Apprentissage par projet autour d'un robot mobile :
partage d'expériences entre l'Europe et le Maroc.
Damien Grenier1, Saïd Belkouch2, Khalid Faitah2, Driss Yousfi2, Bruno Dehez3,
Laurent De Vroey3, Christophe Vloebergh3, Eric Richard4
1
Ecole Normale Supérieure de Cachan, Département de Mécatronique,
Université Européenne de Bretagne, Campus de Ker Lann, F35170 Bruz, France
2
Ecole Nationale des Sciences Appliquées de Marrakech,
B.P 575 Av Abdelkarim Khattabi, Gueliz, Marrakech, Maroc
3
Université catholique de Louvain, Laboratoire d'Electrotechnique et d'Instrumentation,
Place du Levant 3, B1348 Louvain-La-Neuve, Belgique
4
ISEN-Toulon, Place G. Pompidou, F83000 Toulon, France
RESUME : Cet article présente un exemple de collaboration nord-sud pour le lancement au Maroc d'une
nouvelle filière de formation d'ingénieur en génie électrique. Pour permettre aux étudiants d'acquérir un sens
pratique de la discipline, il a été décidé de mettre en œuvre un apprentissage par projet, en adaptant un dispositif
déployé en Belgique autour de robots mobiles. De nouvelles plates-formes robotiques ont été conçues et livrées.
Elles servent de support dans un premier temps à des travaux pratiques sur les microprocesseurs, les capteurs et
le conditionnement de signal associé, l'électronique de puissance et la commande de machine. Dans un second
temps ces connaissances sont intégrées par les étudiants dans un projet visant à faire accomplir une tâche donnée
aux robots.
Mots clefs : apprentissage par projet, électronique, électronique de puissance, microcontrôleurs
1. LE CONTEXTE
L'Ecole Nationale des Sciences Appliquées (ENSA)
de Marrakech, composante de l'Université Cady
Ayyad, a été créée en 2001 sous l'impulsion de son
directeur, le Pr. Mustapha El Adnani. Elle fait partie
du réseau des ENSA également implanté à Agadir,
Fès, Oujda, Safi et Tanger.
Elle recrute sur concours au niveau bac et forme des
Ingénieurs d'Etat en 5 ans dont 3 ans de tronc
commun et 2 années de spécialisation, soit en Génie
Informatique, soit en Génie des Réseaux et
Télécommunications, soit en Génie Electrique, soit
encore, prochainement, en Génie Industriel.
Pour la mise en place des filières de spécialisation,
l'ENSAM a bénéficié à partir de la rentrée 2003 du
soutien d'un consortium franco-belge d'écoles
d'ingénieur et d'université, coordonné par l'Ecole
Centrale de Marseille, dans le cadre d'un des tous
premiers projets TEMPUS-MEDA, financé par la
commission européenne.
Au sein de ce consortium, l'ISEN-Toulon était plus
particulièrement impliqué dans la mise en place des
filières Génie Informatique et Génie des Réseaux et
Télécommunications qui devaient ouvrir dès 2004 (et
donc diplômer ses premiers étudiants en 2006).
L'Université catholique de Louvain1 devait, elle, aider
à la création de la filière Génie Electrique dont
l'ouverture était retardée d'un an.
1
Le coordinateur du projet pour l'UCL, a, dans la dernière
année du projet, rejoint l'ENS de Cachan où il a continué à
superviser l'aide à la mise en place de la formation.
Pour cette filière Génie Electrique, il avait été
imaginé, dans le projet initial, de mettre en place un
dispositif pédagogique associant étroitement, pour la
partie pratique de la formation, des laboratoires réels
s'appuyant sur du matériel didactique financé par le
Ministère Marocain de l'Enseignement Supérieur,
complétés par des laboratoires virtuels utilisant des
outils multimédia et de simulations (laboratoires
virtuels) dans le développement desquels l'UCL
dispose d'une solide expérience (voir par exemple [1]).
Nous avons cependant mis a profit le délai que nous
offrait l'ouverture décalée de la filière Génie
Electrique pour revoir cette option. Nous avons ainsi
pris le temps d'analyser le contexte socio-économique
de la région de Marrakech (dimension régionale de
l'ENSAM au sein du réseau des ENSA et des autres
écoles d'ingénieurs marocaines oblige) où l'activité
économique repose principalement sur l'agriculture et
l'agroalimentaire d'une part, et les services d'autre part
(au premier rang desquels évidemment, le tourisme).
L'activité industrielle y est relativement limitée,
animée essentiellement par de petites et moyennes
entreprises. Cette situation risque de perdurer, un
développement industriel massif de Marrakech étant
difficilement compatible avec le maintien du potentiel
touristique de la région.
Les débouchés régionaux éventuels pour la formation
d'ingénieurs en Génie Electrique correspondent donc
à des profils d'ingénieurs relativement polyvalents,
capables de comprendre, choisir, régler, maintenir
tous les éléments d'une chaîne de conversion
électrique, du système de distribution aux systèmes
de commande des actionneurs impliqués dans un
Article available at http://www.j3ea.org or http://dx.doi.org/10.1051/j3ea:2008027
processus de fabrication. Cela suppose surtout le
développement
d'un
sens
pratique
qu'un
enseignement de masse avec des équipements
matériels réduits ne leur a pas permis d'acquérir avant
leur entrée à l'Ecole ni même au cours des premières
années de tronc commun qui s'appuient beaucoup sur
les moyens de l'université et notamment de la Faculté
des Sciences et Techniques (FST) voisine.
Développer un dispositif pédagogique faisant une
large part à des expérimentations virtuelles, risquait,
dans ces conditions, ne nous faire passer
complètement à côté de l'objectif de formation de
"praticiens". Il a donc été rapidement décidé de
déployer un tout autre dispositif pédagogique, en se
basant sur une autre compétence développée par
l'UCL pour ses propres étudiants, à savoir la
pédagogie par projet.
Depuis plus de 10 ans, l'UCL organise en effet, dans
le cadre de la filière de formation en
électromécanique, orientation mécatronique, un
enseignement par projet intégrant les aspects liés à la
conception mécanique, l'actionnement (électronique
de puissance et commande des moteurs),
l'électronique (capteurs et traitement des signaux
associés, électronique numérique de commande) et
l'informatique temps réel. Ce projet, appelé projet
intégré en mécatronique, mobilise 1/3 du volume
horaire de la 4ème année de formation, autour d'un
objectif commun, à savoir la conception et la
réalisation d'un robot mobile [2], [3], devant
participer à une compétition initialement interne, puis
à partir de 2005 externe à l'université (Coupe de
Belgique de Robotique).
C'est ce type d'expérience qui a donc finalement été
décidé de tenter de transférer de la Belgique vers le
Maroc, en tentant de garder, à tout instant, une
approche pragmatique, adaptée aux moyens humains
et matériels locaux.
Cet article décrit le matériel pédagogique développé
par l'UCL et l'ISEN-Toulon (pour la partie
informatique temps réel) au profit de l'ENSAM. Il
montre ensuite comment les enseignants marocains se
sont appropriés ces dispositifs, comment ils les ont
intégrés dans leur dispositif pédagogique et quel
impact cela a eu sur la formation des ingénieurs en
Génie Electrique de l'ENSAM.
2. LES PLATES-FORMES ROBOTIQUES
Dans le cadre du projet intégré en mécatronique
organisé à l'UCL, les étudiants sont amenés à
concevoir et réaliser (avec un éventuel support
technique des techniciens des départements
impliqués) un robot mobile capable de participer à
une compétition (et si possible la gagner!) dont les
règles changent d'année en année [3]. Cela inclut la
conception et la fabrication du châssis mécanique des
robots, ainsi que d'un certain nombre de cartes
électroniques pour la génération des différentes
tensions d'alimentations générées à partir de batteries
embarquées, le traitement des signaux issus des
capteurs ou encore l'alimentation des moteurs
(réalisation de hacheurs pour le pilotage des moteurs
à courant continu, d'onduleurs pour celui des moteurs
de type "brushless").
Pour que chaque année les étudiants aient à concevoir
quelque chose de nouveau et éviter que le projet ne
devienne au fil des ans qu'une simple mise en œuvre
par les étudiants de solutions déjà développées par
leurs prédécesseurs, certaines fonctions leur sont
fournies sous forme de circuits imprimés dédiés (dont
éventuellement certains éléments restent à
dimensionner en fonction de leurs contraintes
propres). De nouveaux défis leur sont par ailleurs
posés, permettant ainsi au fil des années une
amélioration constante des performances atteintes par
les robots.
Dans le cadre de la formation en Génie Electrique de
l'ENSAM,
les
étudiants
marocains
n'ont,
contrairement à leurs homologues belges, pas
vocation à concevoir la structure mécanique des
robots.
Trois types de plates-formes ont donc été développées
à l'UCL et livrées à l'ENSAM (cf § 2.1) : deux platesformes bénéficiant d'une motorisation par deux roues
motrices actionnées par deux moteurs (tous deux, soit
de type moteur à courant continu, soit de type
"brushless") et une plate-forme de type tricycle avec
roue motrice et directrice à l'avant.
Pour permettre une certaine modularité des platesformes, un système de racks a été développé pour
abriter les cartes électroniques de puissance
(alimentation, hacheurs, onduleurs, cf § 2.3), ainsi
que les cartes de traitement de signal des capteurs
impliqués (cf. §2.4).
La commande du robot devait être réalisée au moyen
d'un microprocesseur ST7 de ST Microelectronics,
grâce à une carte de commande développée par
l'ISEN-Toulon (cf. §2.5). Pour la partie contrôle, nous
avons en effet choisi de ne pas utiliser les solutions
habituellement mises en œuvre à l'UCL, afin de ne
pas multiplier inutilement les familles de
microprocesseurs étudiées à l'ENSAM. La famille
ST7 était en effet déjà utilisée dans le cadre de la
formation en Génie Informatique mise en place, on le
rappelle, avec le soutien de l'ISEN-Toulon.
La livraison des différents éléments a été chaque fois
accompagnée de formations / dialogue d'une à deux
semaine chaque, entre leurs concepteurs européens et
les futurs utilisateurs marocains.
2.1
STRUCTURES
PLATES-FORMES
MECANIQUES
DES
Aux trois types de plate-forme ne correspondent en
réalité que deux types de structures mécaniques :
l’une entraînée par deux roues motrices et l’autre par
une seule roue à la fois motrice et directrice (Fig. 1).
Dans les deux cas, l’idée était de développer une
structure modulaire sur base d’un châssis de forme
circulaire.
Pour les deux structures, la fixation des modules sur
le châssis est pensée de manière à faciliter le montage
et le démontage des différents modules. Leurs
positions relatives sont choisies de manière à
permettre aux plateformes une rotation sur ellesmêmes.
2.2 CAPTEURS ET
SIGNAUX INTEGRES
Fig. 1. Illustration des deux structures mécaniques
développées dans le cadre du projet
Pour la structure à deux roues motrices, deux modules
différents se fixent sur le châssis : les modules « roue
motrice » servant à l’entraînement sont placés
latéralement et les modules « bille porteuse » servant
à la stabilisation de la plate-forme sont placés à
l'avant et à l'arrière de la plate-forme (Fig. 2).
Moteur DC ou
BLDC
Fixation au
châssis
Fixation au
châssis
Bille
porteuse
Axe roue
Roue
Poulies
Courroie
Fig. 2. Modules de la structure deux roues motrices
Pour la structure à roue motrice-directrice, trois
modules différents sont nécessaires : le module « roue
motrice-directrice » servant à l’entraînement est placé
devant, les modules « roue passive » servant au
guidage sont placés sur les cotés et le module « bille
porteuse » servant à la stabilisation de la plate-forme
à l'arrière (Fig. 3).
TRAITEMENT
DE
Afin de garantir l’autonomie fonctionnelle des platesformes, un travail spécifique a été mené dans le
domaine des capteurs de position.
Sur base des contraintes et souhaits de l’ENSAM et
selon l’expérience qu’en avait l’UCL, plusieurs lignes
directrices ont guidé ce travail.
Pour des raisons pédagogiques, il était utile d’aborder
différents types de capteurs et le traitement de signal
associé à chacun d’eux. C’est ainsi que le choix s’est
porté sur des capteurs optiques, électromagnétiques et
laser.
Les deux premiers ont été utilisés dans un contexte de
suivi de ligne au sol (détection de ligne blanches sur
fond noir ou réciproquement, détection du champ
magnétique créé par le courant circulant dans un fil
situé sous la piste). L'amplitude du signal varie avec
la distance entre le capteur et le bord de la ligne
blanche ou le fil. Deux capteurs situés à quelques
millimètres l'un de l'autre permettent d'identifier si
l'on se situe à droite ou à gauche de la ligne ou du fil.
Le capteur laser est en fait un binôme émetteur laser /
phototransistor de réception, monté sur une tourelle
mobile (Fig. 4). Il détecte ou non la présence dans son
alignement d'un élément réfléchissant (bande
catadioptre). Il renvoie donc un signal logique.
Moteur
direction
Moteur
avance
Axe
direction
Transmission par
poulies-courroie
Fixation au
châssis
Roue
Axe roue
Couple
conique
Roue
Fig. 3. Modules de la structure roue motrice - directrice
Les différents modules ont été construits de manière
aussi robuste que possible afin qu’ils puissent être
manipulés par les étudiants sans risque de casse.
Fig. 4. Tourelle laser
Pour éviter les perturbations extérieures, il est
possible pour chaque catégorie de capteur, de
moduler le signal (alimentation des diodes optiques
ou laser ou encore des fils situés sous la piste par un
signal de fréquence donnée). On s'affranchit alors,
dans une certaine mesure des variations d'éclairage
ambiant ou des perturbations électromagnétiques.
Fig. 5. Synoptique carte capteur
Dans un but d’économie pour le développement et
l’entretien du matériel, il était souhaitable de limiter
le nombre de cartes d’électronique de traitement.
Nous avons réussi à réaliser une carte unique et
modulaire, intégrant l’électronique de traitement des
trois types de capteurs. Cette carte comporte
différents étages classiques de traitement de signal,
basés principalement sur des amplificateurs
opérationnels. On y retrouve des amplificateurs de
tension, filtres, redresseurs, sommateurs,… Ces
étages peuvent être combinés de différentes manières,
selon les capteurs utilisés et les souhaits des
utilisateurs (Fig. 5).
L’ENSAM souhaitait également pouvoir utiliser les
capteurs et les cartes de traitement indépendamment
des plates-formes, dans le cadre de travaux pratiques
spécifiques (voir 3.2). Pour cette raison, les cartes ont
été réalisées avec de nombreuses possibilités
d’adaptations (changement possible des valeurs de
certains composants passifs stratégiques, utilisation
de potentiomètres pour fixer gains et offsets,…). Des
notices d’utilisation, présentées sous la forme
d’énoncés de travaux pratiques, ont également été
réalisées, mises en œuvre à l’UCL, puis proposées à
l’ENSAM.
2.3 ELECTRONIQUE DE PUISSANCE
Les plates-formes robotiques sont alimentées par 6
batteries Ni-Cd disposées en série et fournissant une
tension totale de 7.2V. Une carte d’alimentation a été
développée afin de fournir les différentes tensions
nécessaires à l’alimentation des moteurs, de leurs
circuits de commande ainsi que l’alimentation de tous
les circuits électroniques analogiques et digitaux
embarqués sur les robots (circuits de conditionnement
des signaux venant des capteurs, carte microprocesseur…). La carte d’alimentation est composée
d’un régulateur 5V pour alimenter les circuits
électroniques digitaux, d’un convertisseur flyback
régulé capable de fournir une tension de +15 et -15V
pour alimenter les circuits de traitement des signaux
analogiques et d’un convertisseur boost non
réversible 12V régulé pour alimenter les moteurs DC
de faible puissance (1.5W et 4.5W) utilisés pour
orienter le laser monté sur la tourelle ou pour
contrôler la direction du tricycle.
A coté de cette carte d’alimentation, nous avons
réalisé, sur une carte comprenant un convertisseur
boost réversible 24V capable d’alimenter des moteurs
de plus grande puissance (moteurs DC et "brushless"
20 et 40W) utilisés pour la propulsion des robots.
Chaque moteur DC équipant la plate-forme mobile
est alimenté par un hacheur quatre quadrants piloté
par un signal MLI (modulation à largeur d’impulsion)
à 100kHz fourni, par exemple, par le microcontrôleur.
Les moteurs "brushless" eux sont alimentés par un
onduleur
de
tension.
Pour
des
raisons
d’encombrement et de modularité, la commande de
ces moteurs est réalisée sur une carte spécialement
dédiée à cet effet, comprenant un circuit
programmable qui contient la logique de
commutation nécessaire au pilotage de ces moteurs,
soit par une commande en pleine onde, soit par une
commande MLI.
Lors de la conception des cartes électroniques de
puissance, une attention particulière a été portée sur
leur modularité non seulement au sein du robot,
puisqu’elle peuvent être interchangées dans le rack
qui les accueille, mais aussi en vue d’autres
applications de plus grande puissance, par exemple,
dans le cadre de laboratoires voire de travaux de
recherche à l'ENSAM. En effet, toutes les cartes
électroniques sont de taille identiques et ont été
dessinées à l’aide de la version étudiante du logiciel
EAGLE (disponible gratuitement), leurs schémas et
prints ont été fournis aux enseignants de l’ENSAM
afin que leurs étudiants puissent en comprendre le
fonctionnement et les modifier en fonction d’autres
besoins, notamment pour des laboratoires ou des
travaux de recherche dans le cadre de le travail de fin
d’études.
2.4 CARTE MICROPROCESSEUR
L'ISEN-Toulon, en tant qu'école généraliste formant
des ingénieurs en hautes technologies, a inclus depuis
longtemps la formation sur microcontrôleurs dans sa
pédagogie. Celle-ci se base sur des cours magistraux
complétés par un mini-projet en binôme de réalisation
d'applications simples mettant en oeuvre le
µcontrôleur (cœur CPU et périphériques). A cet effet,
l'ISEN a développé un kit pédagogique, en
collaboration avec ST Microelectronics qui comprend
une carte avec un µcontrôleur ST7, différents
périphériques (afficheurs, LEDs, boutons poussoirs,
mini moteur, buzzer, ..) et un connecteur qui permet
d'accéder à toutes les entrées sorties du µcontrôleur
pour s'interfacer à de l'électronique externe. Ce kit
comprend également les moyens de téléchargement et
mise au point depuis un PC et un support
pédagogique papier et bientôt en ligne (approche elearning).
Une quinzaine de kits a été fournie à l'ENSAM pour
l'informatique embarquée. La carte à base de ST7 a
été montée dans les robots de l'UCL et interfacée aux
capteurs et à l'électronique de commandes des
moteurs. Les étudiants peuvent ainsi programmer le
robot en flashant leur code dans le ST7 depuis un PC
du laboratoire. Ils mettent ainsi en pratique leurs
cours de programmation embarquée appliquée à la
robotique.
3. DISPOSITIF PEDAGOGIQUE
L’équipe marocaine a choisi d’introduire au niveau de
la 3ème année (première année du cycle d’ingénieur)
les différents types de cartes (microcontôleur, capteur,
électronique de puissance) comme support de travaux
pratiques pour les cours correspondants. Cela permet
de familiariser très tôt les étudiants avec les cartes
électroniques de leur futur robot et de connaître le
rôle de chaque composant sur la carte.
C'est au niveau de la 4ème année, que toutes ces
compétences sont fédérées à travers une formation
par projet.
3.1 TRAVAUX PRATIQUES
MICROPROCESSEURS
SUR
LES
Les travaux pratiques sur les microprocesseurs /
microcontrôleurs sont données en 3ème année comme
support au cours de l’architecture des ordinateurs.
Dans ce module de 90h, il y a 40h de travaux
pratiques dont 12h de TP d’électronique numérique,
20h en microprocesseurs et 8h en organisation des
ordinateurs.
Pour la partie microprocesseur, l’ENSAM utilise la
carte microcontrôleur ST7 développée par l’ISENToulon. La moitié des travaux pratiques se fait en
simulation en assembleur. La deuxième partie se fait
sur carte. Les étudiants allument des leds au travers
des ports parallèles ou allument les afficheurs 7
segments en utilisant cette fois-ci un port en série du
ST7. Dans d’autres travaux pratiques, ils utilisent les
interruptions pour démarrer ou arrêter une routine.
Les étudiants apprennent comment exploiter le
convertisseur A/D pour générer les équivalents
numériques des grandeurs physiques continues
externes, faire l’analyse des données et prendre des
décisions sur les actions à prendre, comme par
exemple la génération d’un signal MLI pour la
commande d'un moteur.
À la fin de ces TPs, l’étudiant sort avec une
compréhension claire sur le fonctionnement du
microprocesseur/ microcontrôleur. Il acquis des
connaissances sur le rôle de chaque bloc interne au
microcontrôleur. Il est prêt à passer à l'étape suivante,
à savoir l’intégration de la carte microcontrôleur dans
des systèmes plus complexes.
3.2 TRAVAUX
CAPTEURS
PRATIQUES
SUR
LES
En 3ème année, la carte capteur du projet avec son
module électronique de conditionnement a été utilisée
pour faire assimiler aux étudiants le traitement de
signal en général.
Ont ainsi pu être vus au cours de différents travaux
pratiques
- le filtrage actif passe-bas, passe-haut et le passebande.
- le redressement de précision à base
d’amplificateurs opérationnels
- le réglage d’offset dans les amplificateurs
d’instrumentations
C'est en 4ème année, que ces concepts ont réutilisés
pour traiter l'information issue des capteurs situés sur
les plates-formes robotiques et permettre ainsi au
robot de se repérer dans l'espace ou détecter un
obstacle.
3.3 TRAVAUX PRATIQUES EN ELECTRONIQUE DE PUISSANCE ET COMMANDE DES
MOTEURS
Pour mener à bien les travaux expérimentaux associés
aux domaines de l’électronique de puissance et de la
commande des moteurs, les enseignants marocains
ont réalisé, dans un premier temps, une adaptation
entre les cartes de puissances fournies avec le robot et
les plates-formes DSP ‘dSpace DS1104’ que possède
ENSAM.
Les travaux pratiques (au premier semestre de la 4ème
année) sont articulés en deux étapes :
- une étape de simulation dans l’environnement
Matlab/Simulink des différentes structures
envisagées dont le but est, d’une part, l’analyse
de leur comportement, et d’autre part, le
dimensionnement des composants ou des
régulateurs mis en jeu.
- une étape d'implantation de la commande en
utilisant les cartes de puissance des robots
pilotées à partir de plate-forme DSP et son
interface graphique ControlDesk.
Les sujets qui ont pu être traité de cette manière sont :
- la cellule de commutation dans les convertisseurs
électroniques de puissance et les considérations
pratiques autour de sa mise en œuvre application à un hacheur parallèle.
- l'onduleur triphasé avec MLI sinusoïdale
- le hacheur 4 quadrants et la commande d’un
moteur DC
- la commande d’un moteur "brushless"
Il est à signaler que l’ENSA de Marrakech est ainsi la
première école d’ingénieurs au Maroc, qui a introduit
dans sa formation l’enseignement expérimental du
moteur "brushless" et de sa commande.
3.4 UTILISATION
ROBOTIQUES
DES
PLATES-FORMES
L’enseignement par projet a été initié le deuxième
semestre de l’année scolaire 2006-2007 et il lui a été
réservé un demi module. Il a été décidé pour cette
première expérience de se limiter à un groupe de
quatre étudiants pour faire réaliser au robot un
"simple" suivi de ligne. Les autres groupes
d’étudiants ont pris des projets différents. Nous
comptons l’année prochaine augmenter la taille de
l’enseignement par projet à un module complet. A
terme (quand la formation en "génie électrique /
systèmes embarqués" aura son effectif complet), 24
étudiants travailleront par groupe de 4 sur les 6
plates-formes livrées à l'ENSAM, permettant ainsi
d'explorer l'ensemble des variantes.
Pour faire face à la complexité croissante des tâches à
faire accomplir par les robots, le développement de
cartes électroniques complémentaires permettant
d'associer
aux
microprocesseurs
ST7
des
FPGA/CPLD est en cours de développement au
Maroc.
Fig. 6. Démonstration d'un suivi de ligne blanche par une
plateforme robotisée
4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
De cette expérience, nous pouvons d'ores et déjà tirer
plusieurs enseignements.
Tout d'abord en permettant à l'équipe enseignante
marocaine de dialoguer longuement avec les
concepteurs du matériel didactique qui leur était
fourni, en leur permettant de participer au processus
de conception, un véritable transfert de compétence a
pu se faire de l'Europe vers le Maroc, avec la
possibilité pour les marocains de s'approprier
véritablement les outils, ce qui n'aurait jamais été
possible si on leur avait fourni du matériel
commercial. Moins d'un an après leur livraison, des
modifications / amélioration ont déjà été apportées au
plates-formes livrées, à l'initiative même de leurs
nouveaux propriétaires.
Du coté des étudiants, on peut constater que, quelques
semaines seulement après le début du projet, ils
étaient déjà en mesure d'intégrer l'ensemble des
composants au sein du robot. Cela montre que les
étudiants choisis pour mener cette première
expérience, maîtrisaient déjà très bien, grâce aux
travaux pratiques organisés les semestres précédents,
le fonctionnement des différentes parties du robot,
mais que de plus, ils avaient déjà commencé à régler
les problèmes d'interfaçage des capteurs avec le
microcontrôleur, de couplage par les alimentations
des différentes parties du système,… Bref, les
étudiants semblaient déjà en bonne voie pour relever
le défi de robotique mobile qui leur était posé.
Il faut dire que leur motivation vis-à-vis du projet est
extrêmement élevée. Ils ont visiblement plaisir à
travailler (ils avouent que c'est d'ailleurs la
perspective du projet qui les a attiré vers la filière
génie électrique) et ne comptaient pas leurs heures.
Dans ces conditions qu'ils apprennent beaucoup en
électronique de signal et de puissance, en
électrotechnique, en automatique, en informatique
industrielle à travers le projet, n'est pas forcément
étonnant.
A leur aisance à manipuler le système, il est par
ailleurs évident que les étudiants en question ont
d'ores et déjà acquis le sens pratique, la capacité à
manipuler,
compétences
dont
l'acquisition
constituaient justement l'objectif du projet.
Du coté européen, ce dialogue avec leurs collègues
marocains a permis aux enseignants belges
notamment de retravailler le dispositif pédagogique
d'apprentissage par projet en mécatronique. Pour
aider les étudiants à spécifier de façon plus pertinente
et plus précise les besoins en capteurs et en
motorisation, des travaux pratiques longs ont été mis
en place autour de plates-formes robotiques
identiques à celles fabriquées pour les marocains.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier la Commission
Européenne pour son soutien à travers le programme
Tempus-Meda. Ils associent à ces remerciements
Jean-Pierre Guibergia, coordinateur de ce projet, ainsi
que toutes les équipes administratives et techniques
qui, au sein de l'Ecole Centrale de Marseille, de
l'ENSA de Marrakech, de l'ISEN-Toulon et de l'UCL
ont permis la réalisation de projet.
Ils souhaitent saisir cette occasion pour remercier tout
particulièrement André Lengelé, Thierry Darras et
Marie-Christine Vandigenen de l'UCL.
Bibliographie
Préparation
Fabrication des robots
Formation des formateurs
Total
6 k€
25 k€
12 k€
43 k€
6 k€
7 k€
12 k€
18 k€
7 k€
Tab. 1. Détail des coûts du projet
Total
Composants
Missions
Personnel
Si cette approche "sur mesure" s'est avérée
extrêmement positive pour les différentes parties
(transfert effectif de savoir-faire vers les enseignants
marocains, mise en place d'un dispositif pédagogique
adapté au besoins locaux et même des retombées
positives sur l'enseignement en Belgique), il faut bien
être conscient de son coût, sans commune mesure
avec celui du matériel finalement livré.
Quatre missions d'une semaine.homme ont été
organisée pendant la phase de préparation / évaluation
des besoins / présentation aux enseignants marocains
des savoir-faire des partenaires européens (coût : 6k€
de frais de voyage et de séjour et autant en frais de
personnel).
Le conception et la fabrication des 6 plates-formes
représente un coût de près de 7k€ en terme de
composants à acheter (moteurs, réducteurs, capteurs
principalement) mais plus de 25k€ en frais de
personnel.
Enfin la formation des enseignants marocains a
nécessité l'organisation de 8 nouvelles missions d'une
semaine.homme (2 missions pour chacune des
matières, électronique de puissance, capteurs, microprocesseur et 2 à la livraison des robots pour les
aspects mécaniques et l'interfaçage entre les
différentes parties).
12 k€
32 k€
24 k€
68 k€
[1] D. Grenier, S. Ivanov, F. Labrique, S. Labrique, B.
Robyns. M.-J. Resende, "e-Learning en génie
électrique : Développement coopératif de ressources
pédagogiques multimédia", Journal de l’Enseignement
des Sciences et Technologies de l’Information et des
Systèmes (J3EA), Vol. 5, 21 (2006), DOI
10.151/j3ea:2006021 .
[2] D. Grenier, P. Sente, P. Fisette, B. Raucent, "La
conception et la réalisation de robots mobiles comme
éléments
fédérateurs
d’une
formation
en
mécatronique", Actes du 2ème Colloque sur
l’Enseignement des Technologies et des Sciences de
l’Information et des Systèmes (CESTIS-EEA’99),
Montpellier (France), Novembre 1999, pp. 295-298.
[3] C. Vloebergh, D. Grenier, P. Fisette, C. Eugène, J.-D.
Legat, "Intégration d'une compétition de robotique au
sein d'un cursus de formation en mécatronique", actes
du 5ème Colloque sur l’Enseignement des
Technologies et des Sciences de l’Information et des
Systèmes (CESTIS-EEA’2005), Nancy (France),
Octobre 2005, papier IP-27, 6 pages (CD-ROM),
repris dans Vol. 5 Hors Série 2 du Journal de
l’Enseignement des Sciences et Technologies de
l’Information et des Systèmes (J3EA).
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