LUNULA. Archaeologia protohistorica, XXIV, 2016, p. 117-126.
Fragments de correspondance d’Eugène Goblet d’Alviella.
Analyse du rôle de l’archéologie préhistorique dans ses travaux et sa pensée
Walter L
Au cours de nos recherches sur l’histoire des collections
protohistoriques en Belgique, nous avons découvert l’existence de deux lettres de la plume d’Eugène Goblet d’Alviella (Bruxelles, le 10 août 1846 - Bruxelles, le 9 septembre 1925)2 (fig. 1) adressées à l’archéologue français
Joseph Déchelette (1862-1914) et conservées à la bibliothèque du musée homonyme de la ville de Roanne (F.,
Loire). Ces lettres revêtent une certaine importance pour
l’archéologie protohistorique belge. Elles témoignent en
effet de l’activité archéologique d’Eugène Goblet d’Alviella, certes connue, mais relativement peu abordée dans la
littérature au profit d’autres aspects (voir notamment : Dierkens 1995 ; Schreiber 2012 ; sur l’influence de l’Égypte
sur son œuvre : Warmenbol 2012 : 535-556). D’autre part,
elles mettent en relief l’importance des "Congrès internationaux" dans la construction du tissu préhistorien en Europe3, appliquée dans ce cas présent dans l’espace et les
relations franco-belges. Au niveau de la protohistoire belge,
ces réseaux restent, la plupart du temps, inédits et insoupçonnés. À l’heure de la rédaction de cet article, les réponses
de Déchelette à Goblet d’Alviella ne sont malheureusement
pas encore en notre possession.
1. Le XIVe Congrès d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques, Genève (1912)
Ces deux lettres résultent de la rencontre, lors du XIVe
Congrès d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques de
Genève du 9 au 15 septembre 1912, entre Joseph Déchelette
et le baron Alfred de Loë4 (1858-1947), alors conservateur de
1
Université libre de Bruxelles, Avenue F.D. Roosevelt, 50, CP 133, 1050
Bruxelles. Contact : wleclerc@ulb.ac.be. Nous tenons à remercier la Bibliothèque du Musée Joseph Déchelette, Roanne, la Société royale d’archéologie
de Bruxelles, en particulier son archiviste Mme Anne Buyle et son président le
Pr. Alain Dierkens, pour l’ouverture des archives de la Société ; le Pr. Eugène
Warmenbol pour ses conseils tout au long de la rédaction de cet article. Nous
pouvons toujours compter sur l’aide précieuse de la bibliothèque de l’Académie royale de Belgique en particulier, dans le cadre de cette étude, Mesdames
Claire Pascaud et Olivia Costa Maya ainsi que M. Olivier Damme. Tous nos
remerciements vont également à Madame de Ruette pour nous avoir facilité
l’accès aux archives des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles et à
Madame Valérie Lemaire du service Archivage et Historiographie du Sénat
pour nous avoir fourni un portrait d’Eugène Goblet d’Alviella ainsi qu’à la
Grande Loge Régulière de Belgique pour nous avoir accordé les droits de
reproduction.
2
Pour les données biographiques, voir notamment : Vanlangenhove 1978 ;
1979.
3
Le rôle important des Congrès internationaux fut déjà bien souligné par les
écrits de M.-A. Kaeser (notamment : 2001 ; 2009).
4
Sur le déroulement du congrès de Genève et de l'implication de Joseph Déchelette, voir : Péré-Noguès, 2011 ; un compte rendu fut réalisé par le baron
de Loë (1913) ; sur les réseaux de Déchelette, voir : Péré-Noguès, 2009.
5
Ancienne dénomination des Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles.
1
Fig. 1. Eugène Goblet d'Alviella (Section Archivage et Historiographie. Dossier biographique 370 GOBLET D'ALVIELLA
Eugène © Sénat de Belgique).
la section Belgique ancienne des Musées royaux du Cinquantenaire5. Dès son retour en Belgique, de Loë renseigna Goblet
d’Alviella sur l’état d’avancement du Manuel d’Archéologie
(II, 1913). Ce dernier rédigea aussitôt une lettre dans laquelle
il exposait un bref résumé des fouilles qu’il avait conduites
sur le site de la Quenique6 et ses extensions orientale (Bettremont) et méridionale (Ferme Rouge).
2. Goblet d’Alviella et l’archéologie stéphanoise
Voyageur infatigable, Eugène Goblet partageait son temps
en Belgique entre sa maison du 10 rue Faider à Saint-Gilles
(Bruxelles) et son château familial de Court-Saint-Étienne
(Brabant wallon) d’une part, entre ses activités politiques,
académiques (professeur d’histoire des religions et recteur
de l’Université libre de Bruxelles) et franc-maçonniques
d’autre part. Dès 1885, il prospecta de manière active,
récoltant ou recevant, sur l’ensemble du territoire de la
commune de Court-Saint-Étienne, pas moins de 1500 silex
des époques paléolithique et néolithique (Goblet d’Alviella
1897).
Un dossier est conservé dans les archives de l'Académie royale (ARB
008714). Ce dernier contient une invitation o cielle et une lettre dactylographiée datée du 25 février 1912. Une lettre imprimée suivit en mars de
la même année. Les deux sont signées par le président Eugène Pittard et le
secrétaire général Waldemar Deonna.
6
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Walter L
En parallèle de ses fouilles, le comte avait pour objectif essentiel de promouvoir le patrimoine stéphanois aux niveaux
national et international, en particulier la nécropole protohistorique sise dans le domaine du château familial. Quand il
ne participait pas aux réunions de la Société d’Archéologie
de Bruxelles, il attirait l’attention de cette dernière sur une
tombelle dite "Motte de la Belle-Alliance", à la frontière entre
Court-Saint-Étienne et Bousval7.
Dès la séance mensuelle du mardi 8 avril 1890, le comte invita la Société à se déplacer à Court-Saint-Étienne afin d’en
examiner certains retranchements8. Lors de la séance du 3
juin, le baron de Loë y exposa le résultat de ses sondages
effectués avec la collaboration d’Aimé Rutot (1847-1933)9.
À l'occasion du septième "Congrès archéologique et historique de Bruxelles" de 1891 lors duquel le comte prononça
le discours inaugural - une ode à l'archéologie et à l'histoire
belge -, une excursion à Court-Saint-Étienne et à Villers-laVille fut programmée pour le mercredi 5 août. Avant la visite
commune de l’abbaye, tandis que deux des sections visitaient
les ruines du château de la Motte à Bousval, la 1ère section
(préhistorique) participa à l’ouverture d’une tombelle de la
Quenique, ouverture sous la direction du baron de Loë. Les
différentes sections se réunirent ensuite au château, où, accuellies par le comte et la comtesse, elles purent admirer les
riches collections préhistoriques.
À l'est de la Quenique, le comte fit défoncer en 1902 une sapinière dans le prolongement de la nécropole. Malgré l'absence
de signe évident de tombelle, il put mettre au jour trois urnes
funéraires avec des ossements incinérés, l'une contenant un
vase accessoire (Goblet d'Alviella 1908 : 14-15). Quant aux
objets métalliques découverts hors contexte, ils furent exposés
au cours de la séance du 28 décembre 1903 de la Société d'Anthropologie de Bruxelles (Goblet d'Alviella 1904 : 137-138).
Suite au défrichage d’une autre sapinière en 1905, le comte
s’attaqua à la partie de la "Ferme Rouge" à l’extrémité sud
de la nécropole (Goblet d’Alviella 1908 : 30-31 ; pour une
étude du mobilier et chronologie des découvertes, voir Mariën 1958 : 96-147).
La lettre adressée à J. Déchelette, datée du 14 novembre
1912, nous permet de préciser la date de la découverte et la
localisation de certaines tombes plates. En effet, la même
année, Goblet reprit les fouilles entamées en 1902 sur la
partie orientale de la Quenique, à savoir le Bettremont. La
dernière découverte effectuée aux alentours de la fin octobre
est décrite comme suit : "Une des dernières [tombelles] toutefois, recueillies il y a une quinzaine de jours, comportait
deux anses ornementales, elle est décorée en outre de dix sillons superposés qui font le tour du col. À l’intérieur se trouSéance mensuelle du mardi 4 novembre 1890. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, V, 1891, pp. 153-154. Une photographie du lieu prise
par lui même est jointe à la lettre.
8
Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, IV, 1890, p. 327.
9
Séance mensuelle du mardi 3 juin 1890. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, IV, 1890, p. 339.
7
vaient mélangés aux cendres, les débris d’un collier (petits
cylindre de bronze et perle de verre à demi-fondue)". Il ne fait
aucun doute qu’il s’agit de la tombe plate I (Mariën 1958 :
fig. 26.24 ; 26.301 ; 26.139 et 27). Cette correspondance nous
permet donc de lever le voile sur la provenance d’une des
tombes de la nécropole.
Par la suite, il semblerait que le comte ait encore pratiqué
- mais sans certitude - des fouilles archéologiques sur son
domaine en 1914 et vers l’année 1920 (ibid. : 163-185).
3. Goblet d’Alviella, président de la Société
d'Archéologie de Bruxelles
Eugène Goblet d’Alviella fut membre de nombreuses sociétés savantes dont la Société royale belge de Géographie, la
Société d’Archéologie de Bruxelles et la Société d’Anthropologie de Bruxelles. Dans cet article, seule son activité
dans le cadre de la Société d’Archéologie, dont il fut l’un
des membres fondateurs en 1887, sera analysée10. Il fut l’une
des premières personnalités à répondre à l’appel du bourgmestre de Bruxelles Charles Buls (1837-1914)11 enjoignant
de prendre des mesures conservatoires afin de préserver les
ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville (Brabant wallon). Par
conséquent, il participa à une excursion à Villers le 11 août
1887 (fig. 2). S’ils ne se connaissaient pas encore par le biais
de leur appartenance à un même milieu aristocratique, ces
réunions au sein de la Société de Bruxelles rapprochèrent certainement le comte Goblet d’Alviella et le baron de Loë : ils
participèrent souvent aux nombreuses réunions du comité de
la Société d’Archéologie de Bruxelles.
Lors de l’Assemblée générale annuelle du 11 janvier 1891,
Eugène Goblet d’Alviella succéda au comte François van
der Straten-Ponthoz (1816-1903) (président sortant non
rééligible) à la présidence de la Société12, uniquement pour
un an (en raison des statuts de la société). En 1892, il fut
élu membre de la Commission des publications avec, entre
autres, le baron de Loë13.
Au cours de cette année 1891, deux illustres archéologues
européens se succédèrent à la tribune de la Société d’Archéologie de Bruxelles. Le premier, le savant français Gabriel de
Mortillet (1821-1898), organisa, à l’attention des étudiants de
son cours d’anthropologie préhistorique de l’École d’Anthropologie de Paris, une excursion en Belgique fin mars 1891.
Après, entre autres, une visite à Mons et Spiennes, les excursionnistes prirent le chemin de Bruxelles où ils visitèrent
10
Procès-verbal de l'assemblée inaugurale. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, I, p. XLVII. Goblet d'Alviella avait assisté à l'Assemblée
inaugurale du 16 juin 1887 en présence d'autres archéologues, notamment, le
baron Alfred de Loë, Émile de Munck et Gustave Hagemans.
11
Procès-verbal de l'assemblée inaugurale, I, p. LXIV : Appel lancé lors de
l'Assemblée inaugurale du 16 juin 1887 où Charles Buls désira attirer l'attention sur "ces deux remarquables débris de moyen-âge" (sic).
12
Assemblée générale annuelle du 11 janvier 1891. Annales de la Société
d'Archéologie de Bruxelles, V, 1891, pp. 185-187.
13
Séance mensuelle du lundi 8 février 1892. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, VI, 1892, pp. 376-377.
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Fragments de correspondance d’Eugène Goblet d’Alviella.
Analyse du rôle de l’archéologie préhistorique dans ses travaux et sa pensée
Fig. 2. Visite de la Société d’Archéologie de Bruxelles à Villers-la-Ville (Archives de la Société royale d'Archéologie de Bruxelles - © Société
royale d'Archéologie de Bruxelles).
le Musée d’Histoire naturelle et les collections de la Société
d’Anthropologie14. Le soir, à l’initiative de la Société d’Archéologie, supportée par celles d’Anthropologie et de Géologie, Gabriel de Mortillet présenta une communication15
devant une assemblée de 250 personnes, séance chaleureusement ouverte par le comte Goblet d’Alviella (de Mortillet
1891 : 203). C’était la seconde fois que le savant français
présentait une communication à Bruxelles, la première ayant
été donnée à l’occasion du Congrès d’Anthropologie et d’Archéologie préhistoriques de Bruxelles en 1872. En France, le
savant était l’un des fervents défenseurs du mouvement libre
penseur et un anticlérical convaincu (Richard 2008 : 96-97) ;
Goblet et de Mortillet étaient donc faits pour s’entendre lors
"de la réception intime où le champagne est venu animer des
discussions scientifiques aussi courtoises que vives qui ont
duré jusqu’à 1 heure du matin" (de Mortillet 1891 : 203).
L’été 1891, le 6 juillet, la société accueillit le grand archéologue, numismate, historien et conservateur suédois Hans
Hildebrand (1842-1913). Il était le fils d’Émile Bror (1806-
Séance mensuelle du lundi 4 mai 1891. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, V, 1891, p. 418.
15
Intitulée "Les races humaines quaternaires et le rôle du bassin de la Méditerranée au point de vue de nos origines" (Vandenbroeck 1891).
1884) qui avait introduit les Trois Âges en Suède (Gräslund
1987 : 118-119). À l’instar de Gabriel de Mortillet, il était
déjà présent à Bruxelles en 1872 (Hildebrand 1873). Hans
Hildebrand vint présenter une communication intitulée "Les
retables flamands conservés en Suède"16.
Après la fin de son mandat pour l’année 1891, Eugène Goblet
d’Alviella semble avoir été moins présent dans les activités de
la Société. Toutefois, il fut l’un des rapporteurs du concours
Louis Cavens, récompensant la meilleure carte paléoethnologique, romaine et franque de la Belgique. Un unique travail
cartographique fut déposé (bien évidemment sous le couvert
de l’anonymat !) avec la mention Si foderis invenies. On
découvrit par la suite que l’heureux élu du concours n’était
autre que...le baron A. de Loë17.
À deux reprises, Goblet d'Alviella fut nommé rapporteur des
manuscrits de Jean Capart (1877-1947) déposés à la Société
d’Archéologie de Bruxelles. Le premier avis concernait l’article publié dans les annales de la société, Monuments égyptiens du Musée de Bruxelles (Capart 1900). Bien au-delà d’un
14
Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, VI, 1892. pp. 43-46.
Assemblée générale mensuelle du lundi 4 novembre 1895. Annales de la
Société d'Archéologie de Bruxelles, X, 1896, pp. 142-148.
16
17
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Walter L
Fig. 3. Lettre d'Eugène Goblet d'Alviella contresignée par Franz Cumont (Archives de la Société royale d'Archéologie de Bruxelles - © Société
royale d'Archéologie de Bruxelles).
simple avis positif, Goblet d’Alviella souligna la possibilité
"d’en faire l’objet d’un communiqué à la presse, invitant les
amateurs du pays, qui ont en leur possession des objets égyptiens, de bien vouloir se mettre en rapport avec M. Capart. Ce
serait à la fois un moyen de faciliter l’entreprise de l’auteur
et une réclame pour la société"18. Dès lors, il est fort probable
que la note 1 de la page 305 de l’article ait été insu ée par
Goblet. Le 16 novembre 1900, une seconde lettre de ce dernier soulignait la qualité d’une notice de Jean Capart - sans
pouvoir déterminer avec certitude à quel article elle se rapportait -, cette dernière étant contresignée par le second rapporteur, Franz Cumont (1868-1947) (fig. 3).
Lors de l’exposition liée à l’assemblée générale annuelle du
lundi 8 janvier 1900, le comte présenta une fusafflole découverte à Court-Saint-Étienne qu’il rapprocha des exemplaires
de Hissarlik mis au jour par Heinrich Schliemann (18221890)19. La fusafflole avait été trouvée avec des ossements calcinés et du charbon de bois ainsi qu’une urne.
Fig. 4. Trois photographies prises par Eugène Goblet d'Alviella,
assemblées et offertes à la Société d'Archéologie de Bruxelles (Archives de la Société royale d'Archéologie de Bruxelles - © Société
royale d'Archéologie de Bruxelles).
Lettre datée du 24 mai 1900 de Goblet d'Alviella adressée à J. Van der
Linden président de la Société d'Archéologie de Bruxelles (Archive de la
Société d’Archéologie de Bruxelles).
19
Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, XIV, 1900, pp. 285-291.
Goblet offrit à plusieurs reprises à la Société des photographies,
tant de Court-Saint-Étienne que du monde. Lors de sa présidence en 1891, la Société d’Archéologie de Bruxelles bénéficia
18
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Fragments de correspondance d’Eugène Goblet d’Alviella.
Analyse du rôle de l’archéologie préhistorique dans ses travaux et sa pensée
d’une planche photographique prise par les soins du comte, reproduisant le mobilier métallique découvert dans la nécropole
(fig. 4). Il offrit également deux photographies de Stonehenge
et une de Bousval que nous n’avons pas encore retrouvées20.
Quant à son correspondant Joseph Déchelette, il entretenait
d’étroites relations avec la Société d’Archéologie puisqu'il
fut nommé membre correspondant en 1906. La Société
conserve sa lettre de remerciements datée du 14 février 1906.
Suite à son décès inopiné en 1914, il intégra le tableau d’honneur publié par la Société aux côtés, entre autres, de Jean De
Mot (1876-1918) qui avait succédé à Franz Cumont comme
conservateur à la tête de la section des Antiquités classiques
des Musées royaux du Cinquantenaire (fig. 5).
4. Eugène Goblet d’Alviella et le prisme de
l’histoire des religions
Dans sa réponse à J. Déchelette, le fait que Goblet d’Alviella
accepte la fonction votive de la hache de Court-Saint-Étienne
proposée par le savant n’a rien de surprenant : la hache soulève à la fois des questions concernant l’histoire des religions
et les rituels franc-maçonniques. Toutefois, l’impossibilité de
retrouver la lettre de Déchelette ne nous permet que d’émettre
des suppositions quant à l’interprétation de la hache donnée
par Déchelette, "rituélique" selon Goblet d’Alviella. Pour
l’archéologue français, la hache (double) serait à mettre en
relation "avec l’éclair ou avec la foudre, puisqu’elle a donné
naissance à des dieux anthropomorphes assimilés à Zeus qui
portent à la fois le foudre et la double hache. Comme les primitifs attribuaient une origine commune à l’éclair et aux rayons
de soleil, on conçoit que le dieu de la foudre soit étroitement
apparenté aux divinités du cycle solaire, et l'on s'explique aisément l'association assez fréquente des symboles solaires (cheval, cygne, roue, swastika) et de la hache (...). En Gaule, on a
observé à diverses reprises la disposition circulaire des haches
de plusieurs dépôts, disposition ayant peut-être pour but de
reproduire, à l'aide de ces objets votifs, l'image du soleil"
(Déchelette 1910 : 482-483). Pour l'historien des religions,
la hache serait l'une des symbolisations de la foudre, avec la
fourche et le trident chez les Chaldéens ; elle est placée dans
la main opposée à la foudre sur certains bas-reliefs de Nimrud
(Goblet d’Alviella 1891a : 123). La hache constitue également
l’un des attributs du dieu indien Çiva (ibid. 1891 : 125).
Pour le professeur de l’Université libre de Bruxelles, l’archéologie préhistorique était importante car elle permettrait de pallier le manque de documents et de dégager des éléments sur
les croyances des époques précédant la "civilisation" (Goblet
d’Alviella 1891 : 102-105). L’archéologie préhistorique fournirait avec l’histoire, le folklore, l’ethnographie comparée, la
linguistique et la psychologie, de nouvelles voies pour "reconstituer les premières formes et les premiers développements de
la religion" (Goblet d’Alviella 1891b : 6-8). De surcroffit, dans
l’Idée de Dieu d’après l’anthropologie et l’histoire, Goblet
Séance mensuelle du lundi 5 octobre 1891. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, VI, 1892, pp. 257-260.
20
Fig. 5. Tableau d'honneur des membres de la Société royale d'Archéologie de Bruxelles décédés lors de la Première Guerre mondiale ; on y retrouve Joseph Déchelette et Jean de Mot (Annales de
la Société royale d'Archéologie de Bruxelles, 22, 1920 - © Académie
royale de Belgique).
s’interroge sur l’existence d’un culte des silex taillés et de la
hache dont "l’humanité (...) a continué à mettre ces premiers
produits de l’industrie en rapport avec la foudre et en a fait des
pierres tombées du ciel" (1892 : 27-30). Alors, quand on lui
rapporta une hache polie découverte dans les murs d’une maison en démolition au hameau du Sart (probablement Sart-Messire-Guillaume) (Goblet d’Alviella 1897 : 290), l’archéologie
préhistorique rejoignait le folklore et l’histoire des religions.
Malgré sa brièveté, la lettre du 8 décembre 1912 apporte
d’autres renseignements quant à l’interprétation des vestiges
protohistoriques de Court-Saint-Étienne par Goblet d’Alviella. En effet, sur base d’éléments de comparaisons ethnographiques, Goblet d’Alviella essaya d’interpréter la fonction des
vases accessoires déposés à l’intérieur des urnes cinéraires.
Selon lui, ils auraient pu contenir les cendres d’un "enfant
mort-né ou sacrifié à la mort de sa mère" (Goblet d’Alviella
1908 : 25). Ce courrier nous apprend cependant l’intention du
comte de revenir sur son interprétation initiale.
Lors de la conférence de la séance mensuelle du 5 octobre
1891 donnée par Joseph Destrée (1853-1932) et intitulée
Quelques observations sur des sculptures de Diest, de Leau,
etc., Eugène Goblet d’Alviella posa une question quant au
- 121 -
Walter L
possible rapprochement entre une "Vierge de forme pyramidale à petits bras horizontaux" et les représentations antiques
de Tanit-Astarté d’une part, tandis que la "Vierge debout ou
assise avec l’enfant Jésus" ne pouvait-elle pas être rapprochée
d’Isis et Horus d’autre part. Les premiers chrétiens, selon
lui, auraient pu emprunter leurs types aux "représentations
usuelles de l’art pafflen". Cette question ou réflexion ne sembla
pas convaincre Charles Buls qui le jour même souligna "que
les archéologues ont, en général, une tendance exagérée à établir de suite des filiations de types"21. À la séance suivante,
Joseph Destrée resta plus que sceptique quant à cette vision
de l’historien des religions22.
L’étude de la croix gammée (ou tétrascèle) est étroitement liée
à l’archéologie protohistorique puisque ce symbole apparaffit
à plusieurs reprises sur des objets de l’âge du Bronze (Goblet
d’Alviella 1891a : 102). Pour l’historien des religions, de
nouvelles découvertes permettraient de combler les lacunes
dans la généalogie du svastika (ibid. 1891 : 105).
5. Archéologie préhistorique et franc-maçonnerie réunies ?
Comme le souligne déjà Eugène Warmenbol en ce qui
concerne l’Égypte ancienne et sa religion, il est très di cile de savoir dans "quelle mesure la carrière maçonnique
d’Eugène Goblet d’Alviella a pu orienter ses recherches en
matière de religion égyptienne" (Warmenbol 1995 : 99). De
même, afin de revisiter le 28e grade - celui de Chevalier du
Soleil - Goblet intègre des éléments des recherches menées
sur les Mystères de Mithra par Franz Cumont (1868-1947)
(Mollier 1995 : 187-189). En serait-il de même avec l’archéologie préhistorique ? L’usage du terme "rituélique" attaché à
la hache pourrait nous orienter vers l’utilisation - peut-être de
manière inconsciente - d’un terme rattaché à la franc-maçonnerie. Avec le 28ème grade susmentionné, il réforma les hauts
grades de la franc-maçonnerie dont le 22ème grade, celui de
Chevalier Royal Hache, Prince du Liban (Mollier 1995 : 170171). Par définition, la hache y est étroitement associée. Selon le Dictionnaire de la franc-maçonnerie, la hache pourrait
notamment correspondre à la "Franc-Maçonnerie du bois" ou
être rattachée aux cultes préhistoriques (Ligou 2006 : 560).
Cette dernière conception de la hache est reprise à Jules Boucher (1902-1955) dont l’analyse repose sur l’étude de Déchelette susmentionnée (Boucher 1948 : 168-169).
L’ornementation des loges est souvent d’influence égyptienne
(voir notamment Warmenbol 2012). Or, exceptionnellement
l’aménagement de la loge des Vrais Amis de l’Union et du
Progrès Réunis, hébergée à la rue des Ursulines à Bruxelles,
Séance mensuelle du lundi 5 octobre 1891. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, VI, 1892, pp. 257-260.
22
Séance mensuelle du lundi 9 novembre 1891. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, VI, 1892. pp. 260-268. Eugène Goblet d'Alviella ne
se contenta pas de cette réponse. Il y répondit de manière plus approfondie
dans : Quelques réflexions sur la persistance et la transmissibilité des types
iconographiques. Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, VIII,
1894, pp. 265-278.
21
était composé d’un décor assyrianisant comportant notamment des "taureaux lamassu" (sur la construction, voir : Hennaut 2007 : 217-251) (fig. 6).
6. Conclusion : Goblet d’Alviella archéologue ?
Eugène Goblet d’Alviella développa un profond intérêt
pour l’archéologie, notamment préhistorique, cette dernière
permettant notamment de retrouver les gestes des religions
premières. Les informations recueillies pourraient nuancer le
propos. La notice publiée en 1979 par Fernand Vanlangenhove (1889-1982) dans l’Annuaire de l’Académie royale de
Belgique fait référence aux recherches archéologiques de
Goblet. Toutefois, il faut signaler que dans sa "Note biographique pour être remise à celui de mes confrères qui fera
l’honneur d’écrire ma biographie pour l’Annuaire de l’Académie" confiée par Goblet d’Alviella à M. Vauthier, il n’est
nullement fait mention de ses recherches archéologiques à
Court-Saint-Étienne23. Dans un élan de modestie, considérait-il cela comme une trop faible contribution à la recherche
archéologique, alors que, sans le savoir, il mit au jour l’un
des plus importants complexes funéraires protohistoriques
belges ? Probablement, car Eugène Goblet d’Alviella ne se
prétendait certainement pas archéologue.
Refusant un enterrement conforme à l’orthodoxie de l’époque,
à savoir l’inhumation selon le rite catholique, Eugène Goblet
d’Alviella dut se faire incinérer en France avant la déposition de ses cendres dans le mausolée érigé par ses soins à
Court-Saint-Étienne. Quel regard portait-il sur les personnes
qui érigèrent ces tombes et qui introduisirent le rite funéraire
de l’incinération ?
Enfin, c’est un lieu commun de relever l’importance des réseaux internationaux dans la construction de la Préhistoire
nationale et européenne. Mais de quels réseaux parle-t-on ?
Au niveau européen, l’archéologie professionnelle balbutiant encore à la fin du XIXe - début du XXe siècle, les réseaux - à l’image des hommes qui les constituent - ne sont
pas uniques, mais bien multiples, ne se superposent pas, mais
s’interpénètrent continuellement. Si, au niveau international,
les contacts reposant plus sur des relations professionnelles,
politiques ou philosophiques, voire nobiliaires, ce tissu relationnel reste relativement réduit et par conséquent plus aisément discernable, il n’en est pas de même au niveau national.
En effet, à l’échelle de la Belgique, les possibilités augmentent
considérablement. Eugène Goblet d’Alviella en est l’une des
meilleures illustrations. Franc-maçon, professeur d’université,
historien des religions, membre de nombreuses sociétés (archéologiques ou autres), il appartenait également à la noblesse
belge et participait à la vie politique en tant que sénateur. À
l’intérieur de ces cercles, se rencontrent parfois les mêmes
personnes, parfois des personnes différentes, complexifiant
le stemma de l’information. Parmi les lieux de rencontre, les
cercles sportifs sont rarement abordés dans l’historiographie
archéologique. Mens sana in corpore sano. L’intelligent23
- 122 -
ARB 11533. La lettre fut scellée le 22 mai 1922.
Fragments de correspondance d’Eugène Goblet d’Alviella.
Analyse du rôle de l’archéologie préhistorique dans ses travaux et sa pensée
Fig. 6. Eugène Goblet d'Alviella au sein de la loge des Vrais Amis de l'Union et du Progrès Réunis (Reproduction S. Marteaux © Grande Loge
Régulière de Belgique).
sia belge semble entretenir une prédilection pour l’escrime.
Dans le domaine de l’archéologique protohistorique belge,
le collectionneur Édouard Bernays (1874-1940) s’y adonnait
(Warmenbol et al. 1992). Ne pourrait-il pas avoir rencontré
le fils d’Eugène Goblet d’Alviella, Félix (1884-1957), lors de
quelques passes "d’armes au fleuret fort goutées"24 (fig.7)?
BOUCHER, J. 1948. La symbolique franc-maçonnique.
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L'Indépendance belge du vendredi 3 janvier 1913 : "Nous voyons trop rarement le comte Félix Goblet d'Alviella en public ; c'est dommage, car il a une
main excellente et son adversaire, M. Marcel Berré, toujours soucieux de la
correction et de l'élégance, s'en est aperçu dimanche, dans une passe d'armes
au fleuret fort goûtée". Ses qualités d'escrimeur lui valurent d'intégrer la délégation belge d'escrime au cours des Jeux olympiques d'été à Anvers en 1920.
24
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Walter L
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Fig. 7. Félix Goblet d'Alviella en tenue d'escrime (dans L'escrime.
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Annexe : retranscription des trois lettres
1. Lettre de Goblet d’Alviella à Déchelette
Court-Saint-Etienne,
14 novembre 1912
Monsieur et honoré Confrère,
Ayant appris par mon ami le baron de Loë qui a eu le plaisir de vous rencontrer au récent Congrès international d’Archéologie25, que vous avez l’intention de publier une nouvelle édition de votre beau Manuel, je prends la liberté de vous adresser
ci-joint un exemplaire de la notice académique où j’ai exposé le résultat de nos fouilles dans la nécropole hallstattienne de la
Quenique. J’y ai ajouté quelques-unes des photographies d’où ont été tirées les figures de ce petit mémoire, notamment la reproduction d’une épée à antenne. Je serais heureux de connaffitre, au sujet du problème soulevé par les conditions de sa découverte (p.
44 et suiv. de ma notice) l’opinion du savant auteur de l’article de la Revue préhistorique sur “les glaives à antennes de l’époque
hallstattienne,...
J’ai repris cette année mes fouilles méthodologiques sur une portée du plateau, respectée jusqu’ici à raison d’une sapinière en pleine croissance. Il s’agit d’un terrain mesurant environ 1 hectare, à l’extrémité orientale de la Quenique au lieu dit
Bettremont sur la carte.
J’y ai déterré à des profondeurs de 50 à 60 centimètres, une quarantaine d’urnes renfermant des ossements brûlés. La
plupart d’entre elles étaient malheureusement en fort mauvais état, bien que souvent protégées par une dalle irrégulière de schiste
provenant d’un a eurement de la vallée voisine.
La surface du terrain (sables tertiaires bruxelliens) n’offrant aucun tertre, protubérance ou indice, révélant la présence
des urnes sous-jacentes enterrées sans ordre apparent. Par leurs formes, elles ne diffèrent pas des nombreuses urnes trouvées
jusqu’ici à la Quenique (cf. ma notice). Une des dernières toutefois, recueillies, il y a une quinzaine de jours, comportait deux
anses ornementales, elle est décorée en outre de dix sillons superposés qui font le tour du col. À l’intérieur se trouvaient, mélangés aux cendres, les débris d’un collier (petits cylindre de bronze et perle de verre à demi-fondue). Presque toutes renfermaient
un petit vase, également façonné à la main.
Dans toute cette fouille, les objets de métal ont été rares. En dehors du collier, mes trouvailles de cette année se bornent
à trois épingles de bronze (l’une à tête plate) longue de 16 centimètres). Pas de traces de fer - j’avais déjà trouvé à proximité un
beau rasoir de bronze - (cf. ma notice pl. VI, fig 2b).
25
Il s'agit du XIVe Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques.
- 125 -
Walter L
Ces particularités me font penser que nous pourrions bien nous trouver là devant une partie plus ancienne de la nécropole, se rapportant à votre Bronze IV.
Je compte terminer ces fouilles l’an prochain et en faire l’objet d’une notice complètementaire pour les Bulletins de
l’Académie. Dès maintenant je puis vous dire que mes constatations relatives aux petites urnes trouvées dans les grandes me
forcent à abandonner absolument l’hypothèse qu’ils renfermeraient les cendres d’enfants nouveaux-nés incinérés avec leur mère
morte en couche (pp. 22-25).
Les silex travaillés, si abondants sur d’autres point de la Quenique, étaient ici des plus rares.
Agréez, je vous prie, mes sentiments les plus distingués,
Goblet d’Alviella
2. Lettre de Goblet d’Alviella à Déchelette
8 déc[embre] 1912
Monsieur et honoré Confrère,
Etienne.
C’est avec le plus grand plaisir que je mets à votre disposition les figures publiées dans mes notes sur Court-Saint-
Je suis tout disposé à accepter votre opinion que le mobilier en question est caractéristique de la seconde phase
hallstattienne. Je ferai seulement observer que les tumuli qui font le sujet de ces planches s’élevaient à l’extrémité occidentale
du plateau de la Quenique, alors que l’extrémité orientale, partiellement fouillée cette année, n’a donné que des urnes sans
tumuli et des objets de bronze. N’en faut-il pas conclure que l’extension graduelle de la nécropole s’est faite de l’est à l’ouest
jusqu’au bout du plateau ? - Les tumuli antérieurement fouillés occupaient le centre du plateau et ont également livré des
objets de fer.
Ce qui justifierait assez votre hypothèse sur le caractère archafflque et rituélique de la hache de bronze, c’est la petite
réduction de hache en fer que j’ai trouvée dans une tombelle voisine (pl. VI.6).
Agréez, je vous prie, mes sentiments très distingués,
Goblet d’Alviella
3. Lettre signée par Eugène Goblet d’Alviella et Franz Cumont (fig. 3)
Court-Saint-Etienne,
16 nov[embre] 1900
Mon cher Confrère
rapport.
Je vous renvoie ci-joint la notice de M. J. Capart que la Commission des Publications a bien voulu me confier pour
Le monument égyptien que décrit M. Capart est intéressant, et le commentaire qu’il en donne très ingénieux. Je conclus
donc à la publication dans les Annales de la Société, avec les deux gravures explicatives et j’estime qu’il faut remercier l’auteur
pour se servir de nos publications en vue de faire connaffitre des monuments inédits qui risquerait autrement de demeurer ignorés
dans les arcanes de nos musées.
Agréez, je vous prie, l’assurance de mes meilleurs sentiments,
Goblet d’Alviella
Je me rallie entièrement à l’opinion exprimée par le premier rapporteur et estime que ce travail donnera un intérêt spécial au numéro où il paraitra.
Franz Cumont
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