles en faveur du regroupement des langues turques. Ces regroupements de langues sont accentués par la volonté de création d’une langue unique turque. Le penseur le plus influent sur la question du turquisme en Azerbaïdjan reste Hüseyinzade Ali Turan (1864-1940). Durant le 20ème siècle, il milite pour le touranisme en démontrant que les peuple Azerbaïdjanais, Kazakhs et Tatars ne sont pas des peuples à part, mais sont tous Türks et doivent être unis par le lien linguistique au préalable52. Ces idées sur le panturquisme et le touranisme sont assez similaires car il n’y voit aucunes différences, car tous deux ont une fin évidente pour les peuples turciques : l’union autour des mêmes valeurs culturelles. Akçura considère Hüseyinzade comme le premier touraniste. 50 TÜRK, Fahri. Azerbaycan’da Türkçü ve Turancı siyasal partiler. p. 144. 51 ibid. p. 145. 52 TÜRK, Fahri. Azerbaycan’da Türkçü ve Turancı siyasal partiler. p. 146. !33 Durant plusieurs décennies, les Azerbaïdjanais, contrairement à la Turquie, ont créé des partis politiques dont l’idéologie première est le panturquisme. Nous avons classés les partis politiques les plus importants dans cette sous-partie. Nous avons vu, par ailleurs, que l’Azerbaïdjan a eu sa période turquiste au même moment que la Turquie. C’est une prise de conscience du retard pris par les pays d’Eurasie par rapport à l’Europe. Néanmoins, Mehmet Emin Resulzade (1884-1955) créé le parti Müsavat. Tout comme Akçura, les liens entre le panturquisme et le panislamisme n’était pas très clair et c’est au fur et à mesure que les différences se sont montrées. L’idéologie dominante du parti était le panislamisme car il y avait une volonté d’union de tous les musulmans. Il faut savoir que beaucoup de pays turcophones à majorité musulmane n’étaient pas indépendants53. Le choix du panislamisme se faisait naturellement car la religion était un facteur d’union. Le parti remarque quelques années plus tard que la religion n’est pas le facteur le plus unificateur entre les populations turcophones. Certains turcophones sont musulmans, d’autres sont encore dans la croyance chamaniste, d’autres convertis au christianisme. Mais le point commun entre tous ces Türks, malgré la différence religieuse, peut être la culture commune. C’est là qu’intervient plus rigoureusement la théorie du panturquisme. C’est durant la première assemblée du parti en 1917 que le choix est dirigé vers le panturquisme plutôt que le panislamisme. En 1919, alors que le parti organise sa deuxième assemblée, les idées sont plus claires pour l’acceptation d’un objectif commun, celui de créer une union turcophone. Les autres organisations autour du panturquisme sont possibles après la chute de l’URSS, qui entraine l’indépendance de l’Azerbaïdjan. Celui-ci est divisé en deux, entre les leaders qui restent sur l’héritage communiste des Soviétiques et les autres qui aimeraient un renouveau politique avec l’instauration d’une République démocratique et laïque. Entre les années 1989 et 2013, l’Azerbaïdjan compte 56 partis politiques dont dix partis turquistes. Les partis nationalistes turciques enregistrés officiellement sont le Müsavat, le Büyük Kurtulus Partisi (BKP), le Milli Kurtulus Partisi (MKP) et l’Azerbaycan Dünyevi Bozkurt Partisi (ADBK)54. Les partis panturquistes azerbaïdjanais sont majoritairement basés sur l’union culturelle des Türks, à la différence de Atsiz qui revendiquait l’union raciale des Türks. L’idéal politique serait 53 ibid. p. 148. 54 TÜRK, Fahri. Azerbaycan’da Türkçü ve Turancı siyasal partiler. p. 152. !34 une union démocratique et égalitaire entre toutes les populations turcophones au sein d’une même patrie. Le seul parti qui défend l’idéologie raciste d’Atsiz est le MKP55. Juste avant l’indépendance du pays, Ebulfez Elcibey (1938-2000) organise en 1988 le Azerbaycan Halk Cephesi (Front Populaire de l’Azerbaïdjan) contre l’occupation de l’URSS. En 1993, le front compte plus de 2 millions d’adhérents et de sympathisants. C’est la raison pour laquelle en 1992 Elcibey est élu le premier Président non communiste de l’Azerbaïdjan56. Il exercera ces fonctions durant une année. Le parti politique est passé par plusieurs phases pour enfin accepter le nationalisme türk comme idéologie dominante, aux cotés du libéralisme économique. Après la mort d’Elcibey, le parti s’est scindé en deux, les sympathisants conservateurs ont décidé de se diriger vers le Müsavat, et les libéraux ont continuer au sein du Front. En 1992 est créé le Bozkurt Partisi (le Parti du Bozkurt) par İskender M. Hamidov. Le mot bozkurt renvoie à une mythologie turque. Le bozkurt est le loup gris mythifié, aujourd’hui est le nom des sympathisants du mouvement turc nationaliste. Il émane d’une légende de la création de la première dynastie turque, où dix frères seraient nés d’une union d’un loup envoyé par Tengri (le Dieu-Ciel) et d’un jeune guerrier blessé. Deux des dix frères sont Buman Kagan qui gagnera en 552 la Mongolie et Istamï Kagan qui permit l’expansion du pouvoir des Türks vers l’ouest57 . Le bozkurt représenterait donc cette louve couramment appelée Asena. Le parti sera dans un premier temps validé par le Ministère de la Justice puis supprimé de la liste des partis politiques officiels car le nom Bozkurt était considéré comme l’apologie du racisme58. Malgré le changement du nom du parti, il sera ré enregistré seulement en 2008. L’idéologie du parti est ultranationaliste et soutient la politique nationale de Turquie. Le parti défend la collaboration entre les pays turcophones. Il se divisera en deux et ne sera pas aussi actif qu’à ses débuts. En 1992, il y a également la création du Turan Partisi (le parti du Touran) par Nimet Panakov. Ce dernier se décrit comme turquiste et touraniste. Il considère l’Azerbaïdjan seulement comme un territoire dont le nom est l’Azerbaïdjan, mais qu’il appartient au Touran59. En 1998, Vügar Beyturan créé le Türk Milliyetçi Partisi (le Parti Nationaliste Türk) qui défend les indépendances politiques, sociales et économiques des pays turcophones. Il propose un 55 ibid. p. 153. 56 ibid. p. 150. 57 BAZIN Louis. Les premières inscriptions turques (VIe-Xe siècles) en Mongolie et en Sibérie méridionale. p 56. 58 TÜRK, Fahri. Azerbaycan’da Türkçü ve Turancı siyasal partiler. p. 155. 59 ibid. p. 158. !35 rassemblement de ces pays en prenant comme exemple l’Union Européenne. En effet, l’UE a rassemblé plusieurs pays de l’Europe, dont les cultures, les langues et les religions sont similaires et compatibles, dans un but premier économique puis politique. Il donne d’ores et déjà un nom à cette future union qui serait le Türk Dünya Ordusu (l’Armée Mondiale Türk)60. Créé en 2003, le Büyük Kurtulus Partisi (le Grand Parti de Libération) propose quant à lui une union économique et politique entre les pays turcophones61. Il défend en premier lieu la langue türk, si unifiée serait une langue internationale à la même place que l’anglais. Ce parti pense que l’union turcique peut permettre d’être à la tête du système mondial. Après avoir citer les différentes organisations politiques autour du turquisme, nous revenons sur les idéologues qui ont influencé ces partis. Il y a en premier comme nous l’avons déjà dit, Hüseyin Ali Turan, qui est un des premiers penseurs de l’organisation internationale turcique. Il publie un poème qui propose une union des Türks qui se poursuivra par un article scientifique intitulé Osmancılık, Islamçılık ve Türkçülük (l’Ottomanisme, l’Islamisme et le Turquisme)62. Au sein de cet article, il refuse tout comme Akçura la notion d’Ottomanisme, car elle ne regroupe pas tous les pays turcophones. Il propose également une union turcique et musulmane pour faire perdurer la culture turque. Ces idées sont diffusées dans plusieurs pays tels que l’Azerbaïdjan, la Turquie, le Turkestan et la Crimée63 . Avec la création de la première République Azerbaïdjanaise, les idées de rassemblement autour du Touran deviennent de plus en plus fréquentes. Muhammed Emin Resulzade, créateur de la République en 1918 et dont il est le premier Président démocratique, est également le premier leader du parti Müsavat. Il défend le touranisme en disant : « Yeni Turan, kültürel birlik üzerinde kurulmuştur ancak gelecek birer Türk hükümetlerinin federasyonu şeklinde tasavvur edilebilir. Azerbaycan da bu gelecek Turan zincirinin önemli bir halkasıdır».Ona göre, «Turan'ın merkezinde Azerbaycan" adlı bir ülke olmuştur ki, «yeni Turan'ın anahtarı» ondadır. Yeni Azerbaycan Türk ocağı, eski-eski Türk yurdudur. »64. Dans cette déclaration, il dit que le nouveau Touran est créé sur une union culturelle mais qu’elle sera possible avec la fédération de chacun des pays indépendants Türks. L’Azerbaïdjan serait la clef de cette union et le centre du Touran 60 ibid. p. 159. 61 ibid. p. 160. 62 LEBEROV, Faik. Türkiye-Azerbaycan ilişkilerinde. Türk Birliği fikrinin önemi (XX yüzyıl-XXI yüzyılın başları). p. 4. 63 ELEBEROV, Faik. Türkiye-Azerbaycan ilişkilerinde. Türk Birliği fikrinin önemi (XX yüzyıl-XXI yüzyılın başları). p. 5. 64 ibid. p. 8. !36 également. Le nouvel Azerbaïdjan est le foyer des Türks et l’ancienne-ancienne patrie des Türks. Resulzade affiche que l’Azerbaïdjan est le centre du Touran, on y voit un nationalisme dans le transnationalisme défendu. Le drapeau de la République Azerbaïdjanaise serait également adapté au touranisme avec le bleu qui symbolise le turquisme, le vert l’Islam et le rouge qui montrerait la révolution. Le drapeau serait inspiré par une citation de Gökalp « Türk milletindenim, İslam ümmetindenim, batı medeniyetindenem » (Je suis de la nation turque, de la oummah musulmane et de la civilisation occidentale). Le premier groupe politique opposé à l’occupation des Russes était les Turquistes. Pendant l’annexion de leurs pays au bloc soviétique, ils perdurent et répandent l’idéologie panturquiste par le biais d’articles scientifiques, dont les auteurs sont Hüseyin Cavid, Ahmet Cevid et Emin Abid, principalement65. Ahmet Cevid a été un acteur important de l’expansion des idéaux turquistes et touranistes en Azerbaïdjan66 . Il apprécie et respecte beaucoup l’histoire, la littérature et la culture de la Turquie. C’est pourquoi il est en relation avec son pays voisin turcophone. Il pense également que le centre du Touran serait l’Azerbaïdjan, pour sa position géographique et son histoire nationale. Dans ce pays de Touran, il revendique une seule et unique langue Türk, qui serait l’élément unificateur à chacun des pays turcophones, il en fait part dans ses poèmes67 . L’Azerbaïdjan a été plus active que la Turquie malgré son appartenance au bloc soviétique. Le pays montre que le fait d’organiser des partis politiques autour du turquisme est une revendication identitaire contre la russification forcée pour les relations économiques, politiques et culturelles avec la Russie. Malgré les volontés de turquisme, on remarque que l’Azerbaïdjan a perdu du temps durant son occupation. L’Azerbaïdjan est un exemple de pays turcophone, qui a des liens forts avec la Turquie, quant à son histoire commune et à sa langue similaire. Nous allons étudier maintenant la Hongrie, qui est historiquement un pays Européen, qui a une culture proche des pays Occidentaux. Malgré cela, une minorité politique hongroise se revendique appartenir à la famille du Touran. 65 ibid. p. 10. 66 MEMMEDLI-SARACLI, Afina. Azerbaycan’in istiklal sairi Ahmet Cevat’in türkçülük ve turancılık faaliyetleri. p. 63. 67 MEMMEDLI-SARACLI, Afina. Azerbaycan’in istiklal sairi Ahmet Cevat’in türkçülük ve turancılık faaliyetleri. p. 72. !37 3. UN PAYS DE L’UNION EUROPÉNNE MEMBRE D’UNE POSSIBLE UNION TÜRK: LA HONGRIE La Hongrie est le pays des Magyars. Les Magyars appartiennent à la famille de langue finno-ougrien, originaire d’Asie Centrale. Si l’on prend en compte la définition de Gökalp, les Hongrois ne font pas partis des pays appartenants au Touranisme. Quant à la définition d’Atsiz, les Hongrois sont des proches de la famille des Türks et sont donc compris dans le touranisme. Le touranisme pour les Hongrois une forme aussi de rapprochement politique et économique avec la Turquie et d’autres pays turcophones comme le Kazakhstan. Ces relations peuvent avoir également un impact sur les liens entre la Turquie et l’Union Européenne car la Hongrie est membre depuis 2004. D’un autre coté, la Hongrie est avantageuse si elle se rapproche d’une union du Touran car elle pourra entretenir des relations privilégiées avec les pays musulmans turcophones68. Le Touraniste n‘est pas seulement celui qui appartient aux familles des langues turciques, mais également celui qui connait les populations Türk et les géographies turcophones. C’est également celui qui connait la culture turque et qui a la volonté de répandre le touranisme dans le monde entier. La défense du touranisme et de ces populations est un des but premier pour être considéré comme touraniste. Il faut également être contre l’assimilation de ces peuples à l’égard d’autres cultures. La définition du touranisme est également paradoxale vu qu’elle veut montrer la supériorité de la race turque sans autant faire de racisme ni d’actes discriminatoires. On peut penser que ce racisme ci prétend être celui au sein du Touran, il ne concernerait donc pas les autres nations. Les membres du Touran doivent également favoriser une entente économique qui passerait par le profit des ressources naturelles de son territoire en premier lieu aux membres de l’union69. Les Hongrois font donc t-ils partis de ce Touran ? S’ils se revendiquent comme tel, c’est que déjà en 902 Arethas écrivait que les Hongrois étaient Türks70 . Au sein des langues européennes, c’est le Hongrois qui se rapproche le plus à la langue turque, car il y a eu beaucoup d’influence de la langue turque, d’où la présence de nombreux mots turcophones. Nous voyons que les Hongrois n’ont pas de liens de sang et de famille avec les Türks. Leur rapprochement est plutôt culturel car durant des siècles, les empires Hongrois et Türks ont cohabité autour des mêmes territoires. Les 68 KADIOGLU, Muhsin. Yeni bir medeniyet projesi: Hun halkarinin kardesligi turancilik. p. 9. 69 KADIOGLU, Muhsin. Yeni bir medeniyet projesi: Hun halkarinin kardesligi turancilik. p. 10. 70 ibid. p. 15. !38 Hongrois ont même été présents dans l’Empire Ottoman en envoyant des soldats au sein de l’armée ottomane pour contrer les Russes71. En 1905, parallèlement à l’émergence des théories panturquistes en Azerbaïdjan et en Turquie, la Hongrie créé Turáni Társaság (l’Association Hongroise Touraniste) qui a pour but de faire des recherches et de prouver l’appartenance à la même famille que les Türks, dans les domaines de la science, de l’économie et de la culture. Akçura validait l’appartenance des Hongrois aux familles Türks car ils ont une histoire commune durant des siècles permis par des victoires communes72. Les membres de cette association ont été en Turquie pour faire des recherches par eux mêmes. Ils favorisent le rapprochement avec les pays asiatiques que les pays européens. Les Hongrois se posent des questions quant à leur origine ethnique. Les recherches continuent encore aujourd’hui. Ils prouvent seulement leur origine aux peuples finno-ougriens. Après leur passage politique communiste, les Hongrois revendiquent leur provenance de l’Asie centrale, en utilisant les données biologiques73 . La Hongrie se démarque par l’organisation politique panturquiste en 2003, le parti Jobbik, l'Alliance des jeunes de droite - Mouvement pour une meilleure Hongrie. Les adhérents sont majoritairement des jeunes étudiants qui acceptent ce nouveau type de nationalisme74. Jobbik a obtenu 16% aux élections européennes et donc devancent les partis politiques principaux. La population hongroise veut avoir des réponses par rapport aux minorités ethniques présentes sur le sol hongrois, comme les problèmes des communautés Tziganes et Roms. Jobbik essaye avec le transnationalisme d’apporter des réponses nouvelles sur l’économie, les problèmes sociaux mais surtout culturelles. Jobbik crée donc une nouvelle image à la Hongrie en devançant les partis traditionnels75. En Aout 2007, la Magyar Gárda est créé. Il s’agit d’un mouvement ultra sécuritaire, qui dénonce l’incompétence des autorités policières et veut par ses propres moyens assurer la sécurité dans le pays. C’est à ce moment que le mouvement s’agrandit et de 57 personnes, des milliers de membres sont comptabilisés jusqu’à son interdiction en 2009. En parallèle de ce mouvement 71 ibid. p. 16. 72 ibid. p. 22. 73 ibid. p. 33. 74 BALAZS, Ablonczy; BALINT, Ablonczy. L'extrême droite en Hongrie. Racines, culture, espace. p. 46. 75 ibid. p. 47. !39 sécuritaire, la Hongrie a connu une augmentation d’assasinats durant les deux années, surtout concernant les minorités ethniques. On remarque que la population du pays est de plus en plus nationaliste et veut protéger sa patrie des éléments « étrangers ». C’est pourquoi le parti Jobbik arrive en adéquation avec la demande de la population. Il soumet un programme clair, dont le christianisme politique, l’étatisme et le protectionnisme. Pour l’économie, le discours sécuritaire refait surface surtout dans son hostilité à l’Union Européenne, des Etats-Unis et d’Israel. Par ailleurs, les rapports amicaux avec la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie et les républiques de l’Asie centrale sont privilégiés76 . Un eurodéputé de Jobbik Csanad Szegedi est membre de coopération UE-Kazakhstan, UEKirghizistan , UE-Ouzbékistan. Il est partisan d’une alliance avec ces pays d’Asie centrale. Il projette une alliance touranienne avec la Hongrie et les « Khanats rouges » de l’Asie Centrale77 . Les pays du Touran peuvent organiser leurs propres jeux olympiques et donc peuvent avoir une influence également sur le sport. Ces coopérations avec l’Asie Centrale peuvent faire avancer les recherches scientifiques sur la langue et l’histoire commune des pays turcophones. La volonté du Jobbik de créer une nouvelle culture, un retour aux sources et aux origines du peuple hongroie sont maintenus par des festivals à l’effigie des anciens Hongrois où ils exposent leurs anciennes coutumes et costumes. Nous le verrons dans une prochaines partie. Internet est important dans la diffusion de l’information du nouvel environnement touranien. C’est également pour cela que le parti politique touche essentiellement la jeunesse hongroise. En 2010, les électeurs de Jobbik était le deuxième parti du pays parmi les moins de 30 ans78. On remarque que Jobbik prend une importance considérable sur le sol hongrois. La volonté de redéfinir les origines hongroises permet l’affirmation du rapprochement avec les pays turcophones. On remarque également qu’il y a une crise identitaire chez les jeunes qui ne veulent plus être associés à la culture européenne mais asiatique. Le panturquisme et le touranisme aujourd’hui jouent des rôles importants dans les démarches du nationalisme des pays associés à la turcophonie. Ils permettent une affirmation culturelle et politique contre l’impérialisme en partie. Nous voyons que le Turcs, les Azerbaïdjanais et les Hongrois ont tous les trois choisis d’utiliser ces théories dans un but revendicateur. En effet, cela permet d’affirmer leur propre nationalité, puis par la suite de prétendre à une future union. Le 76 ibid. p. 49. 77 ibid. p. 51. 78 BALAZS, Ablonczy; BALINT, Ablonczy. L'extrême droite en Hongrie. Racines, culture, espace. p. 54. !40 transnationalisme est l’étape qui suit le nationalisme étatique. Ces pays qui ont été en retard par rapport aux pays européens veulent montrer qu’ils sont tout de même capables de franchir les étapes du nationalisme rapidement. Bien que le nationalisme soit utilisé pour former des Etats-nations, le nationalisme qui vire au racisme et qui revendique la supériorité des races et qui engendre des discriminations ethniques et religieuses ne sont pas acceptés au sein d’une démocratie. C’est pourquoi plusieurs fois le panturquisme a été mis à l’épreuve et a du trouver de nouvelles définitions capables d’être appliquées. La Turquie a décidé d’unir le panturquisme et l’islamisme au sein du parti MHP pour constituer une nation plus forte et pour que la majorité de la population y soit comprise. L’Azerbaïdjan, étant une nation nouvelle, n’a pas encore su trouver un équilibre entre le panturquisme et sa vision de la nation. La Hongrie est dans une optique revendicatrice. Elle veut montrer son rapprochement à l’Asie Centrale par le biais d’une partie de l’histoire commune et une familiarité de la linguistique. Elle montre néanmoins ces faiblesses avec les discriminations ethniques conséquents au sein du pays. La politique ultrasécuritaire qui a engendré l’assasinat de plusieurs centaines de Tziganes et Roms a montré une image violente et raciste du pays. Malgré tout, dans les trois pays cités nous trouvons des ressemblances et ils sont d’accord pour l’union des turcophones. C’est ce que nous allons voir dans la partie suivante. Les organisations internationales et transnationales se font nombreuses et concernent uniquement le monde turcophone. !41 PARTIE 3 : LES FORMATIONS TRANSNATIONALES ET LEURS CONSÉQUENCES SUR LE PANTURQUISME AUJOURD’HUI Après avoir défini le panturquisme et également le touranisme, nous avons vu leur application politique dans des pays se revendiquant turcophones. Nous allons maintenant voir comment l’union Türk a essayé de se former et les problèmes rencontrés. Au préalable, nous allons évoquer les organisations transnationales qui regroupent différents groupes turcophones, dont le but premier est une revendication culturelle mondiale. Bien qu’elles soient présentes dans le système international, elles n’ont pas un poids conséquent qui leur permet d’être à la même hauteur de l’organisation européenne. Par ailleurs, les turcophones organisent des rendez-vous annuels où les recherches sur la culture, les coutumes, les traditions sont exposées aux yeux de tous. Nous allons donc étudier le festival touranien qui se déroule tous les deux ans, parfois tous les ans en Hongrie. Nous allons montrer dans cette partie bien que la Turquie soit au coeur des pays turcophones, elle n’est pas nécessairement le centre de toutes actions. Elle peut être mise de coté pour solliciter d’autres pays et d’autres capitales pour une évolution culturelle progressive. Le panturquisme est une théorie qui évolue avec son temps et son époque, il essaye de s’adapter aux volontés des transnations et essayent d’apporter du soutien dans la volonté d’unification des turciques. L’union des Türks peut être un moyen logique pour dominer l’Eurasie. Elle peut être capable d’accentuer les relations politiques mais surtout économiques et culturelles entre les futurs pays membres. Alors qu’elle devrait être transnational, nous allons également montrer que les intérêts étatiques et nationaux de chacun sont à cette époque plus importante que les intérêts d’une future possibilité d’union Türk. !42 1. LES ORGANISATIONS CULTURELLES TRANSNATIONALES EN FAVEUR DE L’UNION TÜRK Les organisations culturelles sont les plus nombreuses entre les pays turcophones. Une des organisation emblématique qui revendique le touranisme est le Hun-Türk Kurultayi (l’Assemblée des Huns-Türks). Elle se déroule une année sur deux, et durant l’année où elle n’est pas présente, il y a l’organisation de Atalari Anma Günü (Jour de Commémoration des Ancêtres). L’assemblée est organisée par l’association Hongroise-Tourane et détermine son objectif par l’évolution de la paix entre les populations turcophones, le maintien des relations culturelles, sociales, coutumières et traditionnelles entre elles79 . Les ethnies représentées sont les populations appartenant à la famille des Huns et à la famille des Türk. Les Hongrois connaissent pour la majorité leur origine asiatique et participent fréquemment aux festivals pour permettre le relationnel avec les autres pays de la même famille ethnique. La première assemblée a eu lieu en 2007 au Kazakhstan. C’est la première réunion qui a tenté de représenter deux ethnies. C’est avec la participation de Andras Zsolt Biro que l’ethnie Hongroise a été représenté. La deuxième réunion a eu lieu en Hongrie, puis celle de 2010 également80. La troisième assemblée devient plus importante et transnationale avec la participations de l’Asie Centrale, de l’Anatolie et des pays du Caucase. Le changement se montre avec la représentations des Huns mais également des Türks. A la fin de l’assemblée de 2010, il y a eu une déclaration de la fraternité avec la volonté de Tengri (Dieu-Ciel) entre les populations participantes c’est-à-dire Hongroise, Madyare, Kazakhe, Ouzbek, Türk, Azeri, Ouïgour, Kirghiz, Bashkir, Cuvas, Bulgare, Tatar, Turkmène, Mongole, Buryat, Nogaï, Gagaouze, Yakout. Les Japonais ont également pris place au rassemblement, ils sont considérés comme les frères des Huns. Chaque année le programme s’agrandit et les populations participantes sont de plus en plus nombreuses. En 2014, il y aurait eu plus de 200.000 participants81. Les participants peuvent être des observateurs mais également des compétiteurs. Il y a la représentation des musiques nationales, de l’art des Türks, des danses folkloriques, des compétitions de tir à l’arc (sport ancien chez les Türks), de la lutte sur 79 KADIOGLU, Muhsin. Yeni bir medeniyet projesi: Hun halkarinin kardesligi turancilik. p. 31. 80 ibid. p. 33. 81 « Turan Kurultayi, 27 Türk boyunun katilimiyla Macaristan’da yapildi », 16 Aout 2016 : http://www.milliyet.com.tr/ turan-kurultayi-27-turk-boyunun-katilimiyla-ankara-yerelhaber-1515981/. !43 chevaux par exemple82. Les représentations des anciennes croyances et religions sont aussi présentes. Il faut savoir que le chamanisme prend une place importante dans la croyance des Türks associé au tengrisme qui est le respect envers la nature et la croyance au Tengri (Dieu-Ciel) ou au Gök (Ciel). Les âmes des ancêtres se trouveraient sur les terres sacrées Türks (Ötüken, également utilisé comme nom d’une revue scientifique créé par Atsiz). Le festival met en valeur les cultures turciques, peu représentées dans le monde et montrent la vie durant les époques précédentes, en représentant les scènes de guerres, la vie sous les tentes, les ressources pour vivre et/ou faire la guerre83 . C’est une retransmission en direct de la vie estimée des Türks et des Huns durant des siècles. Les organisateurs et les participants à ces festivals sont nombreux, mais nous pouvons citer l’union du Touran (Turan Birligi), Turkish Traditional Ranging Association (Türk geleneksel Okculuk Birliği), le Congrès Mondial Ouïgour, l’Union du Touran Ouzbek, l’union des jeunes touraniens d’Azerbaïdjan (Azerbaycan Turan Gencler Birligi), l’union traditionnel des Archers Kirghiz (Kirghiz geleneksel Okcular Birliği)84 . Nous remarquons que les pays turcophones sont tous présents. Les rassemblements autour de la culture turcique ne sont pas présents seulement aux festivals, il y a aussi des organisations internationales qui revendiquent la culture turque. TURKSOY (Uluslararası Türk Kültürü Teşkilatı- Organisation internationale pour la culture turque) en est un exemple. Les pays membres à cette organisation sont l’Altaï, l’Azerbaïdjan, la la Bachkirie, la Gagaouzie, le Kazakhstan, la Kahkassie, le Kirghistan, la Chypre du nord, le Sakha, le Tatarstan, la Turquie, le Turkmenistan, la Touva et l’Ouzbékistan. TURKSOY a été créé en 1993. Il y avait au début de sa création des liens limités entres les pays turcophones, car le but premier était de maintenir des relations diplomatiques entre les Ministères de la culture de chaque pays membres85. Nous remarquons que l’acronyme TURKSOY n’est pas utilisé par hasard. Le mot Soy défini l’ethnie, la race, l’origine. TURKSOY veut donc dire « l’ethnie turque ». Le but de TURKSOY n’est pas politique mais culturelle. Ces publications et ces présentations démontrent l’importance du développement de la recherche, de la protection de l’histoire, de la langue, de la culture et de l’art turcophone entre les pays et les populations 82 KADIOGLU, Muhsin. Yeni bir medeniyet projesi: Hun halkarinin kardesligi turancilik. p. 37. 83 ibid. p. 38. 84 ibid. p. 40. 85 SAWYER, James. Turkic Identity and the Depoliticization of Culture: A Case Study of the International Organization of Turkic Culture (TÜRKSOY). p. 7. !44 turcophones. L’organisation est souvent comparé à l’UNESCO86. Le développement dans ces domaines permettra une reconnaissance internationale de l’organisation mais également de la culture türk; le but étant l’expansion progressive de la culture turcique. Les liens entre les pays turcophones sont égalitaires, aucune population n’a plus d’importance que l’autre. C’est pourquoi ce n’est pas une organisation politique, elle refuse de l’être et veut mettre en évidence la culture apolitique turcique, qui est neutre et non discriminatoire. Une des tradition les plus organisées par TURKSOY est le Nevruz (Norouz en persan). Il équivaut au nouvel an persan, également partagé avec les populations turciques, le 21 mars, le premier jour du printemps. Pour les Türks, le Nevruz représente la première migration des nomades Göktürks au printemps vers l’Ergenekon. C’est une tradition commune à tous les peuples turciques. Alors qu’elle est culturelle, elle était utilisé en Turquie comme une revendication politique par la minorité kurde, qui utilise le newroz87 comme un moyen de pression sociale. C’est également le cas en Azerbaïdjan et en Asie Centrale car le nevruz représente l’indépendance du système soviétique88 . L’association de la fête printanière aux revendications kurdes est dû à l’interdiction pendant l’Empire Ottoman de le fêter, les Kurdes en ont donc fait une revendication politique. La fête a été autorisé seulement en 1991 pendant la période républicaine. Alors que le nevruz est célébré depuis près de 5000 ans, une nouvelle définition (non-kurde) est institutionnalisée par des symboles folkloriques, les habits traditionnels. Cette fois-ci, la Turquie n’est pas le centre de l’organisation. C’est Astana, la capitale du Kazakhstan qui est désigné capitale culturelle. Cela a privilégié les relations entre la Turquie et le Kazakstan, dont les liens économiques sont renforcés89. Ce rapprochement entre les pays turcophones veulent permettre l’élaboration d’une langue et d’un alphabet commun à tous les Türks90. Il y a également une volonté de rapprocher les peuples turciques par le biais de la télévision, par exemple. En 1992 a été créé la chaine TRT AVRASYA 86 SAWYER, James. Turkic Identity and the Depoliticization of Culture: A Case Study of the International Organization of Turkic Culture (TÜRKSOY). p. 10. 87 Utilisation d’une autre orthographe du mot pour le différencier du Nevruz Türk. 88 SAWYER, James. Turkic Identity and the Depoliticization of Culture: A Case Study of the International Organization of Turkic Culture (TÜRKSOY). p. 16. 89 ibid. p. 41. 90 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 143. !45 (qui signifie Eurasie) où il existe des émissions communes pour le public et les téléspectateurs des pays turcophones91 . Il y a également l’organisation TWESCO (Türk akademisi uluslarası teşkilatı;Turkic World Educational and Scientific Cooperation Organization; Conseil Turcique ) qui est assez similaire qui a été créé en 2009. Les états membres sont l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Turquie. Les états non membres du Conseil sont le Turkmenistan, l’Ouzbékistan et la Chypre du Nord. Apres les indépendances des pays turcophones, il y a une institutionnalisation des relations par le biais de plusieurs organisations non gouvernementales tels que le TÜRKPA; Assemblée parlementaire des pays de langue turcique en 2008 (Türk Dili Konuşan Ülkeler Parlamenter Asamblesi) qui assure les relations économiques et culturelles, le TURKKON; Conseil turcique en2009 (Türk Dili Konuşan Ülkeler İşbirliği Konseyi)92. Cela a donné naissance à TWESCO en octobre 2009. En aout 2012, durant le deuxième sommet de l’organisation, il y a eu une création d’une Académie Turque qui veut permettre l’évolution et le développement dans les domaines de la langue, de la littérature, de l’histoire, de la culture et de l’ethnographie türk. Cette Académie permet l’échange académique d’étudiants ou de postes d’assistants et de doctorants entre les pays turcophones, pour faciliter la mobilité entre elles93 . L’Académie veut faciliter l’acceptation du rôle de l’histoire la culture türk, de l’évolution de sa civilisation dans le monde et dans l’histoire de l’humanité en détaillant l’histoire de l’héritage des pays turcophones. Les objectifs de TWESCO sont les suivants le développement, la protection, la diffusion de la langue, de la culture et de la littérature türk. L’organisation veut également développer et augmenter les partenariats internationaux avec ces programmes de recherches sur l’histoire commune et ethnographique türk, sur l’héritage culturel des populations turcophones et permettre leur diffuser dans le monde. TWESCO veut agrandir l’organisation à d’autres pays turcophones, car il y a peu de membres. Le but final serait de commencer la création d’une langue commune et d’un alphabet commun à toutes les populations turcophones94. 91 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 144. 92 ibid. p. 405. 93 ibid. p. 406. 94 ibid. pp. 407-408. !46 Nous voyons que des organisations transnationales sont créées dans un seul but de diffusion culturel. Les politiques nationales de chacun des pays turcophones sont différents ce qui nous amène à montrer que le panturquisme est utilisé comme une revendication politique nationale. !47 2. LE PANTURQUISME COMME UNE REVENDICATION IDENTITAIRE Comme nous l’avons vu précédemment, nous allons évoquer dans cette sous-partie, les revendications politiques identitaires utilisant le panturquisme. Le monde turcophone n’a jamais été totalement indépendant. Durant l’Empire Ottoman, plusieurs nations et populations vivaient en Anatolie, avec plus ou moins de discriminations. Le mot Türk était banni, il désignait les barbares et non pas une ethnie à part entière. C’est pendant les guerres d’indépendances que les penseurs du turquisme ont admis que le mot Türk désignait une famille et non pas des barbares. Il faut aussi recontextualiser l’époque. L’Empire Ottoman se revendiquant de l’islam et étant un califat depuis plusieurs siècles, ne voulait pas la domination d’une seule « race » au sein de sa population. C’est ainsi que l’Islam a été dominante et a donné la chance à toutes les populations d’évoluer au sein du Sultanat. Durant cette longue époque impérialiste, les recherches sur l’histoire ou la langue des Türks n’étaient pas d’actualité. C’est les théories de l’Occident qui les ont mis en vigueur. La turcologie se répand plus rapidement en Russie que dans l’Empire Ottoman. Ce sont les éléments extérieurs qui vont permettre une prise de conscience par une partie de la population turcophone de l’importance des connaissances sur son propre héritage. La turcologie et les théories du nationalisme répandues en Russie vont permettre l’apparition et la mise en lumière du panturquisme. Il va être utilisée comme une revendication identitaire contre le panslavisme présent en Russie95. Le turquisme en Russie est beaucoup influencé par l’Islam. La minorité musulmane présente en Russie est majoritairement turcophones également. C’est pourquoi, utiliser la religion islamique et le transnationalisme turcique permettent d’éviter l’assimilation religieuse et culturelle imposées par les Russes. Ismail Gaspirali (1851- 1914) est un penseur Tatar de Crimée qui a utilisé le nationalisme et l’islamisme pour éviter la russification de sa population. Il est un des premiers penseurs turquistes de l’histoire. Il utilisera le slogan « Dilde, fikirde, işte birlik! » qui signifie « l’Union dans la langue, la pensée et le travail! ». Il utilise une langue presque commune à tous les turcophones pour rédiger et répandre ses articles sur le touranisme. Cet acte est perçu comme identitaire par les Russes. Il a au début des années 1900 rassembler les intellectuels Türks musulmans pour créer des Congrès. Il 95 COLAK, Çağrı. Türk siyasal hayatında türkçülük fikrinin gelişmesine yolacan etkenler. p. 66. !48 sera l’exemple d’une revendication identitaire par le biais de l’utilisation du turquisme. Il pense que le parcèllement du monde turcique est dû aux différents noms donnés sur les populations turcophones. Il estime qu’il n’y qu’une seule famille türk. Durant l’URSS, la montée du nationalisme russe montre la volonté d’affirmer l’identité de chaque minorité. Ce fut le cas pour les Kazan de Crimée qui sont liés à la culture turcique. Pour s’opposer au régime tsariste, il utilise un moyen de révolution, l’utilisation de la langue turque96 . Au même moment, lors de l’affaiblissement de l’Empire Ottoman, les Ottomans ne se dirigent pas forcément vers les pays turcophones, mais plutôt vers les pays occidentaux qui sont en avance sur la création de leur Etats-nations. Les membres de la CUP par exemple ont pour la majorité eu une formation éducative en France ou en Allemagne ce qui leur permet de revendiquer une identité plus moderne et démocratique sur la base du turquisme. Pour couper les ponts avec les vestiges de l’Empire, il y a eu de la part de la République d’Atatürk, une réforme sur l’alphabet arabe qui est devenu latin, une langue turque créée pour ôter tous les termes et mots arabes et persans97. Pour cela, il y a eu la création de la Société d’étude de la langue turque (Türk Dili Tetkik Cemiyeti) qui faisait la promotion de la langue turque, des mots turcs. La Société Turque permettra également la création d’un espace limité aux Turcs de Turquie de par les frontières et par conséquent deviendra un Etat-nation à part entière. L’instabilité en Turquie avec les multiples coups d’états, les tensions sociales ne permettront pas jusqu’au début des années 1990 de maintenir des relations directes avec les pays turcophones. Pour developper les relations entre les pays turcophones, il y a des sommets des chefs d’états des pays turcophones (Turk Dili Konusan Devlet Baskanlari Zirvesi). Le but de ce sommet est de faire rencontrer les leaders des pays turcophones pour développer le facteur identitaire linguistique. Le premier sommet a lieu en octobre 1922 à Ankara et cadre les coopérations politiques, culturelles et économiques98. Les relations au panturquisme sont différentes pour chaque population turcophone mais montrent toujours le même début. C’est par une revendication à première vue identitaire que la théorie se répand sur les territoires turciques. On comprend qu’il faut au préalable stabiliser la 96 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 138. 97 ibid. p. 139. 98 ibid. p. 142. !49 situation d’une nation puis ensuite définir un système international qui encadrera la situation des turcophones du monde. !50 3. L’IDÉOLOGIE PANTURQUISTE AUJOURD’HUI Aujourd’hui, les pays turcophones sont soient indépendants soient ont un statut d’autonomie régionale. Ils ne sont plus sous l’influence d’un Empire qu’il soit Russe ou Ottoman. Mais que veulent réellement les pays turcophones? Sont-ils tous d’accord avec le principe d’unification des pays sous l’hégémonie de la même culture, de la même langue, de la même histoire, des mêmes coutumes, des mêmes traditions? La Turquie et l’Azerbaïdjan sont considérés comme les deux centres importants et nécessaire pour l’évolution du concept de l’union fédérale turque99 . Haydar Aliyev utilisait le slogan fréquemment utilisé pour démontrer la fraternité entre les deux pays « Bir millet, iki devlet » « Une nation, deux Etats ». Il affirme que les pays turcophones ont une nécessité de s’unir sur la base d’une culture et d’une langue commune. Il faut encourager la culture türk et surtout préserver l’histoire et l’héritage des Türks. C’est pourquoi il y a eu la création de TURKSOY, qui est réservé seulement pour les pays qui parlent le Türk et pour organiser le rassemblement du monde türk. Des visites fréquentes se font entre les deux pays. En novembre 2013, Ilham Aliyev fait une visite officielle en Turquie et montre qu’il veut renforcer les liens avec celle-ci. L’alliance après son indépendance avec la Turquie est parce que la Turquie a été le premier pays à reconnaitre l’indépendance de l’Azerbaïdjan. Aliyev affirme que les relations entre ces deux pays sont infinies et qu’elles ne seront jamais terminées. Il ajoute que le 21ème siècle marquera l’avancée progressive entre ces deux pays qui permettra de créer une puissance türk. Les avancées, bien qu’elles soient culturelles et linguistiques, sont aussi dans la volonté d’imposer un enseignement commun sur la culture, sur la philosophie, l’histoire et la langue turcophone100. L’union voulue entre les turcophones est une idée transnationale avec une religion nationale dans un état transnational. Il parait assez compliqué de créer un espace de vie où toutes les populations puissent vivre en paix en affirmant leur appartenance à une nation transnationale non limitée par des caractéristiques politiques. C’est ainsi que les problèmes surviennent, car la russification intense pendant la guerre froide sur les pays turcophones appartenant au bloc 99 ELEBEROV, Faik. Türkiye-Azerbaycan ilişkilerinde. Türk Birliği fikrinin önemi (XX yüzyıl-XXI yüzyılın başları). p. 16. 100 ibid. p. 18. !51 soviétique ont influencé la perte progressive de la langue turcophone mais également de la culture101. Durant cette période, les pays turcophones de l’Asie Centrale, de la Crimée, du Tatarstan, du Caucase et de la Sibérie et d’autres populations autonomes turques ont créé d’avantageuses relations économiques et culturelles. Sauf qu’en même temps ces relations étaient dispensées et imposées par la langue, la littérature et la culture russe. C’est pour cela que ces pays après leurs indépendances pour la plupart ont continué de dispenser ces relations dans la même manière qu’ils l’ont fait depuis des années. Ils n’ont pas avantagé le domaine de la culture turque. On peut parler d’une progressive acculturation, qui a permis d’avantager la culture russe. Plusieurs problèmes surviennent pour l’union türk102. Le premier étant de résoudre le problème de la langue, qui est indispensable pour assurer des liens relationnels. La langue a un impact direct sur les liens économiques et politiques. Le deuxième problème qui est important de souligner est que les états indépendants turcophones ont chacun créé leur propre nation et leur état. Ayant été longtemps sous l’influence d’un autre Empire, voudront-ils tous vraiment revivre la même chose, bien que cela soit avec des membres de la même famille. La seule solution est une création transnationale sans pour autant enlever les frontières de l’union. C’est pourquoi, le terme de commonwealth turc103 est utilisé. La Turquie a accompagné ces républiques turcophones après la chute de l’URSS pour les influencer sur le principe de la modernité politique avec l’élaboration des intérêts nationaux. C’est encore l’élément linguistique qui prend une avance qui joue le rôle de « « pont » culturel et politique »104. L’union turcique est parfois comparée à la Francophonie. D’autres problèmes surviennent, comme celui des Ouïgour de Chine. Cette minorité habite dans la région autonome du Xinjiang (Turkestan oriental). C’est une minorité musulmane et turcophone. La Chine mène cependant depuis septembre 2001 l’exil politique de certains d’entre eux. Il y a également une répression sociétale et policière sur la population ouïgour. Une grande minorité türk est aussi présente en Iran ce qui pose un problème quant à la gestion de ces zones qui sont riches en ressources naturelles105 . Un autre problème survient alors, 101 ELEBEROV, Faik. Türkiye-Azerbaycan ilişkilerinde. Türk Birliği fikrinin önemi (XX yüzyıl-XXI yüzyılın başları). p. 20. 102 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 140. 103 ibid. p. 131. 104 ibid. p. 132. 105 ibid. p. 141. !52 celui de la sincérité fraternelle d’Ankara. La majorité des sommets ont lieu à Ankara et pourrait être accusé de profit aux yeux de la communauté turcophone internationale. L’Asie Centrale ne privilégie pas forcément les pays turcophones pour les relations économiques, commerciales, mais plutôt la Chine, l’Iran ou la Russie. Ces trois grands pays aimeraient également se lier culturellement à des fins économiques avec ces pays turcophones. Il faut aussi montrer que l’instabilité politique et sociale de la Turquie ne favorise pas l’union turcophone. La volonté de celle-ci d’adhérer à l’Union Européenne peut mettre un terme à la possibilité d’une union türk106. Nous remarquons que les instabilités politiques de la Turquie mais également du monde turcophone qui n’est pas unifiée par des liens économiques peut compromettre ces théories du panturquisme. Effectivement, elles ont pu être possibles dans le passé durant les passages par différents empires. Aujourd’hui, les relations politiques et culturelles sont de plus en plus développées mais elles sont également divisées par les intérêts nationaux et économiques de chacun. L’union türk qui se veut seulement culturelle trouve des moyens politiques d’expansion. Nous voyons que des débuts d’unification se dessine entre les Türks du monde. Mais nous ne pouvons pas déterminer la nature de celle-ci. Elle pourrait aussi bien être culturelle que politique. 106 RAPTOPOULOS, Nikolaos Raptopoulos, La famille des langues turques et le défi de création d’une communauté turcophone en Eurasie : le rôle assumé par Ankara. p. 146. !53 CONCLUSION L’idéalisme des populations turcophones se définit par les théories panturquistes et touranistes. Elles essayent de délimiter le territoire turcique. De l’Europe jusqu’en Asie, la formation d’une union turcophone serait la finalité du panturquisme. Les éléments déclencheurs sont principalement concentrés autour des valeurs linguistiques et culturelles. C’est pourquoi nous parlons d’un idéalisme culturel. La culture commune aux Türks est due à une concentration de l’histoire des familles de langues Türks durant les siècles précédents. Les Türks ayant été des populations nomades ont créé des empires qui ont favorisé les annexions avec les autres populations turcophones. Ils ont également influencé les empires voisins dans les compétences linguistiques et culturelles. La Turquie se positionne comme le centre du Touran. Il est nécessaire de comprendre qu’elle fut la première République indépendante au sein du monde turcophone. L’annexion des autres pays turcophones à l’URSS ont ralenti le processus du touranisme. C’est pourquoi, la Turquie joue un rôle considérable au sein de l’union Türk. Durant les premières années de la République, une politique de turquification de la population est engagée et donne accès à une nationalisation de la langue, de l’alphabet, de la religion mais également des minorités présentes. La volonté d’être une nation laïque joue un rôle favorable pour le Turcs qui veulent se positionner au même rang que les grandes puissances européennes. C’est aujourd’hui que l’enjeu est important. Depuis 2002, l’Etat turc est dirigé par le parti islamo-conservateur AKP (Parti de la justice et du développement, Adalet ve Kalkınma Partisi) dont le Président est Recep Erdogan. Les objectifs de ce parti s’éloignent considérablement des idéaux culturels du panturquisme. En effet, non applicable durant les dernières années de l’Empire Ottoman, le AKP revient à la théorie d’islamisation. Cette volonté d’apporter des principes religieux à une nation construite sur la laïcité éloigne la Turquie du transnationalisme türk mais également des principes de l’Union Européenne. La Turquie se retrouve actuellement entre plusieurs issues. Elle peut continuer l’islamisme politique et prétendre à une union islamique avec majoritairement des pays arabes. Ce choix l’éloignerait du monde turcophone et serait aussi dangereux par son identité turque, qui serait confronté à l’identité transnationale arabe. Deuxièmement, elle peut résoudre ces conflits intérieurs, qui concernent la question kurde, les événements de 1905, l’occupation de la Chypre du Nord, les problèmes sur la liberté d’expression. Dans ce cas, la Turquie serait de nouveau propager sur une possible adhésion à l’Union Européenne, en adoptant les valeurs que cette union, celles de l’égalité, de la liberté et de la !54 démocratie. Si la Turquie se retrouve dans l’UE, elle sera le deuxième pays majoritaire à l’Assemblée Européenne car la Turquie compte plus de 80 millions d’habitants. Elle se positionne derrière l’Allemagne. Le rapprochement avec les pays européens marquera une nouvelle fois la fin d’une possible union turcophone car les deux régions géographiques ont des buts différents. Le troisième choix de la Turquie serait ni l’islamisme politique ni le rapprochement avec l’UE, mais le maintien d’une politique transnationaliste avec les pays turcophones, surtout d’Asie Centrale. C’est dans ce cas de figure que l’union türk serait possible. Possible avec des problèmes qui s’en suivent. Effectivement, si bien que l’on imagine la Turquie choisir le troisième cas de figure, qu’en est-il des autres pays turcophones concernés? Les anciennes populations de l’URSS aujourd’hui indépendantes ou autonomes ont toujours les héritages de l’influence de la russification culturelle et linguistique au sein de leurs nations. Les deuxièmes langues officielles du Kazakhstan et du Kirghizistan restent le russe. Les minorités russes sont aussi présentes dans les Républiques turcophones qui permettent le maintien des relations économiques et du travail entre la Russie et celles-ci. Il faudrait que les pays turcophones indépendants se détachent complément de la Russie et de sa culture linguistique, culturelle et économique pour prétendre un rapprochement avec les autres populations turciques. Bien que le système transnational n’est pas favorable aux théories turquistes comme nous l’avons vu, il est aussi important de préciser que le panturquisme a plusieurs définitions à son actif et ne permet pas de se positionner sur une définition ou un exemple en particulier. Le risque du panturquisme est de dévier sur une idéologie basée sur les théories des races, de la supériorité des Türks dans le monde, comme le définirait Atsiz. Par conséquent, cette union ne serait pas un bon moyen de communication avec les autres pays du monde. L’union serait marginalisée et prétendrait être une puissance mondiale. Pour être une puissance mondiale, il faut être reconnu par le système international, or, si l’on applique au sein de son union une politique racialisée, les alliés ne seront pas fréquents. D’un autre regard, si le panturquisme est appliqué de manière à promouvoir la culture turcique, des organisations non gouvernementales sont déjà présentes comme le TWESCO ou le TURKSOY. Ces deux organisations ont un but en commun, celui de propager la culture turcophone par le biais d’une création d’une langue et d’un alphabet commun. Nous avons vu qu’il existe quatre groupes de famille de langues turcophones qui limitent les coopérations entre elles. Nous nous doutons bien qu’un Türk de Turquie et un Türk Ouïgour n’auront pas le même dialecte et il est fort possible que la compréhension entre ces deux individus soient impossibles en langue turque. !55 C’est pourquoi, pour favoriser la possibilité d’une union türk culturelle, il faut d’abord trouver une solution à la langue turque. Les pays turcophones sont en partie d’accord pour l’adoption de l’alphabet latin pour une plus simple compréhension des caractères pour chacun. Il faudrait donc désigner le türk d’un des pays turcophones comme le türk officiel. Si cela était la Turquie, il serait judicieux de le répandre dans les autres pays turcophones par le biais de l’éducation et de l’enseignement. Cette façon de procéder semble être utopique car à l’intérieur de l’union türk, aucune culture nationale, langue nationale, histoire nationale n’est dominante par rapport à une autre. Cela favoriserait des compétitions entre les pays turcophones et ce n’est pas inscrit dans les objectifs de la théorie. Les théories panturquistes ont fait leur apparition au début du 19ème siècle, majoritairement comme une revendication identitaire à des occupations étrangères, pendant des guerres d’indépendances, pendant les transitions Empire-République. Aujourd’hui, l’enjeu de ces théories est d’une autre nature. Le panturquisme est considéré comme une idéologie d’extreme droite, en Turquie et en Azerbaïdjan, en particulier. Les panturquistes se revendiquent anticommuniste, parfois antireligion, favorables à une gouvernance militaire. L’islam devient une cible principal lorsque l’on suit la définition donnée par Atsiz. Il se considérait comme un déiste, proche de la culture chamaniste. Nous remarquons qu’une possibilité de retour aux sources provoque une recherche dans la question d’identification. C’est le cas pour les Hongrois qui cherchent un renouveau politique avec le Jobbik. Bien que le MHP se revendique du panturquisme, il est actuellement sous la présidence de Devlet Bahceli, un parti politique ultra conservateur, de plus en plus proche de l’islamisme politique et du racisme ethnique. Les relations avec les confrères des pays turcophones ne sont pas assurées. La raison est que les tensions nationales ne sont pas encore résolues pour permettre une identification transnationale. Les pays turcophones devraient en premier lieu régler les tensions et les problèmes internes à leur nation pour ensuite prétendre à une possibilité d’une union turcique. C’est pourquoi nous voyons que la réalité politique s’éloigne considérablement d’un idéalisme culturel. L’union türk est un idéal du panturquisme, qui peut être possible un nouveau système politique, qui supprimerait les frontières des Etats-nations pour favoriser les grands espaces géographiques pour la cohabitation entre familles de langues similaires. !56 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages : - AKCURA, Yusuf. Türkçülük. Türkçülüğün tarih gelişimi. Istanbul: Türk kültür yayını, 1978. - ANDERSON, Benedict. L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme. Paris: Editions La Découverte & Syros, 2002. - ATSIZ, Hüseyin Nihal. Türk tarihi üzerinde toplamalar. Ankara: Ötüken, 1935. - ATSIZ, Hüseyin Nihal. Turancılık, milli degerler ve gençlik (makaleler-1). Ankara: Ötüken, 1968. - ERTÜRK, Hocaoglu Selahattin. 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Il y a également l’écriture en alphabet göktürk du mot « Türk ». !62 Les paroles de l’hymne d’Izmir : représentant la victoire de l’armée turque en 1914 à Izmir durant la guerre d’indépendance. On remarque qu’il rend hommage à Mustafa Kemal Atatürk. İzmir’in dağlarında çiçekler açar. Altın güneş orda sırmalar saçar. Bozulmuş düşmanlar hep yel gibi kaçar. Yaşa Mustafa Kemal Paşa,yaşa; Adın yazılacak mücevher taşa. İzmir dağlarına bomba koydular Türk’ün sancağını öne koydular. Şanlı zaferlerle düşmanı boğdular. Kader böyle imiş ey garip ana Kanım feda olsun güzel vatana. İzmir’in dağlarında oturdum kaldım Şehit olanları deftere yazdım. Öksüz yavruları bağrıma bastım. Kader böyle imiş ey garip ana Kanım feda olsun güzel vatana Türk oğluyum ben ölmek isterim. Toprak diken olsa yatağım yerim. Allahından utansın dönenler geri Yaşa Mustafa Kemal Paşa,yaşa Adın yazılacak mücevher taşa !63 Les paroles de l’hymne de la République : rendant hommage à la République turque créée par Atatürk et en évoquant les bienfaits de la République et de la nation turque. Cumhuriyet, cumhuriyet, en güzel şey hürriyet Nice zahmet, nice emek verdi sana bu millet! Gazimin sen en büyük yadigarısın bana Nice zahmet, nice emek verdi sana bu millet! Dalgalansın her tarafta şanlı Türk`ün bayrağı Korumaktır ve yüceltmek azmimiz bu toprağı! Bu vatan hiç sensiz olmaz, ey güzel cumhuriyet Milletim öyle demiştir ; ya ölüm, ya hürriyet! Cumhuriyet, cumhuriyet, en güzel şey hürriyet Nice zahmet, nice emek verdi sana bu millet! Gazimin sen en büyük yadigarısın bana Nice zahmet, nice emek verdi sana bu millet! !64 RÉSUMÉ Les théories panturquistes et touranistes sont fréquemment utilisées pour désigner l’union culturelle et linguistique du monde turcique. Elles désignent une union symbolique des pays turcophones autour de l’appartenance aux familles de la langue turque. Ce mémoire montre le processus utilisé par les idéologues pour arriver à l’idéal touranien. Les conjonctures sociales, politiques et géographiques démontrent une grande difficulté et une grande mise à l’épreuve des pays turcophones. Les influences étrangères ou la volonté d’appartenir au bloc occidental ont des conséquences à la difficulté d’une possible union touranienne. Les différentes définitions de différents penseurs nous aideront au long de ce mémoire pour déterminer les causes, les conséquences, les enjeux et les issues du panturquisme. La République de Turquie prendra une importance considérable au long de ce travail, car elle représente le centre du pays du Touran. Mots clefs : Panturquisme, Touranisme, Transnationalisme, Turquie, Azerbaïdjan, Turcophone !65