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L’approche phraséologique du roman médiéval :
une voie de caractérisation générique ?
Corinne Denoyelle1 et Julie Sorba2&1 1
1
2
Litt&Arts UMR 5316, CNRS & Université Grenoble Alpes, France
LIDILEM, Université Grenoble Alpes, France
Résumé. Notre étude s’inscrit dans le cadre de la phraséologie étendue au
service de la caractérisation du genre romanesque médiéval (XIIIe siècle).
Nous montrons que quatre constructions bâties autour du verbe doner se
comportent comme des unités phraséologiques structurant le texte
(nommées motif) par leur fonction discursive.
Abstract. Phraseological approach to characterize Medieval romances
as a genre. Our study deals with the extended phraseology to characterize
Medieval romances (XIIIth century) as a genre. We show that 4 constructions
with the Old French verb doner are used as phraseological units structuring
the text (or motif) by their discursive function.
1 Introduction
La présente étude s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet en linguistique outillée dont
l’objectif est de montrer comment les unités phraséologiques caractérisent les genres textuels
et permettent de les distinguer les uns des autres. Partant de l’hypothèse que la langue
littéraire se caractérise par la surreprésentation statistiquement significative de
phraséologismes (Siepmann 2015 & 2016), nous proposons ici d’explorer le cas du genre
romanesque médiéval au XIIIe sièclei. Nous présenterons tout d’abord notre cadre théorique
et l’approche méthodologique utilisée pour le traitement de nos corpus (section 2). Nous
poursuivrons par l’étude de plusieurs séquences lexicales phraséologiques construites autour
du verbe doner en mettant au jour leur fonctionnement linguistique (section 3) et leur rôle
dans la structuration du texte en séquences discursives (section 4).
2 Cadre théorique et démarche méthodologique
Notre étude s’inscrit dans le cadre des recherches actuelles en phraséologie étendue qui
mettent en lien les niveaux local et global.
2.1 Phraséologie et genres textuels
1
Corresponding author: julie.sorba@univ-grenoble-alpes.fr
© The Authors, published by EDP Sciences. This is an open access article distributed under the terms of the Creative
Commons Attribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).
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Notre recherche articule observations micro- et macro-textuelles. En effet, sur le plan local,
nous définissons la phraséologie, à la suite de Grossmann, Mejri & Sfar (2017, 7) comme
« la congruence à la fois syntaxique et sémantique qui lie les unités lexicales entre elles pour
donner lieu à des unités polylexicales qui se distinguent par une fixité d’emploi conditionnant
leur fonctionnement interne et leur combinatoire externe ». Ce phénomène rend compte de
ce que Sinclair nomme « the principle of idiom » (1991, 110). De plus, dans la lignée de
Viprey (2006), nous considérons la cooccurrence comme un aspect central de la textualité.
La tendance qui se dessine désormais est d’étendre le domaine de la phraséologie
initialement cantonnée au syntagme et à la phrase vers la linguistique du discours et l’étude
des textes (le plan global). Comme le soulignent Legallois & Tutin (2013, 3), « la
phraséologie intègre désormais des objets d’étude très variés, allant des collocations aux
séquences discursives en passant par la parémiologie, ou encore, les schémas syntaxiques. ».
Cette conception étendue de la phraséologie ne considère plus ses objets comme des
phénomènes marginaux mais bien centraux dans les modèles linguistiques qui postulent un
principe phraséologique de la langue. Des études, inscrites dans un cadre fonctionnaliste, ont
ainsi montré comment les phénomènes phraséologiques sont intimement liés à l’organisation
du discours (voir par exemple, Novakova & Sorba 2014, 2018 dans un corpus journalistique ;
Stubbs 2014 dans un corpus romanesque ; Leblanc 2016 dans des discours politiques).
Pour sa part, Hoey propose un point de vue radical sur le lexique en considérant que
l’emploi d’un mot est amorcé par ses emplois antérieurs et que la contrainte du genre y
occupe une place primordiale (2005, 13). En effet, l’appartenance d’un texte à un genre
conditionne les variations lexicales, morphosyntaxiques et discursives qui s’y trouvent en
comparaison avec d’autres genres (voir par exemple, Malrieu & Rastier 2001 ; Stubbs &
Barth, 2003). Le genre est alors conçu comme « une détermination du sens (un actualisateur
du signe linguistique) » (Bouquet 2004, 7) et un « cadre » (Adam 2011, 17), responsable
d’opérations descendantes de sélection et d’agencement de différentes unités linguistiques.
Dans le cas de la littérature médiévale, la question du genre est complexe. En effet, les
distinctions génériques des auteurs du Moyen Âge sont confuses, souvent incohérentes ou
embryonnaires. La plus célèbre d’entre elles, le classement que fait Jean Bodel au début de
La Chanson des Saisnes (v. 6-12) des trois matières dont sont faits les textes (matière de
France, matière de Bretagne, matière de Rome), regroupe des objets (chansons de geste,
romans antiques, romans arthuriens) dont les statuts sont très différents. Comment s’y
retrouver entre lais, dits, fables, contes, ou romans et histoires qui, selon les manuscrits,
désignent indifféremment les mêmes textes ? La plupart de nos catégorisations modernes
aboutissent à des distinctions perméables peinant à classer une multitude de textes que nous
qualifions d’hybrides, de parodiques, d’intermédiaires tant ils ont du mal à entrer dans des
catégories construites a posteriori. Devons-nous toutefois nous limiter au constat d’échec
dressé par Zumthor (1972, 157) : « Les hommes du Moyen Âge eurent-ils l’idée ou le
sentiment que les textes poétiques se rangeaient en ensemble générique ? Ils possédèrent un
vocabulaire ‘littéraire’ fait de bric et de broc et d’usage assez banal que l’absence de toute
réflexion théorique sur la poésie empêcha sans doute de prendre consistance. ». Si la tentation
est forte de renoncer à catégoriser les textes, une approche stylistique et contrastive dans
laquelle nous situons notre recherche phraséologique permet peut-être d’aborder la question
sous un autre angle. Notre question de recherche s’inscrit donc dans cette problématique
définitoire : l’entrée phraséologique pourrait-elle nous permettre de contribuer efficacement
à caractériser les genres médiévaux ? Notre objectif méthodologique, à long terme, est de
renforcer notre approche contrastive en intégrant au corpus retenu ici des textes relevant
d’autres genres médiévaux (chroniques, chansons de geste, vie de saints etc.).
Actuellement, la caractérisation des genres textuels par la phraséologie est un domaine de
recherche en plein essor. Depuis quelques années, la notion de « motif » a été introduite pour
désigner une unité phraséologique structurant la texture discursive. Initialement conçu
comme « un cadre accueillant un ensemble de paramètres à définir et susceptibles de
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caractériser les divers textes d’un corpus » (Longrée, Luong & Mellet 2008, 735), le motif
est devenu « une unité phraséologique englobante » permettant de mettre en évidence des
spécificités textuelles (Longrée & Mellet 2013). Des travaux portant sur le roman
contemporain ont montré la pertinence de cette approche pour la caractérisation des sousgenres romanesques (voir, par exemple, Legallois, Charnois & Poibeau 2016 sur le roman
sentimental ; Sorba et al. 2020 sur la littérature générale ; Gonon & Sorba 2020 sur le roman
historique). Nous souhaitons donc tester son apport à la classification des romans médiévaux.
2.2 Présentation du corpus et des méthodes de fouille
Pour cette étude, notre corpus se compose, pour un total de plus de 900 000 tokens, de
romans, en vers ou en prose, datés de la fin du XIIe siècle et du XIIIe siècle (voir tableau 1)ii.
Tableau 1. Le corpus des romans médiévaux.
Roman en prose
Nb de tokens
Roman en vers
Nb de tokens
Lancelot T1&T2 (éd. Micha)
263 868
Yvain, le Chevalier
au lion
41 702
Tristan T1&T3 (éd. Curtis)
254 419
Jehan et Blonde
42 944
Artus de Bretagne
215 804
Roman de Silence
18 534
Merlin (extrait)
32 221
Tristan (Béroul)
27 052
Aucassin et Nicolette (prose/vers)
9 946
Dans le cadre général de notre projet, nous procédons au traitement des textes en deux
étapes. Tout d’abord, ils sont lemmatisés grâce à l’outil LGeRM (Souvay & Pierrel 2009)iii.
À l’issue de cette opération et après plusieurs interventions pour désambiguïser certaines
formes, nous disposons d’un texte directement interrogeable dans l’interface LGeRM à partir
du concordancier. Le travail consiste ensuite à entrainer un parseur pour l’annotation
syntaxique en dépendances de ce corpus ainsi lemmatisé en vue de son intégration dans le
Lexicoscope, un outil d’extraction des séquences phraséologiques basé sur des corpus
arborés (Kraif 2016)iv. La figure 1 présente le lexicogramme du verbe doner, extrait par le
Lexicoscope sur le corpus SRCMF (voir note ii), c’est-à-dire ses associations statistiquement
significatives. À côté des pronoms, les deux noms dieu et conseil apparaissent spécifiques.
À terme, l’outil pourra extraire ces données sur l’ensemble de notre corpus.
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Fig. 1. Lexicogramme du verbe doner.
Les opérations étant menées de front pour faire avancer notre démarche expérimentale,
nous présenterons dans l’étude qui suit des données issues de l’interrogation de ces deux
interfaces (Lexicoscope pour Yvain, Tristan (Béroul) et Aucassin et Nicolette ; LGeRM pour
les autres textes).
2.3 Choix de la lexie doner
Lors d’une première étude exploratoire dans le tome 1 du Lancelot et le tome 3 du Tristan en
prose (Denoyelle & Sorba 2019), nous avions repéré la récurrence de certaines associations
lexicales autour du verbe doner pour des séquences de dialogue (par ex., la construction Diex
doint, ex.1) ou pour des séquences de récit (par ex., la construction doner cop, ex.2).
1) « Demoisele, se Diex vos doint bone aventure, dites moi qui li chevaliers est que vos alez si
durement loant. » (Tristan, § 738). [« Mademoiselle, si Dieu vous donne une bonne vie, ditesmoi qui est le chevalier dont vous faites un tel éloge. »v]
2) [li chevaliers] commence a guenchir as cops que Lancelos li done (Lancelot T1, VIII.40). [Le
chevalier commence à faiblir sous les coups que Lancelot lui donne.]
En français contemporain, le verbe donner est un verbe à haute fréquence employé au
sein de nombreuses unités phraséologiques. Selon Cavalla & Sorba (2018), cinq traits
sémantiques se dégagent (/interaction/, /mouvement/, /centrifuge/, /ponctuel/, /transmission/)
véhiculant l’idée d’« un mouvement vers autrui qui établit un lien visant à transmettre un
objet (concret ou abstrait). » (p.133). Ce noyau sémantique est aussi celui du verbe doner en
français médiéval selon la traduction du dictionnaire Godefroy (doner donner, v.).
Par ailleurs, donner appartient également à la catégorie de ce que l’on appelle, depuis
Harris (voir sur ce point M. Gross 1998), des verbes supports (Vsup) : « Dans les
constructions à V support, c’est le substantif en position formelle de “complément” qui est le
prédicat de la phrase, tandis que le verbe qui le précède est, en fait, son verbe support, c’està-dire son auxiliaire d’actualisation » (G. Gross 2012, 104). Notre contribution s’inscrit dans
la lignée des quelques travaux qui ont montré l’existence de cette catégorie de verbes en
français médiéval (Chaurand 1983 pour une étude dans les œuvres de Chrétien de Troyes ;
Marchello-Nizia 1996 pour une étude dans la Queste del Saint Graal). Elle s’appuie sur
l’analyse de quatre constructions du verbe doner présentées dans le tableau 2.
Tableau 2. Répartition des quatre constructions dans le corpus.
Doner + cop(s)
Doner + conseil
Doner + congié
Diex + doner
Lancelot T1&T2
57 occ.
9 occ.
2 occ.
28 occ.
Tristan T1&T3
53 occ.
8 occ.
6 occ.
46 occ.
Artus de Bretagne
7 occ.
1 occ.
12 occ.
35 occ.
0
0
1 occ.
2 occ.
0
1 occ.
0
2 occ.
Yvain
5 occ.
1 occ.
0
15 occ.
Jehan et Blonde
3 occ.
0
2 occ.
7 occ.
Roman de Silence
2 occ.
2 occ.
0
16 occ.
Tristan (Béroul)
1 occ.
6 occ.
1 occ.
5 occ.
Total
128 occ.
28 occ.
24 occ.
162 occ.
Merlin (prose)
(extrait)
Aucassin et
Nicolette
4
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Les constructions doner + cop et Diex + doner sont beaucoup plus fréquentes dans notre
corpus (respectivement 128 occ. et 162 occ.) que les deux autres doner + conseil et doner +
congié (respectivement 28 occ. et 24 occ.). Malgré cette différence, nous avons choisi ces
quatre constructions pour deux raisons. Tout d’abord, elles sont toutes considérées comme
des « formules » c’est-à-dire des expressions stéréotypées, caractérisées par un noyau
lexématique, qui actualisent un cliché rhétorique (Martin 1992, 323) et s’organisent en
séquences discursives typiques. Ensuite, Diex + doner qui possède un patron syntaxique (N
sujet + V) différent des trois autres (V + N complément) présente un caractère fortement
idiomatique comme le soulignent les Manières de langage, ces manuels d’apprentissage du
français écrits au XIVe siècle en Angleterre, qui en font la forme de salutation recommandée.
Notre objectif est de déterminer si ces constructions sont des « unités phraséologiques
englobantes », les motifs, qui jouent un rôle dans la structuration textuelle afin de tester
l’apport de la notion de motif à la classification des romans médiévaux. C’est pourquoi nous
décrirons d’abord les variations syntagmatiques et paradigmatiques de ces quatre
constructions (section 3) avant de montrer leur fonctionnement discursif (section 4).
3 Étude des variations paradigmatiques et syntagmatiques
3.1 Les variations paradigmatiques
Nous analysons ici les variations paradigmatiques portant sur le noyau de ces constructions :
le verbe (doner) et son nom complément (cop, conseil, congié) ou son nom sujet (Diex).
3.1.1 Les variations paradigmatiques du verbe doner
La variation des temps verbaux est le premier paramètre mesuré. La structure doner + cop
manifeste une très nette prédilection pour le temps présent dans notre corpus (76/128 occ,
60%, ex.2), très largement en tête devant les temps du passé (23/128 occ., 18%, ex.9) ; même
l’infinitif doner (17/128 occ., 17%) est essentiellement introduit par un verbe au présent (set,
s’efforce de, puet, comence à etc.). Aucun futur n’est attesté. Dans Diex + doner, le verbe est
exclusivement au subjonctif, en général au présent (voir ex.1) sauf s’il se trouve dans un
discours indirect dépendant d’un verbe de parole au passé. Dans ce cas, la concordance des
temps opère la transposition syntaxique régulière.
De son côté, doner + conseil se comporte différemment dans la mesure où les temps
verbaux sont plus équitablement répartis avec une petite préférence pour le futur (8/28,
28,5%, ex.7), juste devant le présent (6/28, 21%, ex.8) et le passé (4/28, 14%). Un tiers des
occurrences du verbe dans cette construction (9/28 occ., 32%) se réalise sous la forme
infinitive complément d’un autre verbe (oser, savoir) ou d’un semi-auxiliaire (pouvoir,
devoir) introduisant ainsi plus fréquemment une considération aspectuelle ou modale. De
même, les temps verbaux employés pour doner + congié sont assez variés avec une
prédilection pour le passé simple (9/24 occ., 37,5%, ex. 27), pour le présent de l’indicatif à
valeur narrative (5/24 occ., 21%) ou de l’impératif (3 occ., 12,5%).
Dans un second temps, nous avons observé si le verbe doner pouvait commuter avec
d’autres verbes du même paradigme dans un patron plus large du type V + cop/conseil/congié
et Diex + V. Pour doner + cop, nous avons relevé 206 occurrences d’un patron de ce type
dans notre corpus. Le verbe doner peut commuter avec l’un de ses composés s’entredoner
(25 occ., ex.3) et redoner (2 occ.) et avec le verbe geter (21 occ.) mais c’est ferir (88 occ.,
ex.4) et ses composés (s’entreferir 11 occ. et referir 3 occ.) que l’on retrouve le plus
fréquemment en concurrence avec doner dans ce patron :
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3) si s’entredonent sor les escus tels cops que les lances esclatent (Lancelot 2, LIII, 32). [Ils se
donnent réciproquement sur leurs boucliers des coups si violents que leurs lances éclatent.]
4) et fiert le roy Jonas par les espaulles si grant coup qu’il le coucha tout plat a terre (Artus, §455).
[Et il frappe le roi Jonas sur les épaules en un coup si violent qu’il le jeta à plat par terre.]
L’exemple 3 témoigne d’un emploi plutôt régulier du verbe s’entredoner précédé de si après
une ponctuation forte (60%, 15/25 occ.). Dans l’exemple 4, le verbe ferir est au présent, le
temps le plus usité dans ce patron (64/81 occ. pour le verbe simple et ses composés, 79%), à
l’instar de doner. D’autres verbes entrent dans ce paradigme de manière plus marginale
comme atendre, recevoir, sostenir, soffrir, rendre, paier, douter, guenchir, torner, bouter,
enteser mais sont plus éloignés sur le plan sémantique de doner.
La construction doner + conseil repose également sur un patron dans lequel le verbe
connait des variations paradigmatiques importantes. Sur les 139 occurrences de ce patron V
+ conseil relevées dans notre corpus, ce sont les verbes supports metre (50/139 occ., 36%,
ex. 5) et prendre (25/139 occ., 18%, ex.6) qui commutent le plus fréquemment avec doner :
5) « Et je vos di que je i metrai tot le conseil que le cors d’un sol chevalier i porra. » (Tristan 1,
§83). [« Et je vous promets de vous donner tous les conseils qu’un chevalier tout seul pourra
vous prodiguer. »]
6) Si lor fu bien avis il avoit fait le roi Moine ocirre : si pristrent consoil li dui prodome qui les
enfanz gardoient et distrent… (Merlin prose, 18, 25). [Ils comprirent qu’il avait fait assassiner
le roi Moine. Les deux braves hommes qui gardaient les enfants se concertèrent et dirent…]
Les deux exemples témoignent de la même répartition équilibrée des temps verbaux que pour
doner + conseil, les 3 temps passé (ex.6), présent et futur (ex.5) se rencontrant. D’autres
verbes entrent dans ce paradigme de manière plus marginale (dire, demander, croire, querir,
trover, avoir, oïr, entendre, recevoir, envoyer, prometre, louer) mais sont sémantiquement
plus éloignés de doner.
La construction Diex + doner alterne avec d’autres formulations votives au subjonctif
présent du type : Diex saut le roi Artu et sa compaignie (Lancelot 1, III, 2) [« Que Dieu sauve
le roi Arthur et sa cour »] ; dist que ausi l’en envoit Diex honor (Lancelot 1, III, 25) [« Il
souhaita que Dieu lui envoyât aussi de l’honneur »] ; Diex te croisse bonté et honneur, (Artus
de Bretagne, §155) [« que Dieu accroisse ton bonheur et ton honneur »] ; Dex, ki te fist,
porgart ta vie ! (Roman de Silence, 2810) [« que Dieu, qui te fit, protège ta vie. »]. Le verbe
doner connait donc aussi une variation dans cette séquence lexicale en commutant avec des
verbes dont le sens peut être proche (envoyer) ou plus éloigné (sauver, garder).
Dans doner + congié, même si doner peut commuter avec octroier pour former une
expression synonyme, cette association demeure exceptionnelle dans notre corpus (1 occ.
Tristan 3, §779). Toutefois, octroier a un sémantisme plus large et est souvent employé avec
un autre complément (don, jouste, fame, jugement…) alors que doner + congié se restreint
au sens de « donner la permission » et plus particulièrement « permission de partir ». Congié
est aussi utilisé dans des combinaisons avec les verbes prendre (67,5%), demander (4,5%),
avoir (3%) et aussi dans les syntagmes prépositionnels sans le congié de (8,5%) ou par le
congié de (6%). Doner + congié correspond à 9% des emplois de congié.
3.1.2 Les variations paradigmatiques du nom
Nous poursuivons notre étude en analysant les variations syntagmatiques qui affectent le nom
dans chacune des quatre constructions. Le premier paramètre mesuré est celui de la variation
en nombre. Dans la séquence doner + cop, le nom apparait morphologiquement de manière
équivalente au singulier (63/128 occ., 49%) et au pluriel (60/128 occ., 47%), les cinq autres
occurrences apparaissant sous forme pronominale. Néanmoins, dans près de la moitié des
occurrences du singulier, cop/colp s’emploie au sens d’un pluriel quand il est précédé du
déterminant maint ou zéro (25 occ.). Dans les séquences doner + conseil et doner + congié,
le nom apparait quasi-exclusivement au singulier (26/28 occ. pour conseil et 24/24 occ. pour
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congié). Dans Diex + doner, le nom est exclusivement au singulier même dans les rares cas
où l’expression est dans la bouche de personnages non chrétiens.
Dans un second temps, nous avons observé si le nom pouvait commuter avec d’autres
noms du même paradigme sémantique dans un patron plus large du type doner + N et N +
doner. À propos de la séquence doner + cop, Chaurand (1983, 29-30) a montré que, dans les
œuvres de Chrétien du Troyes, on pouvait trouver « dix combinaisons comportant doner +
un terme impliquant un coup » (anpointe, bufe, colee, esperons, flat, frangiee, golee,
groiniee, hurtee, joee). Ce n’est pas le cas dans notre corpus : une seule occurrence de doner
del poing « donner [des coups de] poing. » dans Lancelot 1 (XXIV, 10), de doner des
esperons « piquer des éperons. » dans Lancelot 2 (XXXVI, 17) et deux de doner colee dans
Artus de Bretagne. Dans ce dernier cas, la séquence lexicale désigne tantôt un coup qui tue
l’adversaire (§269) tantôt le coup symbolique donné lors de l’adoubement (§388).
Chaurand (1983, 35-36) regroupe doner + congié et doner + conseil dans une même série
d’expressions ayant « un caractère institutionnel » : « Le procès indiqué se trouve en conformité
avec une coutume, entraîne ou suppose une contrepartie, ou a une valeur symbolique. » Les
autres noms rentrant dans cette combinaison relevés dans les œuvres de Chrétien de Troyes par
Chaurand sont desserte, doaire, erre, fame, ordene, prison, querone, soldee, trives. À part fame,
ces substantifs sont quasiment absents de notre corpus dans leur association avec le verbe doner.
À cette liste, nous proposons d’ajouter le nom jugement (Tristan 1, 8 occ.) qui fonctionne
comme conseil pour désigner un acte institutionnel plus ou moins officiel.
Dans Diex + doner, le nom est exceptionnellement modifié : Dieu est remplacé une fois
par Jésus-Christ (Silence, v. 2070) ; trois fois par Damediex (Lancelot et Silence), trois fois
par une périphrase : Li rois del monde (Jehan et Blonde, 4643) ; Li sires ki te fist et en tel
figure te mist (Silence, 2023-2024) et Cil qui fait son solel luisir (Silence, 5860). Ces
variations n’affectent que 4% des occurrences dans le corpus retenu.
Ainsi, nous observons peu de variations paradigmatiques sur les noms dans leur
combinaison avec le verbe doner dans ces quatre constructions qui se caractérisent par leur
stabilité (doner + cop privilégie sémantiquement le pluriel à l’inverse des 3 autres séquences ;
peu de commutation à l’intérieur du paradigme sémantique). En revanche, la variation
paradigmatique du verbe est nettement plus importante même si elle n’apparait pas dans les
mêmes proportions pour les quatre constructions (doner + conseil/congié ne privilégient pas
massivement un temps verbal contrairement à doner + cop et Diex + doner par exemple).
3.2 Les variations syntagmatiques
Dans cette section, nous analysons les variations syntagmatiques qui affectent le nom et le
verbe en étudiant les structures actancielles, la détermination et les expansions du nom.
3.2.1 Les structures actancielles
Ces quatre constructions possèdent une structure actancielle trivalente conformément à la
valence de doner : X (le donateur, Diex) donner Z (conseil, cop, congié) à Y (le donataire).
Dans le cas de doner + conseil, la structure actancielle est systématiquement actualisée
en surface de manière complète dans chaque énoncé à une exception près (ex.7) :
7) « Je vos en donrai le meillor conseil que je onques porrai doner. » (Lancelot 1, IV,3). [« Je
vous donnerai le meilleur conseil que je puisse jamais donner. »]
En effet, dans l’exemple 7, le donataire Y (vos) n’est pas répété dans la proposition relative
que je onques porrai doner. La présence d’un modifieur du verbe (onques ici) est plutôt rare
puisqu’on en trouve seulement dans deux autres occurrences (si hardiement « si bravement »,
par foi « par ma foi »). Leur rôle dans la variation syntagmatique est donc mineur.
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Les personnes verbales privilégiées pour actualiser le donateur X sont la P1 (10/ 28 occ,
36%, ex.7) et la P3 (9/28 occ., 32%, ex.8), les autres personnes P4-5-6 étant peu attestées,
voire pas du tout dans le cas de P2.
8) Li chevaliers entent bien que la roïne (X) li (Y) done bon consoil (Z) (Tristan 1, §189). [Le
chevalier se rend compte que la reine lui donne un bon conseil.]
Dans l’exemple 8, les propriétés syntaxiques sont représentatives de l’emploi privilégié de la
construction doner + conseil dans notre corpus : en phrase affirmative (26/28 occ.) et positive
(19/28 occ., 68%) avec le donateur X se réalisant essentiellement sous la forme d’un SN (la
roïne « la reine », li dus « le duc », Plenorius, tuit si home « tous ses hommes », nul force de
clergie « quelque érudition », nulz mires « quelque médecin »), plus rarement sous la forme
d’un syntagme pronominal (nus, autrui).
Pour sa part, la construction doner + cop s’actualise presque exclusivement à la troisième
personne (P3 : 113/128 occ., 90% et P6 : 12/128 occ., 9%) :
9) Messire Yvains (X) cop (Z) si puissant / Li (Y) dona que de sus la sele / A fet Kex la
torneboele. (Yvain, 2255-2256). [Monseigneur Yvain lui donna un coup si puissant qu’il fit
culbuter Keu de sa selle.]
10) Et mesire Gauvain (X) a tant soffert qu’il a s’alaine reprise, si cort sus al chevalier molt
viguerosement et li (Y) done grans cops (Z) de l’espee (X’) par mi le hialme (Y’). (Lancelot
2, LXVI, 26). [Et monseigneur Gauvain résiste tant qu’il reprend son souffle et court sur le
chevalier avec une grande vigueur et lui donne de grands coups d’épée sur le heaume.]
L’exemple 9 témoigne également de la tendance préférentielle de la séquence doner +
cop à apparaitre exclusivement dans des phrases affirmatives et positives. Le donateur X est
désigné assez souvent par un SN (25/128 occ., 20% : li quens « le comte », Lancelot, li tiers
« le troisième. », li autres « les autres », li/cist chevaliers « le/ce chevalier », Dodinials,
Lamorat) mais s’actualise préférentiellement sous la forme d’un syntagme pronominal (il,
cil, qui, celui qui). L’exemple 10 révèle un emploi plutôt fréquent de la structure doner + cop
avec un dédoublement des actants X et Y (42/128 occ., 33%) : le donateur (X) se dédouble
en surface sous la forme de (X’) désignant l’arme qui frappe et le donataire (Y) se dédouble
en surface sous la forme de (Y’) désignant la partie du corps frappée. Ces « prédicats réguliers
[…] sémantiquement complexes » (G. Gross 2012, 109), dont le schéma argumental
comprend quatre positions (X Y X’ Y’), sont ici mis au service de la narration.
Pour sa part, Diex + doner actualise majoritairement le schéma actanciel dans sa
complétude. Le donateur Dieu est toujours exprimé. Le donataire Y est majoritairement
désigné à la P2 (73,3%, ex.11) ; mais de manière significative (19% des cas), Y désigne le
locuteur lui-même ; enfin, parfois les souhaits sont adressés à un donataire P3 absent de la
situation d’énonciation (4%), ou ne sont pas du tout adressés (3.7%, ellipse de Y). Le
complément Z, l’objet du souhait, apparait dans la majorité des cas sous forme de syntagme
nominal, parfois sous forme de verbe à l’infinitif (10,5%) ou de subordonnées complétives
(7,4%). Les compléments nominaux sont des noms à polarité positive : noms d’affects, de
biens ou de qualités qui peuvent d’ailleurs se cumuler : la joie (18 occ., 11%, dont 12 sont
coordonnées à un autre élément, ex.11) ; l’honneur (15 occ., 9,3%), parfois accompagné
d’une expansion (grand honneur, l’honneur de la bataille) ; la santé (5 occ.) ; la grâce, le
pouvoir ; le cœur et le couragevi (4 occ.), le bien, la vie (2 occ.), la repentance, la droiture,
l’amour, le paradis, l’amendement, une joyeuse fin, le confort (« réconfort »), le gain, la paix,
la valeur, la bonté (1 occ. de chacun).
11) « Que Diex vos doinst hui honor et joie. » (Lancelot 2, XLV, 3). [« Que Dieu vous donne
aujourd’hui honneur et joie »]
En outre, on distingue une catégorie particulière où Z se réalise sous la forme d’un repère
temporel. En effet, le souhait peut porter sur un laps de temps positif : le bon jour (5 occ.) ou
la bonne nuit (5 occ.). Plus vague et plus fréquent (19 occ., 11,7%), la bone aventure sans
désigner une période précise, renvoie plus largement à un avenir positif (ex.12).
12) Il le salue et ele li dist que bone aventure li doinst Diex. (Lancelot 2, L, 5). [Il la salue et elle
lui dit que Dieu lui donne bonne vievii.]
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Ces compléments peuvent parfois recevoir quelques épithètes mélioratives (grant (5 occ.),
meillor) mais se concentrent essentiellement dans un seul roman, Artus de Bretagne. En
général, l’emphase est marquée par la coordination de deux éléments (24/162 occ. dont 10
dans Artus de Bretagne : 15%) plus que par l’ajout d’épithètes. Cette construction se réalise
de manière préférentielle avec des compléments à polarité positive, toutefois des
compléments négatifs sont aussi possibles : la bénédiction se fait alors malédiction (ex.13) :
13) « Ha, chevaliers, honte te doinst Diex ! » et s’eslaissent vers lui por lui ocirre. (Lancelot 2,
LVI, 7). [« Ha, chevalier, Dieu te fasse honte ! » et ils s’élancent vers lui pour le tuer.]
Cette association demeure rare et localisée : 6,8% des emplois de cette structure (11 occ.)
exprime une malédiction et sept d’entre elles se trouvent dans le seul Roman de Silence.
Enfin, du fait de sa nature votive, cette séquence apparait essentiellement dans des phrases
positives (2 occ. avec une forme négative : Lancelot 1, XXVI, 27 ; Aucassin, II, 21).
Pour finir, dans doner + congié, les variations syntagmatiques sont faibles. La
construction est toujours affirmative. Le sujet est à la troisième personne dans la majorité des
cas (15/24 occ., 62,5%), à la deuxième personne dans un tiers (8/24 occ.) et dans une seule
occurrence à la P1. La troisième personne se réalise essentiellement à la forme pronominale
(cil, il) mais on note toutefois 6 occurrences de li rois (25%).
14) Si couvint qu’il li donnaissent congié a moult grant paine. (Artus, §23). [Ils furent obligés de
lui donner la permission à contre cœur.]
Cet exemple témoigne de la structure actancielle la plus fréquente. On note ici un des rares
cas de compléments de manière qui peuvent accompagner le syntagme (volemtiers, bien).
3.2.2 La détermination et les expansions du nom
Le déterminant zéro étant d’usage courant en ancien français, nous observerons donc, dans
les quatre constructions, les autres formes de déterminant qui apparaissent. Dans le cas de
doner + conseil, 60% des occurrences (17/28 occ.) présentent un déterminant autre que zéro :
mes, nul, quel, cel/cesti/icest. En revanche, pour doner + cop, ce n’est le cas que de 38% des
occurrences mais la détermination est plus variée : à côté des déterminant défini le-les (23
occ.) et indéfini un (14 occ.), apparaissent les quantifieurs maint, sol, tant (de) et autre. Les
deux constructions Diex + doner et doner + congié ne connaissent aucune variation du
déterminant, les noms Diex et congié n’en étant pas pourvus.
Le second champ d’observation de la variation syntagmatique est celui des expansions
du nom. Le substantif conseil est pourvu d’une expansion dans 37% de ses emplois, qu’il
s’agisse d’un adjectif épithète (bon 5 occ. et meillor 2 occ., ex.7 et 8) ou d’une proposition
relative (3 occ. ex.7). La prédilection de l’unité doner + conseil pour les énoncés à polarité
positive se rencontre ici encore : les expansions tout comme le type de phrase privilégié
englobent cette unité dans une isotopie caractéristique.
Dans doner + congié, le substantif reçoit une expansion soit sous la forme d’un pronom
adverbial anaphorique (37,5%) : Lors l’en donerent congié (Merlin, 12, 29) [« Ils lui en
donnèrent la permission »] ; soit sous la forme du groupe de + infinitif (21%) : je vous pri
que vous li donnéz congié d’estre chevaliers avecques Artus son cousin. (Artus de Bretagne,
§14) [« je vous prie que vous lui donniez la permission d’être fait chevalier en même temps
qu’Artus son cousin »] ; soit enfin sous la forme d’une subordonnée complétive (12,5%) : Si
donna congié a son ost que chascun s’en retournast a son hostel. (Artus, §460) [« Et il
donna la permission à son armée que chacun rentre à sa demeure. »].
La situation est nettement différente pour le substantif cop car ce sont 77% de ses
occurrences (97/126) qui sont pourvues d’une expansion. Celle-ci se réalise sous la forme le
plus souvent d’un adjectif épithète (74 occ. grant, greignor, gros, haut, puissant, pesant,
grandismes, dur, meillor, mortel, ex.15), parfois d’un complément du nom (4 occ., de l’espee,
de chevalier, d’enfant, ex.16) et du corrélatif tel (14 occ.).
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15) Et cil let corre a lui, si li done si grant cop que ses glaives peçoie sor son escu (Lancelot 2,
XXXVIII, 15). [Et ce dernier s’élance sur lui et lui donne un coup tel que sa lance se brise en
pièces sur son bouclier.]
16) « Ce n’est mie cop d’enfant que cist chevaliers m’a doné ! » (Tristan 3, §717). [« Ce chevalier
ne m’a pas donné un coup de petit garçon ! »]
Les deux exemples 15 et 16 illustrent la tendance très nette de l’unité doner + cop à apparaitre
dans des énoncés à forte valeur intensive (structure consécutive si…que… en 14 et figure
d’hyperbole en 15), déjà constatée plus haut avec l’emploi des déterminants quantifieurs.
Dans Diex + doner, le nom reçoit rarement une expansion (5% des occ.). On dénombre
une relative : Diex qui tout forma (Artus, 6 occ.) et cil Diex qui fist le mont (Béroul) et une
épithète (Diex l’esperitables [« Le Père spirituel »]), Aucassin, XXXVII,14).
Sur le plan syntagmatique, les quatre séquences varient dans des proportions différentes.
Ainsi, le déterminant varie beaucoup dans doner + conseil et pas du tout dans Diex + doner
et doner + congié. De même, doner + cop apparait majoritairement pourvue d’une expansion
tandis que ce procédé est moins fréquent pour les trois autres. Enfin, chaque construction
privilégie une personne verbale spécifique. Dans cette section 3, nos observations permettent
de montrer que les constructions varient toutes mais de manière différente : la construction
doner + cop est très sujette à variation avec ses expansions tandis que Diex + doner varie
essentiellement sur le complément Z et que doner + conseil/congié varient sur la
détermination et les temps verbaux.
4 Le rôle discursif des quatre séquences
L’objectif de cette partie est de montrer comment le texte médiéval se forme en scénarios
discursifs à partir de ces formules qui ne renvoient toutefois pas au même fonctionnement
discursif. Nous observerons successivement ces quatre expressions en partant de celles qui
se situent dans les paroles de personnages pour terminer sur celles qui sont dans le récit.
4.1. Fonction phatique et assertive dans une séquence dialogale
La séquence phraséologique Diex + doner est à l’origine une prière (ex.17 au discours indirect).
Elle tend toutefois à servir de marqueur discursif (ex.18). Selon Rodriguez-Somolinos (2013),
ces expressions, caractéristiques de l’oral conversationnel (interjections, modalisations, termes
d’adresse) servent à représenter, à titre d’effet de réel, l’oralité dans le texte.
17) Et si li orent et destinent / Que Dex li doint joie et santé (Yvain, 5793-5794). [Elles lui adressent
leurs prières et lui souhaitent que Dieu lui donne joie et santé.]
18) si li dist : « Sire, bon jor vos doinst Diex. » Et il li rent son salu. (Lancelot 2, XLV, 1). [Elle
lui dit : « Sire, que Dieu vous donne le bon jour. » Et il lui rend son salut.]
Cette construction, dont on a constaté le peu de variations précédemment sauf pour le
complément Z (voir section 3), s’emploie comme une simple formule votive d’accueil ou de
salutation, quoique la distinction entre rituel poli et véritable prière soit difficile à effectuer
dans une civilisation fondamentalement chrétienne. Elle prend une fonction phatique
permettant d’entrer en contact et, comme tous les actes rituels polis, de diminuer l’aspect
offensant d’une interlocution. Après cette séquence d’ouverture, l’interaction entre dans sa
séquence thématique transactionnelle (Kerbrat-Orrechioni 1990, 220). Comme tout acte
rituel, son emploi repose sur des règles pragmatiques assez précises, la salutation doit être
formulée d’abord par le personnage hiérarchiquement inférieur et la réciprocité est de mise
même si elle n’est pas toujours indiquée dans les récits fictionnels qui préfèrent se consacrer
à la séquence transactionnelle de la conversation (Durrer 1994, 183).
Outre cet emploi phatique, on trouve le marqueur discursif Diex + doner dans une autre
séquence phraséologique insérée dans une subordonnée hypothétique (21%, 34 occ. dont 28
dans le seul Tristan en prose, tome 3viii). Le complément Z relève du même paradigme à
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polarité positive (voir section 3 et exclusivement bone aventure dans Tristan). Cette variante
se Diex + doner repose sur des données énonciatives différentes de celles vues précédemment
pour Diex + doner : pour désigner le donataire Y, l’emploi de la P1 monte à 53%, la P3 y est
totalement absente. Le bénéficiaire du don est moins l’interlocuteur que le locuteur lui-même
qui atteste dans une formule hypothétique de son désir d’obtenir un don divin (ex.19) :
19) « Sire, fait il, se Diex me doint bone aventure, je vos en dirai la verité. » (Tristan 3, §910).
[« Seigneur, fait-il. Aussi vrai que je demande à Dieu de me donner bonne vie, je vais vous en
dire la vérité. »]
La portée illocutoire n’est plus phatique mais assertive : c’est à l’aune de ce désir de don
qu’est mesurée une assertion dont la vérité est alors garantie. La P2 est exclusivement utilisée
en revanche pour renforcer un ordre de dire, cet emploi étant particulièrement développé dans
le Tristan (19/36 occ.). L’exemple 20 montre le cumul de ces deux expressions :
20) Lors torne vers lui la teste de son cheval, et Dynas s’areste maintenant. Quant il le voit vers lui
venir, il laisse son dol atant et fait la plus bele chiere qu’il puet. « Mesire Dynas, fait Gynglains,
Diex vos conduie ! – Sire, fait Dynas, Diex vos doint bone aventure. – Mesire Dynas, fait
Gynglains, por quoi demenez vos tel dol ? – Sire, fait Dynas, por ce que mon cuer le me
commande. Et sachiez, sire, que de cest dol que ge faz ne me devroit nuls blasmer qui fust
proudome, quar molt y a grant achoison. – Sire Dynas, fait Gynglains, se Diex vos doinst bone
aventure, dites moi l’ochoison por quoi vos alez cest dol demenant ; et sachiez que ge i metrai
puis tot le conseill que chevaliers de mon pooir i porroit metre. – Sire, fait Dynas, […] vos dirai
ge tot maintenant ce que vos me demandez, quar ge ne voill pas avoir vostre corroz. » (Tristan
3, §936). [Alors, il tourne vers lui la tête de son cheval et Dynas s’arrête aussitôt. Quand il le
voit s’approcher de lui, il arrête de pleurer et dissimule son chagrin autant qu’il peut. « Messire
Dynas, fait Guinglain, puisse Dieu vous guider. – Seigneur, fait Dynas, que Dieu vous donne
belle vie. – Messire Dynas, fait Guinglain, pourquoi allez-vous ainsi pleurant ? – Seigneur,
répond Dynas, parce que mon cœur me le commande. Et sachez, seigneur, qu’aucun brave
homme ne devrait me blâmer de ce deuil que je fais car j’ai de bonnes raisons de pleurer. –
Seigneur Dynas, fait Guinglain. Si Dieu vous donne belle vie, dites-moi la raison pour laquelle
vous pleurez ainsi, et sachez que j’y mettrai pour y remédier tous les efforts qu’un chevalier de
ma puissance peut faire. – Seigneur, fait Dynas, […] je vous dirai maintenant tout ce que vous
me demandez car je ne veux pas provoquer votre colère.]
Au début du dialogue, la formule votive se situe dans le cadre phatique de l’interaction par
laquelle les chevaliers se saluent réciproquement. À Guinglain qui lui souhaite que « Dieu le
conduise », Dynas répond « qu’il lui donne bonne aventure ». L’interaction proprement dite
commence ensuite sous une forme de questions / réponses, motivées par l’étrange attitude de
Dynas qui chevauche à travers la forêt en pleurant. Mais si ce dernier ne refuse pas de
répondre aux questions de son compagnon, il faut toutefois que Guinglain s’y prenne à deux
fois pour obtenir une réponse précise. Comme souvent dans les dialogues romanesques, les
personnages interrogés semblent avoir besoin que la demande soit réitérée pour commencer
à répondre. L’auteur du Tristan dont le style a beaucoup de traits cléricaux (Baumgartner
1975) construit probablement les réponses comme des discours où un exorde précède le
développement. Il faut cependant que Guinglain insiste, avec la formule votive de la
subordonnée hypothétique, pour obtenir une réponse plus précise.
La structure Diex + doner se partage donc entre deux expressions votives très
fréquentes, apportant un élément positif à un donataire : une formule de bénédiction, où ce
dernier est en général différent du locuteur ou une formule hypothétique renforçant un
énoncé. Leur emploi pragmatique est très différent : alors que la bénédiction a une fonction
phatique ou s’intègre dans une prière, les constructions hypothétiques attestent de la force
d’un désir pour renforcer un autre acte de langage assertif ou directif.
4.2. Fonction performative dans des séquences dialogales et leurs pendants
narratifs
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Les deux séquences doner + conseil et doner + congié ont un comportement assez proche.
Elles sont employées dans les paroles de personnages pour désigner un acte de langage
performatif ou assertif dans un cadre énonciatif hiérarchisé : donner une permission ou un
conseil est un acte de langage qui nécessite des conditions de réussite spécifiques. Le
donateur doit être en position haute, permanente (seule une personne dotée d’une autorité
sociale reconnue peut délivrer une permission), ou temporaire (seule une personne dont
l’autorité morale est reconnue peut délivrer un conseil) ; le donataire est ainsi en position
inférieure. De cette organisation pragmatique vont dépendre trois types d’emploi.
Premièrement, le conseil et le congé peuvent être sollicités dans une requête par un verbe
spécialisé (je vos pri, ex.22), ou par une réalisation injonctive à l’impératif (ex.21), ou sous
forme indirecte.
21) Il dit aus deus rois : « Hee ! seignor, por Dieu, donez moi congié que je puisse aler aprés mon
chevalier. Se il m’esloigne, jamés nel troverrai. » (Tristan 1, 15, 431). [Il dit aux deux rois :
« Hé, seigneurs, par Dieu, donnez moi la permission de suivre mon chevalier. S’il s’éloigne de
moi, je ne le retrouverai jamais. »]
22) « por quoi je vos pri […] que vos me doignoiz conseil que je porrai faire por finer ceste grant
dolor. » (Tristan 3, § 688). [« Pour cela, je vous prie que vous me donniez un conseil sur ce que
je pourrai faire pour mettre fin à cette grande souffrance. »]
Toutefois, il est bien plus courant de demander une permission (26%) que de demander un
conseil (18%).
Deuxièmement, le congé ou le conseil sont explicitement accordés dans des constructions
performatives. Cependant doner + congié est rarement employé sous cette forme du type je
te done congié (1 occ., Tristan 3, §701) : soit le congé est mentionné au discours narrativisé
(10 occ. 41%, ex. 23), soit le destinateur du congé donne l’autorisation en employant le verbe
voloir ou otroier.
23) Et ele dist : « Sire, s’il vos plaist, je palleroie volentiers a cest prodome a consoil. » Lors l’en
donerent congié, si entra en une chambre. (Merlin en prose, 12, 28). [Et elle dit : « Seigneurs,
s’il vous plaît, j’aimerais parler à ce bon conseiller en privé. » Ils lui en donnèrent la permission,
elle entra alors dans une chambre.]
En revanche, le conseil est généralement introduit par une expression performative formulée
par doner + conseil (7 occ., 25%) annonçant qu’il va y avoir un conseil (ex.24).
24) « Qant vos consel m’avez requis / Gel vos dorrai sanz terme mis » (Béroul, 2356-2357).
[« Puisque vous m’avez demandé un conseil, je vous le donnerai tout de suite »]
Cet extrait montre les précautions oratoires qui accompagnent fréquemment le conseil car
donner un conseil est un acte de langage offensant pour la personne qui le reçoit et se retrouve
ainsi placée en situation d’infériorité (Denoyelle 2014). Cela explique l’importance des
épithètes mélioratives (voir section 3) permettant de vanter le conseil à venir (ex.7) ou la
présence de subordonnées rappelant qu’il vient en réponse à une sollicitation (ex. 24). De ce
fait, doner + conseil et doner + congié ne se situent pas au même niveau d’une interaction :
doner + conseil ouvre une séquence argumentative présentant le conseil, alors que doner +
congié clôt une séquence discursive ouverte par demander congié (ex.25).
25) si vint al seignor de laiens et li demande congié, kar aler s’en velt. Et cil li done volemtiers
(Lancelot 2, XLVII, 34). [Il va voir le seigneur du domaine et lui demande la permission de
partir car il veut s’en aller. Celui-ci l’y autorise volontiers.]
Dans l’exemple 25, la demande et le don du congé viennent clore une séquence narrative et
servent de seuil à un nouveau départ.
Troisièmement, l’acte de donner une permission ou un conseil est considéré comme une
action parmi d’autres (33% pour doner+ congié et 57% pour doner + conseil) qui s’insère
dans la chaine des événements d’une séquence narrative (ex.26) :
26) A cel conseil que li dus a doné s’acordent tuit et s'afichent tuit de mon seignor Gauvain
rescore a lor pooir ou de morir (Lancelot 1, XXV, 4). [Ils sont tous d’accord avec ce conseil
que le duc leur a donné et ils décident tous de faire tout leur possible pour sauver monseigneur
Gauvain ou de mourir.]
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L’acte peut aussi recevoir une appréciation de la part d’un locuteur et participer à une
séquence argumentative éventuellement dialogale. La permission ou le conseil donnés créent
un engagement entre les personnages qui peuvent s’y référer pour se plaindre d’un
manquement ou pour rappeler les devoirs féodaux (ex.27) :
27) « car vos estes mi feël / Et donet m’avés bon consel. » (Silence, 4750-4751). [« Vous êtes
mon vassal et vous m’avez donné un bon conseil. »]
Ces deux séquences phraséologiques ont donc un fonctionnement discursif mixte : soit elles
entrent dans un cadre performatif dans les paroles de personnages, formulant une requête ou
une annonce (66% pour doner + congié et 43% pour doner + conseil), soit elles désignent
une action de parole mise au même niveau qu’une autre action et pouvant recevoir comme
telle des commentaires (respectivement 34% et 57%).
4.3. Fonction narrative
La dernière construction phraséologique doner + cop s’inscrit pleinement dans le récit
dont elle constitue l’une des formules les plus fréquentes au sein de scénarios discursifs types.
28) (1) Lors fiert le cheval des esperons si que de deus pars en vole li sans, si s’adresce cele part ou
il les voit, (2) puis met le glaive sos l’aissele dont la hanste estoit roide et li fers trenchans. […]
(3) Atant se fiert entr’els, si tost com li chevals li puet rendre, et fiert si le premier que il encontre,
quant il les ot bien escriés : si nel feri mie a par derieres, mais par devant si que escus ne haubers
nel garantist, (6) ançois li met par mi le cors et fer et fust, (7) si l’abat mort en mi le pré. Atant
se lance outre, si laisse le glaive el cors, puis a mis la main a l’espee qui soef trenche ; si revient
vistement a la meslee et done grans cops et pesans a cels qu’il encontre en son venir ; (5) si lor
detrenche les hialmes et les broignes et lor fet (4) voler de lor escus grans pieces en mi le pré, si
lor (5) ront sovent les mailles des haubers blans que li costé s’en sentent et les espaules, si se
vistoie molt durement entr’els et tant a doné de durs cops que en poi d’ore les a estotoiés, que
molt le dotent li plus hardi, ne n’i avoit mes si fort qui a cop l’atendist, kar trop s’esmaient
durement de s’espee qui tote sole trenche plus que totes les lor ne font. (Lancelot 1, XIX, 3)
[(1) Il frappe alors si fort le cheval de ses éperons que du sang vole de ses flancs et il s’élance
vers le côté où il les voit, puis (2) il place sous son bras sa lance à la hampe bien raide et au fer
bien tranchant. […] (3) Alors il se glisse au milieu d’eux aussi vite que le peut son cheval et
frappe le premier qu’il rencontre quand il les a défiés : et il ne le frappe pas par derrière mais
par devant et si fort que ni son bouclier ni son haubert ne le protègent plus (6). Au contraire, il
lui enfonce la lance dans le corps jusqu’au bois de la hampe et (7) l’abat mort sur le champ de
bataille. Il repart aussitôt et laisse sa lance dans le cadavre. Il met la main à son épée qui tranche
net et retourne au galop à la mêlée où il donne de grands coups forts et pesants à tous ceux
qui sont sur son chemin (5) et il met en pièces leur heaume et leur cotte de mailles et (4) et taille
de grandes tranches de leur bouclier sur le sol du pré et (5) il rompt les mailles des hauberts
brillants si violemment que leurs côtes et leurs épaules en souffrent et il se démenait si durement
entre eux et il leur donnait de si violents coups qu’en peu de temps il les avait mis en déroute
au point que les plus courageux étaient paniqués et que plus aucun ne restait à l’attendre. Ils
craignaient plus que tout son épée, qui à elle seule tranchait plus que toutes les leurs réunies.]
Dans une scène de combat, doner + cop fait partie des actions caractéristiques et forme un
noyau narratif autour duquel s’organise le récit : le topos du combat singulierix. Celui-ci est
composé de sept éléments : (1) Éperonner son cheval, (2) Brandir la lance (ici la mettre sous
son aisselle), (3) Frapper, (4) Briser l’écu de l’adversaire, (5) Rompre son haubert et sa
broigne, (6) Lui passer la lance ou l’épée à travers le corps, (7) L’abattre mort au bas de son
cheval. Dans cet extrait du Lancelot, le syntagme correspond à l’un des éléments de ce topos
du combat (3) : tout d’abord, il désigne dans un présent de narration créant un effet
d’immédiateté l’une des étapes de ce combat entre « mettre la main à l’épée » et « rompre les
mailles du haubert ou trancher les heaumes » ; ensuite, l’expression est reprise à l’imparfait
comme synthèse du combat tout entier et intégrée à un système de corrélation consécutive
(tant…que) pour montrer son effet sur les autres combattants.
Ces quatre phraséologismes ont des rôles discursifs structurants et constituent des
formules qui s’intègrent à des scénarios typiques des romans chevaleresques. Doner + congié
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et doner + conseil qui ont le plus grand éventail d’emplois désignent des actions fréquentes
dans les récits et renvoient aux cadres hiérarchiques de la société médiévale. Leur emploi,
tant narratif que dialogal, où ils participent à des séquences argumentatives, est révélateur
des enjeux sociaux (permission d’agir) et moraux (conseils tactiques et religieux) des récits
présentés. Doner + cop qui s’insère dans l’un des scénarios narratifs les plus célèbres de la
littérature médiévale, le topos du combat singulier, participe du rôle modélisant du héros
chevaleresque qui est avant tout un grand guerrier. Enfin, Diex + doner dans sa dimension
dialogale, dévoile une facette souvent ignorée de ces héros, leur comportement poli qui fait
d’eux, loin des brutes solitaires que l’on imagine souvent, des parangons de civilité.
Conclusion
Notre étude a montré que les quatre séquences se comportaient comme des motifs, ces
unités phraséologiques structurantes comportant des variations paradigmatiques et
syntagmatiques ainsi qu’une fonction discursive (phatique, narrative, argumentative).
Plusieurs perspectives se dégagent pour permettre de rendre cette notion opératoire dans le
classement générique des textes médiévaux : (1) accroitre nos corpus d’observation pour bien
distinguer ce qui relèverait plutôt d’un trait d’auteur, comme nous l’avons vu dans Artus de
Bretagne, que du genre romanesque en général ; (2) confronter plus largement les deux
notions de motif et de topos développées séparément par les médiévistes et les linguistes pour
observer d’éventuels points de convergence.
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i Ce travail bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme
« Investissements d’avenir » portant la référence ANR-15-IDEX-02, par le CNRS (ILF-CORLI) et du soutien
du projet de recherche FFI2017-84404-P « Énonciation et marques d’oralité dans la diachronie du français »
du Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades (Espagne).
ii Certains textes de ce corpus (Yvain, Tristan (Béroul), Aucassin et Nicolette) sont directement issus du corpus
SRCMF (Syntactic Reference Corpus of Medieval French), http://www.srcmf.org/.
iii Pour une présentation du lemmatisateur LGeRM, voir http://www.atilf.fr/LGeRM/.
iv
Pour accéder à l’interface Lexicoscope, voir http://phraseotext.univ-grenoble-alpes.fr/lexicoscope/.
v Toutes les traductions proposées sont personnelles.
vi Les deux termes courage et cœur sont synonymes en ancien français.
vii Cette formule n’est pas aisée à traduire, l’aventure désigne les événements qui sont susceptibles d’advenir.
Souhaiter à quelqu’un une bonne aventure revient à lui souhaiter que les événements à venir lui soient bons.
Les traducteurs choisissent souvent de rendre cette idée par « Que Dieu vous bénisse ».
viii Cette expression est quasiment absente dans le premier tome du roman, mais son emploi dans le tome 2
est du même type que dans le tome 3.
ix Dans le cadre des études médiévales, Rychner (1955) parle de « motif » du combat singulier. Pour éviter
l’ambiguïté avec le motif en linguistique, nous utilisons le terme topos qui renvoie, selon Weil (1990), à une
« configuration narrative récurrent » dans la littérature d’Ancien Régime.
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