UNIVERSITE LUMIERE LYON II
Département de Sociologie
Mixité et vivre ensemble : milieux populaires en centre-ville
Une étude du cas des personnes habitant des logements en diffus isolés, logées par Habitat
et Humanisme à Lyon.
Par Guillaume Sergent
Sous la direction de Loïc Bonneval
Mai 2015
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UNIVERSITE LUMIERE LYON II
Département de Sociologie
Mixité et vivre ensemble : milieux populaires en centre-ville
Une étude du cas des personnes habitant des logements en diffus isolés, logées par Habitat
et Humanisme à Lyon.
Par Guillaume Sergent
Sous la direction de Loïc Bonneval
Mai 2015
Remerciements :
Je tiens à remercier en particulier Loïc Bonneval pour son aide et sa disponibilité
en tant que directeur de recherche. Je tiens aussi à remercier les autres enseignants du
séminaire de recherche « Espaces, mobilités et socialisation », Jean-Yves Authier et
Isabelle Mallon pour leurs précieux conseils et leur apport dans ce séminaire.
Je voudrais aussi remercier mon père, Jean-Pierre Sergent, pour avoir partagé
avec moi sa grande expérience en matière d’écriture en ayant relu et corrigé mon mémoire
au fur et à mesure de sa construction. Je tiens aussi à le remercier pour ses conseils, son
soutien, et pour m’avoir nourri durant la période de rédaction.
Je tiens enfin à remercier les personnes autour de moi, qui m’ont soutenu tout au
long de la construction de ce mémoire durant cette année, en particulier Marie, et de
m’avoir supporté pendant ces périodes intenses de stress.
Illustration de couverture : Le bal du moulin de la Galette, Auguste Renoir, 1876.
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Table des matières
Introduction .................................................................................................................. 4
1.
Construction d’un objet de recherche ..................................................................... 6
1.1 Apports théoriques sur les cohabitations en milieu urbain ........................................................... 6
1.1.1 Des contextes urbains en changement ..................................................................................................6
1.1.2 Coexistence et compromis ..........................................................................................................................8
1.1.3 Sociabilités et proximité spatiale ......................................................................................................... 10
1.1.4 Mixité et sociabilités : quels facteurs déterminants ? Quels enjeux ?.................................... 13
1.2 De la théorie au cas pratique : Problématique et hypothèses..................................................... 18
1.3 Présentation du terrain ............................................................................................................................... 23
1.3.1 La double action d’Habitat et Humanisme ...................................................................................... 23
1.3.2 Le diffus, une action de mixité originale ........................................................................................... 26
1.4 Méthodologie et échantillon ...................................................................................................................... 27
1.4.1 Une enquête ethnographique avant tout .............................................................................................. 27
1.4.2 Un dispositif d’enquête en mouvement .................................................................................................. 30
2.
Analyse de la situation des locataires HH habitant en logements isolés ................. 34
2.1 Echantillon et contextes................................................................................................................................... 35
2.1.1 Des caractéristiques sociodémographiques variées ......................................................................... 35
2.1.2 Typologies des quartiers étudiés .............................................................................................................. 36
2.2 Les dimensions intégratrices des sociabilités de proximité ............................................................ 39
2.2.1 Sociabilités dans le logement ..................................................................................................................... 39
2.2.2 Comment les locataires HH voisinent ? .................................................................................................. 41
2.2.3 Usages du quartier et sociabilités de proximité ................................................................................. 44
2.2.4 Réseaux de sociabilité, intégration et isolement................................................................................ 47
2.3 L’expérience de mixité en terme de vécu et de ressenti .................................................................... 50
2.3.1 Images du logement ....................................................................................................................................... 50
2.3.2 Images du voisinage et des voisins ........................................................................................................... 52
2.3.3 Représentations et valeur du quartier ................................................................................................... 54
2.4 Bilan de la mixité ................................................................................................................................................ 59
2.4.1 Une situation vue comme une amélioration des conditions de vie ............................................ 60
2.4.2 Mais des pratiques de sociabilités très limitées .................................................................................. 61
Conclusion ................................................................................................................... 63
Bibliographie ............................................................................................................... 65
Annexes....................................................................................................................... 67
Guide d’entretien ........................................................................................................................................................ 67
Carte des locataires interviewés ......................................................................................................................... 73
Profil sociologique des enquêtés : ...................................................................................................................... 74
Extraits d’entretien ................................................................................................................................................... 82
3
Introduction
Mon travail de recherche porte sur les personnes issues de milieux populaires
habitant en centre-ville, en prenant le cas particulier de locataires logés par l’association
Habitat et Humanisme (HH) habitant dans des logements individuels à Lyon. Ce travail
cherche à interroger l’impact de la mixité sociale sur l’insertion de ménages appartenant
aux classes populaires, en s’appuyant sur les pratiques de sociabilité développées dans ce
contexte et leur dimension intégratrice, ainsi que sur le vécu et le ressenti de cette
expérience de mixité. Il se base sur un cas de mixité particulier, des personnes
sélectionnées pour leur faible revenu et mélangées à d’autres résidents du privé par une
opération singulière, et tente de comprendre comment dans cette situation de cohabitation
entre plusieurs groupes sociaux s’organise la vie en commun. Partant de cette idée, la
nature du travail de terrain est de comprendre comment est vécue et perçue l’expérience de
mixité pour ces locataires, et quelles types de relations se nouent entre ces différents
groupes. De manière plus générale, en quoi une situation de mixité implique t-elle des
relations de proximité, telle les relations de voisinages ou les sociabilités de quartier, et en
quoi celles-ci peuvent-elles être bénéfiques ? Quelle est la nature des liens créés dans cette
situation entre les locataires HH et leurs voisins ? En somme, est-ce que la proximité
spatiale dans le cas présent conduit à un rapprochement de classes sociales différentes, ou
au contraire débouche sur des situations de conflits ou d’évitement ?
Plus généralement, ce travail cherche à questionner la place des classes populaires
dans un milieu urbain marqué par la ségrégation et des inégalités. Dans un contexte où on
assiste à un retour en force des populations aisées dans les centres-villes, et à l’inverse à un
départ, ou une relégation des classes populaires vers les banlieues, on se pose la question
de l’importance de l’ancrage en centre-ville. Dans le cas des locataires HH en diffus, on se
demande en quoi le fait de vivre dans des quartiers centraux de Lyon favorise leur insertion
sociale, ou professionnelle ? Le fait d’habiter dans un quartier central permet-il de créer de
nouveaux réseaux, de développer des liens de nature étroites (amitiés, entraides) avec les
autres habitants, et donc de s’insérer socialement ? En somme, l’insertion spatiale par le
logement suffit-elle à entrainer l’insertion sociale ?
4
Enfin, dans une situation de mixité sociale par le logement, on peut se demander
dans quelle mesure celui-ci est mobilisé par ses occupants comme ressource dans la
gestion de leur vie relationnelle. Si pour Yves Grafmeyer le logement est un des « pôles
autour desquels s’organisent les sociabilités » (2001, p. 103), il est aussi un indicateur de
statut social. On peut se demander dans le cas présent de quelle manière il est mis en
valeur comme point d’appui pour tisser de nouvelles relations, ou en entretenir des
anciennes, mais aussi pour s’intégrer dans un espace local au moyen de sociabilités de
proximité.
Ce mémoire rend compte d’une enquête réalisée auprès de personnes logées par
l’association Habitat et Humanisme à Lyon. Elle est de nature qualitative, réalisée par
entretiens semi-directifs. La particularité de ces personnes est d’habiter dans des logements
individuels situés dans des immeubles appartenant au secteur privé, ces derniers ne
comportant généralement pas plus d’un seul logement HH. Cette opération est appelée « en
diffus », ou « isolée » 1 et est la plus rependue en terme de logements loués pour HH
Rhône2. Ce sont aussi des personnes issues ou faisant partie des classes populaires, les
critères d’attribution des logements reposent essentiellement sur le revenu des personnes,
et en partie leurs difficultés financières ou à trouver un logement. Pour des besoins de
comparaison, l’enquête a eu lieu dans deux contextes d’habitation, l’un aisé et l’autre plus
diversifié. Les entretiens réalisés sont au nombre de huit, mais rapportent le discours de dix
personnes, deux ayant été réalisé avec deux enquêtés. Des rencontres avec l’association et
quelques uns de ses responsables ont été faite en parallèle.
Le plan de ce mémoire est découpé en deux grandes parties. La première présentera
les lectures autour de mon objet de recherches portant sur la cohabitation, la mixité sociale
et les pratiques de sociabilité, et comment s’articulent ensemble ces éléments. On verra
ensuite quelques éléments de définition de la problématique et les hypothèses formulées.
Puis la description du terrain de recherche et les méthodes utilisées pendant l’enquête, ainsi
que le dispositif d’enquête. La deuxième partie portera sur l’étude des matériaux et
présentera les résultats obtenus de façon à répondre à la problématique.
1
L’autre opération mettant en jeu des logements individuels est celle dite des « logements diffus groupés »,
où un même immeuble ne contient que des logements HH. Le terme « diffus » dans ce mémoire renverra
toujours aux logements des logements isolés.
2
http://www.habitat-humanisme.org/rhone/chiffres-cles-du-rhone
5
1. Construction d’un objet de recherche
1.1 Apports théoriques sur les cohabitations en milieu urbain
1.1.1 Des contextes urbains en changement
A l’heure où les grandes villes de la planète, New-York, Paris, Londres ou Tokyo
se vident petit à petit de leurs dernières populations pauvres, les reléguant dans des
banlieues de plus en plus loin du centre-ville, on peut s’interroger sur la place qu’occupe
ces populations dans les processus d’embourgeoisement ou de gentrification et se
demander où vivent les classes populaires aujourd’hui ? Si ces processus peuvent amener à
la spécialisation et à la division sociale de l’espace urbain, voire à l’évincement des classes
populaires des centres-villes vers des quartiers périphériques (Clerval, 2013), on voit
apparaître des mouvements contraires, indépendants des mécanismes du marché
immobilier, visant à maintenir ou à loger ces classes populaires dans les centres-villes des
métropoles et à les faire coexister avec des catégories socio-professionnelles différentes.
Ces mouvements sont de natures diverses, déterminés ou par des acteurs particuliers, ou
par les mouvements naturels des populations. Rappelons cette belle phrase d’Yves
Grafmeyer : « Le devenir des villes est inséparable du mouvement des hommes » (1999, p.
158). Certains peuvent être le résultat des volontés de nature publique, à la manière
d’institutions comme les offices publics d’aménagement et de construction (OPAC) qui
gèrent les logements sociaux et les différentes lois qui les régissent, comme la loi
d’orientation pour la ville (LOV) votée en 1991 et plus tard la loi pour la solidarité et le
renouvellement urbain (SRU) votée en 2000, qui fixent les grands axes en matière de
logement social et imposent aux communes des règles contre le déficit de logements
sociaux en les obligeant à réaliser de tels logements. Une des premières manœuvres a donc
été de rééquilibrer les logements sociaux entre les communes qui en avaient trop et celles
qui n’en avaient pas assez, voire pas du tout. Plus récemment la loi pour l’accès au
logement et un urbanisme rénové (ALUR) votée en 2014 vient compléter les
réglementations existantes en terme d’encadrement des loyers, de garantie et d’innovation.
Elle impose notamment un seuil minimum de 25% de logements sociaux pour les
communes de plus de 3500 habitants. Le logement occupe donc une place centrale dans
l’orientation des politiques urbaines. Pour Emmanuelle Deschamps, il « figure au cœur des
mécanismes de ségrégation entraînant une polarisation des populations défavorisées dans
6
certains espaces urbains » (Deschamps, 2003, p. 81). Agir sur le logement revient donc,
semble t-il, à agir sur des inégalités spatiales dans le but de corriger des inégalités sociales.
Les phénomènes qui nous intéressent en particulier dans cette enquête sont des
phénomènes dé-ségrégatifs, visant à la fois à lutter contre l’exil des classes populaires vers
les banlieues en les réinsérant dans des quartiers centraux ou proches du centre dans les
grandes villes, et donc aussi à les faires coexister au sein de quartiers, ou d’immeubles,
avec des classes sociales différentes de la leurs, plus aisées. L’objectif de mixité sociale est
né de la volonté de rééquilibrer les franges les plus pauvres de la population entre les
communes qui en comptaient trop et celles qui n’en avaient pas assez. Elle se traduit donc,
comme on l’a dit plus haut, par un rééquilibre du parc des logements sociaux, notamment
incité par les lois qu’on a déjà citées. La mixité sociale n’apparaît donc pas au début
comme un moyen de compenser les inégalités sociales, le but étant de brasser les groupes
sociaux « pour éviter les poches de pauvreté » (Deschamps, 2003, p. 82), localisées à
certains endroits, et « pour rendre la pauvreté moins voyante sans pour autant diminuer le
nombre de personnes démunies » (2003, p. 82). A terme, la mixité a fini par être
considérée comme solution à tous les problèmes urbains, notamment par les élus qui se
sont « convertis à l’idée que les « problèmes » de leurs « quartiers » pouvaient être liés à
un manque de mixité sociale » (Blanc, Bidou-Zachariasen, 2010, p. 10). Que ce soit dans
les centres urbains aisés ou les quartiers périphériques pauvres, la mixité sociale apparaît
« comme l’antidote à la ségrégation et à la « ghettoïsation » des quartiers » (2010, p. 11)
tant chez les élus que chez les urbanistes ou architectes. De façon plus large, la diversité de
la population, qu’elle soit sociale, culturelle, ou ethnique dans un même espace est vue
comme un moyen de renforcer la cohésion sociale et la bonne entente entre les différentes
fractions qui composent la société actuelle. Mais est-il dit que la proximité spatiale de
groupes différents crée mécaniquement des liens de bonne entente ? Existe-t-il une
situation de mixité qui favoriserait plus que d’autres la création de liens sociaux ? Certains
groupes sont-ils plus à même de s’ouvrir à d’autres et de développer des relations sociales
quand ils cohabitent avec d’autres groupes ? Ces questions, largement abordées dans la
littérature sociologique, nécessitent de prendre en compte la diversité de contextes
d’habitats dans les villes actuelles et des actions de mixité mises en œuvre, mais aussi de
connaître les habitudes de sociabilité des individus selon leurs caractéristiques
sociodémographiques, comme leur appartenance sociale, leur âge, ou leur sexe. On prendra
comme définition des classes populaires celle d’Olivier Schwartz (2011) pour qui elles se
7
définissent d’une part par leur position sociale, celle d’un groupe dominé, d’autre part à
partir de propriétés de type « culturologique », qui caractérisent l’ensemble « de
spécificités, portant sur les pratiques et les comportements culturels, qui tendent à les
séparer des classes dominantes et des normes dominantes. » (2011, p. 6).
1.1.2 Coexistence et compromis
Au regard de nombreux textes et ouvrages scientifiques décrivant le partage d’un
même espace entre différentes populations, la première chose frappante est la présence de
nombreux termes renvoyant à ce phénomène : cohabitation, coexistence, coprésence. Le
texte d’Yves Grafmeyer sur la coexistence en milieu urbain (1999) m’a permis d’y voir
plus clair dans ce champ lexical, en jouant sur le sens du mot composition. Elle est pour lui
une coprésence, la « configuration associant des éléments différents qui sont, en suivant
l’étymologie, « posés ensemble » et agencés entre eux. » (1999, p. 157), que ces éléments
soient la structure du bâti déjà en place et autres éléments physiques de l’urbain, ou des
populations « plus ou moins hétérogènes dont les habitats, les réseaux relationnels et les
pratiques se distribuent selon certaines règles au sein de l’espace de la ville. » (1999, p.
158). Ces éléments qui composent donc la ville s’agencent en partie selon des mouvements,
qu’ils soient naturels ou liées à l’intervention d’acteurs privés ou publics, qui définissent
une physionomie urbaine « tant dans les structures matérielles de la ville que dans la
distribution territoriale des activités, des groupes sociaux et des pratiques » (1999, p. 58).
Le décalage entre ces mouvements naturels et la volonté des acteurs produit des effets de
composition de l’espace urbain, invasion, ségrégation, gentrification, largement étudiés par
la sociologie urbaine et dans lesquels s’organisent les interactions, les rapports sociaux et
les relations sociales. Dans les sciences sociales, les situations d’hétérogénéité renvoient à
deux dimensions, les différences sociales d’une part et les différences culturelles, ethniques,
religieuses d’autre part. La première renvoie aux place occupées par les individus dans la
division du travail, et donc à leur inégalités socioéconomiques qui en découlent, et c’est
celle qui nous intéresse le plus dans ce mémoire. C’est là que, toujours selon Yves
Grafmeyer, que la composition renvoie au registre sémantique du compromis, c’est-à-dire
de la négociation, de la transaction : « Dans la mesure où la ville est un espace partagé,
elle est un milieu de vie qui amène tout un chacun à « composer » avec autrui, et peut-être,
du coup, avec soi-même » (1999, p. 159). Ce compromis s’exprime à travers des enjeux qui
convergent ou divergent, des luttes d’intérêts, qu’elles soient entre l’Etat et les collectivités
8
locales, les élus et les associations de quartier, et qui déterminent de façons multiples
l’organisation des relations entre les différents protagonistes. Ces compromis s’expriment
quotidiennement dans des situations d’hétérogénéité sociales à travers des stratégies selon
les groupes d’appartenance, qu’elles soient d’ajustement ou d’évitement, et qui se
différencient selon les contextes de cohabitation. Qui habite où ? Avec qui ? Comment et
pourquoi ?
La littérature sociologique en ce qui concerne la cohabitation entre différentes
catégories de personnes et ses effets est abondante, et montre que la proximité spatiale
entre des personnes issues de milieux sociaux différents ne débouche pas toujours sur la
créations de liens entre elles, mais peut amener des situations d’isolement, de conflits ou
d’évitements. Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire insistent dans leur travail
sur les grands ensembles (1970) sur plusieurs points, et avant toute chose sur le rôle
primordial de l’organisme chargé de la sélection de la population lorsqu’elles ont été
préconstruites au préalable : « L’analyse doit prendre en compte le type d’organisme et le
type de filière par lesquels on accède à des grands ensembles, conditions administratives
secondaires en apparence, mais en fait, conditions déterminantes de la formation de la
population » (Chamboredon, Lemaire, 1970, p. 7). Ils montrent que les différents critères
d’attribution, qui varient selon les organismes, contribuent à la fabrication d’une
population selon des logiques différentes de celles du marché, qui aboutiront dans certains
cas à des populations plus ou moins homogènes. Ils montrent également que ces processus
de fabrication jouent un rôle déterminant sur les formes des rapports et des interactions à
venir entre les habitants d’une même unité d’habitation, plus que ne le font les
prédispositions de chacun à la sociabilité. Selon eux, on ne peut comprendre la structure
des rapports sociaux entre habitants sans prendre en compte leur position dans leur
trajectoire de vie individuelle et des « contraintes objectives qui, pour chaque groupe,
définissent le possible et l’impossible en matière de logement » (1970, p. 12), bien souvent
corrélés à leur capacité à pouvoir ou non changer de logement. Les trajectoires
individuelles, mais aussi d’autre facteurs comme l’âge, le diplôme ou l’ancienneté de
résidence se combinent pour expliquer les dispositions de chacun à tisser des liens et à
organiser sa vie relationnelle. Les conduites de sociabilité des individus sont donc
déterminées par leur appartenance à un groupe social, mais aussi à la façon dont ce groupe
entretien des rapports avec les autres groupes. Dans une situation de mixité, ces conduites
« ne se comprennent pas sans référence à l’hétérogénéité de la population et aux
9
différentes manières dont les différents groupes peuvent, étant donné les normes de
sociabilité propres à leur classe, répondre à cette situation » (Chamboredon, Lemaire,
1970, p. 13). On verra dans un autre cas, celui des locataires sociaux dans les quartiers
aisés de Paris étudié par Lydie Launay (2014), que la cohabitation entre différents groupes
sociaux débouche sur des organisations différentes des sociabilités, et que celles-ci
s’agencent selon différents critères.
1.1.3 Sociabilités et proximité spatiale
En plus d’être un objet d’étude, la sociabilité est aussi un enjeu de société devant
être assimilée aux nombreux débats sur la mixité, la cohabitation, l’intégration. Celle-ci,
pour reprendre la définition d’Yves Grafmeyer (1995), est « l’ensemble des relations
effectivement entretenues par une personne avec d’autres personnes ». Les pratiques de
sociabilité se déclinent sous plusieurs formes, et sont réparties inégalement selon les
caractéristiques sociales et démographiques des individus. Les enquêtes statistiques
nationales réalisées par l’INSEE et l’INED en 1982-1983 permettent de dégager les
différentes variables et comment elles se combinent, afin de les mesurer. On voit, comme
le montre François Héran (1988) qu’elles se déclinent différemment selon les groupes
sociaux à la manière d’une pratique culturelle. Socialement ordonnée, la sociabilité est
fortement corrélée avec le revenu et le diplôme. Elle est plus intense dans les milieux
supérieurs, artistes et professions libérales surtout, et décline quand on descend la
pyramide sociale, apparaissant beaucoup plus limitée dans les classes populaires, en
particulier chez les ouvriers. Les relations sociales sont aussi ordonnées selon
l’interlocuteur choisi, et en fonction de ses caractéristiques, si celui-ci fait parti du même
milieu social, familial, professionnel ou générationnel : « On fréquente d’abord ses pairs »
(Héran, 1988, p. 6), mais aussi de la nature du lien qui les unissent. Ainsi, au cours d’une
même période donnée, les ouvriers fréquenteront davantage leur réseau familial que les
cadres supérieurs. Héran apporte aussi une définition des liens forts ou étroits. Ceux-ci
correspondent à la création d’amitiés, de sorties communes, ou de relations d’entraides. La
sociabilité obéit aussi à une dynamique temporelle et varie en fonction de l’âge des
individus. Héran distingue trois âges de la sociabilité : « la jeunesse est le temps privilégié
des amitiés, la maturité celui des relations de travail et la vieillesse celui des relations de
parenté » (1988, p. 21), qui varient aussi selon les milieux sociaux. Il tire la même
conclusion selon le sexe de la personne, la sociabilité se répartissant entre hommes et
10
femmes selon la traditionnelle division sexuelles entre interne et externe, les femmes étant
plus impliquées dans les relations familiales et de voisinage, tandis que les hommes vont
plus vers les relations amicales et les associations. Mais au bout du compte, ceux qui ont
une sociabilité élevée sont plus à même d’étendre leur réseaux relationnels et d’avoir de
nouvelles sociabilités à portée plus lointaine, obéissant ainsi à une logique de cumul : plus
on cumule de connaissances, plus on est à même d’en créer, et inversement. Selon les
termes de Héran, « les relations vont aux relations ». La sociabilité fait donc figure de
capital culturel. Cette conclusion rejoint celle de Michel Forsé (1981) dans son étude sur la
sociabilité. Si selon lui des facteurs démographiques tels que l’âge ou le type de ménage
permettent de l’expliquer, ce sont surtout des déterminants socio-économiques et culturels
qui permettent de comprendre l’évolution de grandes tendances, sans toutefois omettre
qu’elle est l’apanage des classes supérieures.
Mais les sociabilités s’inscrivent aussi dans une dimension spatiale, de proximité,
en particulier quand elles sont liées au logement. On parlera d’avantage des relations
entretenues avec des personnes en-dehors du foyer plutôt que de celles entre les membres
de la maison. Car au delà des relations entre les membres du foyer, le logement joue un
rôle particulier dans l’organisation de la vie relationnelle, qui varie selon le type d’habitat.
Il peut être utilisé pour nouer contact avec les habitants du voisinage, mais aussi pour
recevoir, héberger ou accueillir d’autres personnes, il est « une source de contacts avec les
habitants du voisinage, et peut lui-même s’ouvrir à diverses personnes – proches ou moins
proches – qui ne font pas partie du foyer » (Grafmeyer, 2001, p. 103). Il constitue donc un
pôle central autour duquel s’organisent les sociabilités. Pour Grafmeyer, elles sont de deux
types, d’une part les relations de voisinage, et d’une autre toutes les relations qui
n’impliquent pas forcément le partage d’une même espace de vie, du type liens familiaux
ou amicaux, relations professionnelles, ou associatives. Dans l’ensemble de la vie
relationnelle et sociale, le logement est utilisé comme ressource, à la fois pour recevoir,
héberger, mais aussi pour s’approprier un quartier, un mode de vie. Dans un sens plus large,
l’habitat, qui recouvre à la fois le type de logement, le statut d’occupation, les activités
offertes dans le quartier et l’ancienneté de résidence (Authier, Grafmeyer, 1998) est un lieu
producteur de sociabilités.
Les relations de voisinage, basées de fait sur la proximité résidentielle, constituent
un bon indicateur pour mesurer le vivre ensemble. En se basant sur l’enquête « Contacts »
11
réalisée par l’INSEE et l’INED, François Héran (1987) montre que les sociabilités de
voisinage sont très inégalement réparties chez les individus selon le type d’habitat, mais
aussi la structure du ménage, l’âge, ou le diplôme. Ainsi, la notion même de voisin varie
avec la densité de l’habitat, celle-ci devenant plus restreinte à mesure que l’habitat se
densifie : « Dans l’ensemble, plus on a de voisins, au sens physique du terme, moins on se
reconnaît de « voisins » et moins on « voisine ». » (Héran, 1987, p. 45). En somme, elle
recouvre une aire géographique plus importante à la campagne qu’en ville. Les relations de
voisinage varient aussi selon l’appartenance sociale, selon leur intensité. Elles vont de
« aucune relation » aux liens étroits. On voit qu’elles sont plus intenses chez les cadres ou
les agriculteurs, mais diminuent chez les ouvriers non qualifiés et les employés. Elles sont
aussi plus intenses lorsque l’habitat est individuel, en maison plutôt qu’en immeuble, peu
importe la catégorie socioprofessionnelle. On note que l’ancienneté d’installation dans le
logement chez Héran « est un facteur dont il ne faut pas surestimer l’importance » (1987,
p. 44), sauf lorsqu’on observe des liens étroit avec les voisins, tandis qu’elle constitue une
variable explicative de la sociabilité chez Yves Grafmeyer lorsqu’on prend en compte le
fait qu’elle est une notion subjective qui varie selon les sites observés (Authier, Grafmeyer,
1998), ou lorsqu’elle est corrélée avec d’autres variables statistiques, comme l’âge de
l’individu, ou que ces relations se tissent dans ou en-dehors de l’immeuble (Grafmeyer,
2001). Le chapitre d’Yves Grafmeyer sur les sociabilités liées au logement dans « Du
domicile à la ville » dirigé par Jean-Yves Authier apporte quelques compléments, dans le
cas d’une étude menée dans des quartiers anciens, en faisant la distinction entre sociabilités
de proximité et les autres. S’il remarque dans un premier temps une relation positive entre
les relations établies dans l’immeuble et celles en-dehors, suivant la logique de cumul, il
constate que les relations de voisinages sont socialement différenciées, selon qui voisine et
où. Ainsi, il se dégage que les femmes voisinent davantage avec les voisins d’immeuble
alors que les hommes voisinent plus en-dehors, mais les écarts entre les deux sont peu
marqués. Les relations sont de même plus fréquentes à l’intérieur de l’immeuble à mesure
que l’âge de la personne augmente, que les interactions soient étroites ou minimales,
excepté les désaccords ou conflits. Mais il remarque que l’âge ne constitue pas un critère à
part entière, il doit être pris en compte en rapport avec l’intensité des relations, et avec qui
elles s’appliquent.
On voit que les pratiques de sociabilité sont étudiées de différentes façons, qu’elles
soient établies par une situation de proximité ou non. On pourrait rajouter que les réseaux
12
sociaux par Internet, les communications instantanées à travers le globe, et l’augmentation
exponentielle de l’accès à ces moyens de communications rend nécessaire de prendre en
compte ces nouvelles données pour comprendre l’organisation de la vie relationnelle chez
les individus aujourd’hui. Maintenant qu’on a parlé des sociabilités dans une dimension de
proximité, à travers les sociabilités liées au logement et les relations de voisinage, nous
allons voir comment elles se pratiquent dans une situation résidentielle de mixité sociale.
1.1.4 Mixité et sociabilités : quels facteurs déterminants ? Quels enjeux ?
Comment s’organisent les sociabilités de chacun dans une situation de mixité
sociale ? Quels facteurs explicatifs, ou quelle combinaison de facteurs permettent de
comprendre l’agencement des sociabilités entre les différents groupes sociaux ? De façon
plus large, en quoi une opération purement spatiale comme la mixité amène t-elle à
l’insertion des personnes les plus démunies, et à terme corrige les inégalités sociales ? Les
différentes situations de mixité sociale, qui conduisent à la proximité spatiale d’individus
appartenant à des groupes sociaux différents, sont autant de situations dans lesquelles les
sociabilités s’agencent de manière particulière. De manière générale, des liens se créent
qu’ils soient forts ou faibles, même si ceux-ci prennent la forme des formes différentes. Le
chapitre sur les propriétaires et les locataires dans l’ouvrage Habiter Lyon d’Yves
Grafmeyer (1991) apporte un cas de mixité intéressant basé sur les statuts d’occupation, et
nous éclair sur l’utilisation des différentes variables et leurs répercussions sur
l’agencement de la coexistence au sein d’un même immeuble. On constate, d’après une
enquête comparative entre deux quartiers de Lyon, l’un socialement homogène, Brotteaux
et l’autre plus hétérogène, Croix-Rousse, que le statut d’occupation joue très différemment
sur rapports sociaux entre ces groupes, dépendant largement du contexte d’habitat mais pas
seulement. L’ancienneté de résidence est diversement appréciée selon le quartier, et l’âge
de la personne. On sera considéré comme ancien dans un quartier comme Croix-Rousse
avec une ancienneté moindre en valeur absolue qu’à Brotteaux. De même, on ne sera pas
considéré comme ancien, à ancienneté d’installation égale, si on 40 ans ou 60. Si ces
variables jouent peu lorsqu’elles sont prises indépendamment l’unes de l’autres, elles
prennent tout leur sens quand elles sont associées. De même, le statut social de la personne
et la taille du logement constituent autant des facteurs à prendre en compte. On voit
pourtant que les résultats pris de manière comparative ne sont pas du tout les mêmes en
fonction du quartier choisi. Ici c’est dans « l’histoire du peuplement qu’il faut voir la
13
principale source des différenciations qui se répercutent sur les formes de coexistence, de
sociabilité, ou d’évitement. » (Grafmeyer, 1991, p. 180). Pour conclure, l’opposition entre
locataires et propriétaires, même si elle a des impacts différents selon les quartiers qui
peuvent être négligeables dans certains cas, a néanmoins une certaines incidence dans la
gestion des rapports de voisinage entre les habitants, et dans leur perception de leur façon
de coexister. Le statut d’occupation renvoie à des différences de positions dans les
trajectoires individuelles de chacun, qui, on l’a vu, structurent les rapports sociaux entre
habitants, et ont toutes les chances de renvoyer chacun à son appartenance sociale.
Autre opposition entre deux populations vivant dans un même immeuble, celui de
milieux populaires vivant dans les quartiers aisés à Paris. Parmi les différents types
d’opérations urbaines visant à réintroduire les classes populaires dans les centres-villes,
celles qui concernent l’acquisition-conventionnement de logements individuels par les
organismes HLM éparpillés dans différents immeubles constituent une initiative originale
et intéressante. La présence d’une personne aux revenus modestes au sein d’une autre
population peut être perçue et vécue de différentes manières, que ce soit de la part des
nouveaux locataires, ou des plus anciens habitants. C’est le cas de cohabitation sur lequel
s’est penchée Lydie Launay (2014) lors de son enquête sur les beaux quartiers parisiens.
Dans cette opération très semblable à celle que j’étudie, elle observe les effets de cette
cohabitation dans un contexte de mixité forcée entre des classes dominantes et populaires,
majoritairement immigrées, au sein du 8ème arrondissement, un quartier central et bourgeois
de Paris, et la manière dont ces dernières perçoivent la coexistence dans ce quartier. Elle
montre que les rapports sociaux entre ces deux populations sont régis par des systèmes de
domination de l’espace, en plus du symbolique, de la part des catégories aisées et prennent
la forme de domination ethnique, en plus de celle de classe, les habitants des logements
sociaux étant identifiées comme immigrées. Ces derniers se trouvent contraints de
répondre de deux façons à cette situation. Les « embourgeoisés » cherchent à s’adapter aux
normes de la population dominante. Habiter dans les beaux quartiers, à proximité des élites
du pays est pour eux une « valorisation sociale » et un espoir d’ascension, en particulier
pour leurs enfants qui apprendront les normes légitimes dans les écoles du quartier. Les
liens qu’ils avaient créés dans leur ancien quartier ont tendance à se dénouer avec
l’éloignement spatial et social, qui s’instaure entre eux et leurs anciens réseaux. A l’inverse,
les autres qu’elle appelle « les décalés » ne parviennent pas à s’adapter à leur nouveau
mode de vie et privilégient les anciens réseaux au détriment des nouveaux. Ceux-ci
14
continuent à maintenir des liens forts avec leur ancien quartier, voire pour certains,
espèrent même retourner y habiter. On voit ici que la proximité spatiale ne débouche pas
toujours sur des relations harmonieuses entre les habitants, et donc n’atténue pas
mécaniquement la distance sociale, conclusion similaire à l’étude de Chamboredon et
Lemaire (1970). On voit aussi dans cet article l’importance du quartier et de ceux qui
l’habitent dans la perception des individus sur leur trajectoire individuelle. Un quartier
socialement valorisé peut offrir le rêve d’une ascension sociale, ou tout du moins un
changement de trajectoire vers un avenir meilleur, que ce soit pour eux ou pour leur
descendance.
L’importance de l’ancrage en centre-ville, ou en quartier valorisé, se reflète aussi
chez les catégories de population les plus défavorisées comme un maintien de leur
trajectoire individuelle. Pour Nicolas Bernard, « la pauvreté ne saurait être comprise en
dehors de sa dimension spatiale » (Bernard, 2007, p. 51). Dans un autre article, on va voir
l’importance d’habiter en centre-ville, et donc du facteur spatial sur le social. Car il y a
aussi ceux qui se maintiennent et qui ne bénéficient pas forcément de l’aide publique,
comme le cas des mal-logés parisiens étudiés par Pascale Dietrich-Ragon (2014). Elle
montre que les choix résidentiels qui guident sa population sont marqués par une peur de
« l’exil » vers la banlieue, perçue comme un déclassement social, même si ce changement
entraînerait une amélioration certaine des conditions de logement. Dans un contexte de
marché de l’immobilier hyper sélectif, ces personnes voient le fait d’habiter dans la
capitale comme une compensation à leur situation sociale défavorisée, voire comme une
marge de manœuvre vers un destin meilleur, qui pallie un manque de confiance et une
incertitude, tandis que la banlieue est perçue négativement comme un lieu « dégradant et
étranger », « où logent les groupes sociaux les moins bien placés dans la hiérarchie
sociale » (Dietrich-Ragon, p. 21). On voit ici l’importance de l’ancrage dans la capitale,
qu’il soit affectif, fait d’attaches ou de repères, ou pour répondre à des besoins pratiques,
comme éviter une augmentation des temps de transports. Les propositions de logement
sociaux en banlieue, souvent moins chers et plus confortables, sont systématiquement
rejetées, que ce soit par peur de l’inconnu ou par peur de déclassement. L’attache à Paris
est aussi vue par ces personnes comme une promesse d’insertion professionnelle et comme
un ascenseur social : « malgré les conditions de vie déplorables qu’elle leur offre, la
capitale est logée par les mal-logés comme un gage d’insertion sociale » (Dietrich-Ragon,
p. 26). Ici aussi, on voit l’importance du quartier sur le devenir des individus, ou du moins
15
sur la perception qu’ils ont de leur devenir, au détriment de la qualité de vie que peut leur
offrir leur logement. On voit que les qualités intrinsèques du logement sont mises en retrait
par rapport aux bénéfices potentiels qu’il apporterait à ses occupants. Tous ces facteurs se
combinent pour expliquer la résistance à l’exil de ces personnes.
Dans les deux articles précédents, l’ancrage en centre-ville est globalement perçu
comme une situation socialement avantageuse par les catégories populaires, qui peut
permettre sinon d’acquérir les normes et la culture des classes supérieures dans l’objectif
d’une possible ascension, tout au moins d’éviter un possible déclassement géographique et
donc social. La mixité sociale en centre-ville fait figure d’élément central pour rééquilibrer
les inégalités sociales et spatiales. Elle est pourtant une notion au contenu sémantique varié,
pouvant sous-entendre différentes idées, parfois paradoxales. Synonyme de diversité
sociale ou culturelle, elle est souvent vue comme une solution à des inégalités sociales et
économiques. Présente dans de nombreux registres, utilisée par de nombreux hommes
politiques, urbanistes ou sociologues, la notion de mixité sociale apparaît comme une
notion aux facettes multiples, et amène la question : de quoi parle t-on exactement quand
on parle de mixité sociale ?
Pour y répondre, Philippe Genestier (2010), architecte et urbaniste, analyse les
différentes connotations de la mixité, parfois contradictoires, qu’elles soient une approche
statistique, un idéal ou une pure rhétorique et dans quels registres discursifs elles sont
utilisées. En partie appuyé sur des données statistiques, le discours sur la mixité se veut
objectif, mais il est aussi associé à un souci de justice sociale, d’égalité et d’harmonie, tour
à tour vœu pieux ou mot d’ordre. Vue comme un remède aux problèmes urbains, la mixité
est une normalité, un but à atteindre, tandis que son inverse, la ségrégation est un écart
qu’il faut corriger. Pourtant, elle tend à réduire les problèmes sociaux à une simple
dimension spatiale, sans prendre en compte les déterminants socio-économiques des
individus. Pour Philippe Genestier : « le mot « mixité » témoigne d’un ethnocentrisme qui
interdit de percevoir en quoi une faiblesse du capital économique empêchant de résider
dans un quartier convoité par des couches plus aisées ne correspond pas nécessairement à
une absence de capital social et relationnel » (Genestier, 2010, p. 34). Indissociables l’une
de l’autre, la mixité et la ségrégation se comprennent par une relation d’opposition, mais
tendent à ne pas avoir un sens bien défini une fois isolées. Pourtant, comme le fait
remarquer Nicolas Bernard, la ségrégation sociale est le fait de l’autre. Suffit-il de faire
16
cohabiter des populations qui ne veulent pas se mélanger pour assurer leur intégration ?
Comme il le dit lui-même, « sur le terrain, personne ne semble vouloir se mélanger à
l’autre : ni les riches, méfiants à l’égard de ce quart-monde étranger et fuyant cette
promis- cuité qu’ils jugent malsaine, ni même les pauvres, craignant de se couper de leurs
réseaux d’entraide informels en déménageant dans un quartier plus huppé et mal à l’aise
face au regard stigmatisant (et proprement réifiant) des bien logés » (Bernard, 2007, p.58).
On l’a vu, la mixité sociale est à la fois une situation particulière dans
l’organisation des sociabilités entre les individus issus de différents groupes sociaux, mais
elle est aussi un enjeu de société, au contenu sémantique varié. Si les individus gèrent leur
vie relationnelle par rapport aux autres catégories de personne qui les entoure, on voit que
la mixité sociale introduit des facteurs dans cette organisation des sociabilités. S’intéresser
aux formes et à l’intensité que prennent ces sociabilités dans une situation de mixité
sociale permet de comprendre en partie comment s’agencent les rapports sociaux entre des
groupes sociaux, et donc si ceux-ci se rapprochent ou non. L’étude des sociabilités en
situation de mixité est donc utile pour évaluer le degré d’insertion des classes populaires,
ou à contrario leur isolement. Mais si la proximité de différentes classes sociales amène
parfois des échanges entre elles, on ne voit pas forcément en quoi elle agit sur les inégalités
proprement économiques, même si dans certains cas, comme on l’a vu, elle offre la
promesse d’une insertion professionnelle ou d’une ascension sociale, ou bien l’acquisition
des normes des cultures dominantes. Elle confère certes des avantages pour les milieux
populaires, qui, en étant proches des dynamiques urbaines et sociales, voient plus
d’opportunités que lorsqu’ils sont relégués dans des périphéries exclues de ces
dynamismes. Mais on ne peut pourtant pas affirmer qu’elle est utile à tout le monde, du
moins pas sans prendre en compte les différences de position dans les trajectoires de
chacun. L’importance d’avoir un logement dans le centre varie donc, que ce soit pour le
jeune homme de 25 ans qui souhaite démarrer sa carrière professionnelle, que pour la
personne de 65 qui la termine. Comprendre une situation de mixité, et donc comprendre
son impact en terme d’insertion, requiert de prendre en compte les caractéristiques sociales
de chacun comme l’âge, mais aussi le milieu professionnel, l’origine sociale, la
composition de la famille, ainsi que les préférences qui sont liées à ces caractéristiques.
Dans la prochaine partie, on verra comment articuler les différents écrits sociologiques
avec le cas qui nous intéresse ici, et comment formuler à partir de là les hypothèses et la
problématique de ce mémoire
17
1.2 De la théorie au cas pratique : Problématique et hypothèses
L’idée directrice de ce mémoire est de comprendre dans quelle mesure une
situation de mixité sociale joue sur l’insertion de personnes issues de milieux populaires,
en prenant le cas particulier des personnes logées « en diffus » par d’Habitat et Humanisme.
Cette situation de mixité sociale possède trois caractéristiques importantes. En premier lieu,
les populations sont préconstruites selon un mode de sélection particulier, basé sur les
difficultés matérielles des demandeurs. On a vu en partie le rôle de l’organisme sur la
fabrication d’une population et donc sur les rapports qui en découlent dans un cadre de
mixité forcée. On reviendra plus en détails sur ces conditions de sélection lors de la
présentation de ma population. En second lieu, cette mixité a pour cadre des quartiers du
centre ville de Lyon. Or on a vu aussi l’importance de l’ancrage dans des quartiers
centraux, et/ou valorisés socialement. Pour des besoins de comparaison, mon enquête de
terrain a eu lieu sur deux contextes d’habitat, l’un homogène et aisé, l’autre plus diversifié
et hétérogène. La troisième caractéristique, celle qui nous intéresse le plus et qui m’a
conduit à faire ce mémoire, est le caractère isolé de l’implantation « en diffus » des
ménages en difficultés. Rappelons-le, cette opération consiste à implanter ces ménages au
sein d’immeubles où habitent déjà des résidents du privé. Ce placement souvent aléatoire,
en fonction des logiques d’acquisition ou de gestion de logement par HH, ne comportera
dans la grande majorité des cas pas plus d’un logement par adresse. Cette opération diffère
des politiques publiques de logement, comme le passage d’immeubles ou d’habitations
sous statut HLM, par sa faible visibilité. Du fait HH fonctionne aussi, par l’intermédiaire
de sa régie, Régie Nouvelle, comme une régie immobilière classique, les logements qu’ils
gèrent ne changent pas de statut, et peuvent être rétrocédés à leur propriétaire dès que
ceux-ci en font la demande. Un appartement géré par la régie peut donc avoir une durée de
vie limitée en tant que logement à vocation sociale. Les anciennes personnes habitant
l’immeuble ont moins de chance (mais pas dans tous les cas) de reconnaître le locataire
HH comme « social », et appartenant à un milieu moins favorisé. On peut supposer que
dans une situation de ce type, l’instauration de barrières entre les groupes sociaux, ou de
toute autre forme de séparation, a moins de chance de se produire. Cette dernière
caractéristique est fondamentale car elle constitue une originalité par rapport à d’autres
politiques d’instauration de mixité sociale, et produira sans doute des effets différents de
ceux observés par d’autres travaux sociologiques.
18
Une des mes premières hypothèses était qu’il existe des contextes d’habitat, qu’il
s’agisse d’un immeuble ou d’un quartier, où il est plus facile de développer des relations
de voisinage que dans d’autres. Mais à la lecture du chapitre d’Yves Grafmeyer sur les
sociabilités urbaines (1995), on voit qu’il n’existe pas de contexte de peuplement prédéfini,
qu’il soit homogène ou hétérogène, qui favoriserait ou non les relations sociales entre
différents groupes : « les données objectives décrivant le degré d’homogénéité ou
d’hétérogénéité d’un contexte résidentiel ne permettent pas de préjuger de la manière dont
s’agencent localement les relations de voisinage, l’engagement dans la vie associative, les
tactiques d’évitements et les conflits ouverts. » (1995, p. 211), ou pour reprendre JeanYves Authier : « la composition sociale d’un quartier ne préjuge pas des modalités de la
cohabitation de ses habitants. » (2008, p. 104). De même, comme on l’a vu dans l’article
écrit par Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire (1970), il faut non seulement
prendre en compte les caractéristiques des groupes qui partagent un même espace, mais
aussi celles des individus en terme de trajectoires et de parcours. Les pratiques sociales
qui se développent entre deux groupes sociaux sont donc liées à ces facteurs. Pour
reprendre Jean-Yves Authier « les positions sociales des individus, les normes propres à
chaque classe ou fraction de classe interviennent dans la structuration des pratiques
sociales de coprésence dans les espaces résidentiels. » (2008, p. 105). Pour Yves
Grafmeyer, la recherche d’indicateurs « tous terrains » (1999) qui pourrait généraliser des
situations de mixité paraît vain. C’est en comparant les différents contextes singuliers
qu’on peut faire apparaître des régularités. On peut toutefois ajouter que parmi les
différents cas de mixité étudiés en sociologie, bien peu génèrent des relations sociales
fortes entre les habitants de groupes différents, en particulier, mais pas uniquement,
lorsqu’il s’agit de politiques volontaristes de mixité sociale. On assiste généralement à une
entente passive, ou pacifique, plus qu’à une sociabilité approfondie entre les diverses
catégories
d’habitant. On trouve néanmoins des situations de mixité sociale plus
favorables à l’émergence de relations sociales lorsque les différentes communautés ont des
intérêts, souvent différents, à cohabiter, ou lorsque les différences entre les populations
sont sans ambiguïtés (Authier, 2008).
On suppose donc que les locataires HH bénéficient de conditions plus favorables
pour s’insérer parmi les populations qu’ils côtoient, ou tout du moins d’éviter des effets
stigmatisant associés à leur condition comme c’est le cas chez les locataires en
appartements HLM étudiés par Lydie Launay (2014). Au delà de cette caractéristique,
19
plusieurs hypothèses se sont posées quand aux facteurs qui pourraient favoriser l’insertion
sociale ou professionnelle de ces personnes. Une première hypothèse est que la présence
d’enfants au sein d’un ménage favoriserait la rencontre et la création de liens avec des
personnes de l’immeuble ou du quartier. L’intégration des enfants dans les écoles du
quartier conduirait à un investissement supplémentaire dans l’espace local de la part des
parents, pour ceux qui jugent positive l’influence d’enfants issus de milieux plus aisés
(Launay, 2014, p. 44). La présence d’enfants dans les écoles du quartier aurait aussi un
impact sur l’intégration des parents, au moyen de rencontres de parents d’élèves. De façon
plus générale le quartier, ou l’environnement immédiat, peut être vu comme « un cadre
favorable à l’éducation des enfants » (Launay, 2014, p. 43). Education au sens large, qui
prendrait un compte l’attrait du quartier comme endroit valorisé socialement, et les
conséquences bénéfiques en terme d’apprentissage de normes des dominants. Au contraire
les quartiers immigrés seraient associés aux mauvaises fréquentations, et à l’insécurité
(Launay, 2014, p. 43). François Héran le montre aussi à travers des résultats statistiques,
les couples avec enfants voisinent d’avantage que les personnes seules, et « la présence
d’enfants multiplie les occasions de contact avec d’autres foyers » (1987, p. 55). On
suppose aussi que les familles nombreuses, ou ayant des enfants en bas âge (ou de santé
fragile, ou encore présentant un handicap, qui retiendrait l’attention des autres parents),
auraient moins la capacité de développer des liens de proximité et seraient donc plus
isolées : « quand on arrive aux familles les plus nombreuses, la sociabilité se restreint »
(1987, p. 55). De manière plus générale, la composition du ménage aurait une incidence
sur l’intensité des sociabilités. On suppose donc qu’une personne seule a moins
d’opportunités d’établir des relations qu’un couple, et plus de chances d’être isolée.
En second lieu, on fait l’hypothèse que les personnes ayant déjà des réseaux
relationnels étendus ou anciens sont plus à même de développer des nouvelles sociabilités
de proximité, suivant la logique de cumul vue par Héran (1988) et Grafmeyer (1997), et de
s’insérer plus facilement. On l’a vu, « les relations vont aux relations » (Héran, 1988), « les
personnes qui fréquentent un grand nombre d’amis ont aussi les plus grandes changes de
sortir avec des collègues, de recevoir la visite de leurs voisins, d’adhérer à de multiples
associations » (Héran, 1988, p. 15). On suppose que les personnes ayant le plus
d’occasions d’entretenir des sociabilités diverses, celles qui font partie d’une association,
qui ont un emploi, ont par conséquent plus d’opportunités d’entretenir des relations avec
leurs voisins. Dans le contexte de politique d’HH en matière d’accompagnement des
20
locataires par des travailleurs sociaux ou des bénévoles, on peut penser que les locataires
qui bénéficient d’un accompagnement ont des possibilités accrues de développer des liens
sociaux avec leur entourage. A contrario, on suppose que les personnes vivant seules, sans
emploi et sans accompagnement présentent un plus grand risque de se retrouver en
situation d’isolement.
On peut supposer que les locataires les plus anciennement installés dans leur
logement ont des sociabilités plus abouties en terme d’intensité et de nature des liens que
ceux arrivés plus récemment. Mais cette hypothèse risque d’être démentie assez vite si
cette caractéristique est prise isolément. Notre hypothèse est que les sociabilités des
locataires interrogées ne pourront être pleinement expliquées qu’en articulant les
caractéristiques sociodémographiques des personnes avec leur contexte d’habitat. On a vu
que dans le cas des logements HLM dans les beaux quartiers parisiens (Launay, 2014) que
le contexte d’habitat, l’ancienneté d’installation des anciens habitants et leur mode de
peuplement expliquent en partie les rapports de domination qui marquent profondément
l’organisation de la vie en commun. Mais ces mêmes indicateurs varient quand ils sont
appliqués à des cas particuliers. Pour faire apparaître des régularités, les entretiens avec les
locataires HH ont été menés dans plusieurs terrains. Quatre ont été réalisés dans le 6ème
arrondissement de Lyon, caractérisé par une population homogène et aisée. Les quatre
autres dans des quartiers plus diversifiés. Deux ont été menés dans le 1er arrondissement,
un dans le 4ème et un autre au sud de la gare Perrache, dans le quartier Sainte-Blandine. On
mettra en relation les contextes d’habitat avec les caractéristiques sociodémographiques
des personnes, tel que l’âge, le sexe ou le revenu. On suppose toutefois que les
caractéristiques de peuplement des logements « en diffus », qui diffère à la fois des autres
opérations menées par HH, mais aussi d’autre politiques publiques en matière de logement,
auront des effets différents en terme de vécu de la mixité chez les locataires HH, et donc en
terme de formes et d’intensité des sociabilités.
Les caractéristiques de cette politique nous font penser qu’elle offrirait de
meilleures chances en terme d’intégration de ces locataires avec leurs voisins, mais aussi
dans leur quartier, par rapport à d’autres politiques de mixité. On pense notamment au
passage d’appartements privés sous le statut HLM, mais aussi aux autres politiques d’HH
en terme de mixité, comme celle des logements groupés, où un même immeuble ne
comporte que des logements gérés par Régie Nouvelle. En particulier, le caractère isolé de
ces logements, le fait que les locataires HH soient en quelque sorte « forcés » de côtoyer au
21
sein de leur immeuble des personnes issues de milieux différents, laisse à croire qu’il y
aurait un accroissement de l’investissement dans l’espace local de leur part. Inversement,
ce même caractère isolé dissimule en partie le statut « social » du logement, et par
extension de la personne, et celle-ci aurait moins de chance de se faire stigmatiser par les
autres occupants de l’immeuble.
La problématique générale de ce mémoire peut être résumée à la question déjà
posée en introduction. En quoi la politique d’instauration de mixité sociale d’Habitat et
Humanisme dans le cas des logements en diffus favorise t-elle l’insertion des personnes
issues de milieux populaires et en difficultés ? Pour répondre à cette question, on se base
sur les sociabilités effectivement entretenues par les locataires HH, en prenant en
particulier les sociabilités de proximité, construites à partir du logement, mais aussi au sein
de l’immeuble et dans le quartier. A travers ces sociabilités, on tente d’évaluer le degré
d’isolement, ou d’insertion de chaque locataire, en prenant en compte leurs caractéristiques
socioéconomiques et leur contexte d’habitat. On va donc prendre en compte les sociabilités
de proximité comme mesure de l’intégration des locataires dans leur environnement, et se
demander comment varient ces sociabilités selon différents facteurs et contextes.
22
1.3 Présentation du terrain
1.3.1 La double action d’Habitat et Humanisme
Habitat et Humanisme est une fédération d’associations d’insertion et
d’accompagnement par le logement, présente sur toute la France, qui s’est donnée comme
objectif depuis 1985 d’aider des personnes en difficultés à accéder à logement, et « dont
l’objet social est de loger et d’accompagner les ménages vers l’autonomie, par des actions
d’accompagnement variées et adaptées à la problématique des ménages que nous
logeons. » (Extrait d’entretien avec F. Souverain, responsable de la gestion locative chez
Régie Nouvelle). Il y a une double action pour favoriser l’insertion, celle de loger et celle
d’accompagner. Les logements proposés sont inférieurs aux prix du marché, mêlant
plusieurs types de bail. La branche Rhône, qui s’occupe de la Métropole de Lyon3 et du
département du Rhône, est celle qui gère le plus de logements au sein de la fédération,
avec plus de 1400 logements dans son parc4. La grande majorité de leurs logements sont
des logements individuels (1100), ou « diffus », et les autres sont pour la plupart des lieux
de vie collectifs.
La politique d’HH en matière de logement consiste à favoriser la mixité sociale et
donc de faire cohabiter ces locataires avec d’autres habitants socialement différenciés, dans
des quartiers centraux ou proches du centre dans le Grand Lyon. Il existe aussi d’autre
politique de mixité, comme le projet Chorus mélangeant des individus dans un lieu de vie
colectif. Les logements individuels, dans leur majorité, appartiennent à des propriétaires
solidaires qui les confient à Régie Nouvelle, la régie de HH. Les autres appartiennent à la
foncière d’HH. HH possède de nombreux logements individuels regroupés dans des
habitats collectifs et organisés selon deux types d’opération. La première concerne les
logements isolés, généralement pas plus d’un ou deux par adresses. Dans ce cas, locataires
HH côtoient d’autres résidants, propriétaires ou locataires, issus du marché privé. La
seconde opération concerne les logements groupés, où une même adresse compte plusieurs
logements HH mais aucun logement privé. L’offre de logement se situe entre 110 et 120
chaque année, selon un processus de sélection allant vers la quête des plus démunis, ceux
qui n’ont pas la possibilité d’accéder à un logement privé ou même social.
3
4
Depuis le 1er janvier 2015.
Données obtenues sur le site : http://www.habitat-humanisme.org/rhone/chiffres-cles-du-rhone
23
Les critères d’attribution de ces logements renvoient aux processus selon lesquels
sont sélectionnés les habitant et sont donc déterminants dans la formation de la population
(Chamboredon, Lemaire, 1970). Ces critères qu’il faut prendre en compte, sont liés à la
politique de l’organisme qui se charge de la sélection. J’ai pris connaissance après un
premier entretien avec F. Souverain, responsable de la gestion locative chez Régie
Nouvelle. Le but premier est de permettre à des familles en difficulté d’accéder au
logement : « On va permettre d’accéder au logement à des familles ou des ménages qui
rencontrent des difficultés, qui peuvent être familiales, sociales, économiques,
administratives (…) après un délai qui n’est pas forcément défini au départ » (F.
Souverain). Les demandes de logement se font par l’intermédiaire de partenaires, mairies,
maisons de vie sociale, sous forme de candidatures et vont être étudié par une commission
qui prend en compte les ressources disponibles des candidats. Un premier filtrage existe
donc, afin de prendre en considération les demandes de personnes qui en ont le plus besoin,
selon un ordre de priorités : « L’objectif c’est de sélectionner des candidats, des ménages
qui ont besoin de nous, ça c’est une des priorités » (F. Souverain). Il peut parfois s’agir de
personnes en attentes de logement social. Il peut aussi s’agir de personnes en difficulté,
parfois d’origine étrangère, et ayant du mal à s’intégrer. Sont aussi pris en compte les
différents parcours résidentiels et locatifs, leur situation matérielle et les éventuelles
difficultés auxquelles ils font face. C’est en général face à des problématiques particulières,
perte d’emploi, perte d’un logement privé, loyer trop élevé, que HH aura un rôle à jouer.
D’une certaine manière, les responsables de la sélection cherchent à s’assurer que cette
personne a vraiment besoin d’eux. On a donc affaire à une population choisie, dont le
critère principal est le faible niveau de ressources, « le premier critère va être les
ressources » (F. Souverain) et dans une moindre mesure, les difficultés en tout genre. Les
candidats sélectionnés n’appartiennent pas seulement aux classes populaires mais sont
aussi des personnes en difficulté, que ce soit à trouver un emploi ou un logement, souvent
exclues socialement et spatialement.
Dans un premier temps, la mission d’HH sera de trouver un logement qui
correspond à la fois aux besoins et aux moyens du ménage. Un diagnostic social permet
d’évaluer les difficultés réelles du ménage, mais aussi ses ressources : « c’est la différence
avec une régie classique, on va prendre en compte tous les revenus, CDD, minima sociaux,
prestations de la CAF… » (F. Souverain). Un logement lui sera proposé, que celui-ci aura
le droit de refuser. Il pourra donc choisir son logement, en fonction de ses caractéristiques
24
et du contexte local. Dans un deuxième temps, une procédure d’accompagnement sera
mise en œuvre, selon la situation de la personne, et selon qu’elle a besoin ou non d’un
accompagnement, qui sera mis en place avec des travailleurs sociaux et des bénévoles s’ils
estiment que la personne a besoin d’aide pour remplir des papiers, apprendre le français ou
simplement besoin d’un bénévole pour l’accompagner dans ses sorties. Ce suivi a pour
objectif d’accompagner le locataire vers une meilleure insertion : « on va évaluer la
« faculté » de cette famille à accepter un accompagnement, et puis à faire que cet
accompagnement puisse faire évoluer cette famille. » (F. Souverain). Concrètement, ce
suivi peut prendre différentes formes, par exemple aider la personne dans ses démarches
administratives, à trouver un emploi, ou plus simplement l’accompagner dans ses
sociabilités, comme aller au cinéma, au musée. Une des particularités d’HH est d’avoir une
gestion locative adaptée à ses locataires, de façon à être beaucoup plus proches d’eux, faire
en sorte qu’il y ait une bonne appropriation du logement, trouver des solutions en cas
d’impayé ou de problèmes techniques dans l’appartement, sans faire appel à une entreprise
mais à un bénévole bricoleur qui peut résoudre le problème avec le locataire. Il y a donc
une vraie volonté de prise en charge. Ces accompagnements n’ont pas de limite dans le
temps. De même qu’il n’y a pas de durée de bail définie, les accompagnements peuvent se
poursuivre sur plusieurs années. On aurait aimé prendre en compte l’impact de ce suivi
dans le développement des sociabilités des enquêtés, et plus largement dans leur insertion,
mais on précise d’emblé qu’aucun des locataires interrogés au cours de l’enquête ne
suivaient actuellement d’accompagnement, et seulement deux en avaient bénéficié pour
une très courte durée à leur entrée chez HH.
Il y a chez HH une volonté de lutter contre l’isolement, à la fois spatial et social.
Leur action en terme d’insertion est double, elle passe par le logement dans un premier
temps, puis par un accompagnement individuel et personnalisé. Les conditions
d’acquisition-conventionnement de leurs logements, dépendants de propriétaires qui
acceptent de leur confier leur bien, entraine une multiplicité des contextes résidentiels et
permettent des comparaisons entre des situations différentes de mixité sociale. Les
logements gérés par l’association à l’échelle du Grand Lyon se situent dans des quartiers
très différents, peuplés par des habitants très diverses, que ce soit dans les beaux quartiers
de Lyon ou des quartiers plus mixtes. Les locataires interrogés se répartissent entre le 6ème
arrondissement d’une part et le quartier des pentes de la Croix-Rousse, et celui de
Confluence d’autre part.
25
1.3.2 Le diffus, une action de mixité originale
Le cas qui nous intéresse ici est né de la volonté d’une association à favoriser
l’insertion sociale par le logement. Il n’est donc pas un mouvement naturel, ni une action
publique. L’action concrète d’HH passe par l’acquisition ou la construction de logements
destinés à accueillir des catégories populaires dans des quartiers où les prix du marché ne
leur permettent plus de s’installer, ou aux anciennes de rester dans leur logement. Le cas
du « diffus » en particulier a l’intérêt d’être une mesure discrète, évitant les effets les plus
visibles d’une politique volontariste de mixité, et pouvant se soustraire a d’éventuels effets
d’évitement, ou de domination symbolique de la part des autres résidants. On peut
supposer qu’en tant que mesure originale de mixité, ses effets seront différents de ceux
observés dans d’autres cas abordés en sociologie. On verra pourtant que la cohabitation
forcée au sein d’un même immeuble a des effets multiples sur l’organisation de la vie
sociale chez les individus, ne correspondant pas toujours aux attentes bénéfiques du vivre
ensemble, et que ces effets varient beaucoup selon les contextes d’habitat et les trajectoires
individuelles de chacun.
On l’a dit, cette opération dépend largement de l’offre de logement de la part des
propriétaires « solidaires » qui auraient la volonté de confier la gestion de leur bien à Régie
Nouvelle. En conséquence, la répartition des logements « en diffus » à l’échelle de Lyon se
fait de manière aléatoire, entrainant une grande diversité. La captation de ces logements se
fait par des mesures incitatives, notamment par la prise en charge des travaux jusqu’à
hauteur de 95% grâce à des subventions. Elle se base aussi sur la notoriété d’HH et de son
fondateur, en particulier sur Lyon. L’autre opération concernant des logements individuels
chez HH, dite « groupée », implique un contexte d’habitat où des immeubles entiers sont
peuplés par des locataires HH, et où la mixité se fait moins dans le cadre de l’immeuble
mais plus dans celui du quartier. Cette opération est étudiée en détail par Loïc Bonneval
dans le cadre de l’enquête sur le vivre ensemble initiée par HH, et ne fait donc pas partie
de ce mémoire.
26
1.4 Méthodologie et échantillon
1.4.1 Une enquête ethnographique avant tout
Pour répondre à la problématique énoncée précédemment, en tenant compte des
contraintes de temps et d’accès au terrain, la méthode employée ici est la méthode
qualitative par entretiens semi-directifs. Le choix de cette méthode, plutôt que l’enquête
quantitative par questionnaires, s’est imposé pour deux raisons. La première tient à la
volonté de recueillir par le discours des éléments de parcours de vie, de trajectoire
individuelle, de mode de vie et d’habiter, d’éléments biographiques enfin, qui auraient été
plus limités par questionnaires, et qui n’aurait pas permis de reconstituer le parcours de
chacun dans leur ensemble. C’est une raison purement pratique. On aurait très bien pu
interroger les sociabilités des locataires par questionnaire et obtenir des résultats
satisfaisants, mais on n’aurait pas su qui sont ces personnes logées par HH, ni ce que leurs
trajectoires de vie peuvent nous apprendre sur leurs relations sociales. La seconde raison
est plus personnelle. Elle vient d’une volonté de rencontrer, et donc connaître, voir et
entendre, les personnes qui sont le sujet de ma recherche et de répondre aux questions que
je me posais : « mais qui sont ces personnes ? Pourquoi habitent-elle ici ? Ressemblentelles vraiment à ce que j’imaginais avant de commencer cette enquête ? ». Même si le
sociologue n’est pas « l’ami du genre humain » comme l’a si bien dit Peter L. Berger
(2006), j’estime qu’il doit être guidé par une certaine passion qui ne le pousse pas
seulement à étudier un sujet parce que c’est son métier, ou son intérêt, mais parce qu’il doit,
ou devrait avoir envie de connaître et comprendre les individus au delà de son cadre
d’étude. J’ajouterais une troisième raison à ce choix qui est l’existence en parallèle de mon
enquête de celle menée par Loïc Bonneval et ses étudiants de manière quantitative sur les
logements groupés.
J’ai privilégié au cours de l’enquête l’utilisation de l’entretien ethnographique
comme technique par rapport à l’observation pour des raisons pratiques. Il n’était tout
simplement pas possible d’observer les rapports des individus avec leurs voisins.
Cependant l’observation n’est jamais totalement absente, et dans une enquête comme
celle-ci, j’ai eu l’occasion d’observer, avec circonspection, l’environnement des locataires
que j’ai interrogés. Ces observations sont rapportées sous formes de notes au début de mes
retranscriptions d’entretien. Elles n’ont pas pour vocation d’expliquer, ou d’engendrer un
27
« effet de réel » et de faire passer l’enquêteur pour Balzac ou tout autre romancier réaliste
du XIXème siècle, ou encore pour un explorateur de contrées exotiques (Beaud, Weber,
2003, p. 146).
Ces notes servent seulement à fournir une description du cadre de
l’entretien et des lieux que j’ai pu visiter, et quelques traces de l’histoire de leurs
propriétaires. J’ai voulu limiter l’impact de ces notes d’observation pour éviter toute
tentation d’extérioriser des sentiments négatifs ou de compassion à l’égard de mes
enquêtés qui auraient pu entrer en contradiction avec la rigueur scientifique exigée pour ce
travail. J’ai un temps pensé à utiliser la technique du carnet de bord utilisée au cours de
l’enquête « Contacts » en complément des questionnaires. Cette technique repose sur la
prise en notes par chaque enquêté, au fur et à mesure des évènements de sociabilités
survenus au cours d’une semaine sur un carnet. Mais j’ai pensé ensuite que je pouvais
interroger les enquêtés sur la forme et l’intensité de ces sociabilités au cours des entretiens,
et recueillir celles qui avaient eu lieu récemment.
Le choix de la technique à utiliser pour cette enquête est naturellement tombé sur
l’entretien compréhensif. Comme le dit Jean-Claude Kaufmann (2013), c’est une méthode
économique et facile d’accès, « il suffit d’avoir un petit enregistreur, un peu d’audace
pour frapper aux portes, de nouer la conversation autour d’un groupe de questions, puis
de savoir tirer du « matériau » des éléments d’information et d’illustration des idées que
l’on développe » (2013, p. 9). J’ai choisi une méthode d’entretien semi-directive, méthode
intermédiaire entre l’entretien directif qui laisse peu d’initiative à l’enquêté, et l’entretien
non directif, moins précis. L’objectif était d’obtenir un certain nombre de réponses sur des
situations assez similaires, et de pouvoir les comparer avec celles d’autres enquêtés. J’ai
donc rédigé un guide d’entretien5, que j’ai suivi avec plus ou moins de rigueur au cours des
entretiens. L’idée de départ n’a jamais été non plus de constituer un échantillon
représentatif. On verra plus loin dans le dispositif d’enquête que les personnes ont été
interrogées de façon très aléatoire, voire hasardeuse. Pour Stéphane Beaud et Florence
Weber, les entretiens « n’ont pas pour vocation d’être « représentatifs ». » (2003, p. 156).
Chacun est unique, apportant un point de vue singulier, et répond dans une certaine mesure
à la problématique. Seule l’introduction d’un élément de comparaison entre situations
semblables permet de dégager quelques régularités. Dans le cas présent, il s’agit dans la
comparaison entre deux contextes d’habitat, de façon qu’il n’y ait pas une trop grande
hétérogénéité entre les personnes interrogées. Pour cette raison aussi, le nombre d’entretien
5
Voir en annexes
28
à atteindre n’avait pas été fixé à l’avance. Je l’avais estimé à une dizaine avant de
commencer l’enquête de terrain, il m’a fallu revoir ce nombre à la baisse devant la
difficulté d’obtenir des entretiens, et la masse de travail que l’analyse représentait compte
tenue du temps dont je disposais. J’avais aussi commencé par interroger les personnes
suivant les adresses qu’on m’avait données, en ayant l’idée d’interroger une personne par
arrondissement de Lyon, et éventuellement un dixième à Villeurbanne. C’est seulement en
cours d’enquête que je me suis rendu compte de la difficulté que cette méthode représentait
en terme de comparaison, c’est donc à ce moment que j’ai circonscrit mes personnes à
interroger à seulement deux zones d’habitat. Les questions posées au cours des entretiens
portent sur les sociabilités des locataires HH selon un ordre de grandeur spatiale : celles
liées au logement, au voisins, au quartier et à la ville. Elles interrogent aussi les différentes
trajectoires individuelles des individus, parcours résidentiel, professionnel, et les différents
composants de leur réseaux relationnels : amis, famille, collègues, autres. Enfin, elles
s’intéressent aux modes et aux pratiques de vie, liées ou non à leur environnement.
Quelques lectures m’ont aidé à me préparer aux situations d’entretien. L’article de
Gérard Mauger (1991) sur l’enquête en milieu populaire s’intéresse aux conduites à
prendre ou à éviter lors d’enquêtes avec des acteurs socialement en bas de l’échelle. Il
souligne que l’arrivée de l’enquêteur sur le terrain n’est pas attendue de la part des
enquêtés, et est souvent perçue comme une intrusion. L’enquêteur est perçu comme
étranger, issu d’un monde que beaucoup ne connaissent pas. Ce rapport peut produire une
situation de malaise : l’enquêteur essayant de se faire passer pour « un des leurs », de se
camoufler et d’adopter un langage similaire à celui des enquêtés, ou l’enquêté peut subir
une forme de pression, avoir du mal à parler, à se confier au sociologue en ce que sa parole
n’est en général valorisée nulle part en-dehors de son milieu, et opérer un repli sur soi.
Cette interaction amène à des situations conflictuelles, à « une lutte implicite » opposant
deux définitions, et donc deux attendus de la situations : « enquêteur et enquêté agissent
sur la situation en y projetant la définition, implicite ou explicite, qu’ils en ont, et tentent
de modifier la réalité conformément à leur représentation de la situation » (Mauger, 1991,
p. 130). Le terreau du sociologue reposant dans le discours, l’enquêté peut éventuellement
avoir peur d’être jugé, testé, évalué, suivant une logique de « pertes et profits
symboliques ». Dans ce cas l’amalgame risque d’être commis entre s’ajuster et se
camoufler, aider, guérir ou examiner, entre utiliser ses compétences sociales afin de mettre
à l’aise, s’ajuster, ou bien créer une fausse identité, dans le faux espoir de s’approcher de
29
l’enquêté, mentir et se mentir donc, au risque de « se griller » auprès de lui. C’est avec ce
type de situation, par nature asymétrique, que le sociologue est amené à composer.
Même si quelques hypothèses ont été formulées, la vocation de ce travail reste
essentiellement inductive. Il cherche à montrer plus qu’à démontrer. Cette enquête est donc
avant tout une enquête ethnographique, cherchant à observer les pratiques de sociabilité
des ménages logés par HH dans une situation particulière de mixité. Elle utilise comme
technique de terrain l’entretien semi-directif, qui vise à rapporter les discours et les récits
de vie des personnes interviewées, mais aussi à connaître et comprendre une partie de cette
population. L’échantillon de population n’a en effet aucune valeur représentative. On verra
que les résultats qui s’appliquent à certains enquêtés ne s’appliquent pas forcément à
d’autres, et qu’il est fort à parier qu’il en est de même pour le reste des locataires HH. On
va maintenant présenter le dispositif d’enquête.
1.4.2 Un dispositif d’enquête en mouvement
Les rencontres avec les locataires HH se sont espacés entre le mois de février et le
er
1 mai, date du dernier entretien réalisé. Au total, huit entretiens semi-directifs ont été
réalisés, dont deux réalisés avec deux personnes. Une moitié des personnes interviewées
habitent le 6ème arrondissement, les autres habitent dans le 4ème, dans le 2ème, et dans le 1er.
Les personnes interrogées ont toutes en commun d’être des locataires HH vivant en
logements en diffus isolés. Au tout début de mon travail de recherche, j’ai d’abord pensé
faire des entretiens avec des locataires HH et leurs voisins d’immeuble, ce qui auraient
représenté deux ou trois entretiens pas immeubles. Cette technique aurait permis de croiser
les sociabilités selon les deux catégories d’habitant, dans une optique de comparaison entre
sociabilités des locataires HH et celles des voisins d’un même immeuble. Même si cette
opération était tentante, elle présentait un intérêt moindre en terme de rencontres avec des
locataires HH, et a donc assez vite été écartée. C’est par souci de rapprocher ces personnes
que j’ai réduit mon terrain d’étude aux deux zones déjà citées, suivant par là les conseils
apportés par mes enseignants ainsi que mes collègues étudiants. Pour repérer les adresses
où trouver des locataires, des listes d’adresses dans la zone du Grand Lyon m’ont été
fournies par HH avant le début des entretiens. Les locataires HH figurant sur ces listes sont
majoritairement répartis dans les neufs arrondissements de Lyon, confirmant la vocation
d’HH à insérer spatialement leurs locataires. Comme initialement je n’avais pas de cadre
prédéfini, je pensais interroger un locataire par arrondissement, j’ai donc commencé par
30
ceux que je connaissais le mieux, le 4ème et 1er d’abord, le 6ème et le 2ème ensuite. C’est au
bout de quatre entretiens que j’ai pris la décision de resserrer mon terrain à deux zones. J’ai
donc pris le 6ème arrondissement comme zone privilégiée, à comparer avec une zone plus
mixte, Croix-Rousse et les Pentes. J’avais déjà réalisé un entretien près de Perrache, au sud
des voies ferrées, dans ce qui correspond au quartier Sainte-Blandine. Comme je ne voulais
pas perdre cet entretien, je l’inclus donc dans la zone « mixte ».
La prise de contact avec les locataires s’est faite de différentes manières. J’ai
rencontré ma première enquêtée après avoir laissé un mot dans le hall de son immeuble,
prétextant une enquête sociologique sur les relations de voisinage dans l’immeuble, en
omettant bien sur la spécificité HH. Je n’ai pas été satisfait de cette méthode, à la fois pour
des raisons pratiques et éthiques. Pratiques parce qu’elle ne me permettait pas de
m’étendre sur les liens créés avec HH, ou dans le cadre de l’accompagnement, sans
paraître « suspect », ou tout du moins, sans éprouver la crainte de me « découvrir ». Ce qui
conduit aux raisons éthiques, liées aux fait que je n’ai pas apprécié de devoir dissimuler
mon véritable sujet de recherche, surtout lors de la discussion informelle qui a suivi
l’entretien, et ainsi de me retrouver dans une situation de gène. Ne pas dire la vérité à la
personne enquêtée revient à me mentir à moi-même, et à cacher les vraies raisons qui
m’ont poussé à faire ce travail. J’ai donc opté pour la méthode plus « directe », ou à
découvert. Je suis donc allé d’immeubles en immeubles dans l’espoir de décrocher des
entretiens avec ces locataires. Une des difficultés majeures a été l’accès à ma population,
du fait de la présence des codes à l’entrée des immeubles. Elément mineur en apparence,
auquel on ne pense pas assez, mais qui se révèle épuisant physiquement et moralement,
quand après avoir fait le tour d’un arrondissement et attendu plusieurs quarts d’heure
devant chaque porte, on a finalement rencontré personne. Au final, ça ne m’a pas vraiment
empêché d’accéder aux personnes : sur huit personnes rencontrées, environ quatre
habitaient des immeubles avec codes, les autres avaient des interphones. Mais cet élément
a eu une incidence sur les personnes choisies pour les entretiens, introduisant une variable
aléatoire beaucoup moins présente quand les immeubles sont dotés d’interphones. A cela
s’ajoute bien sur les refus, qui n’ont pas été très nombreux, peut-être quatre ou cinq sur
l’ensemble des personnes rencontrées, et les absences. Dans ce dernier cas, j’ai
régulièrement laissé des mots dans les boites aux lettres expliquant ma démarche et mon
but, et contenant mes coordonnées pour me joindre. A ma grande et heureuse surprise,
31
deux de mes entretiens ont été obtenus de cette façon. J’en conclu qu’il ne faut laisser
passer aucune chance.
Les entretiens ont tous été réalisés au domicile des personnes interrogées, et
presque tous après avoir fixé un rendez-vous, donc en deux temps. Seul le dernier entretien
a été réalisé immédiatement après la prise de contact (on était le 1er mai), quand après avoir
sonné à l’interphone et m’être présenté, le couple de locataires m’a invité à monter
directement pour faire l’entretien. Tous ont été réalisés dans de très bonnes conditions,
malgré parfois quelques interruptions provoquées par l’arrivée inopportune d’un ami, d’un
parent, du chien ou du chat. L’accueil qui m’a été fait par ces personnes dans leur domicile,
dans leur intimité, a été dans un sens extraordinaire puisqu’elles auraient légitimement pu
se sentir agressé par ce que ma position « d’apprenti chercheur », d’étudiant en second
cycle faisant un mémoire, pouvait contenir de violence symbolique. Bénéficiant de
conditions particulièrement favorables, j’ai pu me sentir assez à l’aise dans la conduite de
la plupart des entretiens, allant même jusqu’à me passer pratiquement du guide lors des
derniers. Certains s’apparentent même à des conversations orientées.
On l’a dit les locataires interrogés sont répartis pour moitié dans le 6ème, les autres
un peu plus disséminés au nord et au sud de la Presqu’Île. Un plan en annexe permet de
voir la situation géographique de chaque enquêté. On l’a dit aussi, le recours à la
comparaison de deux contextes d’habitat s’est fait en milieu de parcours, et intègre donc
les entretiens réalisés auparavant dans un objectif différent. Ceci explique l’isolement par
rapport aux autres de l’entretien n°4 (Ali et Nathalie) au sud de Perrache. On se demande
donc comment réagissent des locataires dans des contextes d’habitat différents, et
comment ils réagissaient dans un même contexte (ceux du 6ème d’un coté) et comment
d’autres réagissait dans des contextes asses similaires mais tout de même différents (les
autres). On verra dans la partie consacrée aux résultats si cette méthode a été pertinente ou
non.
L’échantillon comporte dix personnes interrogées, réparties sur huit entretiens. Sept
sont des femmes, et trois des hommes. Une des personnes interrogée au cours d’un
entretien, Nathalie, n’est pas à proprement parler locataire chez HH, puisqu’elle est
hébergée par Ali et n’a pas signé de bail. Ce qui se dégage de l’échantillon est la grande
hétérogénéité de le population à tous les niveaux : âge, ancienneté, diplôme, type de bail,
composition du ménage. Les seules données disponibles avant les rencontres étaient le type
32
de bail, et l’ancienneté d’installation. A cause des raisons évoquées plus haut (code, refus,
absence), il n’était pas évident de sélectionner les individus selon des critères communs.
Certaines caractéristiques communes existent cependant, comme des revenus modestes
pour la plupart. On présentera plus longuement les enquêtés dans la deuxième partie, mais
on peut d’ores et déjà donner un tableau présentant les caractéristiques principales des
enquêtés.
Tableau 1 : Caractéristiques principales des enquêtés
N
°
Locataire
Age
Adresse
logement
Arrondissemen
t
Ancienneté
(Année)
Type de
bail
1
Alice
65
Rue de Cuire
69004
4
Libre
2
Monique
47
Rue Masséna
69006
17
PLAI
3
Lydie
Rue Burdeau
69001
3
Très Social
4
Ali et Nathalie
31
A: 42, N:
50
Quai Perrache
69002
3
PST
5
Michelle
40
Rue Vauban
69006
7
PLAI
6
Christophe
43
Rue Robert
69006
15
Libre
7
Stéphanie
Jean‐Paul et
Hilda
51
Quai Sarrail
Rue René
Laynaud
69006
10
PLAI
69001
2
PLAI
8
63 et 58
Types de Bail :
PLAI : Prêt Locatif Aidé d’Intégration
PST : Programme Social Thématique
33
2. Analyse de la situation des locataires HH habitant en
logements isolés
L’objet de cette partie est de voir ce qu’ont produit les entretiens réalisés avec ma
population en terme de connaissances des pratiques objectives de sociabilités et des
positions subjectives des individus par rapport à leur situation actuelle de mixité imposée.
En terme de contenu, les entretiens ont permis une exploration des réseaux relationnels, de
récits biographiques, et aussi du sens que les individus donnent à leur situation actuelle et à
leurs pratiques. Suivant le déroulement de l’enquête, les résultats seront articulés par
terrains observés, par comparaison entre quartier aisé et quartier mixte. On verra que si on
observe des variations de sociabilités entre les deux zones interrogées, le contexte d’habitat
seul ne suffit pas à expliquer ces différences. Parmi les différentes variables croisées pour
les expliquer, on verra que les propriétés sociales combinées avec les trajectoires sociales
et résidentielles des individus influencent fortement la manière dont ces locataires
perçoivent leur environnement et s’insèrent dans celui-ci. L’approche par les différentes
positions sociales des enquêtés, leurs différences de revenu, ou de diplôme, éclaire peu sur
les rapports qu’ils entretiennent avec leur environnement, et dans une plus large mesure,
sur leur expérience de mixité. Les différences sociales entre les enquêtés sont peu nettes, et
trop disparates, et montrent l’importance de reconstituer les trajectoires sociales et
résidentielles ainsi que les lieux de socialisation des habitants. Cette partie abordera dans
un premier temps l’analyse des pratiques objectives de sociabilités telles qu’elles m’ont été
rapportées, et dans un deuxième temps les positionnements subjectifs des individus par
rapport à leur situation et leur perception de l’espace. Mais avant de passer à la partie
analyse proprement dite, et dans un souci de contextualisation des données, on présentera
de manière succincte l’échantillon de population interrogé et ses caractéristiques, ainsi que
la typologie des quartiers enquêtés.
34
2.1 Echantillon et contextes
2.1.1 Des caractéristiques sociodémographiques variées
Tableau 2 : Caractéristiques sociodémographiques des enquêtés
N Locata
°
ire
Age
Profession
Revenu
mensu
el (€)
1
Alice
65
Aide à domicile
1100
‐
2
Moniq
ue
47
Fonctionnaire (Sécurité
Sociale)
1200
‐
Dernier
diplôme
Brevet de
secrétariat, de
comptabilité
Aucun, a
arrêté l'école
en CM1
31
Aide à domicile
(actuellement en arrêt
pour congé maternité)
1000/1
100
P: Enseignant à l'université
(droit), M:
Bac
1100+1
100
(A) P : Assistant médical, M :
Femme au foyer ; (N) P :
Gaufreur, M : Femme au foyer
‐
P: Financier, M: Femme au foyer
2000
P et M : Forains
1250
P: Cadre, M: Employée
A: Licence en
lettres
Master 2 en
droits de
l'homme
Doctorat,
Post‐doc
Bac pro
service
1200+6
00
(JP) P: inconnu, M: Femme au
foyer, (H) P: Menuisier, M:
Femme au foyer
JP: Diplôme de
cuisinier, H:
Hôtellerie
3
Lydie
Ali et
A:
Nathal 42,
4
ie
N: 50
Michel
le
Christ
6 ophe
Stépha
nie
7
5
Jean‐
Paul et
8 Hilda
40
43
51
JP :
63 ;
H:
58
A: étancheur, N:
Employée dans une
usine de chiffon
Ancienne auxiliaire de
vie scolaire actuellement
en reconversion
Enseignant chercheur à
Lyon 1 (Chimie)
Employée service client
(Fnac)
JP: Cuisinier, Hilda:
Invalide
Profession des parents
Vit
en
coup
le
Enfant
Non
Non
Non
Oui
Non
1 (5 ans,
handicapé),
enceinte d'un
second
A: non, N: 3
enfants, qui
vivent chez leur
père
Non
1 (11 ans)
Oui
1 bébé de 6 mois
Non
1 (18 ans)
Oui
5 (dont 1 qui vit à
la maison)
Non
Mon échantillon se compose de sept femmes et de trois hommes. Excepté les
femmes interrogées en même temps que leur conjoint, les autres sont des femmes seules,
dont trois ayant un enfant à charge. L’âge des personnes interrogées varie de 31 à 65 ans,
dont 9 sur dix ont quarante ans ou plus. L’ancienneté d’habitation des personnes présente
de grands écarts (voir tableau 1), la plus ancienne est là depuis 17 ans tandis que les plus
récents sont arrivés il y deux ans. On voit aussi que les locataires du 6ème arrondissement
sont en moyenne installés depuis plus longtemps que les autres. On trouve quelques
professions assez similaires, comme celles tournées vers l’aide à la personne et l’aide
sociale (Alice, Monique, Lydie, Michelle), les employés du privé (Ali, Nathalie et
Stéphanie) ou du public (Jean-Paul et Christophe). Christophe en tant qu’enseignant
chercheur apparaît comme une exception tant par son niveau de diplôme que par son
revenu. Les revenus des enquêtés, sauf pour Christophe et Michelle, sont assez similaires,
de l’ordre de 1200 euros par mois, ce qui les place en-dessous de la moyenne (36190
35
euros) et de la médiane nationale des revenus (29330 euros) pour 20126. Ils sont aussi
nettement en-dessous du revenu net moyen déclaré par foyer fiscal à Lyon en 2011 qui est
de 28 159 euros, encore plus loin de celui du 6ème arrondissement qui est de 42 621 euros la
même année7. Quelques statistiques obtenues sur le site de l’Insee sur les arrondissements
de Lyon qui nous intéressent sont disponibles dans la sous-partie suivant, dans le tableau 3.
Les origines sociales de cette population sont aussi diverses, bien que certaines nous sont
inconnues (soit refus d’en parler, soit pas questionné). Lydie, Michelle, ou Stéphanie sont
plutôt issues des classes moyennes ou aisées, tandis que les autres proviennent de milieux
plus modestes. De même, on observe une grande diversité de diplômes et de formations,
allant de l’arrêt des cours en CM1 jusqu’à la thèse de doctorat. Enfin, on a aussi des
structures du ménage très différentes, dont deux personnes seules, trois familles
monoparentales, un couple sans enfant, et deux couples avec enfants. On a donc une
population relativement semblable en terme d’appartenance sociale et de niveau de vie,
marquée par des revenus bas. On voit que certains ménages sont plus marqués par la
précarité que d’autres, comme Michelle qui est actuellement sans emploi et qui élève son
enfant seule, ou Jean-Paul et Hilda qui ont aussi un enfant à la maison et qui vivent avec un
SMIC et une pension d’invalidité. On rappel une dernière fois qu’aucun des enquêtés ne
suit actuellement d’accompagnement, et qu’aucun n’a participé récemment à des
évènements organisés par l’association.
2.1.2 Typologies des quartiers étudiés
Comment les sociabilités des locataires HH s’agencent selon des contextes
différents ? La mixité est-elle mieux vécue dans un contexte particulier ? Avant de
répondre à ces questions il convient de décrire les différents contextes dans lesquels se sont
déroulé les entretiens. Une première zone a été privilégiée en interrogeant des locataires
dans le 6ème arrondissement de Lyon. Les données obtenues par l’Insee nous apprennent
que cet arrondissement est le plus riche de Lyon en terme de revenu net moyen par foyer
fiscal, environ 42000 €/an, alors qu’il n’est que de 28000 €/an en moyenne pour Lyon. La
structure de la population en 2011 est celle d’un quartier aisé, avec 24,2% de cadres et
professions intellectuelles supérieures contre 14,6% d’ouvriers et d’employés, alors que
6
7
Source : Insee
Source : Insee
36
ces mêmes populations représentent 17,6% pour les premières et 22,8% pour les secondes
à l’échelle de Lyon. Le marché de l’immobilier est aussi un indicateur intéressant. Le prix
au mètre carré pour un appartement est plus élevé en moyenne dans cet arrondissement
(3925€) que dans le reste de Lyon (3187€)8. Le 6ème arrondissement est historiquement le
quartier de prédilection de la bourgeoisie lyonnaise du XIXème siècle, et reste aujourd’hui
un quartier aisé. On verra qu’il est largement perçu comme un quartier bourgeois et
homogène par la population des locataires HH.
Tableau 3 : Données comparatives des arrondissements
6e Arrondissement
1er Arrondissement
2e Arrondissement
4e Arrondissement
Population en 2011
48 794
28 932
30 575
35 654
Densité de la
population (nombre
d'habitants au km²) en
2011
12 942,7
19 160,3
8 966,3
12 168,6
Superficie (en km²)
3,8
1,5
3,4
2,9
Nombre de ménages
en 2011
25 643
15 385
16 060
18 02
Nombre total de
logements en 2011
29 768
17 809
18 149
19 969
Revenu net déclaré
moyen par foyer fiscal
en 2011, en euros
42 621
25 977
36 566
31 909
Foyers fiscaux
imposables en % de
l'ensemble des foyers
fiscaux en 2011
71,6
61,2
67,8
68,2
Médiane du revenu
fiscal des ménages par
unité de
consommation en
2011 (en euros)
28 856
21 279
25 122
24 179
Source : Insee
Les autres entretiens ont été réalisés de manière plus dispersée. Trois entretiens ont
été regroupés dans une zone géographique aux caractéristiques assez semblables, les
pentes de la Croix-Rousse (1er) et le Plateau (4ème). Les données sur ces deux
arrondissements font apparaître des structures de population assez similaires, et on assiste à
8
Données obtenues sur le site : www.meilleursagents.com, site destiné à informer des professionnels de
l’immobilier comme des particuliers pour toutes transaction immobilières à l’échelle nationale
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une répartition plus équilibrée des différentes catégories sociales. Les catégories populaires,
ouvriers et employés, sont plus présentes, de l’ordre de 19,5% de la population dans
chaque arrondissement, et les cadres et professions intellectuelles supérieures se situent un
peu au dessus de la moyenne, 23% pour le 1er, et 20% pour le 4ème. Les prix au mètre carré,
de l’ordre de 3400 euros sont aussi en moyenne inférieurs à ceux du 6ème mais supérieurs à
la moyenne de Lyon. Le dernier entretien a été réalisé dans le quartier Sainte-Blandine, au
sud la gare Perrache, dans le 2ème arrondissement. Comme cet arrondissement regroupe
plusieurs morphologies et populations différentes, les statistiques ne seront pas très
pertinentes pour comprendre la réalité de ce quartier. On peut toutefois dire qu’il s’agit
d’un quartier d’apparence modeste, coincé entre les rails de la gare et le quartier en
transformation rapide de Confluence. C’est le quartier connu pour sa prostitution et son
passé lié aux cheminots de la gare Perrache, qui connait actuellement une importante
transformation sociale, et est en voie de gentrification rapide. Le prix de l’immobilier au
mètre carré est d’environ 3400 euros, très proche des autres quartiers diversifiés étudiés.
Dans tous les cas, les personnes interrogées habitent des appartements dans des
immeubles de rapport plus ou moins denses. On peut voir en annexes des photos de chaque
immeuble prises depuis la rue. Peu sont équipés de parties communes, comme des jardins,
des locaux, propices aux rencontres et aux fêtes des voisins. La composition sociale des
immeubles est dans chaque cas plus ou moins hétérogène, à part dans celui de Stéphanie.
38
2.2 Les dimensions intégratrices des sociabilités de proximité
2.2.1 Sociabilités dans le logement
On se demande ici en quoi les sociabilités liées au logement conduisent à
l’intégration locale des locataires HH ? Ces sociabilités peuvent être de deux types, celles
pratiquées dans le logement, pour recevoir ou héberger, et celles depuis le logement. Dans
l’ensemble les locataires interrogés utilisent leur logement pour recevoir et héberger à
différentes échelles, et à des intensités variables. Les personnes reçues ou hébergées sont
souvent des proches, les amis ou la famille, plus rarement des voisins ou des habitants du
quartier. D’une manière générale, les locataires s’ouvrent peu par le logement aux
personnes vivant à proximité de chez eux. On a le cas d’Alice, habitant à Croix-Rousse,
qui reçoit fréquemment chez elle de façon indifférenciée ses proches ou ses voisins, ou qui
se rend chez eux dans le cadre d’apéros organisés dans l’immeuble: « alors une fois par
semaine, on fait un apéro où on reçoit chacun son tour ». Moins liées au contexte d’habitat,
même si on constate une plus faible intensité de sociabilités dans le logement chez les
locataires habitant le 6ème arrondissement, la propension à inviter des nouvelles personnes
chez soi dépendent dans une large mesure des trajectoires individuelles, et dans une
moindre, de la composition du ménage. On constate en effet que ce ne sont pas les
locataires installés depuis le plus longtemps qui invitent le plus de nouvelles personnes
chez eux, mais ceux qui ont connu dans leur passé des conditions défavorables de
logement et qui perçoivent leur nouvelle situation comme une amélioration de leur cadre
de vie. On a ainsi le cas d’Ali, qui a connu l’hébergement par des amis ou en foyer, et qui
vivait dans un studio insalubre à la Guillotière avant d’obtenir son appartement à
Perrache : « Si on compare, là bas c’était un rez-de-chaussée, un p’tit studio. Une seule
fenêtre et c’est tout petit 21 mètres carrés ! Là on est à presque 40 mètres carrés », et qui
maintenant reçoit autant des amis que des voisins : « Y a les voisins du dessus qui sont
toujours avec nous. Bah le week-end dernier. Ils étaient là, on a mangé tous là. ».
L’inverse se vérifie avec Monique, pour qui l’appréciation du logement est très
négative par rapport à l’ancien : « j’me sens pas chez moi, j’me sens observée. Je suis pas
en sécurité ici » et qui ne reçoit presque jamais chez elle et n’envisage pas de le faire :
« Quand j’aurai un nouveau logement, j’aurai du plaisir à recevoir les gens. ».
39
On observe aussi la logique de cumul déjà citée par François Héran (1988). Ceux
qui reçoivent des nouvelles personnes chez eux, notamment leurs voisins, sont ceux qui
ont des réseaux relationnels préexistants et étendus. On retrouve Alice, originaire de
Lyon, qui a des cercles très étendus de famille et d’amis dans l’agglomération de Lyon,
mais aussi dans d’autres villes de France, et qui reçoit et fréquente intensément ses voisins.
Mais l’inverse n’est pas forcément vrai. On a ainsi le cas de Christophe, originaire la
région lyonnaise, qui privilégie ses anciens réseaux plutôt que la constitution de
nouveaux : « j’ai des amis d’enfance qu’habitent à cinq pâtés de maison, j’ai la plupart de
mes amis qu’habitent à la Croix-Rousse, j’ai pas de besoin de… déjà j’arrive pas à voir
mes amis ». La composition du ménage joue ici un rôle important dans la compréhension
des dispositions de chacun à étendre ou non ses réseaux relationnel. Comme Christophe,
jeune marié et papa, les locataires ayant des enfants à charge, jeunes ou plus âgés, ouvrent
moins leur logement vers l’extérieur, et favorisent davantage les réseaux anciens,
constitués de proches. Ici, la composition du ménage rejoint les trajectoires individuelles et
familiales, et explique qui on reçoit chez soi. Ainsi, Jean-Paul et Hilda, originaires des
Seychelles, reçoivent plutôt leurs enfants et dans une moindre mesure leurs amis :
« Souvent, bon, c’est les enfants qui viennent. Après parfois on a des amis, on fait un p’tit
repas entre nous. Sans plus. ». Lydie et Michelle, qui ne sont toutes les deux pas
originaires de Lyon, reçoivent surtout des amis ou des collègues. Mais ces sociabilités sont
beaucoup moins intenses que celles observées chez Alice ou Ali. Sauf pour ces deux
derniers, la mobilité résidentielle chez les locataires interrogés s’accompagne rarement
d’une recomposition des sociabilités locales et de l’émergence de liens de proximité depuis
le logement. De manière générale, les enquêtés privilégient les relations qu’ils ont créé en
dehors du cadre du logement, dans un contexte non spatialisé, et invitent chez eux souvent
des amis, de la famille, ou des collègues, mais s’ouvrent moins à leur voisins. Les
réceptions dans le logement obéissent ainsi à une hiérarchisation des relations. Mais
l’intensité de ces réceptions est souvent faible, de l’ordre d’une fois par mois pour certains,
aucune pour d’autre, et rejoignent en partie les études menées à ce sujet selon lesquelles les
réceptions se hiérarchisent selon les milieux sociaux, et sont moins fréquentes et plus
limitées aux intimes dans les milieux populaires qui reçoivent (Grafmeyer, 1997, p. 50).
Comme Grafmeyer (2001, p. 122), on constate aussi que les plus anciennement installés
sont ceux qui reçoivent et hébergent le moins. On verra dans les parties suivantes les autres
aspects des sociabilités de proximité, qu’elles soient liées au voisinage ou basées sur des
liens de proximité en dehors du voisinage.
40
2.2.2 Comment les locataires HH voisinent ?
Les relations de voisinage constituent un indicateur de choix pour mesurer et
appréhender le vivre ensemble. Par définition, elles sont directement induites par la
proximité résidentielle, et donnent un aperçu de la façon dont les individus organisent leurs
relations de proximité. Dans une situation de mixité par le logement, elles fournissent un
indicateur important pour mesurer l’insertion des ménages les plus démunis. La notion de
voisin était généralement laissée à l’appréciation des personnes interrogées (dans
l’immeuble ou à l’extérieur). Dans l’ensemble, les locataires HH déclarent avoir peu de
relations avec leurs voisins. Celles-ci sont souvent décrites comme une absence de
fréquentation : « On se fréquente pas » (Michelle), « Bah je les connais pas. A part deux
ou trois mais c’est tout. » (Monique), ou par des rencontres sur le pallier ou dans les
escaliers : « Mais les voisins, on voit des fois, parfois on les rencontre dans l’escalier. »
(Jean-Paul). Elles se limitent souvent à des saluts ou des simples conversations : « et puis
se croiser comme ci comme ça bonjour, bonsoir » (Lydie), « Y en a un qui discute en bas,
un monsieur qui discute un peu, après y a un monsieur qui discute en haut, sinon les autres
il disent bonjour comme ça. » (Hilda), « On se connaît, on se dit bonjour dans le couloir,
parce qu’on se fréquente pas tellement » (Michelle), « le peut qu’on se voit c’est bonjour,
bonsoir » (Nathalie). Si de manière générale tous les locataires souhaiteraient rencontrer
plus de voisins, ils font face à des difficultés liées au contexte d’habitat, comme l’absence
de parties communes pour rencontrer ses voisins : « c’est à dire que quand vous avez pas
de petit jardi en collectivité dans l’immeuble où les gens peuvent s’asseoir le soir, discuter.
Qu’est-ce que vous voulez faire ? Je vais pas aller m’asseoir sur une bagnole en bas dans
la rue quoi. » (Christophe), mais aussi liées à la situation sociale des personnes : « Bah on
s’voit pas beaucoup quoi. C’est ça quoi, comme c’est un bâtiment où tout le monde bosse,
tout le monde travail, donc on arrive pas à la même heure. » (Nathalie).
Même si ce n’est pas majoritaire, on trouve quand même des locataires avec des
relations de voisinage très développées, comme Alice, pour qui les réceptions avec les
voisins s’accompagnent de sorties : « Bah mes voisins du 3ème ils ont un petit chien, donc
c’est souvent même le dimanche qu’on part ensemble, se balader. On a été aux
illuminations ensembles, enfin je sais pas on a fait deux trois trucs ensemble », et
aboutissent à la création de liens fréquents : « parce que si on voit pas quelqu’un depuis un
ou deux jours, on va sonner pour voir s’il y pas de souci quand même. Parce que bon y’a
41
des personnes qui sont âgées, et seules » et étroits : « Moi j’ai donné mon téléphone à tout
le monde. J’ai dit « comme ça s’il y’a quoi que ce soit vous m’appelez hein, y’a pas de
problème » ! ». On observe dans ce cas des liens avec les voisins de natures multiples,
discussions, échanges de services, sorties, réceptions et invitations, qui témoignent d’une
pleine intégration d’Alice avec les personnes à proximité. Elle est aussi la seule pour qui la
notion de voisin ne se limite pas aux seuls voisins d’immeuble, mais englobe les habitants
du quartier : « Bah je dirais, oui les habitants, enfin, un petit peu tout le monde ». On peut
supposer qu’un immeuble ayant une composition sociale mixte, peuplé par des populations
socialement différentes, réduit les écarts sociaux et favorise par conséquent l’émergence de
liens étroits de proximité.
A l’appui de cette hypothèse, on observe des cas de cohabitation avec un groupe
homogène, comme celui de Stéphanie, habitant un immeuble situé sur les quais du 6ème
arrondissement et peuplé en majorité par des personnes appartenant à la même classe
sociale supérieure, des « notaires » et des « avocats ». Le logement est ici reconnu, c’est le
seul cas qu’il m’est été donné de voir, par les anciens habitant comme logement social :
« Oh ben c’est sur, ils savent que c’est un logement social. Enfin tout le monde est au
courant que c’est loué par HH. ». L’existence d’une différence entre milieu sociaux, mais
aussi la connaissance de cette différence, débouche sur des effets stigmatisant de mise à
l’écart : « jamais je serai invitée à aller boire un verre chez les gens en face », et des
situations conflictuelles : fracture de boite aux lettres, jet d’œufs sur le pare-brise : « Puis
après un œuf, lancé sur mon pare-brise. Tout ça parce que ma voiture est restée trois jours
dans l’allée ». On constate une forme de régulation de l’espace résidentiel de la part des
anciens habitants, similaire à celle observée dans les beaux quartiers parisiens par Lydie
Launay (2014). Cette situation conduit à une perception négative des voisins : « Bah y a
des gens qui sont vraiment cons ! », « Encore une fois quand les gens sont cons, ils sont
cons. Je suis pas là pour les rééduquer ou leur montrer qu’ils sont cons. Ils sont cons ils
restent cons. Tans pis pour eux », et des rapports existant : « Moi j’appelle ça du racisme
social. », sans pour autant, on le verra ensuite, dégrader l’image du quartier. On a aussi le
cas de Christophe, enseignant chercheur à Lyon 1, dans une situation de mixité inversée,
qui ne se mélange pas à la population de son immeuble, composée en grande partie
d’étudiants : « Mes voisins ? Non parce qu’ici c’est impossible de lier aucune relation de
voisinage. Du fait que la plupart, c’est des étudiants, ça bouge énormément. Y a des
déménagements toutes les années. ». On voit que les situations de cohabitation avec une
42
population homogène dans un même immeuble peuvent avoir tendance renforcer
l’isolement, voire exclure les locataires HH.
On constate de fait que si l’expérience de mixité marche mieux dans un contexte
d’habitat déjà mixte (Ali et Alice), elle peut être plus limitée, indépendamment de
comment elle est perçue, dans les quartiers plus aisés. Pour autant, les cas de cohabitation
avec des populations variées au sein de l’immeuble sont plus fréquents, et ne conduisent
pas mécaniquement à la création de liens entre les locataires HH et les autres habitants.
Dans la plupart des cas, les personnes interrogées voisinent peu, qu’elles habitent le 6ème
arrondissement ou ailleurs. Outre les caractéristiques de peuplement de l’immeuble, et plus
généralement le contexte d’habitat, l’ancienneté d’installation et la composition du ménage
sont des facteurs à prendre en compte. Les locataires les plus anciens, ceux habitant le 6ème,
voisinent moins que ceux installés plus récemment, en terme d’intensité et de types de
relations. Pour comprendre ce phénomène, il apparaît plus pertinent de prendre en compte
la composition du ménage que le contexte d’habitat. On voit par exemple que les femmes
seules élevant un enfant, indépendamment de leur âge ou de celui de l’enfant, fréquentent
peu leurs voisins, et sont plus centrées sur les relations à l’intérieur du foyer et sur leurs
réseaux familiaux ou d’amis. Toujours obéissant à une logique de cumul, on constate que
les personnes qui voisinent le plus sont aussi celles qui ont déjà des relations fréquentes et
variées. Pour autant, ceux qui ont des réseaux très développés ne voisinent pas
mécaniquement. On observe ainsi des phénomènes de substitution (Héran, 1988, p. 15)
quand les cercles de relations sont déjà abondants et que la composition du ménage ne
permet plus d’en créer de nouveaux, comme dans le cas de Christophe : « Moi j’ai plus
besoin… c’est pas un besoin vital d’étendre mon réseau social ». Les dispositions à élargir
ses cercles de connaissance depuis son logement, et à établir des liens avec ses voisins,
semblent peu liées avec la composition sociale de l’immeuble, ce qui infirme l’hypothèse
énoncée plus haut. Si on peut affirmer qu’une composition plus mixte d’un immeuble est
une condition favorable à la création de liens entre les habitants, elle n’est pour autant pas
suffisante. Ces liens se créent quand la composition familiale le permet, comme Alice, Ali
et Nathalie, n’ayant aucune autre contrainte que leur travail. Les relations de voisinage
dans des situations de mixité nous permettent d’évaluer la bonne entente entre groupes
sociaux différents. Mais si elles sont pratiquées de façons différenciées chez les locataires
interrogés, elles ne permettent pas de mesurer pleinement leur intégration. Ainsi, on verra
que les locataires ayant peu ou pas de relations avec leurs voisins ne se retrouvent pas
43
forcément dans des situations d’isolement ou de ségrégation. Dans la sous-partie suivante,
on verra comment se pratique les sociabilités de quartier et comment elles se conjuguent
avec les autres sociabilités.
2.2.3 Usages du quartier et sociabilités de proximité
On a vu que le logement amène à construire, ou à entretenir, des relations qui ne
sont pas forcément basées sur la proximité résidentielle au moment de l’enquête. On se
demande ici comment les locataires HH s’investissent dans leur quartier et comment ils
l’utilisent comme lieu de socialisation et d’intégration. Une partie des questions posées aux
enquêtés concernait les sociabilités liées au quartier, et les usages qu’ils entretenaient dans
l’espace local. Les questions portaient sur la fréquentation de lieux dans le quartier, comme
les commerces, les lieux publics, les cafés, ainsi que le temps qu’ils y passaient par rapport
a d’autres quartiers. Plusieurs questions portaient aussi sur les réseaux de connaissance
établis à proximité. L’identification du quartier était en général laissée à l’appréciation de
la personne interrogée (voir encadré plus bas). Les réponses recueillies montrent des
usages différenciés selon le contexte d’habitat. Ainsi dans le 6ème, les locataires HH vont
d’avantage dans les lieux publics, comme le parc de la Tête d’Or. La promenade est une
pratique courante, le quartier étant reconnu comme « calme et aéré » (Stéphanie). Ils y font
moins leurs courses pour des raisons de prix trop élevés, et celles-ci se font généralement
ailleurs, comme au centre commercial de Part-Dieu. Même attitude en ce qui concerne le
marché qu’on fait ailleurs, car il est perçu comme trop cher : « Quand j’dois faire par
exemple le marché, je vais ailleurs en fait. C’est rare que je fasse le marché du 6ème, à
moins que ça soit ponctuel, pour un truc » (Michelle). Les sorties entres amis ou collègues
se font aussi en-dehors, vers des lieux jugés plus propices : « Et l’animation, tout ça, c’est
quand même plus vers presqu’ile, qu’ici, quand même. Ici, bon. A part le café qu’est sur la
place Maréchal Lyautey, on peut pas dire qu’y est des endroits animés et conviviaux. »
(Stéphanie), « Mais manger un coup euh… non on essaie de sortir, d’aller découvrir. La
dernière fois qu’on a mangé, on est allé à Valmy. » (Michelle). On constate peu de
pratiques de type associatives ou sportives à l’intérieur du quartier. S’ils consacrent en
général peu de temps dans leur quartier pour leurs activités, ils sont par contre plus mobiles,
et fréquentent d’avantage d’autres quartiers. Cette mobilité se comprend par rapport à leur
travail, leurs amis et familles. Les locataires habitant le 6ème sont aussi ceux qui fréquentent
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le moins d’habitants du quartier. On peut expliquer cela par deux raisons. D’une part ils
fréquentent moins leurs voisins et ne sont généralement pas reçus par eux. D’autre part, les
prix élevés du quartier font que leurs réseaux de connaissances s’installent moins à
proximité. Cette dernière raison a pour effet d’augmenter leur mobilité dans la ville, dans
le cadre de visites.
Exemple de questions posées et réponses sur l’identification du quartier par les locataires HH :
« Vous diriez qu’il va de où à où ?
On va dire des Brotteaux à, allez on va dire rue Vendôme. Puis on remonte, on prend le parc de la Tête d’Or
et puis voilà. Ca fait plutôt un triangle qu’un carré… » (Michelle)
« Pour vous votre quartier il s’étend de où à où ?
Pour moi de Masséna jusqu’à la Part-Dieu, et puis après de Masséna à Tête d’or. » (Monique)
Les autres locataires s’investissent différemment dans leur quartier. Le facteur prix
est beaucoup moins présent dans les réponses recueillies. Le secteur pentes et CroixRousse est beaucoup mis en valeur pour son attrait, et sa composition sociale : « Oh bah
moi j’aime bien euh… J’trouve que, si vous voulez, les gens sont très agréables » (Alice).
On observe aussi des usages différents, liés à des possibilités variées offertes par le quartier
qui se traduisent par des images plutôt positives : « j’aime bien aller dans les petites
boutiques de bouquin, pour mon fils, pour moi. Ca j’aime bien… J’aime bien aller dans les
boutiques de vêtement aussi parce que j’aime chercher des p’tites fringues pour mon fils.
Euh j’aime bien faire le marché, j’aime bien quoi… » (Lydie), « Alors je sais qu’il y a des
jardins ouvriers, je sais qu’il y a des associations de sortie, y’a des clubs de cartes, enfin
je sais pas quoi, y’a plein de choses… » (Alice), « il y a des marchés, il y a le marché de la
Croix-Rousse, le marché ici sur le quai Saint-Antoine. Les magasins de Croix-Rousse,
c’est pareil. Il y a l’hôpital qu’est pas loin non plus, les cliniques à Croix-Rousse. On est
entouré avec tout, plein de bonnes choses. Mais on est bien ici » (Jean-Paul). Les
personnes interrogées passent aussi d’avantage de leur temps libre dans leur quartier plutôt
qu’à l’extérieur, en particulier pour Alice et Stéphanie.
Les sociabilités liées au quartier se conjuguent de manière différentes avec les
autres sociabilités de proximité. Si on observe des logiques de cumul comme Alice qui
cumule réceptions à la maison, rencontres avec les voisins et usages variés du quartier, les
sociabilités des locataires ont plusieurs manières de s’articuler entres elles. On a le cas de
45
Monique qui reçoit très peu chez elle et qui ne fréquente pas ses voisins, mais qui passe
plus de temps libre en-dehors de son logement et dans son quartier (son handicap l’oblige à
se déplacer en fauteuil roulant, et limite de fait sa mobilité urbaine), en allant en restaurant,
au cinéma ou au parc. Dans les autres cas, les usages et les sociabilités s’articulent selon
les différents réseaux de connaissances, les occasions et les motivations à vouloir découvrir
de nouveaux endroits, à connaître mieux la ville.
Finalement, si certaines recherches en sociologie montrent dans les grandes villes
une diminution de la place du quartier dans la répartition des sociabilités : « en raison de
l’éclatement spatial des agglomérations, de l’essor des mobilités de toutes sortes, ou bien
encore de l’exigence croissante d’individuation des personnes, on assisterait aujourd’hui,
à la fois à un affaiblissement du quartier en tant que territoire et échelle des pratiques
sociales au profit du logement et de la ville, et à un affaiblissement des “sociabilités de
proximité” au profit des “sociabilités de mobilité” » (Authier, 2008, p. 114), d’autres
s’attachent à montrer que la réalité est beaucoup plus complexe. On voit que les
sociabilités des personnes interrogées se répartissent géographiquement différemment
entre leur logement, leur quartier, et la ville, et que chacun leur accorde plus ou moins
d’importance selon différents facteurs. Ainsi, les usages du quartier sont plus limités dans
le 6ème arrondissement à cause des prix élevés des commerces de proximité et les faibles
revenus des locataires HH. Mais pas seulement. Les trajectoires individuelles, sociales et
professionnelles, par lesquelles se construisent des usages et habitudes, et les perceptions
des individus expliquent en partie aussi les aptitudes de chacun à s’investir ou non dans le
quartier. On a l’exemple de Jean-Paul, cuisinier de profession, qui ne va plus au restaurant,
pas seulement parce que c’est trop cher mais parce qu’il n’y trouve pas la qualité : « Et
puis ce qui a été annoncé sur le menu et ce qui vient dans l’assiette c’est pas la même
chose. Moi je préfère prendre cinquante euros dans ma poche, acheter ce dont j’ai besoin.
Je fais ma cuisine, qui me coute moins cher… ». On voit que les atouts du quartier peuvent
aussi être mis à profit pour rompre un certain isolement sans pour autant le résoudre,
comme dans le cas de Monique qui est la personne interrogée ayant le moins de
fréquentation en-dehors de son travail, et qui passe beaucoup de temps au cinéma ou dans
les restaurants de son quartier, activités auxquelles elle se livre seule. Le quartier ne se
suffit donc pas à lui-même pour s’insérer. Dans une dernière sous-partie, on abordera les
réseaux de sociabilité et leur rôle intégrateur.
46
2.2.4 Réseaux de sociabilité, intégration et isolement
On a vu dans les pages précédentes comment se distribuaient les sociabilités des
locataires HH interrogés entre leur logement, leurs voisins et leur quartier. Dans cette souspartie, on verra l’importance des réseaux de sociabilité qu’ils soient ou non basés sur la
proximité, comme facteur permettant de mesurer l’isolement ou l’intégration sociale. On se
pose donc les questions : qui les locataires HH fréquentent-ils, et à quelle fréquence, et
avec qui entretiennent-ils le plus de relations sociales ? Les sociabilités des individus se
répartissent entre différents réseaux, constitués par la famille, les amis, les voisins, les
collègues de travail, ou les membres de la même association. Les enquêtes menées
statistiquement sur les sociabilités montrent que les individus fréquentent d’abord leurs
pairs (Héran, 1988), et que ces sociabilités varient selon un certain nombre de facteurs
sociodémographiques, comme l’âge, le sexe ou la position sociale de l’individu. Mais ces
sociabilités peuvent en partie être expliquée par les différentes trajectoires et parcours de
vie des différentes personnes, qu’on s’est efforcé de mettre en lumière au cours des
entretiens. Ainsi, les locataires immigrés, ou qui ne sont pas originaires de Lyon (ce qui est
le cas d’Ali, Jean-Paul et Hilda, Lydie, et Michelle), fréquentent moins ou pas du tout leur
famille, qui vit en partie dans le pays, ou la région d’origine. Ils peuvent moins s’appuyer
par conséquent sur les liens familiaux comme soutien ou appui à leur d’intégration. On
note toutefois qu’à part Ali, il leur arrive souvent de visiter leurs frères, sœurs, et parents
qui vivent dans d’autres régions d’Europe, ou dans leur région d’origine. De leur coté, les
locataires originaires Lyon et sa région, sauf dans le cas de Monique, voient régulièrement
les membres de leur famille qui vivent à proximité directement dans la ville ou aux
alentours.
Les réseaux d’amis sont aussi intéressants à comparer. La notion même d’ami varie
généralement selon l’interlocuteur, et interfère dans certains cas avec les voisins ou les
collègues. Des questions étaient posées sur les réseaux d’amis dans et en-dehors de Lyon.
Plusieurs interrogés déclarent avoir des amis vivant en-dehors de Lyon et leur rendre visite
de temps en temps. On remarque peu de régularité selon l’âge, le sexe, l’origine sociale ou
géographique. Il apparaît aussi des logiques de cumul, avec Alice encore qui déclare rendre
fréquemment visite aux amis qu’elle a en-dehors de Lyon. Les amis locaux se distribuent
en général indépendamment de l’espace. Ainsi, on l’a dit, on a peu de locataires du 6ème qui
déclarent avoir des amis habitant à proximité, du fait de la nature du quartier et de ses prix.
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Pour autant, si la distribution des amis ne suit pas une logique géographique, les lieux où
ils sont fréquentés dépendent souvent du contexte d’habitat. Ainsi, les locataires habitant
les quartiers mixtes voient d’avantage leurs amis dans leur quartier, tandis que les
locataires du 6ème se retrouvent généralement avec leurs amis dans d’autres quartiers.
Le cas d’Alice est intéressant. Pour elle, la notion d’amitié englobe tous les individus avec qui
elle entretient de bonnes relations et qui ne font pas partie de la famille. Cela nous donne à
réfléchir à la notion d’amitiés, et au processus même de leur création. Beaucoup de nos
amitiés ne naissent-elles pas des personnes que nous fréquentons dans le cadre de nos études,
de notre travail ? C’est aussi un cas isolé, pour lequel la logique de cumul des relations, mais
aussi des sorties, marche pleinement.
En parlant des relations avec ses voisins : « Donc vous voyez, y’a des gens avec qui vous pouvez
partager, avec qui vous pouvez, pas grand chose, mais avec qui au moins, un peu d’amitié, et avec
d’autres, on peut pas. »
En parlant d’une collègue de travail : « Bah j’ai une amie, que je vois très souvent, très très
souvent. On va au théâtre ensemble, on va voir des ballets, enfin on sort ensemble souvent. »
Les relations de travail sont de fait liées aux caractéristiques de l’emploi de la
personne, et à sa situation en tant qu’actif. Une personne sans emploi, travaillant à
domicile ou seule en tant qu’artisan, risque fort de ne pas constituer de relations de travail,
ou du moins dans une plus faible mesure, et donc de pas fréquenter de collègues en dehors
du travail. Dans notre échantillon, seule Michelle était sans emploi au moment de l’enquête,
et Lydie était en congé maternité. Si on compare la situation de ces deux enquêtées,
coupées de leur milieu professionnel au moment de l’enquête, on remarque des réactions
différentes. Michelle avait des relations avec ses collègues en-dehors du travail, qu’elle a
perdu de vue depuis qu’elle a quitté son emploi. De son coté, Lydie, qui n’avait pas
tellement d’occasion de rencontrer ses collègues à son travail n’avait pas plus l’occasion de
les fréquenter en-dehors, encore moins depuis qu’elle est en congé. Chez les personnes
interrogées, les relations de travail occupent des places différentes dans la répartition des
sociabilités. Ainsi pour Stéphanie, qui travail à la Fnac depuis 25 ans, ses relations de
travail constituent son principal réseau relationnel en-dehors de la famille, car elle
48
considère ses collègues comme amis : « C’est des personnes avec qui j’ai des relations
d’amitié maintenant, c’est plus que des collègues, c’est des amis quoi. », tandis que pour
d’autres, elles occupent des places plus faibles, voire minimes. On voit ainsi le cas de
personnes qui déclarent ne pas vouloir se mélanger avec les collègues, comme Monique :
« J’ai mon travail et à coté j’ai ma vie quoi. », ou comme Ali (en parlant de son patron
artisan) : « Ouais je le considère comme collègue mais… on est ami et tout mais… on se
voit pas en dehors du travail. ». Ici aussi, la notion d’ami renvoie à une définition
différente, qui se comprend comme bonne entente plutôt que liens étroits.
Si les caractéristiques des réseaux relationnels des individus dépendent en partie de
leurs variables sociodémographiques, on les comprend mieux en analysant les trajectoires
de chacun. La formation, ou la déformation des réseaux relationnels s’explique beaucoup
par les changements qui interviennent dans la vie des individus. Un déménagement, une
nouvelle ville, un nouveau travail sont autant de facteurs qui amènent à recomposer les
sociabilités. Voir comment celles-ci se distribuent, spatialement ou non, et en terme
d’intensité, nous amène à comprendre comment les personnes s’investissent et s’insèrent
socialement.
49
2.3 L’expérience de mixité en terme de vécu et de ressenti
Dans le chapitre précédent, on a vu comment les locataires HH répartissent leurs
pratiques de sociabilités sur une base de proximité et en terme d’individus. Dans cette
partie, on s’intéressera plus à l’expérience de mixité telle qu’elle est vécue et ressentie par
les locataires HH. Dans une situation de mixité imposée, il est intéressant de se demander
comment les locataires HH ressentent une situation de cohabitation qu’ils n’ont pas
forcément choisi. On a vu que les personnes lorsqu’elles font une demande de logement
chez HH ont la possibilité, dans une certaine limite, de choisir leur logement. Mais avaientelles envisagé de cohabiter avec d’autres milieux sociaux que les leurs ? Les indicateurs
privilégiés pour mesurer cette appréciation suivent l’ordre des pratiques étudiées dans la
partie précédente. On va donc se servir de l’image qu’ont les locataires de leur logement,
de leurs voisins, et de leur quartier, et comment ces indicateurs se combinent entre eux
pour analyser le vécu et le ressenti de leur situation. De manière plus générale, on verra
que ces appréciations sont liées à des trajectoires, des changements de situation, et
permettent de comprendre si la mixité est vécue comme une situation avantageuse pour les
personnes interrogées ou non. On fera ensuite une sorte de bilan, qui reliera pratiques
objectives et positions subjectives, afin de mesurer, dans la limite des données recueillies,
l’expérience de mixité dans ce cas particulier, et son efficacité en terme d’intégration.
2.3.1 Images du logement
Les questions en début d’entretiens concernaient beaucoup le logement, et étaient
moins directives, laissant plus de place à sa description et à son appréciation par les
personnes interrogées. Les descriptions laissaient en général voir les caractéristiques du
logement, les qualités ou les défauts, que les enquêtés mettaient en avant, et donnaient
ainsi une première idée de l’image et de l’appréciation qu’ils en avaient : « eh ben, à mes
yeux c’est spacieux, c’est fonctionnel, c’est suffisamment grand pour nous deux » (Lydie),
« Non et puis c’est bien disposé. Si c’est vrai, il faut dire… comment c’est fait, la chambre
est séparée, salle de bains, toilettes. Non, moi j’trouve que non, ça va. On peut pas vivre à
trente, mais pour une personne ou deux… » (Nathalie), « Bah le logement il fait 67 mètres
carrés. En fait c’était deux appartements distincts qui ont été unifiés en un appartement.
Donc en fait il possède deux portes d’entrée, donc il est plus euh… j’dirais son
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architecture est plus adaptée à une colocation plutôt qu’à une vie de famille. »
(Christophe). Dans le cas de Monique, ses propos recueillis dès le début d’entretien,
souvent indépendamment de la question posée, montraient l’image très négative qu’elle
avait de son logement : « pas adapté (pour une personne handicapée), mal agencé, humide,
moisi ». Dans tous les autres cas, le logement était généralement bien apprécié par les
locataires. Des questions portaient plus précisément sur l’appréciation, sur les points en
particulier que les locataires aimaient ou n’aimaient pas (voir encadré). Les
caractéristiques mises en avant sont souvent le confort offert, la taille suffisante pour le
ménage, sont cachet. Le facteur prix, bien que présent, apparaît plus en retrait.
Exemple de questions posées sur les appréciations des locataires sur leur logement :
« Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas ici ?
Qu’est-ce que j’aime pas… qu’est-ce que j’aime ? Bah c’est pas non plus un appartement qui a
des… il possède par exemple une cuisine correcte, un salon. Une salle de bain mais j’ai pas de
baignoire… J’ai qu’une petite salle de bain. Et au niveau du chauffage, c’est pas ça quoi, y a pas
du tout d’isolation. » (Extrait d’entretien avec Christophe)
« Est-ce qu’il y a des choses que vous aimez en particulier dans ce logement ?
Alors, c’que j’aime en particulier, c’que j’ai aimé tout de suite d’ailleurs, c’est : le fait qu’il n’y ait
pas de bruit, que j’sois sur la cour. J’le trouve très sécurisé, parce que y a deux codes, deux portes.
Et qu’il est lumineux. Alors ouais c’est le calme, c’est surtout très calme. Et puis je le trouve
charmant, parce que c’est un vieil appart’, il a plein de boiserie et voilà, j’le trouve très
chaleureux.
Et est-ce qu’il y a des choses que vous n’aimez pas ?
Alors, le moins : enfin, c’est pas que ça me déplait. J’dirais que le moins : moi j’aurais aimé qu’il y
ait un balcon. Là y en a pas. Et puis éventuellement une baignoire aussi. Mais là non plus y en a
pas. Voilà. Mais à part ça franchement, j’ai rien à reprocher à cet appart’. » (Extrait d’entretien
avec Stéphanie)
« Est-ce qu’il y a des choses que vous aimez dans ce logement ?
Non. » (Extrait d’entretien avec Monique)
Dans beaucoup de cas, l’appréciation du logement actuel est corrélée avec celle de
l’ancien. Beaucoup de locataires apprécient leur logement en comparaison de leur ancien.
Ainsi l’appréciation dans le logement actuel est directement liée avec les caractéristiques
de l’ancien, et si le fait d’habiter celui-ci est perçu comme une amélioration ou une
détérioration des conditions d’habitat. Le gain d’espace, une économie du prix, ou un
51
emplacement dans un quartier plus central ou plus valorisé, sont des facteurs qui
expliquent en grande partie la valorisation du logement actuel : « C’était le prix, la
superficie…j’quittais un 38 mètres carrés et là j’en ai presque 60. Pour moi c’était
vraiment le jackpot. Et par rapport au prix aussi, entre ce que j’avais pour le 38 mètres
carrés, et ici, y’avait que 50 euros de différence. » (Michelle), « bah pour moi j’aime tout,
comparé à celui que j’avais avant, j’aime tout… et j’étais ravie quand je l’ai eu. » (Lydie),
« Bien sur ! Si on compare, là bas c’était un rez-de-chaussée, un p’tit studio. Une seule
fenêtre et… c’est tout petit, 21 mètres carrés. Là on est à presque 40 mètres carrés. » (Ali,
interrogé pour savoir si son logement actuel est mieux que son ancien). On voit qu’il n’est
généralement pas seulement apprécié pour ses qualités intrinsèques, mais plutôt en
comparaison d’un ancien logement plus vétuste, plus petit, ou inversement. Je demandais
aussi aux locataires s’ils souhaitaient quitter leur logement, ou projetaient de le faire. Pour
Monique, si son logement actuel est plus grand que son ancien, elle dit ne pas s’y sentir à
l’aise: « Je me sens pas chez moi. », et souhaite le quitter pour retourner dans son ancien
quartier à Villeurbanne. D’autres locataires souhaitaient le quitter, ou en avaient le projet,
mais pour des raisons qui s’inscrivaient davantage dans l’évolution de leur trajectoires
personnelles. Les images du logement sont aussi liées aux conditions dans lesquelles il a
été obtenu. Pour Alice, il est important de rappeler qu’elle a choisi son logement par le
biais de petites annonces, et pas parce qu’il était conventionnait pas HH. Dans d’autres cas,
comme Monique, son logement lui a été attribué par son organisme d’aide aux personnes
handicapées, en partenariat avec HH.
En conjuguant les représentations du logement avec les pratiques effectives
observées, on voit que les locataires qui reçoivent le plus chez eux sont aussi ceux qui ont
une meilleure image de leur logement. Inversement, ceux qui apprécient la qualité de vie
que leur offre leur logement ne sont pas ceux qui reçoivent le plus dans leur domicile.
2.3.2 Images du voisinage et des voisins
On a obtenu un peu moins d’information sur ce que pensaient les locataires HH de
leurs voisins d’immeuble. De manière générale, on peut dire que ceux qui entretiennent de
bonnes relations avec leurs voisins ont, sans surprise, une bonne opinion d’eux. Mais ceux
pour qui les relations de voisinage sont plus limitées n’exprimaient pas une opinion
particulière et bien définie sur leurs voisins. La première question sur les voisins était
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formulée de la manière suivante : Est-ce que vous pouvez me parler de vos voisins ? Cette
question ouverte permettait de laisser à l’interlocuteur décrire ce qu’il notait d’important à
propos du voisinage. La bonne entente entre voisins, l’absence de dispute, est un caractère
peu mis en avant : « Oui y a une bonne entente, j’veux dire on s’est jamais disputé, y a
jamais eu quoi que ce soit dans le bâtiment, on a jamais entendu quoi que ce soit. »
(Nathalie). Le caractère mixte de la population est aussi mis en avant : « Pas des grandes
familles, oui, il y a des enfants, il y a des personnes âgées aussi, donc y a un peu de tout,
c’est un peu mélangé et c’est bien. » (Alice). Dans la majorité des cas, on l’a vu, les
relations de voisinage se limitent à une salutation dans les parties communes. On a très peu
de longues discussions ou d’échange de service, et de façon générale, de relations étroites
entre voisins (sorties communes, amitiés, entraide). On a d’un autre coté peu de relations
conflictuelles, sauf de le cas de Stéphanie. Pour elle cependant, ces relations conflictuelles
ne prennent pas une importance particulière, n’affectant pas son vécu dans son logement :
« Exactement, exactement. J’me dis « oh pauvre con », et puis voilà. Faut passer à autre
chose. » Une façon de visualiser l’image des voisins était de demander aux personnes
interrogées si elles souhaitaient rencontrer davantage de voisins, et d’avoir plus de
relations avec eux. A cette question, beaucoup ont répondu oui. Mais ceux qui ont répondu
non nous intéressent plus. On voit que certains locataires ne souhaitent pas avoir plus de
relations avec leurs voisins, indépendamment de l’image qu’ils en ont d’eux, mais plutôt
pour éviter les conflits, ou par volonté de ne pas mélanger les amis et les voisins :
« Fraterniser avec ses voisins, le jour où la personne fait du bruit etcetera c’est plus
difficile d’aller lui dire « excuse-moi mais là tu fais du bruit » » (Stéphanie), « Non, c’est
pas question de rencontrer ou pas, c’est juste que j’aime pas trop me mêler, parce que
pour moi, si y a un souci après avec les voisins, ça peut partir en embrouille si on connaît
bien les gens. Moi j’aime pas me mêler dans les conflits, dans les trucs comme ça. Pour
moi c’est à part, les voisins, les amis… pour moi c’est autre chose. » (Lydie). Pour autant,
quand on demandait à ces même personnes si elles se sentaient isolées : « Ah j’men fous en
fait. Enfin j’veux dire… j’m’en fous. Moi je fais ma petite vie » (Stéphanie), « Non, parce
que j’ai pas mal d’amis, et puis j’ai le travail » (Lydie).
On voit que le fait de rencontrer ses voisins d’immeuble, ou de rester dans son coin,
résulte souvent de choix qui ne sont pas forcément liés à des situations matérielles. Le
refus de se mélanger se comprend mieux en prenant en compte les différents réseaux des
personnes interrogées. Ainsi, on voit que Stéphanie qui rencontre fréquemment ses
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collègues en dehors du travail ne voit pas l’intérêt de créer des relations de voisinage. C’est
aussi le cas pour Christophe, ou pour Lydie, et de manière générale pour tout les autres. On
voit apparaître une hiérarchisation des relations sociales, dans laquelle les relations de
voisinage sont placées en dernier. Ainsi on voit se produire des phénomènes de
substitution, voire de saturation. Les locataires ayant déjà des réseaux relationnels
développés ne voient pas toujours l’intérêt de rencontrer de nouvelles personnes, en
particulier leurs voisins. On peut donc conclure que ces rencontres avec les voisins sont en
partie liées avec les réseaux déjà existant chez les individus, réseaux qui, on l’a vu sont
constitués selon les différentes trajectoires sociales et résidentielles de chacun. Celles-ci
nous permettent donc de comprendre, une fois encore, l’investissement de chacun dans son
environnement.
2.3.3 Représentations et valeur du quartier
Plusieurs questions portaient aussi sur les images et à l’attachement au quartier.
Pour les premières questions concernant le quartier, je demandais aux locataires de le
circonscrire. Dans la plupart des cas, les personnes interrogées arrivaient à le délimiter
précisément (voir encadré en 2.2.3). Comme pour le logement ou les voisins, je leur
demandais de le décrire avec leurs mots. En général, l’image du quartier est largement
positive. Les locataires mettent en général l’accent sur l’ambiance propre au quartier
(« vivant », « calme », « sécurisant », « où il fait bon vivre »), un peu moins sur les
relations sociales. Il leur était demandé s’ils avaient l’impression d’habiter un quartier
central, ou proche du centre, ce à quoi presque tous ont répondu oui, qu’ils vivent dans le
6ème arrondissement ou ailleurs. Dans le cas d’Ali et Nathalie dans le quartier SainteBlandine, on a pu observer au sein d’un même ménage une différence de point de vue :
« Est-ce que vous avez l’impression d’habiter dans le centre-ville ? Est-ce que vous diriez que
le quartier est central ?
Oui. Tout à fait.
NATHALIE : Alors là, tu trouves toi ?
Ouais. Si, si. C’est le centre quoi. Ouais on est juste derrière la gare, c’est… Carnot, Ampère…
c’est le centre ça.
NATHALIE : Oui, remarque ouais c’est vrai… C’est vrai qu’on a Carnot pas loin. » (Extrait
d’entretien avec Ali et Nathalie).
54
On voit que le centre-ville est une notion variable selon les individus. Le coté central du
quartier ressort différemment selon les locataires interrogés, et est plus ou moins mis en
avant selon les cas comme critère valorisant. Ainsi dans le 6ème, les personnes
reconnaissent unanimement être à proximité de la Part-Dieu, du centre commercial et des
transports en commun. Cette caractéristique apparait moins souvent chez les autres
locataires qui mettent plus en avant les qualités intrinsèques du quartier plutôt que son
positionnement dans la ville. Les qualités esthétiques des quartiers sont aussi
communément citées quoiqu’elles ressortent différemment selon le lieu. Dans le secteur
Croix-Rousse, les habitants pointent souvent le coté « pittoresque », « ancien », « village »
du quartier, tandis que dans le 6ème on entend plus « aéré » ou « joli ».
Au delà de ces représentations assez convergentes dans leur connotation positive,
les locataires HH ont été interrogés sur leur attachement au quartier. Beaucoup témoignent
un intérêt assez élevé pour leur quartier. Cet attachement se mesure à la fois en terme de
pratiques et en terme de représentation. Les locataires les plus attachés à leur quartier sont
ceux qui y ont à la fois des usages multiples et intenses et qui en ont une bonne opinion.
Mais cet attachement se comprend aussi par rapport aux autres images et pratiques
observées dans les chapitres précédents. Ainsi, Alice cumule une image positive de son
logement, de ses voisins et de son quartier, et les pratiques associées. De son coté,
Stéphanie a une bonne opinion de son quartier, et de son logement, même si ses relations
de voisinage sont très conflictuelles. Les autres expriment des opinions positives de leur
quartier dépendent variablement des images et pratiques associées aux logement et aux
voisins.
Mais encore une fois, les trajectoires individuelles, et l’origine sociale sont des
facteurs à prendre en compte pour comprendre l’attachement au quartier. Une des
premières choses qu’on remarque est qu’une perception positive du quartier et de ces
habitants n’entraine pas mécaniquement la création de liens avec les autres habitants, et
inversement. En particulier dans les entretiens réalisés dans le 6ème arrondissement, le
quartier, par sa composition sociale ainsi que ses caractéristiques intrinsèques, est perçu
chez les enquêtés de manière inégale. La proximité d’une population aisée est plutôt bien
perçue par les femmes seules élevant un enfant, comme Stéphanie et Michelle, qui y voient
un environnement propice et sécurisant pour élever leur enfant. Pour Michelle, qui élève
seule son fils de onze ans : « Si on m’avait proposé un appartement, dans un milieu on va
dire un peu plus populaire, j’aurai peut-être dit non, pas par rapport à moi, mais par
55
rapport à lui (le fils), parce que je suis une mère seule, et élevant dans un environnement
qui est réputé déjà difficile en lui-même (Guillotière, son précédent quartier), c’est un peu
compliqué de serrer la vis en fait. ». Elle donne à son quartier une importance particulière
au calme coté qui ressort le plus : « C’est un quartier calme », par rapport à son ancien
quartier qui était plus « animé » : « Mais j’ai aussi apprécié le calme ici. Je fais mes petites
promenades du soir, au calme. » C’est pour elle un quartier où « Il y fait bon vivre.
L’environnement n’est pas mauvais. ». Pour Lydie, dans les pentes de la Croix-Rousse,
l’environnement offre des commodités pour son fils qui souffre d’un retard de
développement, comme un centre de soin à proximité, une école spécialisée, mais aussi des
librairies pour enfant, des boutiques de vêtement. Si elle habitait déjà dans les pentes avant
d’arriver chez HH, le prix abordable de son logement actuel lui a permis de se maintenir
dans le quartier. Or les institutions spécialisées, centre de soin et école sont tous situés dans
le quartier. On comprend mieux son attachement au quartier, et au logement, et son souhait
de ne pas le quitter. On voit ici que le quartier est vu de manière positive comme une
compensation à une condition défavorable de « mère seule », perception qu’on a vu chez
les mal-logés parisiens (Dietrich-Ragon, 2014).
On retrouve aussi pour Stéphanie l’importance d’habiter dans un environnement
loin du tumulte de la ville : « il n’y a pas de mauvaises fréquentations… j’entends par là,
des gens qui trainent la nuit, ou des pochtrons », « là on est dans un quartier calme, idéal
pour des gens qui travaillent », qui semble moins lié à sa condition de mère seule (elle
partage la garde de son fils de 18 ans avec son ancien mari), qu’à son vécu dans des
quartiers plus animés. Comme pour Michelle, l’expérience qu’elle a eu dans son ancien
quartier, les pentes de la Croix-Rousse, et où elle dit avoir « tenu » six mois, joue sur son
appréciation de sa situation actuelle : « Si je fais la comparaison, sur les pentes ça grouille
toute la nuit, il y a des bars, c’est bruyant, les gens font la fiesta ». Cette appréciation peut
aussi être liée à des préférences plus personnelles : « je préfère pour habiter, me retirer
dans un quartier qu’est calme, où les gens rentrent chez eux le soir. ». On trouve aussi une
perception plutôt négative des quartiers d’habitat social : « là où il y a du social, il y a
souvent des problèmes », ce qui n’est pas sans rappeler le cas des embourgeoisés dans les
beaux quartiers parisiens (Launay, 2014). Se retirer, mais tout en étant à proximité des
endroits où l’on va, où l’on a besoin d’aller : « la proximité de la Part-Dieu m’aide
beaucoup, que ce soit le centre commercial ou la gare. Ainsi que la proximité du centreville. Et du parc de la Tête d’Or. » (Michelle), « je le trouve très bien situé (en parlant de
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son quartier), c’est à dire qu’il est pas loin de la presqu’ile » (Stéphanie). On voit pour ces
deux locataires la perception positive de leur quartier actuel comme cadre d’habitat, qui
contraste avec celle plus négative de leur ancien quartier, ou même des quartiers d’habitat
social ou populaire. Cette perception est en partie liée à leur condition de mère seule, mais
aussi par rapport à leur parcours résidentiel antérieur, et leur ressenti sur ce parcours. On
pourrait aussi penser que cette appréciation est corrélée à la satisfaction que leur procure
leur logement à toutes les deux, corrélation qui apparaît plus évidente chez d’autres
enquêtés.
Si la population locale du quartier est unanimement reconnue par les locataires HH
habitant le 6ème comme « riche » ou de « haut standing », elle est appréciée différemment.
On a vu que si pour Michelle et Stéphanie leur présence est associée à une ambiance
« calme », « tranquille », voire « sécurisante » dans le cas de Stéphanie, elle est appréciée
différemment pour Monique : « C’est très bourgeois (ricanement). Enfin les gens sont très
égoïstes, très impersonnels quoi », ou pour Christophe : « c’est la partie qui me va bien de
cet arrondissement, la partie populaire de Lyon 6ème. ». Cette différence d’appréciation
peut s’expliquer en partie par les différences dans les trajectoires, et dans une plus large
mesure par des origines sociales et des lieux de socialisation différents. Michelle et
Stéphanie sont toutes les deux issues de classes moyennes ou aisées, ayant un père
financier pour la première et cadre pour la seconde, tandis que Christophe provient d’un
milieu plus modeste, des parents forains habitant à la campagne. Si on ignore l’origine
sociale de Monique qui n’a pas voulu me parler de sa famille, on sait que ses parents
habitaient Villeurbanne, qu’elle y a habité avant d’arriver dans le 6ème, et qu’elle
souhaiterait maintenant y retourner : « Disons qu’à Villeurbanne y a plus de choses, c’est
plus animé. ». Le ressenti sur la mixité et le quartier fait lui-même l’objet d’une autoanalyse, comme chez Michelle, qui voit son origine sociale comme facteur explicatif de
son rapport au quartier : « Non pas du tout. Pour moi c’est la même chose. C’est peut-être
parce qu’à l’origine je viens aussi d’un milieu assez aisé ». On trouve cette corrélation
entre image du quartier et origine sociale plus frappante pour Christophe et Monique qui
projettent tout deux de quitter leur quartier pour Villeurbanne, même si c’est pour des
raisons différentes. Si pour Monique, il s’agit de retrouver un lieu où elle a ses marques,
ses familiarités, pour Christophe, ses besoins en terme de logement ne peuvent se réaliser
dans un quartier trop cher : « habiter Lyon 6ème c’est hors de prix. ». Ce type de remarque
se retrouve essentiellement parmi les locataires habitant le 6ème, mais pas que : « bon alors
57
c’est vrai qu’il y a un quartier là, vers le parc, la rue Tronchet tout ces coins là, alors là je
peux vous dire, le soir à 8h du soir, vous avez pas un chat dans les rues, le samedi encore
oui, et autrement le dimanche y’a rien, il n’y a même pas un commerce d’ouvert. Alors
bien sût il y a le parc de la Tête d’Or qui est derrière, mais bon je vais vous dire, il n’ y a
rien autrement. » (Alice).
L’analyse du vécu par les trajectoires individuelles permet de comprendre les
représentations et les images qu’ont les locataires de leur environnement, et par là leurs
pratiques de sociabilités. Les lieux de socialisation, comme dans le cas de Michelle,
expliquent en grande partie le rapport développé au quartier. Mais d’autres facteurs sont
aussi à prendre en compte, qu’on a moins abordé dans ce mémoire, comme l’âge, le sexe,
ou la composition familiale, et qui feraient l’objet d’approfondissements complémentaires.
Mais, et c’est tout l’intérêt d’une recherche qualitative, on maintient que les éléments
biographiques des individus sont primordiaux pour pouvoir expliquer les représentations
de leur environnement. On va conclure cette partie analyse par un bilan de l’expérience de
mixité dans le cas du diffus chez les locataires HH à Lyon, et montrer qu’elle est très
inégale selon les personnes interrogées en terme d’intégration.
58
2.4 Bilan de la mixité
Dans cette partie, il est important de rappeler les caractéristiques de cette situation
de mixité par le logement. On est tout d’abord dans une situation de mixité imposée, qui ne
résulte pas de mécanismes propres au marché de l’immobilier, mais d’une logique de
peuplement selon des critères bien définis par un organisme particulier, Habitat et
Humanisme. C’est aussi une situation de mixité géographiquement localisée dans les
quartiers centraux de Lyon, dans lesquels vivent des groupes sociaux préétablis, et répartis
selon des mouvements historiques de population. Elle implique donc la cohabitation des
locataires avec des groupes sociaux qui sont souvent distincts des leurs, pour ne pas dire
supérieurs en terme de position sociale. Elle implique aussi un ancrage dans des quartiers
valorisés socialement, et possédant des caractéristiques intrinsèques qui peuvent être vues
comme des ressources (transports, proximité des lieux de sortie) ou comme facteurs
rédhibitoires (trop cher, bruyant). C’est enfin une situation de mixité discrète, à la fois du à
l’organisme (qui n’est pas vraiment vu comme un bailleur social), et au caractère isolé des
logements (placement aléatoire et unique par immeuble), dans laquelle, sauf dans le cas de
Stéphanie, le locataire est rarement identifié, ou s’identifie lui-même, comme habitant un
logement social. Cette situation favorise t-elle l’insertion des personnes logées par HH ?
Pour mesurer cette insertion, on a montré les différentes pratiques de sociabilité basées sur
la proximité et donc en quoi elles étaient intégratrices, donc en quoi elles débouchaient sur
la création de liens forts entre les locataires HH et leurs voisins. D’un autre coté, on s’est
intéressé aux représentations liées à l’environnement local des enquêtés, et comment ceuxci vivaient leur expérience de mixité. On a vu que les trajectoires individuelles des
personnes interrogées, mais pas que, expliquaient en partie comment celles-ci agençaient
leurs pratiques et leurs représentations dans ce contexte. L’observation de ces données
prises sur un échantillon de population choisie au hasard nous permet d’établir un bilan
mitigé de cette situation de mixité en terme d’insertion. On va voir en deux temps que si
cette expérience de mixité est globalement vue comme une amélioration des conditions de
vie, voire comme une compensation à une condition sociale défavorisée, elle ne débouche
pas forcément, en terme de pratiques, à la création de liens forts entre les différents
habitants.
59
2.4.1 Une situation vue comme une amélioration des conditions de vie
L’opération de logements en diffus isolés offre la possibilité à des personnes en
difficulté d’accéder à un logement dans des quartiers de Lyon où celles-ci n’auraient pas
forcément les moyens financiers d’habiter, et de cohabiter avec des personnes issues de
groupes sociaux qu’elles n’ont pas l’habitude de fréquenter. De façon quasi unanime, les
locataires interrogés perçoivent cette situation de manière positive. Leur situation actuelle
est vue pour la plupart comme une amélioration de leurs conditions de vie par rapport à
leur situation antérieure, que ça soit en terme de logement ou de quartier. Pour plusieurs
locataires, cette expérience de mixité est l’opportunité d’accéder à un logement ajusté à
leurs faibles revenus et de taille suffisante pour leur ménage. C’est particulièrement vrai
pour les femmes élevant un enfant seule, comme Lydie, Michelle, et Stéphanie mais aussi
pour les autres types de ménage. De manière générale, les conditions de logement sont
considérées comme satisfaisantes, facilitant les échanges à l’intérieur du ménage et les
possibilités de recevoir et d’héberger des amis. Satisfaisantes, mais aussi meilleures pour
ceux qui ont connu des mauvaises conditions de logements par le passé. Ainsi, beaucoup
vivaient auparavant dans des logements trop petits, trop chers ou trop vétustes, et
apprécient leur nouveau logement en grande partie par rapport à l’ancien. Dans une
moindre mesure, lorsque les locataires changent de quartier, le changement de contexte est
perçu comme une bonne chose.
Pour les mères seules, comme Michelle, l’arrivée dans un quartier bourgeois
comme le 6ème arrondissement est une expérience valorisante, offrant un environnement
propice pour elle et son fils. On retrouve aussi ce cas chez Lydie dans les pentes de la
Croix-Rousse pour qui le maintien dans son quartier est une donnée importante à cause de
la présence d’institutions spécialisées pour son fils. L’handicap de celui-ci l’empêche
d’avoir un emploi à temps plein et explique donc sa situation précaire, et l’avantage pour
elle d’être à la fois dans ce logement et dans ce quartier : « ça prend beaucoup de temps
dans la semaine, ce qui fait que moi j’peux pas beaucoup travailler, et c’est aussi pour ça
que c’est pratique d’avoir ce logement, parce que c’est pas cher. ». Dans ce genre de
contexte, le logement et le quartier sont vus comme des compensations à une condition
sociale défavorable, ou précaire, et à des inégalités résidentielles. Ils offrent des qualités de
vie actuelles meilleures, et des perspectives plus favorables en terme de trajectoires futures
ou de projets, même si c’est à des échelles différentes selon les individus. Pour Jean-Paul
60
et Hilda, il n’est qu’une étape temporaire avant de retourner aux Seychelles prendre leur
retraire. Le logement et le quartier assurent en particulier pour leurs enfants un bon
environnement au contraire des quartiers dits « difficiles », comme les quartiers immigrés
de Lyon ou les banlieues. Ils évitent ainsi le déclassement (Dietrich-Ragon, 2014)
résidentiel, et social, qu’ils pourraient trouver dans des quartiers moins valorisés
socialement.
2.4.2 Mais des pratiques de sociabilités très limitées
Pourtant, les pratiques sociales basées sur la proximité observées entre les
locataires HH et les personnes qui les entoure sont assez peu développées quel que soit le
contexte (6ème arrondissement ou ailleurs). Si les locataires HH utilisent leur logement pour
recevoir ou héberger dans des intensités variables, ils s’en servent moins pour tisser des
relations de voisinage. Globalement, on voit que les mélanges entre catégories sociales, et
la création de liens forts ne se fait pas automatiquement. Le seul cas où on atteste des liens
forts entre voisins (sorties en commun, amitiés) est celui d’Alice, qui avait déjà l’habitude
de rencontrer ses voisins et de s’insérer socialement : « Partout oui, j’ai sympathisé avec
les voisins. ». Dans l’autre cas le plus extrême, celui de Monique, la situation de quasi
isolement dans laquelle elle vit (elle ne voit pas sa famille, et voit ses amis assez rarement,
une à deux fois par mois) n’est pas compensée par des relations de voisinage développées.
Dans les autres cas, on suit un schéma identique où les sociabilités de voisinage sont
reléguées en bas de la hiérarchie des relations sociales. On voit que ceux qui s’insèrent le
mieux sont ceux qui étaient déjà le mieux insérés socialement, que ceux qui ne s’insèrent
pas sont ceux qui ne le sont pas du tout, et ceux qui le sont plus ou moins restent au même
point. On peut faire l’analogie entre cette situation de mixité en terme de création de liens
forts et la fonction mathématique identité9, celle qui n’a aucun effet. On peut aussi lier
l’intensité et la nature des relations de voisins aux différents contextes d’habitat, propices
ou non pour rencontrer ces voisins. Comme le faisait remarquer Christophe, l’absence de
partie commune réduit les possibilités de rencontre, et d’approfondissement de ces
rencontres, avec les voisins : « Je vais pas aller m’asseoir sur une bagnole en bas dans la
rue quoi. ». De même, on voit un manque d’investissement dans le quartier, en particulier
dans le 6ème, du aux prix excessivement élevés pour des personnes appartenant aux milieux
populaires. On voit donc, sauf dans des cas extrêmement rares, que mélanger des
9
Qui s’écrit f(x)=x, elle renvoie toujours la valeur qui est utilisée comme variable.
61
personnes qui n’ont rien en commun dans un contexte de mixité résidentielle ne débouche
pas forcément sur la création de liens étroits entre elles. Les pratiques de sociabilité
observées ici montrent que les locataires interrogés favorisent en grande partie leurs
réseaux relationnels anciens aux dépens des potentiels nouveaux. Sauf dans quelques cas,
les liens observés entre les locataires et leurs voisins sont de natures et de fréquence trop
faibles pour parler d’une véritable insertion sociale.
62
Conclusion
En explorant les façons de vivre et d’habiter d’un échantillon de locataires HH pris
au hasard et résidant dans des contextes d’habitat différents, ce mémoire a permis de
mettre au jour différentes réalités concernant les situations de mixité sociale par le
logement. On a vu qu’il existe une grande variété dans les manières dont ces personnes
composent avec leur environnement. Les différentes personnes rencontrées au cours des
entretiens ont montré une grande diversité de pratiques liées à leur logement, à leur
quartier, et à leur vie relationnelle. On a vu que les réceptions dans le logement, les usages
du quartier, les rencontres avec amis, collègues ou voisins, dépendent de nombreux
facteurs, en grande partie liés aux trajectoires individuelles de chacun, tels que l’âge, la
composition du ménage ou la situation professionnelle. Les représentations associées à ces
situations sont aussi de natures diverses, à mettre en lien avec les expériences passées,
présentes et à venir. Celles-ci nous renseignent sur le vécu et le ressenti des personnes et
leur regard sur ce qui les entoure. On voit que les personnes interrogées sont globalement
satisfaites de leurs conditions de logement actuel, marquant pour la plupart une progression
par rapport à l’ancien logement, voire une compensation par rapport à une situation sociale
défavorisée. Mais les pratiques de coprésence observées montrent les limites de l’insertion
de ces personnes, leur nature et leur faible intensité interdisant de parler d’une réelle
insertion. Rien n’indique, dans le cas d’un mélange entre personnes qui n’ont pas grand
chose en commun, comme c’est le cas ici, qu’elles iront les unes vers les autres. On peut
toutefois penser qu’il existe des contextes d’habitat plus favorables à l’insertion sociale,
tels les immeubles et quartiers habités par des populations socialement mixtes. Pour autant,
ces contextes ne sont pas une condition suffisante à la bonne insertion et on voit que celleci dépend pour beaucoup des choix et des dispositions des individus, conditionnés en partie
par leur parcours de vie et leur trajectoire sociale. Si l’insertion sociale n’est guère
favorisée par la mixité du logement, au moins cette dernière offre-t-elle des opportunités
accrues en terme de projets, et des conditions de vie qui compensent les inégalités sociales.
On a vu qu’il existe de nombreux cas de mixité sociale par le logement, suscités par
des organismes divers et en prenant en compte des situations multiples. La littérature
sociologique à l’égard de ces cas et de leurs effets est pléthorique et adopte une tonalité
plutôt critique. L’analyse de ces cas en terme de classes sociales, en s’intéressant aux plus
défavorisés, apparaît comme une méthode pertinente qui permet d’adopter et de
63
comprendre les points de vue de ceux pour qui ces situations existent. En ce qui concerne
la qualité de l’habitat, la mixité sociale permet de corriger les inégalités résidentielles
quand celles-ci se cumulent avec les inégalités sociales. Pour autant, elle ne réduit pas les
écarts sociaux et économiques qui existent entre les individus et n’agit pas directement sur
les inégalités sociales. Néanmoins, ce type d’opération profite, on l’a vu, aux ménages les
plus défavorisés en leur donnant accès à un logement décent. L’enquête de type
ethnographique permet de mettre en lumière les éléments de parcours des individus et de
comprendre et réécrire leur trajectoire résidentielle. La mise en lumière de ces éléments
biographiques permet donc non seulement d’avoir une idée de la position sociale des
individus, mais aussi de la façon dont ceux-ci se situent par rapport à leur parcours, leur
situation actuelle ou leurs projets. Une étude plus approfondie, conduite pendant une plus
longue durée, permettrait de mesurer avec davantage de précision l’impact de cette mixité
sur les trajectoires individuelles, du point de vue de l’insertion sociale ou professionnelle.
64
Bibliographie
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65
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66
Annexes
Guide d’entretien
Merci d’avoir accepté l’entretien.
Dans le cadre de mes études, je réalise une enquête sociologique sur les relations de
voisinage et les pratiques de sociabilités à Lyon (des locataires HH, si personne prévenue).
Je souhaiterais comprendre comment s’organisent vos rapports aux autres et au quartier par
rapport à votre logement.
-
I-
Pour commencer, pouvez-vous me dire comment en êtes-vous arrivé à habiter
ici?
LOGEMENT
1. CHOIX DU LOGEMENT
-
Depuis combien de temps habitez-vous ici ?
Relances : Où habitiez-vous avant ? Pourquoi avez-vous quitté votre ancien
logement ? Est-ce que vous êtes originaire de Lyon ? Si non, quand est-ce
que vous êtes arrivé ici ? Pouvez-vous me parlez des endroits où vous avez
vécu avant ?
o Si étranger : Où êtes-vous né ? Quand êtes-vous arrivé en France ? Pour
quelles raisons ?
-
Pourquoi avez-vous choisi ce logement ?
o Relances : qu’est-ce qui vous plaisez particulièrement dans celuici (environnement/quartier, prix, taille, choix imposé par HH) ? En avezvous visité d’autres ? Combien/où ? Est-ce que vous auriez préféré habiter
ailleurs, soit dans Lyon, soit dans une autre ville ? Pourquoi ?
o Si HH déclaré : Avez-vous obtenu votre logement facilement ? Avez-vous
pu le choisir ? Combien de temps avez-vous attendu pour l’obtenir ?
Comment en êtes-vous arrivé à opter pour la solution HH ? Avez-vous fait
d’autres démarches auprès d’autres bailleurs que HH ?
2. DESCRIPTION DU LOGEMENT
-
Pouvez-vous me décrire votre logement ?
o Relances : Combien y’a t’il de pièces ? Quelle surface fait-il ? A combien
se monte le loyer ? Et les charges ?
67
-
Qu’est-ce que vous aimez dans ce logement et qu’est-ce que vous n’aimez pas ?
o Relances : Est-ce que vous le trouvez assez grand pour vous ? Le trouvezvous trop vétuste ? Trop cher ? Est-ce qu’il y a des choses qui
manquent/sont hors d’usage ? Est-il assez confortable/lumineux ? Est-il
bien agencé ? Est-ce qu’il y a des choses que vous souhaiteriez
améliorer/changer dans votre logement ?
-
Combien de personnes habitent votre logement ?
o Relances : Est-ce que votre logement est adapté à la taille de votre
ménage ? Est-ce qu’il y a suffisamment de chambres ? Est-ce qu’il favorise
les échanges entre les personnes qui y vivent ?
-
Aimeriez-vous changer de logement ?
o Relances : Si oui, pourquoi ? Qu’est-ce qui ne convient pas dans celui-là ?
Qu’est-ce que vous aimeriez qui soit différent à l’avenir ? Par rapport aux
autres logements que vous avec occupé dans votre vie, vous le trouvez
comment celui-ci ?
3. USAGES INDIVIDUELS ET COLLECTIFS DU LOGEMENT
-
-
-
-
Est-ce que vous passez beaucoup de temps dans votre logement ?
o Relances : Est-ce que vous êtes souvent là les soirs de semaine ? Les
samedis ? Les dimanches ? Dans quelle pièce passez-vous le plus de temps,
en-dehors de votre chambre ? Est-ce que vous mangez dans votre
logement ? Tous les jours ?
Qu’est-ce que vous aimez faire dans votre logement?
o Relances : Vous lisez ? Vous regardez la télé ? Vous bricolez ? Est-ce que
vous avez l’habitude de manger ici ? Avec toute la famille ?
Est-ce qu’il y a des moments où vous êtes tous ensemble ?
o Relances : A quelles occasions ? Est-ce fréquent ? Est-ce que c’est quelque
chose d’important pour vous ? Et pour les autres aussi ?
Est-ce qu’il vous arrive de travailler dans votre logement ?
o Relances : Si oui, dans quelle pièce ? Tous les jours ? Dans la journée ? Le
soir ? Si non, vous travaillez dans quoi ? En quoi ce travail consiste ?
II – RELATIONS SOCIALES
1. RELATIONS AUTOUR DU LOGEMENT
-
Pour vous avoir du monde à la maison c’est quelque chose que vous appréciez ?
-
Est-ce que vous invitez des gens chez vous ?
68
o Relances : Si non pourquoi (logement trop petit, manque de temps) ? Si oui,
à quelles occasions (simples visites, apéritif, diner, hébergement) ? Qui sont
les personnes que vous invitez en général (famille, amis, collègues) ?
Depuis un mois par exemple, est-ce que c’est arrivé souvent ? Est-ce que
vous pouvez me raconter la dernière fois que vous avez invité quelqu’un
chez vous ?
-
Est-ce qu’il vous arrive d’héberger quelqu’un à la maison ?
o Relances : Si non, pourquoi ? Si oui, souvent ? Quelles sont les personnes
que vous hébergez en général ? Quand était-ce la dernière fois ? Qui étaitce ? Est-ce que vous pouvez me décrire rapidement comment ça s’est
passé ?
-
Votre logement est-il adapté pour recevoir ?
o Relances : Est-ce qu’il dispose de pièces pour recevoir/héberger ? Est-ce
qu’il vous permet d’établir facilement des relations avec d’autres
personnes (disposition, taille, emplacement) ? Est-ce qu’il est proche de vos
cercles d’amis, de connaissances ?
-
Vous aimeriez recevoir plus de manière générale ?
2. RELATIONS DE VOISINAGE
-
Est-ce que vous pouvez me parler de vos voisins ?
o Relances : Ca va jusqu’où pour vous la notion de voisin ? Un habitant du
quartier c’est un voisin ? Votre quartier vous le limiteriez à où ?
-
Pour parler de vos voisins d’immeuble, est-ce que vous en connaissez certains ?
o Relances : Si oui, combien ? Est-ce que vous pouvez me raconter comment
vous les avez rencontré ? Quels types de contacts vous avez avec
eux (salutation, échanges de services, réception, visites, rendez-vous,
sorties)? Ces contacts sont-ils fréquents (plusieurs fois par jour, semaine,
mois) ? C’est quand la dernière fois que vous avez rencontré un de vos
voisins ? Pouvez-vous me raconter ? Est-ce que vous vous réunissez parfois
en-dehors de l’immeuble ?
-
Qu’est-ce que vous pensez de vos voisins d’immeuble ? Est-ce que vous aimeriez
en rencontrer plus ?
-
Est-ce que vous trouvez qu’il est facile de les rencontrer ?
o Relances : Est-ce qu’il y a des endroits de l’immeuble/quartier qui
permettent de rencontrer facilement vos voisins (escalier, salle commune,
parking, bistro, autre) ? Est-ce qu’il existe des réunions/fêtes de
voisinage (ou d’autres événements : conseil de quartier, réunion de
voisins)?
Est-ce qu’il existe des tensions ou des conflits dans votre immeuble ?
-
69
-
o Relances : Si oui de quels types (bruits, odeurs, dégradations dans
l’immeuble) ? Comment elles se manifestent (en décrire l’intensité) ? Est-ce
que vous en avez parlé avec eux, essayer de régler le conflit ?
Est-ce que vous sentez ou l’impression d’être isolé ?
o Relances : Si oui, pourquoi ? Vous voudriez rencontrer plus de personnes ?
Faire plus de choses ?
3. RELATION DE TRAVAIL
-
Est-ce que vous travaillez ?
o Relances : Si oui, où se situe votre lieu de travail ? Combien de temps
travaillez-vous par semaine ? Combien de fois y allez-vous ? Comment, par
quels moyens de transport ? Combien de temps mettez-vous pour y aller ?
Vous trouvez ça long ?
-
Est-ce que votre conjoint travail ?
o Relances : mêmes questions
-
Est-ce que vous voyez des collègues en-dehors du travail ?
o Relances : Si oui, combien ? Vous les voyez souvent ? Qu’est-ce que vous
faites avec eux ? Vous pouvez me raconter la dernière fois que vous les
avez vu en-dehors du travail ?
4. RELATION AVEC BAILLEUR
-
Est-ce que vous connaissez votre bailleur ?
o Si HH déclaré : Quels types de liens vous avez avec HH ? Est-ce que ça été
utile pour vous de passez par HH pour trouver un logement ?
o Accompagnement : Est-ce que vous suivez un accompagnement HH ? Si
oui de quel type ? Avec qui ? Est-ce que vous voyez souvent le bénévole ou
le travailleur social ? Quelles types d’activités pratiquez-vous avec lui
(sorties culturelles, cours de français, atelier avec d’autres locataires) ? Estce que vous avez des contacts avec d’autres locataires HH ?
III – SOCIABILITES LIEES AU QUARTIER
1. DESCRIPTION DU QUARTIER
-
Pouvez-vous me décrire votre quartier ?
o Relances : Comment s’appelle-t‐il ? Pour vous, il s’étend d’où à où ? Est-ce
un endroit plutôt calme, plutôt animé ? Est-ce qu’il y a beaucoup de
commerces/ d’offre culturelle ? Est-ce que c’est un quartier central, ou
70
-
-
-
proche du centre selon vous ? Est-ce que c’est bien desservi par les
transports ? Est-ce que vous trouvez que c’est un quartier mixte ?
Quelle population habite ici ?
o Relances : Est-ce que ce sont des personnes qui vous ressemblent, qui ont
les mêmes modes de vie que vous ? Est-ce que vous appréciez vivre parmi
eux ? Si non, vous préféreriez vivre avec des gens qui vous ressemblent ?
Et en dehors de l’immeuble, vous connaissez des personnes qui habitent le
quartier ?
o Relances : Si oui, combien ? Comment les-avez vous connu ? Où est-ce que
vous voyez ?
Est-ce que vous aimez votre quartier ?
o Relances : Si non, qu’est-ce que vous n’aimez pas (le bruit, les gens, les
commerces, les prix) ? Si oui, quoi ? Est-ce que vous vous y sentez plutôt à
l’aise ? C’est un quartier où il fait bon vivre ? Qu’est-ce qu’il manque dans
ce quartier ? Depuis que vous y habitez, est-ce qu’il a changé ? Est-ce que
vous avez envie de changer de quartier ? Si oui, pourquoi ? Où aimeriezvous habiter ?
2. USAGES DU QUARTIER
-
-
-
-
Est-ce que vous passez beaucoup de temps dans votre quartier ?
o Relances : Si non, pourquoi (trop cher, rien à faire) ? Si oui, qu’est-ce que
vous aimez y faire ?
Est-ce que vous faites vos courses dans le quartier ?
o Relance : Si non pourquoi ? Où allez-vous ? Si oui, vous allez où (marché,
supermarché, épicerie du coin) ? Vous y allez seul ou en famille ?
Pouvez-vous me parler des endroits que vous fréquentez dans votre quartier ?
o Relances : (commerces, bars, restaurants, équipements publics, médecins,
parcs) ? Lesquels vous préférez ? Avec qui ? Est-ce que vous pratiquez un
sport ou une activité culturelle dans votre quartier ? Si oui, combien de fois
par semaine ? Avec qui ? Est-ce que vous êtes membre d’une association
dans votre quartier ? Avec qui ?
Est-ce qu’il y a un endroit (ou plusieurs) que vous fréquentez régulièrement, ou
que vous aimez particulièrement, en-dehors de chez une connaissance qui
habiterait dans le coin ?
o Relances : Si oui, lequel (bistro, resto, salle de sport). Pouvez-vous m’en
parler ? Qu’est-ce qui vous plait ? A quelle fréquence y allez-vous ?
IV – AUTRES SOCIABILITES
1. USAGES DE LA VILLE
71
-
Est-ce que vous connaissez bien la ville ?
o Relances : Si oui, quelle(s) partie(s) préférez-vous ? Pour quelles raisons ?
Lesquelles vous n’aimez pas ? Pourquoi ?
-
Est-ce que vous fréquentez d’autres endroits de la ville ?
o Relances : Si oui, lesquels ? A quelles occasions ? Avec qui ? Est-ce qu’il y
a des endroits que vous n’aimez pas ? Pourquoi ?
Est-ce qu’il y a un endroit de la ville que vous aimez particulièrement, en-dehors
de votre quartier ?
o Relances : Qu’allez-vous y faire ? Y allez-vous souvent ? Avec qui ? Quand
était-ce la dernière fois ? Vous pouvez me racontez ?
-
-
Est-ce qu’il vous arrive de retourner dans votre ancien quartier ?
o Relances : Si oui, à quelles occasions ? Y retournez-vous fréquemment ?
Est-ce que vous voyez des gens que vous connaissez là-bas ?
2. MOBILITES/VACANCES
-
-
-
-
Comment vous déplacez-vous dans la ville en règle générale (à pied, transports
en commun, voiture) ?
o Relances : Est-ce que vous vous déplacez régulièrement ? Est-ce que vous
avez une voiture ? Est-ce que vous prenez les transports en commun ? Si
oui, lesquels ? Vous avez un abonnement TCL/vélo’v?
Est-ce qu’il vous arrive de partir en vacances ?
o Relances : Si oui, pour où ? Pour quelles occasions ? Combien de fois par
an ? A quels moments ? Combien de temps ?
Est-ce qu’il vous arrive d’aller visiter d’autres personnes ?
o Relances : Si non, pourquoi ? Si oui, dans quelles circonstance ? Est-ce que
vous allez voir des gens en-dehors de Lyon (et de son agglo) ? Pour quelles
raisons ? Où ça ? Qui (familles/amis) ? A quels moments ? Pendant
combien de temps ?
Pour finir, est-ce que vous pouvez m’indiquer votre revenu mensuel ? Votre
dernier diplôme obtenu ? Et votre âge ?
Je vous remercie !
72
Carte des locataires interviewés
Tableau 4 : Caractéristiques des logements
N°
Arrondissement Ancienneté (Année) Type de bail Surface Habitable (m2)
Lot
Loyer (€)
1
69004
4
Libre
49
T2
400
2
69006
17
PLAI
62
T2
565
3
69001
3
Très Social
60
T4
400
4
69002
3
PST
39
T1
230
5
69006
7
PLAI
60
T2
390
6
69006
15
Libre
64
T4
600
7
69006
10
PLAI
68
T1
400
8
69001
2
PLAI
83
T3
420
73
Profil sociologique des enquêtés :
1) Alice
Alice a 65 ans. Elle exerce la profession d’aide à domicile et est rémunérée
directement par les personnes pour qui elle travaille. Elle fait cette activité depuis 25 ans.
Elle était avant secrétaire de direction dans une agence immobilière, d’où elle a été
licenciée. Elle s’est reconvertie dans l’aide à domicile après en avoir entendu parler. Elle
dit avoir bien voulu « essayer » et a finalement choisi cette voir jusqu’à aujourd’hui. Elle
est détentrice de plusieurs diplômes, « CAP de dactylo », « brevet de secrétariat et d’aide
comptable », ainsi que d’ « un truc en informatique ». Elle n’est pas détentrice du
baccalauréat. Alice est originaire d’Oullins, dans la banlieue de Lyon. Elle a toujours
habité dans ce qu’on appellerait aujourd’hui la Métropole de Lyon. Elle a trois sœurs et
deux frères, qui habitent à Lyon ou dans ses environs. Une de ses sœurs habite dans l’Ain.
74
2) Monique
Monique est une personne à mobilité réduite, souffrant d’une pathologie appelée
IMC pour Infirmité Motrice Cérébrale, et se déplace donc en fauteuil roulant. Elle vit
depuis 17 ans seule dans un appartement situé rue Masséna dans le sud-est du 6ème
arrondissement, au rez-de-chaussée d’une grande résidence qui comporte de nombreux
logements. Elle a 47 ans et travaille à la Sécurité Sociale depuis maintenant 5 ans, où elle
gagne environ 1200 euros par mois. Elle n’est détentrice d’aucun diplôme, sa pathologie
l’obligeant à arrêter l’école en CM1. Elle a toutefois appris dans des « structures » à
compter, remplier des chèques, ou se déplacer librement de façon à être plus autonome.
Elle a longtemps fait parti d’un organisme d’aide aux personnes handicapées, l’ARIMC,
avant de le quitter pour avoir sa liberté. Elle est originaire de Lyon, et n’a jamais habité endehors de son agglomération.
3) Lydie
Lydie est une femme de 31 ans qui vit seule avec son enfant de cinq ans souffrant
d’un handicap. Elle habite dans son logement actuel des pentes de la Croix-Rousse, dans le
1er arrondissement, depuis maintenant 3 ans. Elle est originaire de Lille, mais est arrivée à
Lyon « de manière plutôt chaotique » en 2006. Elle a travaillé dans plusieurs domaines, a
75
été téléconseillère avant de devenir aide à domicile, le métier qu’elle exerce en ce moment.
Elle ne travaille pas actuellement car elle attend un deuxième enfant. Elle a eu un parcours
résidentiel assez chaotique, ayant habité en foyer, puis dans un logement insalubre avant
d’arriver dans celui-ci. Elle n’a pas fait d’études mais est détentrice du baccalauréat. Son
père est professeur de droit à l’université de Lille et sa mère est décédée l’an passé.
4) Ali et Nathalie
Ali a 42 ans et est originaire du Soudan. Il est arrivé en France en 2005, et à Lyon
en 2007. Il vit dans cet appartement situé au sud de la Gare Perrache avec sa compagne
Nathalie, originaire de Saint-Etienne, depuis deux ans. Il exerce la profession d’étancheur
et travail pour un artisan. Nathalie elle travail dans une usine qui recycle des chiffons. Il
gagnent chacun l’équivalent du SMIC. Ali est détenteur d’une licence en lettres qu’il a
obtenu au Soudan. Nathalie a des enfants qui vivent avec leur père, tandis qu’Ali n’en a
pas. Son père est assistant médical et sa mère femme au foyer. Pour Nathalie, son père était
gaufreur, et sa mère n’a jamais travaillé.
76
5) Michelle
Michelle est originaire du Congo (Zaïre) et a 40 ans. Elle élève seule son fils de
onze ans dans son appartement situé dans le 6ème arrondissement, entre la rue Garibaldi et
les Brotteaux. Elle est venue en France, pour faire ses études à l’université Catholique de
Lyon, où elle a obtenu un master 2 en droits de l’homme. Jusqu’en septembre dernier, elle
exerçait la profession d’auxiliaire de vie scolaire avant d’arrêter dans l’objectif de trouver
un emploi plus en accord avec sa formation. Depuis son arrivée en France, elle a toujours
habité des logements gérés par HH, la « Catho » ayant un partenariat avec l’association.
Elle occupe son logement actuel depuis 2008.
77
78
6) Christophe
Christophe est enseignant-chercheur à Lyon 1. Il est arrivé dans son logement actuel, près
des Brotteaux, il y a 15 ans avec son frère quand il était encore étudiant. Il a aujourd’hui 43
ans, et y vit encore, mais maintenant en compagnie de sa femme, d’origine tunisienne, et
de leur enfant qui vient de naitre. Suite à ce changement de la composition du ménage, il
projette de quitter ce logement pour s’installe dans du privé. Il a grandi dans les alentours
de Lyon, chez ses parents qui sont forains.
79
7) Stéphanie
Stéphanie a 53 ans, et vit dans un bel appartement sur les quais du 6ème
arrondissement depuis 10 ans. Son fils de 18 ans habite avec elle une semaine sur deux en
garde partagée avec son père. Stéphanie travaille à la Fnac Bellecour comme employée au
service client depuis 25 ans. Elle n’a pas fait d’études supérieures et a obtenu le
baccalauréat par un système de validation des acquis d’expérience. Son père était
responsable dans les métiers du transport et sa mère employée.
80
8) Jean-Paul et Hilda
Jean-Paul et Hilda sont tous les deux originaires des Seychelles, plus précisément de
Victoria, la capitale. C’est Jean-Paul qui est arrivé en France le premier dans les années 80
pour achever sa formation de cuisinier. Il a d’abord travaillé dans plusieurs villes comme
Toulouse ou Paris, avant de s’installer à Lyon en 1989, avec Hilda qui l’a rejoint. Hilda a
longtemps travaillé comme maître d’hôtel avant de devoir arrêter pour cause de
polyarthrite. Ils vivent aujourd’hui dans un appartement de plus de 80 mètres carrés le
cœur du quartier des pentes de la Croix-Rousse, et ce depuis deux ans. Ils n’ont jamais
quitté ce quartier depuis leur arrivée à Lyon. Ils ont respectivement 63 et 58 ans.
81
Extraits d’entretien
Les entretiens étant en moyenne relativement longs, entre 15 et 25 pages, il n’est
pas jugé utile d’en présenter un seul intégralement. J’ai choisi quelques extraits qui
apporteront des informations complémentaires sur certains enquêtés et sur comment ont été
menés les entretiens.
Lydie (n°3)
Alors est-ce que vous pouvez me raconter comment vous êtes arrivé à habiter ici ?
Eh ben, j’habitais rue du Bon-Pasteur, avant euh, dans un studio euh, dans un studio, dans
un studio… et puis j’ai eu une fin de bail, parce qu’il y avait des travaux à faire et la
propriétaire voulait récupérer l’appartement, donc j’ai trois mois pour chercher dans
l’urgence un autre logement, et donc je suis passé par euh, bailleurs sociaux euh… plein
d’endroits différents… Et puis j’suis tombée sur Habitat et Humanisme (HH) et puis j’ai
expliquée ma situation, j’ai fait un dossier, et euh… et voilà en fait, ils m’ont trouvé ce…
cet appartement.
D’accord. Et ça fait combien de temps que vous habitez ici ?
Ca fait depuis trois ans.
Donc vous avez du quitter votre logement suite à une fin de bail ?
J’avais pas d’autre endroit où aller, j’ai pas de famille dans la région. Voilà, euh… je, j’ai,
j’étais séparée, et donc il fallait trouver quelque chose très rapidement, pour moi et mon
fils.
Ok. Et vous êtes d’abord passé chez des bailleurs sociaux avant de passer par HH ?
Oui, des HLM et euh… j’ai tout essayé, la mairie, le préfet… j’ai harcelé un petit peu tout
le monde jusqu’à que je tombe sur HH, qui avait quelque chose de libre assez rapidement
donc euh… voilà j’ai pris…
Et vous recherchiez dans ce quartier ?
Pas forcément, j’ai tablé un peu tout, Villeurbanne, tous les arrondissements. J’avais pas de
préférence, l’urgence c’était que je trouve quelque chose.
Stéphanie (n°7)
D’accord. Est-ce que vous pouvez me parler un peu de vos voisins ?
Oui. Alors mes voisins qui sont en face euh… ce sont des… alors lui le monsieur il est
notaire. Et sa femme ne travaille pas. Je sais qu’ils ont trois enfants, mais les trois enfants
n’habitent plus ici, chez eux. Eux, ils sont très sympathiques. Ce qui n’est pas le cas de tout
le monde ici. Voilà, ouais. Parce qu’à part eux, et puis la p’tite dame qu’habite en face…
82
d’un certain âge, le reste euh… pff. Bah y a des gens qui sont vraiment cons ! Moi
j’appelle ça du racisme social.
Ah ouais ?
Ouais, ni plus ni moins. C’est exactement ça.
Ca se traduit comment ?
Bah ça se traduit par euh… bah par exemple… c’est très con hein mais euh… alors déjà, la
boîte aux lettres… on me l’a fracturé. Parce qu’on a pris ma boite aux lettres pour celle
d’une autre personne, parce que cette autre personne euh… est un... vraiment un crétin de
base, et que sur ça… il a un garage qui donne sur la rue. Et quand les gens se garaient…
donc j’pense que maintenant il le fait plus, mais avant les gens se garaient devant son
garage… même s’il avait pas besoin de sortir sa voiture, dès qu’il voyait ça, il sortait, il
collait des autocollants sur les pare-brises, vous savez qui s’enlèvent pas. Et bah y en à qui
ça a pas plus, il s’est renseigné pour savoir à qui appartenait le… le garage. Cette personne
en face s’appelle « de ch’ais pas quoi », avec une particule. Moi mon fils s’appelle
Demaison, et donc du coup quand le type est entré, dans l’allée, parce la porte était
ouverte, il a regardé les boites aux lettres, il a vu Demaison, il a fracturé ma… ma boite
aux lettres. Et quand j’me suis plaint, parce que j’ai su pourquoi, quand j’me suis plainte
auprès de ce monsieur, il ne s’est pas excusé, il n’a fait aucun geste, il n’a rien fait. Voilà.
Donc j’ai du payer ma porte de boite aux lettres. Donc en chêne c’est toujours agréable. Et
puis une autre fois, j’avais des pigeons qui essayaient de faire un nid sur le bord de ma
fenêtre. Alors à chaque fois qu’ils posaient une brindille, j’enlevais la brindille. Et j’ai
retrouvé le tas de brindille sur mon paillasson quand même. Faut vraiment être con ! Bon
voilà quoi, c’est… j’trouve ça très con moi. T’as un problème, tu viens taper tu dis
« qu’est-ce qu’il se passe ? », « j’ai retrouvé ça », enfin ! Donc c’est ça. Et les bonjours,
c’est du bout des lèvres, c’est jamais « bonjour, vous allez bien ? ». Ca fait quand même
dix ans que j’habite là. Donc à part avec ma voisine, et cette petite mamie… le reste, y a
aucune relation hein. C’est des gens qui prennent un petit peu… voilà, moi j’suis pas
propriétaire, j’dois être la seule à pas être propriétaire d’ailleurs ici, c’est tous des
propriétaires. Et euh… voilà, enfin ils vous font bien sentir quoi. Pourtant j’fais pas de
bruit, rien. Le jour où je partirai, si ils mettent quelqu’un à ma place, et que c‘est quelqu’un
qui fait la fiesta, ils vont voir la différence. J’pense que là, ils feront la gueule, ils pourront.
Ils ont détectés que vous apparteniez pas au même monde qu’eux ?
Oh ben c’est sur, ils savent que c’est un logement… ils savent que c’est un logement social
hein. Puisque de toute façon… enfin tout le monde est au courant que c’est loué par HH.
Alors ils ont peut-être eu… par le passé des locataires qui étaient, je sais pas, indélicats, ou
bruyants, enfin voilà. Mais quand soit même on ne l’est pas… euh voilà, j’trouve que c’est
un peu… j’ai pas… j’ai pas vingt ans, j’fais pas la fiesta tous les soirs, enfin… mon fils il
est super propre, super poli. Donc euh… à un moment donné, ça va quoi. Le racisme
social… c’est comme le racisme tout court d’ailleurs.
C’est quelque chose que vous avez subi dès le début ?
Très rapidement, oui… très rapidement hein.
L’incident de le boite aux lettres c’était y a longtemps par exemple ?
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C’était y a euh… il doit y avoir sept ans j’crois. Oui sept ans. Les brindilles aussi, il doit y
avoir cinq ans à peu près.
Depuis y a pas eu…
Depuis y pas eu d’autres… manifestations… voilà.
Y pas eu d’amélioration ?
Non plus. Non plus.
Les personnes qui vivent là sont ici depuis longtemps ?
Oh j’pense que oui, j’pense que oui.
Ca bouge pas trop ?
Non ça bouge pas, ouais, ouais. C’est rare.
Du coup vous avez quand même réussi à lier contact avec la personne en face ?
Oui, voilà. Voilà. Parce que, ils sont vraiment sympathiques. Après j’ai jamais mangé chez
eux, ils ont jamais mangé chez moi hein. Mais euh… mais voilà, quand on se rencontre, on
parle de… on prend des nouvelles de nos enfants, enfin voilà quoi, quelque chose de
simple mais… voilà. Et ils sont chaleureux quoi… à l’indifférence des autres…
Ca vous est jamais arrivé d’échanger des services avec l’un ou l’autre ?
Non. Non.
Ali et Nathalie (n°4)
Est-ce que vous pouvez me décrire un peu votre logement ? Quelle surface il fait, il a
combien de pièces, vous payez combien de loyer ?
D’accord, mon loyer, exactement… la surface c’est 39 mètres carrés, il y a une chambre.
Salon… et cuisine de coin. Salle de bains, toilettes.
NATHALIE: Non et puis c’est bien disposé. Si c’est vrai, il faut dire… comment c’est fait,
la chambre est séparée, salle de bains, toilettes. Non, moi j’trouve que non, ça va. On peut
pas vivre à trente, mais pour une personne ou deux…
Le loyer, c’est environ 230.
Avec les charges ?
Les charges, ça change chaque mois, et on peut dire entre 230 et 250.
Vous avez pas de reproche particulier sur ce logement ?
NATHALIE : Humide. Et on le ressent vraiment. Quand il fait un temps comme ça là
comme dehors, on le ressent. Sinon pff…
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Il est assez lumineux, assez…
NATHALIE : Oui. Si, si. Si on ouvre bien le store…
Y a pas de défaut particulier ?
NATHALIE : Non.
Y a rien !
NATHALIE : Non c’est même bien chauffé j’trouve.
Vous habitez à deux ici ?
Oui ça fait un moment que… elle… habite euh… elle…
Ca va vous vous marchez pas trop dessus ?
NATHALIE : Non, c’est pour ça que j’disais à deux, trois grands maximums, après c’est
pas possible. Deux trois personnes à l’appart’ ouais, mais au bout de trois non c’est pas
possible. Avec un enfant c’est pas possible. Parce qu’on voit le voisin déjà en haut, t’as vu
c’est pas possible. Euh c’est encore pire ils ont même pas de chambre. Eux ils ont qu’une
grande pièce. Sinon non ça va…
Non ça va.
NATHALIE : En plus on travail tous les deux donc la journée on s’voit pas trop quoi. Lui il
va de son coté, moi j’vais du mien alors… On s’retrouve que le soir quoi en gros. Ce qu’il
y a de bien c’est qu’au moins on n’est pas tout seul quand on rentre. Ca c’est bien. C’est
vrai quand on a quelqu’un avec qui discuter quoi. Tout seul c’est bien mais pas tout le
temps, tout le temps quoi. Ca fait de la conversation, ça fait… de la compagnie on va dire.
Est-ce que vous aimeriez changer de logement ?
Oui bah… comme tout le monde quand même.
Vous aimeriez en avoir un autre ?
Oui. Un peu plus grand.
NATHALIE : Que la cuisine soit séparée.
Ouais, que la cuisine…
NATHALIE : Cuisine, cuisine. Une cuisine à part quoi. Et le salon à part.
Toi tu voudrais une cuisine américaine (rires) ?
NATHALIE : Non ça dépend.
Donc vous aimeriez en changer, mais là, c’est pas prévu pour tout de suite ?
Ouais, nan, pas pressé (rires).
NATHALIE : Disons que c’est dans les projets, mais pas tout de suite.
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