Antoine Perier
Presses Universitaires de France | « La psychiatrie de l'enfant »
2016/1 Vol. 59 | pages 145 à 172
ISSN 0079-726X
ISBN 9782130734024
Article disponible en ligne à l'adresse :
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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Antoine Perier, « Se risquer à deux. de l’escalade comme vecteur thérapeutique et
comme médiation à l’adolescence », La psychiatrie de l'enfant 2016/1 (Vol. 59),
p. 145-172.
DOI 10.3917/psye.591.0145
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SE RISQUER À DEUX. DE L’ESCALADE COMME VECTEUR
THÉRAPEUTIQUE ET COMME MÉDIATION À L’ADOLESCENCE
Adolescence
Escalade
Développement
Risque
Engagement
Attachement
Insécurité interne
Psychanalyse
Médiation
Intersubjectivité
SE RISQUER À DEUX.
DE L’ESCALADE COMME VECTEUR
THÉRAPEUTIQUE ET COMME
MÉDIATION À L’ADOLESCENCE
Antoine PÉRIER1
SE RISQUER À DEUX. DE L’ESCALADE COMME VECTEUR
THÉRAPEUTIQUE ET COMME MÉDIATION À L’ADOLESCENCE
L’escalade permet de faire vivre à l’adolescent une expérience de
risque subjectif dans un contexte où le risque objectif peut être contrôlé et
écarté de la pratique. La relation interpersonnelle qui se construit dans la
pratique est le pivot, en même temps que le moyen de cette sécurité objective en situation de risque subjectif. Certains modèles cognitifs du développement du nourrisson, les modèles de l’attachement, ainsi que l’abord
psychanalytique de l’expérience psychique induite par la pratique, permettent d’appréhender certains processus importants en jeu chez l’adolescent. Cette perspective soutient une conception de l’escalade comme un
1. Docteur en psychologie, psychanalyste, psychothérapeute et professeur à
la Maison des Adolescents de Cochin (APHP), UMR -Inserm 669, université Paris
Sorbonne Cité.
Psychiatrie de l’enfant, LIX, 1, 2016, p. 145 à 171
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MÉTHODOLOGIES
ET TECHNIQUES
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vecteur thérapeutique et une activité de médiation riche, dans laquelle
créativité motrice et créativité psychique évoluent conjointement.
TAKING RISKS AS A PAIR. ESCALATION USED AS A THERAPEUTIC
VECTOR AND A MEDIATOR IN ADOLESCENCE
Escalation allows the adolescent to have the experience of subjective
risk in a context where the objective risk can be controlled and kept within
bounds. The interpersonal relationship which is constructed in practice is
the pivotal point, but also the means of the objective security in a situation
of subjective risk. Some cognitive models of newborn’s development, models
of attachment as well as the psychoanalytic approach of psychic experience induced by this practice make it possible to apprehend some important
processes at play in the adolescent. This perspective supports a conception
of escalation as a therapeutic vector and a fruitful activity of mediation in
which motor creativity and psychic creativity evolve together.
Keywords: Adolescence – Escalation – Development – Risk –
Engagement – Attachment – Internal insecurity – Psychoanalysis –
Mediation – Intersubjectivity.
ARRIESGARSE MUTUAMENTE AL ESCALAR COMO UN VECTOR
TERAPÉUTICO Y COMO MEDIACIÓN EN LA ADOLESCENCIA
La escalada hace vivir una experiencia de riesgo subjetivo al adolescente en un contexto en la que el riesgo objetivo puede ser controlado y
apartado de la práctica. La relación interpersonal que se construye en la
práctica constituye el eje y el medio de esta seguridad objetiva en situación
de riesgo subjetivo. Algunos modelos cognitivos del desarrollo del bebé y el
modelo del apego, así como el abordaje psicoanalítico de la experiencia psíquica inducida por la práctica, nos permiten captar unos procesos importantes del adolescente. Bajo esta perspectiva se considera la escalada como
un vector terapéutico y una actividad de mediación muy valiosos para la
evolución simultánea de la motricidad y de la creatividad psíquica.
Palabras clave: Adolescencia – Escalada – Desarrollo – Riesgo –
Compromiso – Apego – Inseguridad interna – Psicoanálisis – Mediación –
Inter-subjetividad.
« Il faut toujours connaître les limites du possible.
Pas pour s’arrêter, mais pour tenter l’impossible
dans les meilleures conditions. »
(Romain Gary, 1977, Charge d’âme)
Sports et activités physiques constituent, pour l’enfant et
l’adolescent, des domaines d’expériences riches tant du point
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de vue moteur, cognitif, émotionnel, affectif que du point de
vue des mobilisations psychiques qu’ils génèrent. La notion
de risque prend au sein de ce champ de pratique un intérêt et une valeur heuristique particuliers. Elle rend compte
de l’appréhension plus ou moins objectivable d’une réalité
matérielle (plonger de 1m 50 ou de 10m, s’engager dans un
slalom sur neige verglacée, progresser sur un glacier très crevassé etc.). Elle rend compte également d’une activité mentale d’analyse et d’évaluation (évaluation du risque). Enfin,
elle invoque des éléments du monde interne des pratiquants,
et des formes de réalités psychiques qui composent une part
de la subjectivité du risque.
Penser l’association de ces trois termes : « sport »,
« risque », « adolescence », amène assez spontanément à
l’esprit de celui qui se questionne, des images de sports dits
extrêmes, époustouflantes par le dépassement incessant des
limites de nos représentations de l’exploit, sublimées par
des prises de vue et des vidéos que les progrès technologiques
rendent de plus en plus spectaculaires. En outre, « risque »
et « adolescence » nous suggèrent immédiatement la question, abondamment explorée et documentée, des conduites
à risques à l’adolescence et autres acting fréquents à cette
période du développement.
D’un côté, nous pensons à des activités sportives dans
lesquelles les pratiquants prennent des risques fous dans le
cadre d’une réalité parfois ordinaire, insérée dans le déroulement logique d’une pratique, mais poussé à l’extrême
(Raveneau, 2006). Le sens de la mise en jeu de l’intégrité
corporelle voire de la vie elle-même, dans une pratique de
loisir ou même professionnelle, peut alors constituer un
objet d’étude et être éclairé par la psychologie, la sociologie
compréhensive, l’anthropologie culturelle, la phénoménologie et différentes autres approches qui auront en commun
d’aborder l’expérience vécue et les mobiles de l’engagement
dans ce type de pratique ; expériences et mobiles parfois
susceptibles d’intéresser les cliniciens. De l’autre, une psychologie clinique, une psychanalyse et une psychiatrie de
l’adolescent abordent la prise de risque ou les conduites
à risque comme manifestations psychopathologiques ou
comme transgressions dans un processus développemental et
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psychique en panne de subjectalisation (Cahn 1998) ou de
capacité sublimatoire (Gutton, 1991).
Voilà pour les représentations et évocations immédiates.
Mais ce n’est pas à partir de ces formes du risque que nous
allons développer notre réflexion. Nous allons nous placer
dans une perspective clinique en nous intéressant à l’adolescent en souffrance, et aborder la notion de risque dans
une dimension intra et intersubjective. L’escalade est un
sport qui peut conduire à des formes de pratiques extrêmes,
mais définit également et surtout des pratiques sécurisées. Ce
sont ces dernières formes qui vont nous occuper. Le risque
dont nous allons parler est expérience, représentation et ressenti, articulant réalité matérielle, monde interne de l’adolescent et réalité psychique. Le passage par certains éléments
d’ontogénèse ouvre des pistes de réflexion utiles qui tissent
un lien entre bébé et adolescent. Nous penserons ainsi cette
notion de risque dans son rapport à la conscience de soi et la
place de l’autre dans son développement, nous explorerons
sa dimension intersubjective ainsi que ses articulations possibles avec le concept clinique d’insécurité interne. Enfin,
éclairés par différents modèles (biologie, psychologie du
développement, modèles de l’attachement, psychologie
cognitive et psychanalyse), nous aborderons l’intérêt particulier que peut revêtir l’escalade, à la fois comme vecteur
thérapeutique (par l’expérience même de la pratique et sa
dimension de co-création) et comme support de médiation.
LA RENCONTRE DE L’ADOLESCENT AVEC L’ACTIVITÉ ESCALADE
La spécificité de la pratique
La pratique de l’escalade va faire vivre à l’adolescent une
expérience perceptive, sensorielle, cognitive, motrice, émotionnelle et sociale particulière, qui tient à la spécificité de
cette pratique sportive et à la singularité de l’adolescent, ses
expériences sportives et motrices antérieures, son histoire sa
personnalité et ses difficultés.
Grimper, c’est progresser dans un milieu plus moins
vertical, en réalisant une suite de mouvements locomoteurs
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qui nécessitent d’utiliser ses pieds et ses mains pour créer
tous les appuis possibles. L’escalade possède un degré de
complexité élevé, ce qui signifie que le nombre de mouvements et de postures mobilisables est important ; ainsi
qu’un degré de consistance assez faible, c’est-à-dire que les
habiletés motrices ne sont pas stables, fixes et répétitives,
et que le milieu leur impose des réorganisations qualitatives
nombreuses. Pour progresser (dans les deux sens du déplacement et de l’apprentissage), le grimpeur débutant va
devoir passer d’une utilisation dominante des bras à une utilisation maximale des jambes. Privilégier le travail des bras
est fortement lié au fait que l’espace perçu se limite, dans
un premier temps, à un espace visuellement perçu, situé
sur la paroi proche du visage et orienté vers le haut. Cette
perception limitée est contrainte par la peur et l’anxiété qui
amènent le plus souvent le grimpeur à se coller contre la
paroi. En résumé, grimper en escalade, c’est mobiliser des
ressources adaptatives et créatives. L’exigence motrice liée
à la nécessité d’efficience (conjugaison de l’efficacité et de
l’économie) impose au pratiquant d’évoluer d’une position
d’équilibre à une autre, avec le risque ou la nécessité du
déséquilibre intermédiaire. Le risque constant lié au déséquilibre est la chute.
Sécurité et engagement
Selon les formes de pratiques, la réalité de cette chute et
ses conséquences objectives possibles varient. Elle dépend de
la présence ou de l’absence de points d’assurage ou encore
de leur espacement. Dans les formes d’escalade dites de bloc,
la hauteur est limitée et la sécurité tient à la protection par
des tapis de la zone de réception. Le risque objectif tient
alors à la hauteur du bloc et à son exposition, c’est-à-dire
la présence éventuel d’obstacles (rocher, arbres, racines le
plus souvent en milieu naturel) ainsi que du type de mouvements imposés par la paroi, qui en cas de chute peuvent
être causes de traumatismes. Dans l’escalade dite de voies,
ce sont corde et points d’assurage, matériel et partenaire
qui permettent d’assurer la sécurité du grimpeur. La réalité de la chute va dépendre de la modalité d’assurage. En
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« moulinette », c’est-à-dire lorsque la corde reliant le grimpeur à l’assureur passe par des mousquetons placés en haut
de la voie, l’assureur étant en bas, la chute est réduite, voire
nulle si l’assureur respecte les règles de sécurité. En « tête »,
c’est-à-dire lorsque le grimpeur, assureur en bas, progresse
en plaçant lui-même la corde dans les points d’assurage au
fur et à mesure de sa progression, la chute peut être réelle en
cas de déséquilibre. Cette chute correspond à une hauteur
approximativement égale à la longueur de corde du grimpeur au dernier point d’assurage multipliée par deux, plus
l’allongement de la corde de par son élasticité et le mou éventuel dans l’assurage au moment de la chute.
Ainsi, dans la pratique en voies, forme à laquelle nous
nous intéressons ici, étant entendu que nous l’envisageons
en milieu sécurisé (qualité des points d’assurage, espacement
raisonnables des points – ceci vérifié par des organismes de
contrôle pour des structures artificielles urbaines), face au
risque de chute, l’escalade nécessite une gestion de la sécurité
au sein d’un couple « grimpeur-assureur ». Cette collaboration essentielle dont dépend la sécurité objective du grimpeur implique l’établissement d’une relation de confiance et
d’aide.
La présence de l’assureur et sa maîtrise des techniques
d’assurage maintiennent les risques objectifs de la chute à un
niveau minimal (absence de chute en « moulinette » et risque
éventuel d’éraflures contre la paroi ou la corde en tête), ce
qui bien évidemment ne suffit pas, loin s’en faut, à faire disparaître l’appréhension voire la peur.
Cette peur résulte d’une caractéristique centrale de l’activité, source d’une tension interne, qui va modeler l’expérience psychique du pratiquant : l’escalade confronte à un
risque subjectif, en l’absence de risque objectif du fait de
la présence de la corde, de l’application des procédures de
sécurité et des actions de l’assureur. La gestion de ce risque
subjectif, de l’anxiété qui en sous-tend éventuellement la
représentation ou l’évocation, est un élément fondamental
du processus de transformation engagé par les apprentissages (Périer, 1996). Elle doit intégrer des aspects neurosensoriels comme les conflits sensoriels entre information
proprioceptive et information visuelle (Berthoz, 1997), des
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mécanismes de régulation cognitive et émotionnelle, ainsi
que les éléments d’angoisse liés à l’économie et la dynamique
inconscientes (Périer et al., 2012).
Plus le niveau d’expertise augmente, plus la perception
subjective du risque dépend de la perception du risque
objectif, sans toutefois que les deux représentations puissent
complètement se superposer car l’équation personnelle
demeure, dépendante des mouvements affectifs et émotionnels, du monde interne et de la pression fluctuante de
la réalité psychique. Toutefois, pour le débutant, dans la
tâche d’assurage, la confrontation au risque objectif existe.
Une mauvaise manipulation du matériel, une inattention à la
progression du partenaire, générant un « mou » important
dans la corde, sont susceptibles d’exposer le partenairegrimpeur à un grave danger. Ce risque objectif existe donc
bel et bien et ce sont les compétences d’assurage à acquérir
qui en permettent la maîtrise, afin de contrôler l’absence de
risque objectif pour le grimpeur. Ces éléments permettent,
au passage, d’établir une grande différence entre escalade et
alpinisme. En alpinisme, le risque objectif demeure toujours
élevé et la chute est toujours potentiellement dangereuse
voire mortelle pour le grimpeur comme pour l’assureur. La
pratique de l’alpinisme repose donc sur l’évitement nécessaire de la chute, alors que l’escalade impose le passage par
l’acceptation de la chute pour progresser.
PETITS ÉLÉMENTS D’UNE ONTOGENÈSE DE L’ENGAGEMENT
Face au danger, la prise de risque repose sur des processus d’évaluation des risques objectifs et subjectifs conduisant à des prises de décision, l’engagement en constitue un
résultat possible, à savoir des actions motrices dans le sens
de la progression (du but : atteindre le haut de la voie).
Du maturationnisme biologique à l’épigenèse interactionnelle
De nombreux chercheurs on tenté d’expliquer par des
modèles psychobiologiques les différences interindividuelles
observées dans la capacité à prendre des risques (au sens
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le plus général). Les travaux de Marvin Zuckerman sont les
plus nombreux et les plus connus dans ce domaine. Par des
méthodes de corrélation et d’analyse factorielle, il a extrait
un trait de personnalité, c’est-à-dire un facteur caractérisant
l’individu dont il a montré la relative stabilité (sous-tendant
une constance comportementale) qu’il a dénommé « recherche
de sensation » (sensation seeking). Ce trait rend compte chez
un individu « d’un besoin élevé d’intenses formes de stimulations et d’expériences nouvelles, complexes et variées »
(Zuckerman, 1990). La recherche de sensation constitue,
pour Zuckerman, un besoin primaire, lié à des caractéristiques biologiques. Selon lui, le comportement de prise de
risque est directement lié à la recherche de stimulation. Le
« sensation seeker » n’hésite pas à prendre des risques pour
satisfaire son besoin fondamental d’expériences et de sensations fortes, risques physiques, sociaux, professionnels, etc.
Si nous devions résumer ce point de vue psychobiologique,
nous dirions que le comportement de prise de risque renvoie à la satisfaction d’un besoin primaire de nature biologique. En prenant soin d’éviter de nous enliser dans le vieux
débat inné-acquis, force est de constater, sans minimiser le
moins du monde l’influence du biologique, que ces travaux
occultent totalement la question du développement, ou plutôt relèguent ce dernier à un équivalent de l’ancien maturationnisme de Gesell2. Or, pour qui s’intéresse à l’adolescent
comme à l’enfant ou au bébé, impossible de ne pas penser
développement, changements, transformations, et certains
ne manqueraient pas de rajouter avec justesse : « Et l’adulte
ne continue-t-il pas à se développer également ? » Ainsi nous
tournons-nous avec plus de bonheur et d’intérêt vers une
épigenèse interactionnelle telle que l’a initialement formalisée Jacques Cosnier (Cosnier et Charavel, 1998). Ce modèle
rassemble et intègre un ensemble de connaissances issues de
l’embryologie causale, de l’éthologie animale, du courant
interactionniste, de celui de l’attachement, de la psychana2. Arnold Lucius Gesell, à l’inverse de Freud, voulait laisser parler la nature,
convaincu d’un ordre immuable dans le développement de tous les enfants. « Les
lois du développement sont comparables, en sûreté et précision, aux lois de la gravitation », affirme-t-il en 1943. Le développement n’a qu’une seule cause : la maturation nerveuse (Gesell et Amatruda, 1945).
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lyse. Cette intégration de niveaux de connaissances, des plus
élémentaires en terme de microprocessus à des connaissances
plus globales portant sur des éléments complexes, apparaît
d’une grande richesse dès lors que l’on s’attache à décrire le
travail d’inter-subjectivation, de co-pensée, propres à toute
communication humaine.
Nous emprunterons donc à ce modèle l’intérêt porté à
certaines connaissances issues de la psychologie du développement du bébé, des modèles de l’intersubjectivité et de
l’attachement, pour penser sous un angle différent la notion
de risque et apporter ainsi un éclairage sur ce qui peut se
jouer dans la pratique de l’adolescent comme rappel à des
acquis ou non acquis d’étapes précoces du développement au
sein de l’environnement social.
Développement de l’intelligence du bébé et contexte social
Un bref passage par certains modèles issus de la psychologie contemporaine du développement, pour ce qui concerne
notamment le développement des compétences précoces, est
instructif. Les bébés aiment la nouveauté. Pour être plus
rigoureux, toute différence perçue dans un univers perceptif
devenu quelque peu familier entraine un regain d’attention
(Bornstein, Lécuyer, Pêcheux, 1988). Le repérage de ce
principe, pour le coup universel dans le monde des bébés, a
introduit un nouveau paradigme dans ce domaine de recherche,
l’habituation-réaction à la nouveauté (Pêcheux, 1986). Ce
paradigme est à l’origine d’une véritable révolution dans la
compréhension de la construction des connaissances chez le
bébé. Il a permis l’accumulation, au cours des trente dernières années, d’un nombre considérables de connaissances
scientifiques, en transformant les dispositifs expérimentaux
permettant de tester chez le tout-petit de nouvelles hypothèses. Dans ce vaste ensemble de connaissances, nous en
retiendrons ici deux dont la portée est considérable. Tout
d’abord, bouleversant quelques dogmes de l’édifice piagétien, l’intelligence des bébés3 n’est pas sensori-motrice mais
perceptive (Lécuyer, 1989). Elle est perceptive parce que les
3. Nous parlons ici de la première année.
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compétences perceptives des bébés sont bien plus développées
que leur motricité. Ces compétences perceptives sont action
sur le monde et dès lors que l’on est en mesure de les étudier,
de les tester par des procédures expérimentales adaptées,
on peut montrer que l’intelligence n’attend pas le développement du langage. Mais surtout, il a pu être démontré, en
étudiant de jeunes enfants souffrant d’amyotrophie spinale
de type 2, que la compréhension du monde n’est pas dépendante de l’action motrice que les bébés peuvent exercer sur
lui (Rivière et Lécuyer, 2002). Deuxième point important,
l’intelligence des bébés est sociale, contredisant là encore un
autre dogme piagetien selon lequel les connaissances sur les
objets du monde physique précèderaient celles portant sur
le monde social (auquel d’ailleurs Piaget s’est peu intéressé).
Elle est sociale au sens où les objets les plus présents et les
plus « intéressants » pour le bébé sont avant tout les personnes qui s’occupent de lui. Elle est sociale parce que les
personnes qui l’entourent ont vis-à-vis de lui une attitude et
des comportements spécifiques visant à s’adapter aux capacités de son intelligence. Ce qui a fait dire à Hanus et Mechthild
Papousek (1977) qu’on ne peut comprendre l’intelligence du
bébé si l’on ne s’intéresse qu’à son seul cerveau, puisqu’une
partie de son intelligence est située dans celui de sa mère... et
nous dirons des « care-takers » afin de préserver la susceptibilité des pères ! Preuve supplémentaire, s’il en était besoin,
que les interactions sociales précoces sont fondamentales,
preuve que les psychanalystes s’intéressant au bébé n’ont
pas attendue.
On distingue classiquement trois dimensions de l’interaction : 1/ l’interaction comportementale consistant
en un ajustement tonico-postural des contacts cutanés
(Ajuriaguerra, 1970) ; 2/ l’interaction dans sa dimension
affective, rendant compte de la tonalité affective générale,
de la qualité de l’harmonisation entre le bébé et ses partenaires permettant le partage des expériences émotionnelles
(Threvarthen, 1979 ; Stern, 1985) ; 3/ l’interaction fantasmatique introduisant le poids du monde imaginaire (formation conscientes ou pré-conscientes) et celui du monde
fantasmatique inconscient (Kreisler et Cramer, 1981 ;
Lebovici et Stoléru, 1983). Le partage des états affectifs est,
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nous dit Stern, le problème de nature clinique qui a le plus
d’incidences sur la connexité intersubjective (Stern, 1980).
En montrant que l’imitation seule ne suffit pas à la réalisation d’un échange intersubjectif à propos d’affects, Stern
a défini l’accordage affectif comme évolution du comportement maternel à partir de l’imitation. L’accordage affectif correspond à l’exécution de comportements qui mettent
l’accent sur la propriété émotionnelle d’un état affectif
partagé, sans imiter le comportement expressif exact de
l’état interne (Stern, 1985). L’imitation fixe l’attention des
partenaires sur les formes externes des comportements
dans l’interaction. Elle ne permet pas aux partenaires de
se référer à l’état interne. L’accordage produit une variation dans l’événement qui a lieu entre les deux sujets. Selon
Stern, l’accordage affectif, puisqu’il est amodal, introduit
un décalage dans la réflexion, ainsi qu’une schématisation
du geste réfléchi en miroir. Il peut avoir lieu selon diverses modalités : l’intensité (niveau d’intensité des comportements), la pulsation temporelle (des gestes produits ou
réfléchis), le rythme, la durée, la forme (reproductions de
types de mouvements, etc.).
La perception d’un assurage discordant par rapport
aux désirs (corde trop ou pas assez tendue, accumulation
de « mou » dans la corde lorsque l’assureur ne parvient
pas à suivre la progression, saccades lors de la descente,
etc.) est source d’angoisse alors qu’à l’opposé la perception
d’une adaptation parfaite de l’action de l’assureur à ses
mouvements, enchaînements, au rythme de sa progression,
est source de confiance et de plaisir. On retrouverait ici
un lien aux expériences primitives et aux moyens du développement de l’intersubjectivité, tels que l’importance de
la perception du rythme dans les interactions précoces
développée par Trevarthen (2002), les processus de synchronisation interactionnelle étudiés par Tronick (1981,
1982), ou encore l’accordage affectif décrit par Stern.
L’expérience du lien et de « l’accordage » entre grimpeur
et assureur, par la confrontation aux deux rôles et l’ouverture à une forme d’intersubjectivité organisant la dialectique de la dépendance et de l’indépendance au travers de
la pratique.
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Se risquer à deux
Antoine Périer
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Centrés sur la question du développement de la compréhension explicite des émotions par le bébé, Sorce, Emde,
Campos et Klinnert (1985) ont étudié l’articulation, chez des
bébés de 12 mois, entre possibles discriminations des expressions émotionnelles de la mère et comportements adaptatifs
du nourrisson. Les chercheurs présentent un dispositif expérimental ayant la forme d’une table, vitrée sur une première
moitié et opaque sur la seconde (Falaise visuelle). Au début
de l’expérience, les enfants sont placés sur la partie opaque
de la table. Les mères se tiennent du côté vitré de cette table
et font face à leur enfant. Par leurs sourires, elles doivent
alors inciter les enfants à se rapprocher du vide pour venir
les rejoindre, un jouet attirant étant placé sur la table près
d’elles. À l’approche du vide, l’enfant reçoit les signaux
maternels exprimant soit la joie ou la peur, soit l’intérêt ou
la colère, soit la tristesse. Les résultats montrent qu’aucun
bébé ne traverse lorsque les mères expriment la peur, que
2 enfants seulement sur 18 traversent lorsque le visage maternel traduit la colère et que 6 enfants sur 18 traversent face
à la tristesse. En revanche, face à la joie, 14 enfants sur 19
traversent le vide, de même avec l’expression d’intérêt face
à laquelle 11 enfants sur 15 traversent la partie vitrée. Ces
résultats indiquent clairement que l’enfant non seulement
différencie les émotions positives (joie, intérêt) des émotions
négatives (peur, colère, tristesse), mais qu’il est capable
d’adopter des comportements adaptés aux informations qui
lui sont fournies par les mères.
Séduisante démonstration expérimentale que la prise de
risque s’inscrit, du point de vue du développement précoce,
dans la dynamique interactionnelle et plus précisément sollicite la référenciation sociale (Social referencing), autour de
laquelle nombre de représentations du risque et de possibilités de prise de risque vont se construire dans le rapport au
monde. Cette dynamique va se complexifier et se poursuivre
tout au long du développement (Pêcheux, 1986).
L’apport des théories de l’attachement
À partir des différentes dimensions d’interactions, deux
grandes modalités de communication vont se développer
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entre le bébé et son environnement, évoluant en fonction
du développement du nourrisson. Une communication initiale de type syncrétique à laquelle succèdera une communication interactive renvoyant à la perception par le bébé
d’un certain écart intersubjectif. Les conduites d’attachement se voient principalement intégrées au premier type de
communication.
John Bowlby a formulé l’hypothèse selon laquelle le
maintien de la proximité d’avec la mère (principalement,
mais également d’autres adultes pouvant incarner des
figures protectrices) serait le mécanisme principal permettant d’assurer les régulations nécessaires à la sécurité et
la survie du bébé. Les faits observés chez le jeune animal
et chez l’enfant établissent que l’attachement n’est pas le
résultat d’un processus libidinal ou d’un apprentissage,
mais qu’il correspond à une tendance primaire, le besoin
d’autrui, plus forte que la faim, plus précoce que la sexualité (Bowlby, 1969).
Il défend ainsi, dans son modèle, l’importance d’un
système inné de comportements assurant cette fonction de
régulation, ensemble de schèmes observé initialement par
Harlow chez certains primates. L’agrippement, la poursuite visuelle, pleurs et cris, etc. font parties de ce système de comportements d’attachement. La collaboration
avec Mary Ainsworth aboutira, comme on le sait, à la définition de la base de sécurité ainsi qu’à la caractérisation
de différents schèmes d’attachement (Sécure ; Insécure
anxieux-évitant ; Insécure anxieux-ambivalent ; Insécure désorganisé). Bartholomew (1993) ainsi qu’Atger (2002) ont
suggéré l’existence d’équivalences fonctionnelles entre les
systèmes d’attachement du bébé et ceux mis en évidence
chez l’adolescent et chez l’adulte, au cours du développement. Il propose, chez les jeunes adultes, à partir d’une
méthode descriptive et classificatoire, une modélisation
dans laquelle les comportements anxieux ou confiants, de
retrait ou de recherche de contact, de communication facile
ou difficile avec les autres adolescents, peuvent prendre du
sens relativement à une classification des systèmes d’attachement en quatre catégories (sécure, préoccupé, détaché
et craintif).
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Les modèles issus des théories de l’attachement peuvent
ainsi offrir un modèle de compréhension de certaines caractéristiques des actions de l’adolescent, sur un plan personnel et interpersonnel. Il est parfois important que les
stratégies didactiques et l’attitude pédagogique puissent être
modelées par ces analyses qui vont, par exemple, conduire
à privilégier, chez un adolescent craintif (au sens des modalités d’attachement), l’apprentissage de l’assurage avant
l’expérience de la progression sur la paroi. D’un point de
vue développemental, les remaniements et transformations
importants dont les liens d’attachements font l’objet à l’adolescence, constituent également un cadre de compréhension
de certaines manifestations comportementales individuelles
et groupales lors de la pratique. L’émergence et l’intrication
des systèmes comportementaux sexuels avec les modèles
parentaux d’attachement, la possibilité pour l’adolescent de
devenir lui-même une figure possible d’attachement, influent
fortement sur les relations aux adultes encadrant (lorsqu’ils
sont présents et que les adolescents ne sont pas en autonomie
complète), ainsi que sur les liens qui se créent entre les adolescents durant l’activité.
La scène composée d’un grimpeur en progression sur
la paroi, attaché à la corde par l’intermédiaire de son baudrier, corde le reliant à l’assureur dont le comportement et
les actions sont les garants de sa sécurité, possède un pouvoir évocateur immédiat. Pouvoir se familiariser avec cette
situation de progression verticale en assurage actif par
corde, pouvoir développer une confiance en l’assureur qui
permette de « s’engager », c’est-à-dire de se risquer à des
actes moteurs connus ou nouveaux, au-delà de la certitude
de stabilité, donc accepter la possibilité de chute parce que
l’on sait que l’assureur va immédiatement la bloquer ; ces
capacités se construisent sur la base des patterns d’attachement et de leur qualité.
Avec des adolescents en souffrance, l’escalade présente
un terrain intéressant d’expérience de ces liens, et de possible
régulation autour de ces expériences, dans une activité qui
construit des modalités de relation interpersonnelles autour
de la matérialisation d’un lien (la corde), à forte valeur symbolique (Périer, 2012).
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Conscience de soi et place de l’autre
Faisons retour quelques instants sur la psychologie du
bébé, pour saisir selon un point de vue développemental la
conscience de soi. Philippe Rochat (1999) a montré la précocité de la conscience d’un soi corporel chez des nourrissons
de quelques heures. Conscience au sens d’un soi perçu et non
représenté, conceptualisé, connaissance mobilisable pour
l’action et permettant au nourrisson de faire précocement la
différence entre soi et non-soi, entre sa propre main touchant
ses lèvres et la main d’un autre. C’est l’activité proprioceptive
qui va nourrir le développement d’un sens de soi corporel,
ce qui explique, par ailleurs, le biais que constitue le recours
à la modalité visuelle dans la célèbre situation de reconnaissance, devant un miroir, de la tache au front, sensée montrer
l’accès à la conscience de soi. Les recherches neurophysiologiques récentes ont montré que l’ensemble des informations
proprioceptives active des fonctions cognitives élevées ou la
plasticité du schéma corporel est directement mise en jeu.
Cette articulation permet au schéma de se modifier au cours
du développement, au fil des apprentissages. En amont de
toute connaissance, il y a donc le corps ; en amont de la conscience de soi, il y a la conscience d’un soi corporel. Rochat,
a également montré que le développement de la conscience de
soi est socialement déterminé, qu’il est développement d’une
co-conscience de soi, comme Niesser (1993) l’avait au préalable avancé avec la notion de soi interpersonnel. À la dimension rationnelle et logique des théories de l’esprit qui vont se
développer chez l’enfant dans le « miroir social », s’ajoute un
développement affectivement et émotionnellement déterminé :
le monde subjectif et représenté des regards d’autrui sur soi,
comme part constituante de la conscience de soi (Rochat,
2003). La demande d’attention n’est pas simple plaisir d’être
vu, regardé, admiré, elle est enjeu d’existence4. Cette double
4. Comme l’exprime de très belle façon l’écrivain américain M.R. Montgomery,
dans un roman autobiographique évoquant la recherche de son père biologique : « Il y
a cette chose qui arrive aux enfants : si personne ne les regarde, rien ne se produit pour
eux. […] Quand on est petit, en fait, on comprend qu’il ne sert à rien de s’élancer du
plongeoir de la piscine si personne ne vous regarde. Mais ne vous y trompez pas, l’enfant
qui hurle “Regardez moi !”, “Regardez moi !” ne quémande pas seulement de l’attention, il plaide pour sa propre existence » (Sayinggoodbye: A memoir for TwoFathers).
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polarité, qui s’organise au cours des deux premières années
du développement (une conscience de soi ancrée dans le corporel et une conscience de soi marquée par les représentations des regards d’autrui sur soi), prend, de fait, une acuité
particulière durant l’adolescence, comme le montrent à la
fois la clinique, mais aussi une grande part des problématiques adolescentes que nous rencontrons.
Plus fondamentalement, les modifications pubertaires
et leurs conséquences sur la vie mentale et psychique font
de l’adolescence une période particulière de l’évolution de
la conscience de soi. Ces modifications impulsent le passage
d’un corps d’enfant à un corps imposant, par ses transformations, la sexuation, en même temps qu’il introduit la possibilité de nouveaux pouvoirs d’agir. Ces nouveaux pouvoirs
d’agir vont ainsi trouver un ancrage dans les modifications
morphologiques, physiologiques et la maturité sexuelle.
Mais ce corps, dont les transformations peuvent malmener
l’adolescent et constituer un objet de souffrance, est aussi le
garant de l’identité, une garantie de cohérence et de formes
de constance dans un processus de développement donc de
changement. D’un point de vue « phénoménologique », pour
Philippe Jeammet (2005), ce qui menace le plus l’adolescent
c’est de perdre le sentiment de sa valeur personnelle, la capacité de se contrôler, de rester maître de lui-même, assuré de
sa continuité et de son identité. Deux problématiques majeures se posent à l’adolescent, sous forme d’une dialectique
intense et souvent angoissante : la dialectique dépendanceindépendance et la dialectique créativité-destructivité. Dans
la première, le besoin de l’autre se présente, dans le même
mouvement, comme une menace pesant sur la quête d’autonomie. Désirer obtenir de l’autre ce qui manque pour se sentir autonome, c’est lui donner un pouvoir sur soi. C’est donc
prendre le risque pouvant parfois apparaître insupportable
à l’adolescent, d’une allégeance à une force tyrannique sans
pouvoir s’en déprendre. Ce qu’exprime également Philippe
Gutton (1991) en décrivant le processus par lequel le pubertaire fait advenir l’infantile dans sa dimension de soumission
contrainte à la tyrannie de l’adulte. Lorsque nous percevons, chez l’adolescent, l’intensité ressentie de ce risque, de
cette menace souvent inconsciemment vécus, nous pouvons
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également en reconstruire les racines dans la fragilité des
liens d’attachement de la petite enfance. Philippe Jeammet
(2008) a également insisté sur l’importance du sentiment
d’insécurité interne, en rapport avec ces deux angoisses
fondamentales que sont l’angoisse d’abandon et l’angoisse
d’intrusion. L’intensité des attentes de l’adolescent vis-à-vis
de l’autre en fait un objet menaçant, d’où le paradoxe bien
connu de la distance face à l’adolescent en souffrance : il est
aussi compliqué de s’approcher que de s’éloigner.
La relation à l’autre peut donc être porteuse de menace,
l’interaction avec l’autre nécessiter une prise de risque. En
outre, seconde dialectique, construire, créer, changer, c’est
prendre le risque d’être déçu. Tenter, se risquer, c’est
prendre le risque d’échouer. Face à cette peur qui menace
l’identité même, qui inhibe la créativité, la tentation de la
destructivité peut apparaître, moyen illusoire de retrouver
un semblant de maîtrise et de pouvoir (Jeammet, 2008 ;
Morhain, 2008). À défaut de s’engager et de se penser pouvoir réussir dans la progression, la construction, l’adolescent
soigne la chute, orchestre l’échec avec le sentiment tronqué
d’une forme de maîtrise.
Dans cette perspective, la pratique de l’escalade offre
des situations dans lesquelles ces polarités sont sollicitées de
façon originale et intéressante. L’adaptation de la motricité,
la régulation du déplacement en fonction des contraintes de
la voie, la gestion de l’effort sollicitent en permanence l’activité proprioceptive et les ajustements posturaux.
Ce travail et ces apprentissages se réalisent dans un
contexte temporel qui peut être, pour partie, contrôlé par le
jeu combiné du ralentissement possible de l’action motrice
par l’adolescent et de l’aide de l’assureur via la mise en
tension de la corde et le blocage du grimpeur dans la paroi.
Ces caractéristiques temporelles favorisent l’articulation
des sensations, avec une activité cognitive et métacognitive
de prise de conscience sur un mode réflexif. On peut penser que cette articulation favorise à la fois une évolution
et un gain d’acuité sur le plan de la conscience corporelle.
Au fil de la pratique, des pouvoirs d’agir se développent et
nombre de transformations de la conscience du corps et de
l’attention portée aux sensations corporelles relèvent d’une
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co-construction qui mobilise le regard d’autrui et l’échange
verbal avec lui. Cet autre c’est l’enseignant, le moniteur,
le compagnon de cordée, celle ou celui en qui il va falloir
avoir confiance, qui va devoir assumer la responsabilité de
la sécurité du grimpeur, au regard de qui on va s’exposer,
mais dans une relation d’aide impulsée non seulement par
les exigences de sécurité, mais aussi par la position de recul
de l’assureur qui lui permet de voir, tout au long de la progression, ce qui peut ne pas être vu, perçu ou senti par le
grimpeur et lui restituer dans un dialogue coopératif.
EXPÉRIENCE, TRANSFORMATION ET CRÉATION PSYCHIQUE
PAR LA PRATIQUE
La pratique, par la mobilisation et les transformations
des processus émotionnels, cognitifs, sensoriels et moteurs
que les apprentissages permettent d’opérer, est susceptible
de générer des effets thérapeutiques. Leur saisie et leur
compréhension conduit à considérer les principes thérapeutiques qui prévalent dans le champ des thérapies comportementales et cognitives. Selon ces principes, certains troubles
mentaux résultent de formes d’apprentissages émotionnels
ou comportementaux inadaptés, alors que, dans d’autres
cas, c’est l’expression phénotypique finale d’une forme syndromique qui peut être modifiée par l’effet des processus
d’apprentissage (Périer, 2012), mais dans une situation de
pratique dont l’objectif premier n’est pas thérapeutique. Ce
sont donc des effets incidents, aléatoires et discrets, fonction de nombreuses variables dont la nature et l’intensité des
troubles de l’adolescent, ainsi que les modalités et le contexte
d’apprentissage. On ne peut cependant négliger ce potentiel mutatif pour l’adolescent et cela n’est pas limité, bien
entendu, à l’escalade mais s’étend à de nombreuses activités
physiques et sportives.
Mais il s’agit là d’un aspect de la vie mentale et de l’expérience corporelle. Qu’en est-il de la dimension psychique,
métapsychologique ?
Eric de Léséleuc et Lionel Raufast (2004) ont pensé
l’escalade comme un jeu de vertige, de créativité motrice et
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d’expérience intersubjective. Selon leur hypothèse, actions
et plaisirs dans l’escalade seraient soutenus par deux types
de fantasmes mettant en scène des expériences de vertige, des
fantasmes de « lâchage » et des fantasmes de « fusion ». Ces
fantasmes de « lâchage » me paraissent particulièrement intéressants pour notre propos. Ils permettent de rendre compte
de certains aspects de l’expérience psychique des adolescents
en général et des adolescents en souffrance en particulier,
dans et autour de la pratique. Ces auteurs conçoivent ces
fantasmes comme une production, issue de l’activation par
différentes situations de la pratique de l’escalade, du schème
d’individuation qui selon Didier Anzieu, permet de passer de
la relation fusionnelle avec l’objet primaire à un sentiment
d’existence singulière (Anzieu, 1996). Selon le terme consacré, il permet de se « séparer » psychiquement. Le vertige par
« lâchage » rejoint l’angoisse de chute, du débutant comme
du grimpeur plus confirmé, mise en actes dans l’activité fantasmatique du pratiquant, comme autant de scènes de chutesengloutissement dans le vide, qui peuvent évoquer la fragilité
des acquis du portage maternel. Ici, l’insécurité interne de
l’adolescent en souffrance acquiert une nouvelle forme, en
plongeant dans les racines de l’infantile…Toutefois, et c’est
là l’intérêt du modèle, si l’activation de certains fantasmes
de « lâchage » est génératrice d’angoisse, elle peut être
aussi génératrice de plaisir. Cela rejoint la description par
Danielle Quinidoz (1994) du « frisson », cet octroi parfaitement maîtrisé d’une dose de lâchage au contact de l’objet
désiré (la paroi). Ce vertige par « lâchage » suivrait donc un
continuum dans les affects ressentis entre déplaisir et plaisir,
selon une logique de répétition ou de créativité de l’activité
fantasmatique du pratiquant.
Trois expériences, dans la pratique, prennent alors une
importance centrale dans une perspective thérapeutique :
1/ l’expérience du déséquilibre dans la poussée entre les
phases d’équilibration (prémisse à l’élaboration, puis l’activation du fantasme de vertige par lâchage) ; 2/ l’expérience
d’engagement dans la poursuite du mouvement à partir d’une
situation de blocage dans la paroi, réelle ou pressentie (qui
origine à la fois une possibilité d’évolution de la nature et
de l’intensité des affects associés à l’activation du fantasme
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de lâchage, et une possibilité d’évolution des rapports entre
l’activation du fantasme et l’organisation de la motricité) ;
3/ l’expérience du lien et de « l’accordage » entre grimpeur et
assureur ouvrant à une forme d’intersubjectivité qui régule
la dialectique de la dépendance et de l’indépendance au travers de la pratique escalade.
En outre, l’articulation entre fantasme et plaisir peut
être trouvée dans le statut économique propre à la sexualité
infantile. Si l’on veut bien considérer l’activité fantasmatique comme propriété de l’imaginaire, qui traite après coup
les expériences vécues, comme celles qui ont accompagné
les conduites d’attachement primaire génétiquement déterminées (Widlöcher, 2000). Si l’on accepte de penser la sexualité infantile comme relevant de la pure subjectivité, propre
précisément à l’activité fantasmatique, alors les expériences
sont traitées sur le mode de l’illusion pour devenir, dans le
registre inconscient, des « hallucinations d’action ». En ce
sens, toute expérience réelle peut servir de matière à une
reconstruction autoérotique, qu’elle soit motrice, sensorielle, mentale, etc. L’économie du plaisir ne coïncide pas
avec une différenciation plaisir physique/plaisir psychique
puisque l’activation du fantasme, qui satisfait la tendance,
et la possibilité d’une décharge se lient aussi bien dans le
registre du somatique que du psychique (Widlöcher, 1971).
Un tel point de vue nécessite quelques précisions, car il se
différencie de la conception freudienne des Trois essais selon
laquelle la fonction de l’autoérotisme est une conséquence du
narcissisme primaire de la libido. Il se différencie également
des modèles de Michael Balint (1965) ou John Bowlby (1969),
pour qui l’attachement est la source des fantasmes sexuels
et conduit de façon secondaire à l’intériorisation de l’objet.
Daniel Widlöcher (2000) propose donc une voie intermédiaire dépassant l’irréductibilité des points de vue de Freud
et Balint, dans laquelle amour de l’objet et autoérotisme
coexistent tout au long de l’enfance. Dans cette modélisation
théorique, le fantasme n’est pas le produit de la sexualité
infantile, mais il la construit en tant que processus de l’activité psychique. L’autoérotisme s’y définit comme un produit
de l’imaginaire et non comme un stade de développement,
prélude à ses constructions. La sexualité infantile apparaît
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alors comme la reprise hallucinatoire d’une expérience physique et relationnelle de plaisir, trouvant à l’origine sa satisfaction selon une modalité autre.
Que les bouleversements pubertaires propulsent l’adolescent dans la sexualité génitale n’enlève donc pas l’inscription de la sexualité infantile dans son psychisme, comme
dans celui de l’adulte, sous forme d’une source permanente
de désir et de créativité. A contrario, les défauts de mentalisation, de symbolisation, traduiraient la pauvreté de la créativité, renvoyant à la sexualité infantile et aux difficultés,
ruptures, dans la capacité d’autoérotisme psychique.
MISE EN ŒUVRE DANS UNE VISÉE DE MÉDIATION
Les modèles psychanalytiques mettent en perspective
l’intérêt thérapeutique des pratiques corporelles en définissant le sens et les conditions de mise en œuvre de formes
de médiation. Toute médiation interpose et rétablit un lien
entre la violence pulsionnelle et une figuration qui ouvre la
voie vers la parole et vers l’échange symbolique. C’est là le
premier principe fondamental. En outre, les transformations
en jeu impliquent conjointement l’espace intrapsychique et
l’espace intersubjectif. Une médiation marque toujours un
« entre deux », c’est-à-dire un espace originaire questionnant la place de l’adolescent entre deux termes, dont père
et mère constituent un exemple fondamental. Une médiation
s’inscrit dans un questionnement sur les limites, les frontières, démarcations et passages. Une médiation s’oppose à
l’immédiateté de l’acte, de la pulsion. Ce sont les six principes décrits par René Kaës (2004).
La médiation génère un espace tiers entre différents
espaces et scande un développement temporel fait de mouvements et de passages, de continuités et de discontinuités. Dans
le même temps, elle organise espace et décours temporel de
sorte que l’adolescent puisse explorer sans s’y perdre, les
espaces internes et externes, l’espace personnel et l’espace
partagé.
Si ces dimensions peuvent spécifier les caractéristiques
d’un support de médiation comme l’escalade quant aux
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modalités d’expériences à vivre, selon un cadre spatiotemporel et relationnel défini, c’est parce que ces dimensions opèrent dans la vie psychique de l’adolescent et que
leurs défaillances sont observables dans l’organisation et le
fonctionnement psychopathologique. La fonction thérapeutique a, dès lors, partie liée avec la capacité de l’expérience
corporelle et relationnelle, située dans son cadre, d’induire
des formes d’associativité dans l’activité psychique et de
stimuler, à partir de cette associativité, une élaboration et
une communication par le langage verbal. La présence d’un
spécialiste de l’activité, centré sur les aspects didactiques
liés aux apprentissages de bases nécessaires au contrôle du
risque objectif, ainsi que sur les apprentissages moteurs et
techniques, et conjointement d’un soignant observateur distancié ou participant à la pratique, est motrice de l’effet de
transformation psychique attendu. La relation aux adultes
encadrant l’activité est nourrie des mouvements transférocontre-transférentiels, mettant en jeu les aspects de la vie
psychique inconsciente des protagonistes. Elle conduit de
façon dominante à stimuler, chez l’adolescent, une activité
d’élaboration et de mise en parole de l’expérience corporelle, des sensations, du vécu émotionnel.
La fonction médiatrice et thérapeutique tient donc pour
une grande part à la capacité du soignant de prolonger et
d’élargir l’activité associative et la mise en parole de l’adolescent, entre expérience intime singulière et interpersonnelle, ouvrant aux effets d’après coup et à la perlaboration
(Gutton, 2010).
Chloé et le risque de la dépendance
Chloé est une adolescente de 14 ans. Elle souffre d’une
anorexie restrictive sévère qui a conduit à une hospitalisation
dans le service depuis quatre mois. La reprise de poids rend
désormais l’activité physique envisageable. Une position thérapeutique habituelle consisterait à préconiser une activité
physique « douce » de faible coût énergétique. Cependant,
en concertation avec l’endocrinologue et le psychiatre la
prenant en charge, nous choisissons de lui proposer l’escalade qu’elle attend avec impatience. L’objectif thérapeutique
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premier est le suivant : lui apprendre à réguler l’intensité de
son effort en la confrontant à une activité physique certes
coûteuse au plan énergétique, mais dans laquelle le principe
d’économie, d’efficience motrice est la condition des progrès.
Dit autrement, il s’agit de lui permettre de déplacer le plaisir
de la dépense énergétique vers l’économie de la dépense en
l’aidant à porter son attention sur la qualité des sensations
d’équilibre, de poussée, de transfert d’appuis, etc.
Chloé veut grimper, vite, très vite, tout de suite. Dans
l’activité comme dans la vie, Chloé ne supporte pas la dépendance. La dépendance à ses parents a été vécue, enfant, dans
la douleur de leurs absences, longues et fréquentes pour raisons professionnelles. Mais pour elle, nulle douleur avouable,
juste le souvenir froid de l’absence et l’affirmation d’indépendance : « Je me suis toujours débrouillée toute seule ! » Telle
la chèvre de Mr Seguin, Chloé se veut une jeune fille indépendante, qui trouve sa corde trop courte et n’en supporte pas la
tension… C’est d’ailleurs la plainte en escalade. Elle n’aime
pas cette corde qui tire. On a la nette impression qu’elle s’en
passerait bien ! Nulle appréhension de la hauteur évidente,
nulle peur de la chute chez Chloé, juste l’agacement perceptible de ce qui pourrait gêner sa progression ou l’empêcher
et qui vient d’autrui, de sa camarade de cordée qui a du mal
à suivre son escalade tonique et rapide. Le lien à l’assureur
l’agace, et c’est bien du côté de la dépendance que se situe
le risque, un risque ici interne. La stratégie didactique et
thérapeutique pour Chloé a consisté à lui faire vivre, dans
un premier temps, la dépendance en « inversé », c’est-à-dire
l’importance de son assurage pour une camarade de cordée à
l’aise au niveau moteur mais anxieuse. Si les cinq premières
séances se sont passées dans la frustration de l’effort et de
la dépense énergétique contrariée par son rôle d’assureur
et la progression plus lente de sa camarade, le lien qui s’est
construit entre les deux adolescentes, les progrès de sa partenaire et la diminution de son anxiété grâce à la confiance
placée en elle, ont permis d’engager une transformation. Le
plaisir d’assurer est apparu chez Chloé avec une attention
très importante à sa partenaire, conseils et encouragements.
Ce rôle de soutien et de guidance a contribué à aider à l’intériorisation par Chloé de consignes permettant d’ouvrir le
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Se risquer à deux
Antoine Périer
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plaisir (c’était le premier objectif évoqué) à l’équilibre, l’économie du mouvement, au temps de l’observation de la paroi,
de l’anticipation des mouvements. Dans un deuxième temps,
l’expérience de voies plus engagées, avec le risque de chutes
contrôlées mais réelles, lui a permis non seulement d’accepter l’assurage mais de s’en servir, c’est-à-dire d’exprimer à
son assureur ses souhaits et besoins (assurage « sec », corde
très tendue ou plus lâche).
Au fil de trois mois de pratique, Chloé a ainsi pu faire,
dans le cadre de cette médiation, l’expérience de l’importance du lien à l’autre comme condition nécessaire de sa propre évolution dans l’activité. Expérience certes spécifique
à ce contexte de pratique mais dans lequel application des
consignes, découverte de nouveaux pouvoirs d’agir, construction d’un lien privilégié à deux sont venus rencontrer
et infléchir les émergences phantasmatiques de sa réalité
psychique autour de la question de la dépendance et de ses
risques.
POUR CONCLURE
Dès que l’apprentissage des techniques de sécurité permet
aux adolescents, comme à tout pratiquant, de contrôler dans
un environnement sécurisé (mur équipé, matériel adapté)
le risque objectif lié à la pratique (hauteur-chute), alors les
apprentissages techniques vont s’organiser sur la base d’une
expérience subjective centrale dans la pratique de cette activité sportive : gérer dans l’action perceptive, motrice et décisionnelle, un risque subjectif en l’absence de risque objectif.
L’exigence permanente de sécurité, nécessaire pour maintenir dans le même rapport cette balance des risques, crée la
nécessité d’une interaction duelle avec réciprocité des rôles
qui, à partir d’une communication verbale, va évoluer vers
une véritable relation intersubjective de coopération avec
lecture des comportements du partenaire, anticipations,
accordages, synchronisation des actions des partenaires et
mouvements empathiques. Par ses spécificités, l’escalade est
l’occasion de revisiter dans un contexte particulier, où le lien
à l’autre est à la fois proche par nécessité et distant (médié
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par la corde), la qualité ou les fragilités des bases d’attachement, la réorganisation de la conscience de soi, les assises
identitaires, la qualité du lien à l’autre, le rapport personnel
à sa propre maîtrise ou non-maitrise motrice mais aussi affective et émotionnelle. Ces aspects et leur mobilisation dans les
situations d’apprentissage font de la pratique de l’escalade
un vecteur potentiel de transformations et de changements
à portée thérapeutique. En outre, inscrite dans un dispositif
de médiation définissant un cadre qui précise un temps, une
fréquence, un lieu, un groupe, un enseignant, des soignants,
des modalités d’accueil et de déroulement de l’activité,
un temps hebdomadaire de synthèse, la pratique devient
un support de co-construction et de co-associativité. Si la
pratique stimule la reprise par l’imaginaire des expériences
vécues, le cadre incite à la mise mots et stimule la production
« d’effets de langage ». Il permet d’assurer en outre le recueil
du matériel des séances, l’élaboration et l’émergence de sens
au travers de propositions interprétatives. Le matériel privilégié est ici constitué des comportements et actes moteurs,
des attitudes, des ressentis et des discours qu’ils suscitent
chez l’adolescent. Ce matériel représente l’expression possible, dans l’activité, d’expériences psychiques internes
entre angoisse et plaisir, ainsi que d’attitudes et modalités de
relations interpersonnelles, elles-mêmes expression de mouvements transférentiels et contre-transférentiels auxquels
il faut tenter de donner du sens. Dans ces conditions et ce
cadre de pratique, créativité motrice et créativité psychique
de l’adolescent évoluent conjointement.
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Antoine Périer
Maison des Adolescents
Hôpital Cochin
97, boulevard de Port Royal
75679 Paris Cedex 14
antoine.perier@cch.aphp.fr
Automne 2014
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