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CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL LIX – 2013 – CNRS Éditions, Paris JURISPRUDENCE FRANÇAISE RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL (année 2012) sous la direction de Nicolas MAZIAU JulieN CAZALA, alexis MARIE, laureNt TRIGEAUD SOMMAIRE CHAPITRE PREMIER : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL Section I : Les traités et accords internationaux 1. L’effet direct des stipulations conventionnelles 2. Compatibilité entre le droit interne et le droit international Section II : La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) 1. Maintien du caractère exécutoire d’une décision interne malgré une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme 2. Contrôle de conventionnalité d’une loi de validation déclarée conforme à la Constitution 3. Interdictions générales et absolues 4. Espérance iscale légitime et article 1 du protocole n° 1 à la CEDH 5. Titres nobiliaires et CEDH Section III : Les traités de l’Union européenne et le droit de l’Union européenne 1. Rapports entre droit constitutionnel et droit de l’Union européenne 2. Champ d’application des traités européens (*) Nicolas Maziau, professeur agrégé des Facultés de droit, conseiller référendaire à la Cour de cassation. (**) Julien cazala, maître de conférences à l’Université d’Orléans, en détachement à l’Université Galatasaray (Istanbul). (***) Alexis Marie, maître de conférences à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. (****) Laurent Trigeaud, maître de conférences à l’Université Panthéon-Assas (Paris II). Les propos tenus dans cette chronique n’engagent que les auteurs et en aucun cas l’institution à laquelle ils appartiennent. CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 586 jurisprudence française relative au droit international CHAPITRE II : LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL Section I : L’État 1. La compétence territoriale de l’État a) L’entrée, le séjour et la sortie du territoire d’étrangers en application d’accords internationaux b) Zone économique exclusive c) Arbitrage 2. La compétence personnelle de l’État : Nationalité Section II : Le régime de l’asile 1. Fondement de la protection a) Appartenance à un certain groupe social b) Opinions politiques 2. Exclusion de la protection CHAPITRE III : LES RELATIONS INTERNATIONALES Section I : Les immunités des États et des organisations internationales 1. Les immunités de l’État étranger 2. Les immunités des organisations internationales 3. Les immunités des agents diplomatiques, consulaires, et des fonctionnaires internationaux Section II : Le régime de l’extradition 1. Contrôle des conditions essentielles de la demande d’extradition 2. Extradition et peine non déinitive 3. Extradition vers le Rwanda et accusation de crime de génocide Section III : Conditions de nomination des chefs de missions diplomatiques ABRÉVIATIONS AJCT AJDA AJFP AJ Fam. AFDI Bull. civ. Bull. crim. Cah. arb. Cass. civ. Cass. com. in. Cass. crim. Cass. soc. Ch. CA CAA CC Actualité juridique, Collectivités territoriales Actualité juridique, Droit administratif Actualité juridique, Fonction publique Actualité juridique, Famille Annuaire français de droit international Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambres civiles Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre criminelle Cahiers de l’arbitrage – Paris Journal of International Arbitration Cour de cassation, Chambre civile Cour de cassation, Chambre commerciale et inancière Cour de cassation, Chambre criminelle Cour de cassation, Chambre sociale Chambre Cour d’appel Cour administrative d’appel Conseil constitutionnel CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international CE CE, Ass. CEDH CE, PSC Cour EDH D. D. Adm. FSC GAJA Gaz. Pal. JCP JDI JORF LPA QPC Quot. Jur. R. adm. Recueil RCDIP RDF Rev. Arb. RDP RDT RFDA RFDC RFFP RGDIP RJC RJCom RJF RSC RTDCiv TA TC TGI Trib. Com. 587 Conseil d’État Conseil d’État, Assemblée Convention européenne des droits de l’homme Conseil d’État, président de la section du contentieux Cour européenne des droits de l’homme Dalloz Droit administratif Formation spéciale de constitutionnalité de la Cour de cassation Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative Gazette du Palais Jurisclasseur périodique (Semaine juridique) Journal du droit international (Clunet) Journal oficiel de la République française Les Petites Afiches Question prioritaire de constitutionnalité Quotidien juridique Revue administrative Recueil des arrêts du Conseil d’État (Lebon) Revue critique de droit international privé Revue de droit iscal Revue de l’arbitrage Revue du droit public et de la science politique Revue de droit du travail Revue française de droit administratif Revue française de droit constitutionnel Revue française de inances publiques Revue générale de droit international public Recueil de jurisprudence constitutionnelle Revue de jurisprudence commerciale Revue de jurisprudence iscale Revue de science criminelle Revue trimestrielle de droit civil Tribunal administratif Tribunal des conlits Tribunal de grande instance Tribunal de commerce CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 588 jurisprudence française relative au droit international CHAPITRE PREMIER : LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL Section I : Les traités et accords internationaux 1. L’effet direct des stipulations conventionnelles 1. Dans son arrêt GISTI et FAPIL du 11 avril 2012, le Conseil d’État clariie les critères d’identiication des stipulations conventionnelles présentant un effet direct (CE, Ass., 11 avril 2012, GISTI et FAPIL, n° 322326, Rec., concl. dumortier, RFDA, 2012, p. 547 ; tribune aguila, AJDA, 2012, p. 729 ; domiNo et BretoNNeau, « Les aléas de l’effet direct », ibid., p. 936). La contrariété du décret n° 2008-098 du 8 septembre 2008 qui met en œuvre la loi du 5 mars 2007 portant création du « droit au logement opposable » est, en l’espèce, invoquée par rapport à l’article 6, paragraphe 1 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949. Ce droit à un logement est ouvert, selon les termes de la loi, « à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence déinies par décret en Conseil d’État, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ». Le décret interprète la condition de « permanence » en la subordonnant à une résidence préalable de deux ans sur le territoire national et en excluant de son champ d’application les étrangers détenteurs d’un titre de séjour au titre d’un travail temporaire ou d’une mission salariée. L’article 6, paragraphe 1 de la convention précitée consiste, quant à lui, en une clause de traitement national, notamment en matière de logement. Il ne fait ainsi pas de doute que le décret méconnaît cette stipulation dans la mesure où, ain de bénéicier du droit au logement opposable, les étrangers doivent satisfaire des conditions qui ne s’appliquent pas aux nationaux. Encore faut-il que la stipulation soit reconnue d’effet direct pour que la violation soit constatée et sanctionnée. Conformément à sa jurisprudence constante et malgré les conclusions de son rapporteur public, le Conseil refuse de consacrer une quelconque invocabilité des stipulations conventionnelles dépourvues d’effet direct. Il énonce en premier lieu que : « les stipulations d’un traité […] peuvent utilement être invoquées à l’appui d’une demande tendant à ce que soit annulé un acte administratif ou écartée l’application d’une loi ou d’un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu’elles contiennent, dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir ». L’apport de l’arrêt réside essentiellement dans l’effort de clariication des critères permettant d’identiier une stipulation d’effet direct. Réservant l’hypothèse du droit de l’Union européenne, le Conseil d’État afirme qu’ « une stipulation doit être reconnue d’effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elle n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers ». 2. À vrai dire, en matière d’effet direct, il s’agit toujours, par hypothèse, d’interpréter l’intention des parties, qu’elle ait été « exprimée » ou que, sinon, elle doive être alors dégagée implicitement de l’« économie générale du traité ». L’établissement de critères dits « subjectifs » et d’autres dits « objectifs » ne change rien au principe. Au regard des aléas de la jurisprudence antérieure (voy. not. cette chronique, AFDI, 2012, p. 840), l’effort de clariication est, toutefois, louable et était CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 589 attendu notamment en ce que, s’agissant de l’intention « exprimée », le Conseil précise fort heureusement qu’on ne saurait déduire l’absence d’effet direct de « la seule circonstance que la stipulation désigne les États parties comme sujets de l’obligation qu’elle déinit ». 3. Ce qui peut être plus critiquable est le fait que la formulation choisie par la Haute juridiction déinisse négativement la stipulation d’effet direct comme celle qui ne régit pas exclusivement les relations interétatiques. Cela le conduit, en effet, à ériger l’absence de nécessité d’un « acte complémentaire » en une condition autonome à la reconnaissance d’un effet direct et non comme un élément parmi les autres pour identiier la clause conventionnelle qui crée un droit au particulier. C’est certes logique au regard du caractère self executing de ce type de stipulations. Cela relève, néanmoins, de leur déinition davantage que d’une condition en soi. L’essentiel étant, encore une fois, d’interpréter la volonté des États. La précision et la clarté de la clause en question, justiiant l’inutilité d’un « acte complémentaire », sont de simples indices de cette dernière. 4. Au fond, la haute juridiction administrative considère que l’article en cause « ne saurait être interprété comme se bornant à régir les relations entre États et, ne requérant l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets, se sufit à lui-même ; que par suite, les stipulations précitées peuvent utilement être invoquées à l’encontre du décret attaqué » (dans le même sens, voy. CE, 1re et 6e s/sect. réunies, 23 décembre 2010, n° 335738, publié aux Tables, cette chronique, AFDI, 2011, p. 733). 5. C’est précisément en raison de l’absence d’« actes complémentaires » que la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes ne peut se prévaloir de l’article 15 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 et des articles 5, paragraphe 3 et 19 de la convention relative aux droits des personnes handicapées de New-York du 30 mars 2007 au soutien de sa demande d’annulation de la décision implicite du Premier ministre de refus d’abroger l’article 1er du décret n° 2005-1591 du 19 décembre 2005 relatif à la prestation de compensation à domicile pour les personnes handicapées. Selon le Conseil d’État, toutes ces stipulations « requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers », si bien que l’association requérante ne peut utilement s’en prévaloir (CE, 1re et 6e s/sect. réunies, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes, n° 341533). Il est vrai que ces stipulations précisent que les États parties s’engagent « à prendre les mesures nécessaires […] » ou « prennent les mesures appropriées […] ». La solution revient, néanmoins, à accorder beaucoup d’importance aux formules choisies par les rédacteurs des conventions en cause alors que le Conseil d’État s’en est distancié par ailleurs et que, ainsi qu’il a pu être souligné, ce type de formules « est le plus souvent le relet de l’engagement étatique à faire le nécessaire pour respecter ses obligations » (Chron. saNtulli, RFDA, 2013, p. 417). On est ici loin des mesures de transposition exigées par les directives de l’Union européenne dont on sait que l’absence peut être sanctionnée devant les juridictions après le délai de transposition. 6. Il est, à nouveau, question de la Charte sociale européenne dans un arrêt rendu quelques mois plus tard (CE, 10e s/sect., 7 novembre 2012, M.B., n° 350313). Le requérant demande au Conseil d’État d’annuler la loi du pays du 19 mai 2011 portant diverses dispositions relatives au régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française en invoquant notamment les stipulations du 23° de la partie I de ladite charte selon lequel : « [t]oute personne âgée à droit à une protection sociale ». La Haute juridiction rejette le moyen sans reprendre son considérant de principe énoncé dans l’arrêt du 11 avril 2012 précité en afirmant, sans plus de motivation, que « ces stipulations ne produisent pas d’effet direct à l’égard des CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 590 jurisprudence française relative au droit international nationaux des États contractants », réduisant, ce faisant, le champ d’application de l’article aux seuls « nationaux ». 2. Compatibilité entre le droit interne et le droit international 7. Sur la compatibilité de la loi du 5 juillet 1983 qui réprime la pollution par les navires avec la convention Marpol, voy. infra l’affaire « Érika », Cass., crim., 25 septembre 2012, n° 10-82.938., Bull. crim. n° 198. 8. L’article L. 2314-3 du Code du travail crée une discrimination entre les nouveaux syndicats issus d’un conlit collectif et donc relativement inluents et les autres, en ce qu’il exige une condition d’ancienneté de deux années pour que ces organisations puissent être invitées à négocier le protocole préélectoral et présenter des candidats aux élections de délégués du personnel. Sa conformité à la Constitution étant admise (Cass. Soc., 20 octobre 2011, n° 11-60.203, QPC), l’inconventionnalité de la disposition est invoquée par le syndicat UDPSA-salariés devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Le syndicat invoque, pêle-mêle, sa contrariété aux articles 2, 5, 22 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, 2, 7, 23, 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de la Convention de l’OIT n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 5 A, E, et G de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996, 11, 14, 18 et 53 de la CEDH. Il se réfère aussi aux articles 12, 20 21, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’aux « principes européens » selon lesquels, d’une part, « le syndicat doit être libre, d’une manière ou d’une autre, de chercher à persuader l’employeur de ce qu’il a à dire au nom de ses membres » et, d’autre part, « la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante ». La chambre sociale de la Cour de cassation estime que la loi ne porte pas atteinte aux textes invoqués au motif que l’exigence d’ancienneté « constitue une condition justiiée et proportionnée pour garantir la mise en œuvre du droit de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs représentants et l’exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l’entreprise, sans priver tout salarié de la liberté de créer un syndicat ou d’adhérer au syndicat de son choix » (Cass., Soc., 29 février 2012, n° 11-60.203, Bull. civ., V, n° 82). Section II : La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) 1. Maintien du caractère exécutoire d’une décision interne malgré une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme 9. La jurisprudence relative aux effets, sur une décision interne devenue déinitive, d’une condamnation de la France par la Cour de Strasbourg est peu fréquente. Huit ans après l’arrêt Chevrol (CE, 11 février 2004, Chevrol, n° 257682 ; cette chronique, AFDI, 2005, p. 786), l’affaire « Baumet » permet de faire le point sur cette épineuse question (CE, 4 octobre 2012, Baumet, n° 328502 ; AJDA, 2012, p. 1879 ; chron. domiNo, BretoNNeau, AJDA, 2012, p. 2162 ; note sudre, RFDA, 2013, p. 103 ; note Fleury, RGDIP, 2013, p. 164). Les deux décisions rendues par la section du contentieux du Conseil d’État, en 2004 et en 2012, sont marquées par une continuité de solution – pas de réouverture de la procédure juridictionnelle pour CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 591 tenir compte de la condamnation de la France par la Cour EDH – mais surtout par une évolution de la motivation fondant cette solution. 10. Le contexte de l’arrêt Baumet permet au juge administratif de développer pleinement son raisonnement. M. Baumet est déclaré comptable de fait par la Cour des comptes en 1997, décision conirmée en appel par le Conseil d’État en 1999. L’intéressé saisit alors les juges de Strasbourg pour que soit constatée une méconnaissance du principe de l’égalité des armes (absence d’examen contradictoire de certaines pièces) constitutive de violation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention. Alors que l’affaire est pendante devant la Cour EDH, un commandement de payer est émis par le trésorier payeur général le 11 octobre 2005. Celui-ci est vainement contesté par M. Baumet devant le tribunal administratif de Nîmes (26 novembre 2007) et la Cour administrative d’appel de Marseille (30 mars 2009) alors que la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation de l’article 6, paragraphe 1 en 2007 (Cour EDH, Baumet c. France, 24 juillet 2007, n° 56802/00). Le Conseil d’État doit ainsi se prononcer en cassation sur le commandement de payer alors que les juges de Strasbourg ont constaté la non-conformité à l’article 6, paragraphe 1 de la CEDH de la procédure suivie devant la Cour des comptes. 11. Les circonstances de cette affaire donnent au Conseil d’État le cadre idéal pour se prononcer sur la portée d’une condamnation de la France par la Cour de Strasbourg. La Haute juridiction administrative rappelle, comme elle l’a fait en 2004 dans l’arrêt Chevrol, qu’aux termes de l’article 46, paragraphe 1 de la CEDH, « [l]es Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts déinitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». Mais elle va plus loin en convoquant les articles 1 (obligation de respecter les droits de l’homme) et 41 (satisfaction équitable) à l’appui de son raisonnement. Cette lecture croisée des dispositions de la convention s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (17 février 2004, Maestri c. Italie, n° 39748/98) consacrant un principe de « loyauté conventionnelle » (F. sudre, note préc., § 11) qui implique que l’État condamné cesse la violation, accorde une réparation et prenne des mesures générales ou individuelles pour assurer la non-répétition de la violation. Le constat pourrait apparaître très favorable au demandeur, mais, comme cela a été le cas dans l’affaire Chevrol, le Conseil d’État indique que « l’autorité qui s’attache aux arrêts de la Cour implique en conséquence non seulement que l’État verse à l’intéressé les sommes que la Cour lui a allouées au titre de la satisfaction équitable prévue par l’article 41 de la convention mais aussi qu’il adopte les mesures individuelles et, le cas échéant, générales nécessaires pour mettre un terme à la violation constatée ; que l’exécution de l’arrêt de la Cour ne peut toutefois, en l’absence de procédures organisées pour prévoir le réexamen d’une affaire déinitivement jugée, avoir pour effet de priver les décisions juridictionnelles de leur caractère exécutoire ». 12. Cette position est pleinement cohérente avec la jurisprudence de la Cour EDH qui a toujours considéré que « la Convention ne lui donne pas compétence pour exiger d’un État la réouverture d’une procédure ou l’annulation d’une condamnation » (Cour EDH, 4 octobre 2007, Verein Gegen Tierfabriken schweiz (VgT) c. Suisse, n° 32772/02, § 48). Seul un texte interne pourrait imposer ou rendre possible une telle réouverture. Le Conseil d’État clôt sa démonstration en rappelant que le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a constaté, dans sa résolution du 6 juin 2012 relative à l’exécution de l’arrêt du 24 juillet 2007, que toutes les mesures requises par l’article 46 § 1 de la convention ont été adoptées par les autorités françaises. CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 592 jurisprudence française relative au droit international Quand bien même cela ne serait pas le cas, la solution sur le fond n’aurait sans doute pas été différente. 13. Ainsi, bien que conforme à la position de la Cour européenne des droits de l’homme et au droit positif français, la décision rendue par le Conseil d’État cristallise une situation ambiguë. Pour cette raison, une part croissante de la doctrine plaide pour la création d’une procédure permettant la réouverture d’une procédure dans l’ordre juridique interne en cas de condamnation de l’État ain de donner pleinement effet à cette condamnation et rétablir la victime dans la position qui aurait été la sienne en l’absence du fait générateur de la responsabilité étatique (P.-Y. gautier, « Réexamen après décision nationale invalidée par la CEDH : raison et sources du droit », D., 2012, p. 2952). 2. Contrôle de conventionnalité d’une loi de validation déclarée conforme à la Constitution 14. Le projet de construction, au cœur du bois de Boulogne, du musée de la Fondation Louis Vuitton a connu de nombreuses péripéties judiciaires. Le permis de construire délivré par la ville de Paris en 2007 a été annulé par le tribunal administratif de Paris pour non-conformité au règlement du plan d’occupation des sols (POS) (TA Paris, 20 janvier 2011, Coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne, n° 0802827). Or, quelques mois après cette annulation, un cavalier législatif inscrit dans la loi sur le prix unique du livre numérique (loi n° 2011-590 du 21 mai 2011), interdit toute contestation d’un permis de construire pour non-conformité aux dispositions du POS ayant fondé l’annulation du permis de construire du musée en cause. Appel ayant été formé contre la décision du tribunal administratif de Paris, les parties sont confrontées à un exemple parfait de loi de validation. On sait que la Cour EDH considère qu’une telle ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice n’est pas contraire en soi au droit à un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, à la condition que cette ingérence soit justiiée « par d’impérieux motifs d’intérêt général » (Cour EDH, 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal et autres c. France, n° 24846/94). Après quelques années de divergence apparente, le Conseil d’État retient cette même formule depuis 2004 (CE, 23 juin 2004, Société « Laboratoires Genevrier », n° 257797 ; cette chronique, AFDI, 2005, p. 785). S’il y a une identité de qualiication, ce que recouvre la catégorie des « motifs impérieux d’intérêt général » peut être discuté. Il s’agit donc pour la Cour administrative d’appel de Paris de rechercher leur existence. Bien que la cause juridique soit distincte, elle opère à l’ombre de la décision du Conseil constitutionnel. Dans le cadre d’une procédure de QPC, celui-ci a considéré qu’il existe dans la disposition législative examinée un but « d’intérêt général sufisant » consistant en « la réalisation, sur le domaine public, d’un projet destiné à enrichir le patrimoine culturel national, à renforcer l’attractivité touristique de la ville de Paris et à mettre en valeur le Jardin d’acclimatation » (CC, 24 février 2012, n° 2011-224 QPC ; AJDA, 2012, p. 404). Déclaré « contre toute attente » (Vidal, RFDA, 2012, p. 650) conforme à la Constitution, le dispositif passe un second test, de conventionnalité cette fois, devant la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 18 juin 2012, Fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la création et Ville de Paris, n° 11PA00758 ; AJDA, 2012, p. 1192 ; chron. siriNelli, AJDA, 2012, p. 1496 ; obs. graNd, AJCT, 2012, p. 508 ; concl. Vidal, RFDA, 2012, p. 650). Le rapporteur public rappelle à la Cour que les contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité « bien que proches, sont différents, les différences portant tant sur les textes au regard desquels le CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 593 contrôle est exercé que sur la nature du contrôle et au cas d’espèce, peut-être sur son intensité » (concl. Vidal, RFDA, 2012, p. 651). 15. La Cour administrative d’appel de Paris suit les conclusions de son rapporteur public en considérant que « si la validation législative repose sur des motifs d’intérêt général, tenant en particulier au fait que la création du musée d’art contemporain envisagé présente un intérêt culturel, urbanistique, architectural et économique de nature à renforcer l’attractivité touristique de la ville de Paris et à mettre en valeur le Jardin d’acclimatation, lesdits motifs ne revêtent cependant pas, en l’espèce, un caractère impérieux, qui serait seul susceptible de justiier l’atteinte ainsi portée au droit à un procès équitable ». On ne sait pas si cette solution est la conséquence de la mise en œuvre d’un contrôle d’une intensité distincte de celui opéré par le Conseil constitutionnel, ou s’il s’agit uniquement d’une conséquence de la différence de cause juridique et de nature du contrôle. Il peut encore s’agir d’une perception différente des motifs d’intérêt général guidant le législateur dans l’adoption de la loi de validation. Cela ne scelle pas le sort du musée de la fondation Louis Vuitton dans la mesure où la Cour administrative d’appel de Paris annule le jugement du tribunal administratif sur le fondement de la mauvaise application de règles d’urbanisme. 3. Interdictions générales et absolues 16. Deux affaires, en apparence très dissemblables, permettent au juge administratif de prendre position sur la question des interdictions générales et absolues. Dans la première espèce est contestée l’interdiction faite aux agents concourant au service public pénitentiaire d’entretenir des relations non justiiées par les nécessités de leur mission avec les personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l’autorité ou le contrôle de l’établissement dans lequel ils interviennent ainsi qu’avec leurs parents ou amis (CE, 11 juillet 2012, Section française de l’Observatoire international des prisons, n° 347148 ; AJDA, 2012, p. 1429). Dans la seconde espèce est en cause la disposition du règlement intérieur d’un établissement psychiatrique interdisant aux patients toute relation sexuelle (CAA Bordeaux, 6 novembre 2012, Baudoin, n° 11BX01790 ; concl. Katz, AJDA, 2013, p. 115 ; obs. Hauser, RTD Civ., 2013, p. 91). 17. Dans les deux cas, les dispositions sont attaquées pour défaut de conformité à l’article 8 de la CEDH (vie privée et familiale). Dans la première espèce, le Conseil d’État estime que l’ingérence dans la vie privée des agents concourant au service public pénitentiaire est justiiée par des impératifs de sécurité, par la nécessité d’assurer l’égalité entre les personnes détenues ainsi que par la nécessité de protéger les droits et libertés de ces personnes placées dans une situation de dépendance vis-à-vis des agents pénitentiaires. En revanche, en étendant cette interdiction aux personnes ayant été détenues et à leurs parents et amis, cette disposition réglementaire « instaure une interdiction générale, de caractère absolu et sans aucune limitation de durée, qui impose des sujétions excessives au regard des stipulations de l’article 8 » de la Convention. Dans la seconde espèce, à propos du règlement intérieur de l’unité de soins disposant que « les relations de nature sexuelle ne sont pas autorisées […] dans la mesure où les patients d’un établissement psychiatrique sont vulnérables et nécessitent d’être protégées », le Conseil d’État relève que « l’interdiction en cause qui s’impose à tous les patients de l’unité, quelle que soit la pathologie dont ils souffrent, son degré de gravité et pendant toute la durée de leur CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 594 jurisprudence française relative au droit international hospitalisation présente un caractère général et absolu […] ; telle que formulée […] l’interdiction en cause impose à l’ensemble des patients de cette unité une sujétion excessive au regard des stipulations de l’article 8 » de la Convention européenne des droits de l’homme. 4. Espérance iscale légitime et article 1 du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme 18. La clôture de l’exercice iscal intervient le 31 décembre pour l’impôt sur les sociétés. La loi de inances de in d’année est publiée au plus tard à la même date et entre en vigueur au moment où survient le fait générateur de l’impôt. Or, elle régit l’établissement de l’impôt au titre de revenus réalisés pendant l’année qui a précédé cette entrée en vigueur ; on parle de « petite rétroactivité iscale ». Saisi d’une contestation de ce type de situation créée par la loi de inance de 2013, le Conseil constitutionnel estime que celle-ci est inhérente à des impositions acquittées en année n+1 sur les produits ou revenus réalisés en année n, et considère que « les dispositions […] de la loi déférée, qui sont applicables aux impositions qui seront dues en 2013 au titre de l’année 2012, modiient des avantages iscaux antérieurement accordés dont aucune règle constitutionnelle n’impose le maintien ; qu’elles n’affectent pas des situations légalement acquises et ne sont, dès lors, pas contraires à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (CC, décision n° 2012-662DC, 29 décembre 2012). La position du Conseil d’État, opérant un contrôle de conventionnalité peut, dans certaines circonstances, apparaître plus favorable au contribuable. Appelé à se prononcer sur le retrait après deux ans d’un régime de crédit d’impôt initialement instauré pour trois ans au bénéice des entreprises créatrices d’emplois (CE, 9 mai 2012, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c. Société EPI, n° 308996 ; AJDA, 2012, p. 974 ; chron. domiNo, BretoNNeau, AJDA, 2012, p. 1392), le Haut Conseil considère « qu’à défaut de créance certaine, l’espérance légitime d’obtenir une somme d’argent doit être regardée comme un bien au sens » de l’article 1 du protocole 1 à la CEDH. Or, « à la date où elle a décidé de recruter des salariés supplémentaires, la société EPI pouvait légitimement espérer avoir droit au bénéice du crédit d’impôt correspondant ; que, par suite, le bénéice de ce crédit d’impôt pouvait être regardé comme sufisamment certain et établi avant sa suppression ». 19. Dès lors, faisant application de la méthode mise en lumière dans l’avis Provin (CE, Ass., avis, 27 mai 2005, cette chronique, AFDI, 2006, p. 774), le Conseil d’État constate qu’il est possible pour le législateur de porter atteinte rétroactivement à un bien protégé par l’article 1 du protocole 1 « à la condition de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée à ces droits et les motifs d’intérêt général susceptibles de la justiier ». En l’espèce, faute de motif d’intérêt général, l’ingérence était disproportionnée. Cependant, toute forme de « petite rétroactivité » n’entre pas dans le champ d’application de l’article 1 du protocole 1. Ainsi, le Conseil d’État a pu, dans un arrêt ultérieur (CE, 21 novembre 2012, Daumen, n° 347223), considérer que « la circonstance que de telles plus-values n’étaient auparavant pas imposées ne peut être regardée comme constituant un bien au sens de l’article 1er du premier protocole ; que, dès lors, les contribuables ne pouvaient se prévaloir d’aucune espérance CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 595 légitime de ne pas être imposés en France à raison des plus-values “latentes” constatées à la date du transfert de leur domicile iscal hors de France ». Il semble donc que c’est la dimension d’« engagements réciproques » placée au cœur du régime iscal examiné dans l’affaire « SEPI » (création d’emplois / avantage iscal) qui permet de se placer sous la protection du système conventionnel. 5. Titres nobiliaires et CEDH 20. Le Conseil d’État afirme, de manière solennelle, dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (CourEDH, 28 octobre 1999, De la Cierva Osorio de Moscoso et autres c. Espagne, n° 41127/98) que « les stipulations des articles 8 et 14 de la Convention européenne ne peuvent être utilement invoquées en matière de vériication des titres de noblesse » (CE, 7 mai 2012, Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés c. Colonna-Walewski, n° 349976 ; AJDA, 2012, p. 981). Section III : Les traités de l’Union européenne et le droit de l’Union européenne 1. Rapports entre droit constitutionnel et droit de l’Union européenne 21. L’affaire « Melki » (voy. cet Annuaire, 2011) a montré le Conseil constitutionnel attentif à ce que le contrôle de constitutionnalité des lois ne cède pas devant le contrôle de conventionnalité. L’année 2012 en témoigne à nouveau, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, dont l’un des moyens soulève un point de droit relatif à la conformité entre une loi et une directive européenne (décision n° 2011-217 QPC, 3 février 2012, Mohammed Akli B., 3e cons. ; chron. Perrier, RFDC, 2012, p. 889 ; tcHeN, Droit administratif, 2012-4, p. 33 ; simoN, Europe, 2012-3, p. 1). Ain que le contentieux constitutionnel ne soit pas déformé par l’absorption du contentieux conventionnel, le Conseil constitutionnel rappelle « que , d’une part, un grief tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité ; que, par suite, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61-1 de la Constitution, d’examiner la compatibilité des dispositions contestées avec les traités ou le droit de l’Union européenne ; que l’examen d’un tel grief relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ». La solution reste classique et attendue, tant en ce qu’elle refuse de mêler les genres entre contrôle de conventionnalité et contrôle de constitutionnalité, que sur le fait qu’elle renvoie, pour ce premier point, aux juridictions ordinaires, ainsi que le Conseil constitutionnel l’avait déjà relevé dans sa décision Jeux en ligne (décision n° 2010-605 DC, 12 mai 2010, cons. 10-12). 2. Champ d’application des traités européens 22. La Cour de cassation prononce, le 11 avril 2012, un arrêt aussitôt remarqué pour poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne sur le champ d’application de la Charte des droits fondamentaux (Cass. Soc. 11 avril 2012, n° 11-21.609, chron. tricoit, JCP S, 2012-13, p. 33, laulom, Semaine sociale Lamy, 2012, n° 1535, p. 7). Il s’agit alors de savoir plus précisément si l’instrument en question peut être invoqué dans des rapports entre particuliers, dans CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 596 jurisprudence française relative au droit international le cadre d’un contrat de travail. Le demandeur peut, en effet, y trouver un grand intérêt, puisque la Charte est bien plus détaillée sur les droits sociaux (syndicaux notamment) que ne l’est la CEDH, même en y incluant ses protocoles. Il reste que cette interprétation de la Charte, visant à ce qu’elle s’applique dans des rapports entre particuliers et non plus seulement dans des rapports individu/État, aurait pu aller de soi, puisque la Chambre sociale a déjà répondu favorablement à une telle hypothèse (voy. notamment Cass. Soc., 14 avril 2010, Société SDMO Industries, n° 09-60.426 et 09-60.429 ; Cass. Soc., 17 mai 2011, Chartier, n° B 10-12.852). La Chambre sociale rappelle d’ailleurs, dans cet arrêt, que « il est de jurisprudence constante que les droits fondamentaux de l’Union européenne peuvent être invoqués dans un litige entre particuliers aux ins de vériier le respect par les institutions de l’Union et les États membres, lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, de ces mêmes droits fondamentaux ; que les articles 51 et 52 de la Charte ne comportent aucune limitation de l’invocation des dispositions de la Charte, que celles-ci contiennent des principes ou des droits, aux litiges de nature horizontale, pas plus que les Explications ad article 51 et ad article 52, lesquelles sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres en application de l’article 52 § 7 de la Charte ; que les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sont applicables dans les litiges entre particuliers ; qu’aux termes de l’article 53 de la Charte, aucune disposition de la Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales reconnus notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». 23. Dans le cas d’espèce, l’opinion de la Cour de justice apparaît cependant importante car le problème de droit se pose à propos d’une mesure nationale de transposition d’une directive (la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne) qui précise les dispositions de la Charte. La prise en compte de la charte dans le présent litige permettrait ainsi de connaître utilement le sens et la portée de la directive, et de savoir si la mesure nationale de transposition (l’article L. 1111-3 du Code du travail) rend bien compte des objectifs poursuivis par celle-ci 1. CHAPITRE II : LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL Section I : L’État 1. La compétence territoriale de l’État a) L’entrée, le séjour et la sortie du territoire d’étrangers en application d’accords internationaux 24. Dans sa rédaction issue de l’avenant du 11 juillet 2001, l’article 7 ter de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 soumet l’obtention d’un certiicat de 1. En réponse à la question qui lui était posée, la Cour de Justice déclare toutefois que si la disposition législative en cause est bien contraire au droit de l’Union européenne, l’article 27 de la charte ne peut être invoqué dans un litige entre particuliers ain de la laisser inappliquée, puisqu’il s’agit d’une disposition qui ne confère pas directement de droit subjectif invocable par les particuliers (CJUE, 15 janvier 2014, C-176/12). CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 597 résidence portant la mention « retraité » à la détention d’un certiicat de résidence de dix ans. Le Conseil d’État juge, dans un arrêt rendu le 26 novembre 2012, que les ressortissants algériens qui ont bénéicié de titres de séjour d’une validité moindre ne peuvent pas s’en prévaloir « quand bien même la succession de ces titres leur permettrait de justiier d’une durée de séjour continue égale ou supérieure à dix ans » (CE, 26 novembre 2012, n° 349293, AJDA, 2012, p. 2294). b) Zone économique exclusive 25. Après treize années de procédures, la Chambre criminelle de la Cour de cassation met in à l’affaire de l’« Érika » par un arrêt du 25 septembre 2012 de plus trois cents pages dont sont ici rapportés les seuls aspects liés à la compétence des juridictions pénales françaises (Cass. Crim., 25 septembre 2012, n° 10-82.938, Bull. crim., n° 198, deleBecque, « L’arrêt “Érika” : un grand arrêt de droit pénal, de droit maritime ou de droit civil ? », Rec. Dalloz, 2012, p. 2711 ; Neyret, « Le préjudice écologique : un levier pour la réforme du droit des obligations », ibid., p. 2673 ; moliNer-duBost, « Marée noire de l’Érika : double victoire pour les parties civiles et pour l’environnement », AJCT, 2012, p. 620 ; maziau, « La réception du droit international (public) par la Cour de cassation », JDI, 2013-3, pp. 791-819). Chacun se souvient qu’en décembre 1999 un pétrolier battant pavillon maltais et affrété au voyage par la société Total fait naufrage en zone économique française. Pour retenir la compétence des juridictions françaises, la chambre criminelle est conduite à apprécier la compatibilité de l’article 8 de la loi du 5 juillet 1983 avec la convention pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973, telle que modiiée par le protocole du 17 février 1978 (convention Marpol). L’article 113-2 du code pénal prévoit, en effet, que « la loi pénale française est applicable aux infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient ». Or, la loi du 5 juillet 1983 qui réprime la pollution par les navires, sert de fondement aux poursuites des auteurs des faits incriminés commis en zone économique exclusive (ZEE) dans la mesure où elle punit « toute personne ayant un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche d’un navire, dont l’imprudence ou la négligence a provoqué un accident de mer à l’origine d’une pollution des eaux territoriales ». Les auteurs du pourvoi font valoir que, contrairement au droit français, la convention Marpol distingue les rejets volontaires des rejets accidentels et ne vise que l’hypothèse d’une avarie. Ils soulignent aussi que cette convention prohibe certains rejets et non précisément la pollution qu’ils engendrent et, enin, qu’elle ne permet l’incrimination que du capitaine et du propriétaire du navire. En faisant siens une partie des termes de l’arrêt attaqué, la chambre criminelle considère que l’application faite en l’espèce de l’article 8 de la loi du 5 juillet 1983 n’est pas contraire aux exigences de la convention Marpol. En effet : « l’arrêt retient que l’infraction de pollution involontaire a entraîné des rejets qui ont causé des dommages graves à l’État côtier ; que la cour d’appel ajoute qu’aucun des prévenus n’a pris les précautions raisonnables qui s’imposaient après l’avarie pour réduire au minimum le rejet ; que les juges précisent que le texte même de la règle 9, devenue les règles 15 et 34 de l’annexe I de la Convention Marpol, interdit les rejets à tout “navire”, entité qui n’a pas la personnalité morale, qu’aucune personne physique n’est visée dans le texte même de la convention et qu’il convient donc d’en déduire que les parties signataires n’ont pas entendu imposer une liste limitative au législateur national chargé d’introduire les règles de ladite convention dans le droit national positif et de déinir les catégories de personnes pénalement responsables ». CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 598 jurisprudence française relative au droit international Tout en soulignant la « sévérité » de la loi, la cour d’appel a conclu à sa compatibilité avec la convention MARPOL en se référant expressément aux règles d’interprétation énoncées dans la convention de Vienne de 1969. Selon les juges du fond, l’objet et le but de la Convention sont « de prévenir la pollution, de mettre in à la pollution intentionnelle et de réduire au maximum les rejets non accidentels ». L’essentiel est que l’application de la loi se révèle incompatible avec cette interprétation de la convention seulement pour ceux des prévenus qui auront pris des « précautions raisonnables pour éviter ou réduire le rejet ». Or, selon les juges du fond, tel n’était pas le cas en l’espèce. 26. La Cour de cassation précise que cette interprétation ne méconnaît pas la compétence que l’État côtier tient de la convention des Nations unies sur le droit de la mer dite de Montego Bay. L’article 220, paragraphe 6, de cette convention autorise, en effet, l’État côtier à « intenter une action » contre un navire naviguant dans sa ZEE dont il y a de sérieuses raisons de penser qu’il a commis une infraction aux règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution. L’article 228 du même texte prévoit, néanmoins, une compétence prioritaire de l’État du pavillon dans la mesure où les poursuites engagées par l’État côtier doivent être suspendues si celui-là engage une action dans les six mois suivant l’introduction de la première action. Conscient de l’absence potentielle de poursuite effective en cas de pavillon de complaisance, les rédacteurs de la convention ont, toutefois, prévu que cette compétence prioritaire doit cesser « en cas de dommage grave causé à l’État côtier ou [si] l’État du pavillon en question [a] à plusieurs reprises manqué à son obligation d’assurer l’application effective des règles et normes internationales en vigueur à la suite d’infractions commises par ses navires ». En l’espèce, Malte n’a pas entamé d’action à l’encontre de l’Érika, si bien que la France est bien compétente aux termes de la convention de Montego Bay. La chambre criminelle prend soin d’asseoir son raisonnement « par application combinée des articles 220 point 6 et 228 » en soulignant que, en toute hypothèse, « la compétence de l’“État côtier” est acquise lorsqu’elle porte sur un cas de dommage grave » (Sur ces dispositions voy. aussi cette chronique, AFDI, 2010, p. 882 et alouPi, « L’invocation d’une règle conventionnelle de répartition des compétences juridictionnelles devant le juge français. Rélexions sur les affaires “Trans Arctic Fast Independence et Yytautas” », RGDIP, 2012-2, pp. 321-352). L’intérêt de cet arrêt ne s’arrête pas à cette consécration de la compétence des juridictions pénales pour des faits commis dans la ZEE française qui entraînent une pollution grave de sa mer territoriale et ses littoraux. La question des conditions d’application de l’immunité de juridiction de l’organisme d’État certiicateur du navire sera évoquée plus loin (n° 38). Enin, il convient de rappeler que la société Total, considérée comme affréteur, a été condamnée à payer solidairement avec le propriétaire, le gestionnaire et la société de classiication le montant des dommages-intérêts aux victimes au titre novateur d’un « préjudice écologique ». c) Arbitrage 27. Les relations entre obligation de révélation, indépendance et impartialité de l’arbitre ne cessent d’alimenter la jurisprudence interne et internationale. S’il est établi que l’obligation de révélation s’est considérablement développée dans la période récente, les conséquences de son défaut pouvaient, à la lecture de la jurisprudence française, paraître incertaines. Dans l’affaire « Société Neoelectra », la Cour de cassation clariie les conditions dans lesquelles un tel défaut peut entraîner l’annulation d’une sentence arbitrale (Cass. Civ. 1re, 10 octobre CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 599 2012, Société Neoelectra Group SAS c. Société Tecso EURL, n° S 11-20.299 ; note JarrossoN, Rev. Arb., 2013, p. 130). Dans cette affaire, une sentence arbitrale est annulée par la cour d’appel de Paris aux motifs que l’un des arbitres n’a pas révélé avoir été of counsel jusqu’en 2000 dans un cabinet qu’a rejoint, après le début de la procédure, le conseil de la partie qui l’a nommé (procédure arbitrale initiée en 2008). L’arbitre a, en outre, omis de révéler qu’il avait délivré à ce cabinet « deux ou trois consultations entre 2000 et 2008 ». La cour d’appel de Paris a considéré, dans une décision qualiiée de « sévère » (JarrossoN, note préc. p. 131), que ce défaut de révélation a privé la partie requérante de l’exercice de son droit de récusation et est de nature à faire naître dans son esprit un doute raisonnable quant à l’indépendance et l’impartialité de cet arbitre, sans expliquer la relation entre le défaut de révélation et l’existence de ce doute. La Cour de cassation considère que l’on ne doit pas déduire automatiquement du défaut de révélation un défaut d’indépendance et d’impartialité entraînant l’annulation de la sentence. Il est nécessaire pour les juges d’« expliquer en quoi ces éléments [non révélés] étaient de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute quant à l’impartialité » de l’arbitre. Pèse donc sur la partie cherchant à obtenir l’annulation de la sentence la charge de prouver en quoi le défaut de révélation a pu provoquer chez elle un doute raisonnable sur l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre. Ainsi, le défaut de révélation ne devrait entraîner l’annulation de la sentence qu’à la condition que celui-ci porte sur un élément dont il est raisonnable de penser qu’il pouvait ouvrir droit à une demande de récusation. La rupture de l’automaticité entre défaut de révélation et défaut d’indépendance et d’impartialité permet de donner pleinement effet à l’afirmation selon laquelle l’obligation de révélation « est un moyen quand l’indépendance et l’impartialité sont une in » (HeNry, Rev. Arb., 2012, p. 112). 2. La compétence personnelle de l’État : Nationalité 28. Après avoir été déclaré conforme à la Constitution, l’article 20, II, 6° de l’ordonnance du 4 juillet 2005 a été confronté aux articles 8 et 14 de la CEDH (cette chron., AFDI, 2012, p. 853). Les dispositions attaquées réservent aux seuls enfants mineurs à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance la possibilité d’être déclarés français en raison de la présence du nom de leur mère française sur leur acte de naissance. Constatant que la requérante de l’espèce est majeure au 1er juillet 2006, la Cour de cassation énonce que le jugement attaqué devant elle retient « à bon droit, que les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ne peuvent faire échec au droit qu’a chaque État de déterminer les conditions d’accès à la nationalité » (Cass. civ. 1re, 14 mars 2012, n° 11-15.290). Si, en dehors de la condition controversée de l’effectivité et de l’opposabilité internationale de la nationalité, il ne fait pas de doute, au regard du droit international général, que les États disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les conditions d’accès à leur nationalité, il n’est cependant pas certain qu’une telle décision ne puisse pas être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’homme (voy. not. Cour EDH, 11 octobre 2011, Genovese c. Malte). Pour l’éviter, la France devrait convaincre la Cour de Strasbourg que la discrimination en cause repose sur une justiication objective et raisonnable. Il a ainsi pu être regretté que la première Chambre civile n’apporte aucune justiication au soutien de son appréciation (sur une potentielle violation des articles 8 et 14 de la CEDH, voy. marcHadier, « Discrimination et détermination des nationaux », RCDIP, 2012, p. 553). CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 600 jurisprudence française relative au droit international Section II : Le régime de l’asile 1. Fondement de la protection a) Appartenance à un certain groupe social 29. Déjà amorcée l’an dernier, l’évolution de la position de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) quant à la notion de « groupe social » est consacrée cette année par le Conseil d’État dans deux décisions d’Assemblée du 21 décembre 2012 à la faveur de la problématique des risques d’excision. En s’appuyant sur la déinition donnée par la directive du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, le Conseil distingue deux éléments à prendre à compte. L’un est intrinsèque à la personne du demandeur d’asile, l’autre lui est extérieur. Un groupe social est, en effet, « constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, ou une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ». Quant au premier élément, le Conseil précise en outre que « l’appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou s’ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe ». 30. C’est cette dernière précision qui conduit la Haute juridiction à casser la décision de la CNDA ayant refusé la qualité de réfugié à une illette originaire de Côte d’Ivoire (dont les craintes d’excision étaient établies) au motif que, née en France et compte tenu de son jeune âge, elle ne pouvait manifester son refus de la pratique des mutilations sexuelles. En l’espèce, le Conseil d’État considère, par ailleurs, que « dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social » (CE, Ass. 21 décembre 2012, Mlle Fofana, n° 332491, voy. cette chronique, AFDI, 2010, pp. 884-885). L’arrêt précise que la protection ne pourra néanmoins être accordée qu’en l’absence d’une possibilité d’asile interne, d’une part, et en prenant compte des éléments individualisés « notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques [que le requérant] encourt personnellement », d’autre part. 31. Dans une seconde espèce, le Haut Conseil statue sur l’hypothèse des parents d’enfants craignant la pratique de l’excision. Compte tenu de la déinition précitée de la notion de « groupe social », le Conseil d’État valide l’appréciation de la CNDA selon laquelle il n’est pas établi que la mère de la illette puisse être regardée comme relevant d’un groupe social « du seul fait de son opposition aux mutilations sexuelles auxquelles sa ille serait exposée si elle retournait avec elle en Côte d’Ivoire » (CE, Ass. 21 décembre 2012, Mme Fofana, n° 332492). Reste alors à savoir si les parents des enfants ainsi protégés peuvent se prévaloir d’une protection au titre de l’unité de famille. 32. S’agissant de la thématique des risques encourus en raison d’une orientation sexuelle, le Conseil d’État casse pour les raisons précitées, une décision de la CNDA refusant la qualité de réfugié au motif que le requérant n’aurait pas apporté la preuve de la manifestation de son orientation sexuelle. La Haute juridiction précise, par ailleurs, dans le même arrêt que l’existence d’une incrimination pénale CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 601 de l’homosexualité n’est pas une condition de l’existence d’un groupe social (CE, 27 juillet 2012, Mbwene, n° 349824 ; obs. BroNdel, AJDA, 2012, p. 1549 ; voy. aussi cette chronique, AFDI, 2012, pp. 854-855). b) Opinions politiques 33. Après avoir exclu que « la seule appartenance à une institution telle que l’armée, la police, les services secrets ou la magistrature, qui est créée par l’État » puisse être assimilée à une appartenance à un groupe social, le Conseil d’État se prononce sur la possibilité d’une protection au titre d’une opinion politique. Ce n’est pas par principe que « l’engagement dans les services secrets » ne correspond pas à « l’expression d’une opinion politique au sens de la convention », mais simplement parce qu’une telle expression ne ressort par des déclarations de l’intéressé. Il est toutefois regrettable qu’au regard du contexte afghan – tel était le cas de l’espèce – le juge ne mobilise pas la notion « d’opinion politique imputée » dans la mesure où l’appartenance aux institutions étatiques est fréquemment perçue par les divers groupes rebelles comme l’expression d’une telle opinion quelle qu’ait été la motivation réelle du requérant (CE, 27 juillet 2012, OFPRA c. M. A., n° 323669). 2. Exclusion de la protection 34. Aux termes de l’article 1er, F, de la Convention de Genève de 1951, la protection qu’elle prévoit ne peut être applicable « aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser […] c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ». Le même motif d’exclusion est prévu par les dispositions de l’article L. 712-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) s’agissant de la protection subsidiaire. En l’espèce, il a été établi que le requérant est un oficier supérieur, expert de haut niveau en matière d’armement, des forces iraniennes « Al Qods » dont la Cour précise qu’elles font l’objet depuis le 24 août 2011 de sanctions de l’Union européenne en raison du soutien qu’elles apportent au régime syrien dans la répression qu’il exerce à l’encontre de ses opposants et dont il est notoire qu’elles soutiennent des groupes terroristes dans différents États. La seule appartenance du requérant à cette organisation ne permet toutefois pas d’appliquer à elle seule la clause d’exclusion. Toutefois, après un examen individuel de la situation du requérant, il apparaît que « le niveau de responsabilité, de connaissance de l’organisation et d’activité de M. Z. M., qui a dirigé de 1993 à 2007 un centre de formation de ressortissants étrangers au sein de la force “Al Qods”, impliquent nécessairement qu’il ait, à tout le moins, eu connaissance des attentats et des actions terroristes dont la force “Al Qods” s’est rendue complice. La CNDA retient, par ailleurs, que sa désertion ne peut être qualiiée de “désolidarisation” des activités en cause en raison de son caractère tardif. Quand bien même elle l’expose avec raison à des risques de persécution au sens de la convention de Genève, le requérant est donc exclu du champ de sa protection et de celle offerte par l’article L. 712-2 c) du CESEDA » (CNDA, 5 avril 2012, M. Z. M., n° 10004811). CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 602 jurisprudence française relative au droit international CHAPITRE III : LES RELATIONS INTERNATIONALES Section I : Les immunités des États et des organisations internationales 35. La Cour de cassation et le Conseil d’État ne sont guère sollicités sur ce point en cette année 2012. Seules quelques affaires permettent aux deux juridictions d’en préciser certains aspects au demeurant très instructifs. 1. Les immunités de l’État étranger 36. L’État est porteur d’une immunité de juridiction et d’exécution qui proite à l’ensemble de ses organes, spécialement lorsqu’ils n’ont pas de personnalité morale indépendante de celle de l’État. Ainsi en est-il de l’American Battle Monuments Commission, structure de l’administration américaine qui gère notamment le cimetière militaire américain de Colleville-sur-Mer ; cette commission n’ayant pas de personnalité distincte de l’État américain, aucun jugement de saisie-attribution ne peut être dirigé contre elle sans que les services diplomatiques américains aient été informés (Cass. Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 10-16710). La Cour de cassation maintient, en l’espèce, le formalisme propre à garantir à l’État étranger une immunité d’exécution, dont le régime est autonome de celui de l’immunité de juridiction. Le litige porte, en effet, sur un contrat de travail passé entre un particulier et l’ABCM, et qui renvoie à la compétence des tribunaux des prud’hommes ; cette renonciation expresse à l’immunité de juridiction est toutefois sans conséquence sur l’immunité d’exécution, laquelle empêche le prononcé d’un jugement en saisie sans que l’État étranger ait été préalablement informé par les voies diplomatiques ordinaires. 37. Le régime des immunités de juridiction de l’État est, pour le reste, connu : seul l’acte qui procède par sa nature ou sa inalité de pouvoirs souverains sont protégés par une immunité, suivant une solution d’usage que la Cour de cassation reproduit dans son arrêt du 28 février 2012 (Cass. Soc., 28 fév. 2012, n° 11-18952, chron. el sawaH, JDI, 2012-4, p. 1394 ; d’aVout, Rev. critique de droit int. privé, 2013-1, p. 179). Cet arrêt apporte, néanmoins, une précision utile sur les cas d’application de ce critère, puisque, en l’espèce, « ne constitue pas un acte de souveraineté, l’acte de gestion administrative consistant pour un État étranger à déclarer ou à ne pas déclarer un salarié à un régime français de protection sociale en vue de son afiliation ». De surcroît, « attendu qu’il résulte de l’article 37 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 relative aux relations diplomatiques que, s’agissant du personnel administratif et technique d’une mission, l’employeur n’est exonéré de ses obligations découlant des dispositions de sécurité sociale en vigueur dans l’État accréditaire, telles que visées par l’article 33, qu’à l’égard des salariés qui ne sont pas ressortissants de cet État ou qui n’y ont pas leur résidence permanente ; que la condition de résidence permanente ne saurait dépendre du type d’autorisation de séjour accordée par l’administration de l’État accréditaire et en vertu de laquelle l’intéressé peut demeurer sur son territoire ». 38. Encore faut-il que l’État se prévale de ses immunités, ainsi que le souligne la Cour de cassation dans l’affaire « Érika » (Cass. Crim., 25 septembre 2012, précité, BoNFlils, Rev. Pénitentiaire et de droit pénal, 2012-4, p. 909, deleBecque, D., 2012-40, p. 2711, moNtas et roussel, AJDP, 2012-11, p. 574 ; cueNde, CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 603 Environnement, 2013-1, p. 25 ; JourdaiN, RTDC, 2013-1, p. 119). La question est d’une appréciation des plus délicates : le seul fait pour un État ou un organisme public d’un État de participer à une procédure judiciaire devant une juridiction étrangère est-il assimilable à une renonciation tacite à son immunité de juridiction ? La Cour de cassation interprète ce comportement positif de l’État de cette manière, peut-être parce que la collaboration de l’organe étranger à la procédure judiciaire n’est accompagnée d’aucun signe permettant de penser qu’il revendique le bénéice de son immunité. Devant une telle équivoque, voire une telle contradiction, le doute joue immanquablement contre l’État, dès lors que « le fait, pour la société Rina, qui afirme être bénéiciaire d’une immunité de juridiction, d’avoir pris une part active à l’instruction n’est pas compatible avec une éventuelle intention de se prévaloir de cette immunité et caractérise donc sans équivoque la renonciation de cette société à s’en prévaloir ». 2. Les immunités des organisations internationales 39. Le Conseil d’État rappelle qu’une organisation internationale est précisément une organisation internationale, de sorte que les actes juridiques qui lui sont imputables échappent à la compétence des juridictions administratives françaises. Cette incompétence empêche le juge des référés d’ordonner les mesures d’urgence, celles commandées en particulier par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative relatif au référé-liberté (CE réf., 21 nov. 2012, n° 369882, à propos de l’Agence spatiale européenne). 3. Les immunités des agents diplomatiques, consulaires et des fonctionnaires internationaux 40. Par un arrêt du 25 janvier 2012, la Cour de cassation rejette un moyen tiré de ce qu’un agent diplomatique d’un État étranger en poste dans un autre État que la France bénéicie d’une immunité de juridiction devant les juridictions françaises (Cass. Crim., 25 janvier 2012, n° 11-86792, à propos du conseiller économique auprès de l’ambassade de la République centrafricaine au Sénégal). La solution de la Cour s’efforce de donner une juste application de l’article 31 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, laquelle indique ouvertement que les immunités dont sont porteurs les agents diplomatiques des États étrangers ne jouent que dans le seul État accréditaire, c’est-à-dire celui qui l’autorise à conduire sur son territoire sa mission diplomatique : « L’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’État accréditaire ». Une telle approche est incontournable du reste, puisque c’est là l’énoncé même de la convention de Vienne, ne permettant ainsi aucune marge d’interprétation. 41. Plus complexe est, en revanche, le raisonnement du Conseil d’État par lequel il admet que les fonctionnaires de la BIRD bénéicient d’une immunité iscale sur leurs traitements et rémunérations (CE, 3e et 8e s/sect. réunies, 23 juillet 2012, Brunet, n° 346486). La Haute juridiction tranche un conlit entre deux instruments conventionnels, le statut de la BIRD (Banque Mondiale) et la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946, les deux touchant la question de l’immunité iscale des fonctionnaires des organisations spécialisées des Nations Unies. Il s’agit, plus précisément, de savoir si un ressortissant français peut être assujetti à l’impôt sur le revenu pour les revenus qu’il touche de ses missions auprès de la BIRD. Or, si les statuts de cette institution spécialisée privent les fonctionnaires de leur immunité iscale dans leur État de résidence, la Convention des Nations Unies n’introduit, elle, aucun critère similaire et se montre donc bien plus CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 604 jurisprudence française relative au droit international avantageuse pour le fonctionnaire. De surcroît, la convention indique elle-même qu’il en va ainsi pour les fonctionnaires de la BIRD, sans qu’il y ait besoin de modiier pour cela les statuts de l’institution, de sorte qu’elle constitue le régime ordinaire des fonctionnaires de cette institution. Le Conseil d’État souligne surtout que la France a joint à son instrument d’adhésion à la Convention une déclaration qui fait prévaloir les instruments spécialisés sur la convention en cas de conlit, ce qui aurait dû renverser le schéma de la convention au proit du statut de la Banque mondiale. Le Conseil retient cependant que les travaux parlementaires relatifs à la loi autorisant l’adhésion à la convention, du 27 juin 2000, ne révèlent pas que cette déclaration ait emporté de réserve en matière iscale, si bien qu’avec ce raisonnement un peu forcé, la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies demeure applicable et garantit au requérant une immunité iscale. Le Conseil aurait certainement pu s’épargner un raisonnement aussi discutable en raisonnant en amont, pour relever que ladite déclaration est inopérante puisque, précisément, il n’y a pas de conlit entre les deux instruments, la convention précisant qu’elle se substitue au statut de la Banque Mondiale au sujet des immunités iscales. Section II : Le régime de l’extradition 1. Contrôle des conditions essentielles de la demande d’extradition 42. L’article 696-2 du Code de procédure pénale prévoit sous certaines conditions la faculté du Gouvernement français de remettre « aux gouvernements étrangers » qui en font la demande un étranger se trouvant sur le territoire de la République. Dans une décision du 14 février 2012, la Chambre criminelle de la Cour de cassation pose le principe selon lequel l’expression « gouvernement étranger » doit être entendue comme désignant un « État souverain ». En effet, conduite à statuer sur la légalité de l’avis favorable à l’extradition d’un ressortissant paraguayen émis par la chambre de l’instruction à la suite d’une demande d’extradition de Hong-Kong, la chambre afirme : « qu’est privé de l’une des conditions essentielles de son existence légale l’avis de la chambre de l’instruction rendu sur une demande d’extradition n’émanant pas d’un État souverain ». Elle précise « qu’aucune convention d’extradition n’existe entre la France et ladite région, pourtant habilitée, en application de l’article 96 de la Loi fondamentale adoptée le 4 avril 1990, à conclure, avec l’aide ou l’autorisation du gouvernement de la République populaire de Chine, de telles conventions » (Cass. Crim., 14 février 2012, M. Candado Salinas, n° 11-87679, Bull. n° 41 ; BeNilloucHe, « Extradition vers Hong Kong : éclairage sur le statut juridique de la région sous souveraineté chinoise », D., 2012, p. 931 ; maziau, « La réception du droit international (public) par la Cour de cassation », JDI, 2013-3, p. 791-819, précité). Or, selon la Chambre criminelle, « la région administrative spéciale de Hong-Kong ne constitue pas un État souverain au sens des articles susvisés » (voy. trigeaud, RGDIP, 2012, p. 434). Toujours est-il que, en déinitive, faute d’avoir été saisie par un État, aucune demande d’extradition n’existait au sens du code de procédure pénale si bien que l’arrêt de la chambre de l’instruction ne peut qu’être cassé et annulé. 43. Par ailleurs, il a pu être relevé que l’arrêt de la Chambre criminelle « est important au regard du contrôle que la Cour de cassation exerce en matière d’extradition puisque, pour la première fois, elle vériie la régularité externe d’une demande – la qualité du demandeur – chose qu’elle ne faisait pas jusqu’à présent en laissant ce soin, soit aux juges du fond jusqu’alors souverains dans leur pouvoir d’appréciation, soit au Conseil d’État, lui laissant la possibilité de critiquer le refus de la Cour d’exercer un tel contrôle au travers de son propre contrôle de la légalité du décret d’extradition » (voy. maziau, loc. cit). CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART jurisprudence française relative au droit international 605 2. Extradition et peine non déinitive 44. Il résulte de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 que les États parties s’engagent à livrer les individus recherchés aux ins d’exécution d’une peine exécutoire d’une durée minimum de quatre mois. Saisie d’une demande des autorités d’Ankara sur le fondement de cet instrument, la France décide d’y faire droit. Le ressortissant turc visé par la demande d’extradition tente d’obtenir l’annulation de celle-ci devant le Conseil d’État au motif que la peine qui lui a été inligée ne serait pas déinitive. À plusieurs reprises le Conseil d’État a pu afirmer dans le passé qu’un « décret d’extradition ne peut intervenir pour l’exécution d’une condamnation pénale que si celle-ci est devenue déinitive » (CE, 30 mai 2005, Pirvulescu, n° 256357 ; cette chronique, AFDI, 2006, p. 792). La Haute juridiction administrative abandonne cette position aux motifs qu’elle ne repose ni sur une disposition de la Convention européenne d’extradition ni sur un principe général du droit de l’extradition (CE, 12 décembre 2012, Mehmet K., n° 360887 ; AJDA, 2012, p. 2408). 3. Extradition vers le Rwanda et accusation de crime de génocide 45. Contrairement à plusieurs pays comme le Canada ou la Norvège, la France n’a jamais extradé vers le Rwanda des personnes accusées de participation au génocide de 1994. Plusieurs fois saisie de cette épineuse question, la Cour de cassation a constamment considéré que les conditions d’une extradition vers Kigali n’étaient pas réunies. L’affaire relative à l’extradition de M. Muhayimana livre une éclatante démonstration de la position de la Cour de cassation sur une question toujours aussi sensible (Cass. Crim., 11 juillet 2012, M. Claude Muhayimana, n° 12-82.502). Deux principes justiient les refus successifs d’extradition des personnes réclamées par Kigali dans le cadre d’accusations de génocide : la « légalité des délits et des peines » et la « non-rétroactivité de la loi pénale » selon lesquels on ne peut être jugé pour une infraction qui n’était pas déinie par la loi au moment où les faits auraient été commis. Le génocide est poursuivi au Rwanda en vertu de lois postérieures (1996 et 2004) aux faits de 1994. Malgré ces obstacles, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 29 mars 2012) a rendu un avis favorable à la demande d’extradition de M. Muhayimana vers le Rwanda. La juridiction d’instruction a contourné ce problème en invoquant, d’une part, les conventions internationales de 1948 (génocide) et 1968 (imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité) ratiiées par Kigali en 1975 et, d’autre part, des dispositions du code pénal rwandais de 1977 réprimant des crimes de droit commun comme l’assassinat et le viol. Elle a ainsi considéré que le génocide et les crimes contre l’humanité sont bien incriminés et réprimés par le droit rwandais en 1994. C’est cet avis positif qui est l’objet d’une contestation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. 46. Divers moyens de cassation sont mis en avant par le demandeur. Il est reproché à la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Rouen de s’être exclusivement appuyée sur le constat fait par la Cour de Strasbourg des évolutions législatives rwandaises (Cour EDH, Ahorugeze c. Suède, arrêt, 27 octobre 2010, n° 37075/09, § 129) pour afirmer que le demandeur ne serait pas exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH. La Chambre criminelle de la Cour de cassation ne peut que constater le défaut de recherche effective par la chambre d’instruction de l’absence de risque de traitement contraire à l’article 3 alors que, contrairement aux autorités suédoises (État requis dans l’affaire examinée par la Cour de Strasbourg), les autorités françaises n’ont pas demandé et obtenu de Kigali de garanties quant au traitement de la personne visée par la demande d’extradition. CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART • CNRS ÉDITIONS - TIRÉS À PART 606 jurisprudence française relative au droit international L’application et l’interprétation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide sont également en cause. L’article 7 de la convention de 1948 dispose que « [l]e génocide et les autres actes énumérés à l’article III ne seront pas considérés comme des crimes politiques pour ce qui est de l’extradition ». La chambre de l’instruction s’est fondée sur cette disposition pour afirmer que la demande d’extradition adressée aux autorités françaises n’obéissait pas à des motifs politiques. Or, ici encore l’examen paraît bien rapide, la disqualiication politique du crime de génocide n’excluant pas qu’un caractère politique puisse être reconnu à la demande d’extradition elle-même. Comme nous le verrons dans les livraisons futures de cette chronique, le parcours judiciaire de cette demande d’extradition a donné à la chambre criminelle de la Cour de cassation l’occasion de se prononcer à nouveau sur ces questions (Cass. crim., 26 février 2014, n° 13-87.888, publié au Bulletin 2). Section III : Conditions de nomination des chefs de missions diplomatiques 47. Les nominations faites par le Président de la République à l’approche du terme de son mandat sont toujours très attentivement scrutées. Ce fut le cas de la nomination par décrets présidentiels datés des 10 février et 4 mai 2012 de deux conseillers de Nicolas Sarkozy aux postes respectifs d’ambassadeur de la République française en Indonésie et en Thaïlande (pour mémoire, le second tour de l’élection présidentielle s’est déroulé le 6 mai 2012). Saisi d’un recours du syndicat CFDT du Ministère des affaires étrangères, le Conseil d’État annule les deux décrets en juillet 2012 (CE, 23 juillet 2012, Syndicat CFDT du Ministère des affaires étrangères, n° 359387 et n° 357157 ; AJDA, 2012, p. 1482). 48. Sur le fondement du décret du 6 mars 1969 (n° 69-222), tel que modiié par le décret du 25 mai 2009 (n° 2009-588), parmi les catégories de personnes pouvant être nommées aux emplois de chef de mission diplomatique, igurent les conseillers des affaires étrangères quel que soit leur grade mais à la condition qu’ils justiient de dix ans de service dans un corps de catégorie A, dont au moins trois ans à l’étranger et puissent démontrer « notamment par l’exercice de responsabilités d’encadrement, leur aptitude à occuper ces emplois ». Les deux anciens conseillers du chef de l’État remplissant les deux premières conditions, c’est cette dernière notion d’aptitude à l’exercice des fonctions qui est au cœur du contentieux. Le Conseil d’État considère, dans les deux cas, que les conseillers des affaires étrangères proposés pouvaient justiier de l’exercice de fonctions d’animation et de coordination lors de leurs missions auprès de la Présidence de la République et de la représentation française auprès de l’ONU pour l’un, et de l’ambassade de France à Pékin pour l’autre. Mais ni l’un ni l’autre ne pouvaient justiier avoir exercé au cours de leur carrière des « fonctions de direction, d’organisation et de gestion de services ou une partie de service ». 2. La Chambre criminelle retient dans cette affaire que ne répond pas aux conditions essentielles de son existence légale, car il méconnaît les dispositions de l’article 696-3, 1° du Code de procédure pénale et le principe de légalité criminelle, consacré par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que par la Convention européenne des droits de l’homme et ayant valeur constitutionnelle en droit français, l’arrêt de la Chambre de l’instruction qui donne un avis favorable à une demande d’extradition visant les infractions de crime contre l’humanité et de génocide, en l’absence, à la date de commission des faits, d’une déinition précise et accessible de leurs éléments constitutifs et de la prévision d’une peine par la loi de l’État requérant, permettant de les considérer comme punis par la loi dudit État au sens de la disposition légale précitée.