Sans sépulture
Modalités et enjeux de la privation de
funérailles de la Préhistoire à nos jours
Dirigé par
Aurore Schmitt
Élisabeth Anstett
« On ne les enterrera point et ils seront comme du fumier sur
la terre » (Jr 8, 2) :
la privation de sépulture dans l’ancien Israël au
Ier millénaire av. J.-C.
Piotr Kuberski
La privation de sépulture au Proche-Orient ancien
Saisir la privation de sépulture dans le Proche-Orient
ancien
Dans l’ancien Israël comme dans tout le monde antique,
la privation de sépulture fait partie de l’arsenal des
peines connues. Infligée pour les crimes jugés comme
particulièrement graves, cette peine consistait à priver
un individu de funérailles. Dans le cas du monde
sémitique, il s’agissait de ne pas octroyer au mort
un lieu de dépôt définitif et de ne pas accomplir les
cérémonies funéraires et post-funéraires (deuil, culte
des ancêtres). Ces mesures pouvaient être suivies par
des pratiques de mutilation, perpétuées, dans le cas du
Proche-Orient ancien, par les animaux carnassiers. Cela
visait à déshonorer le défunt afin de « détruire le sens
qu’il était » (Thomas 1980 : 109) et empêcher sa survie
postmortem.
Le monde sémitique ancien ne conceptualise pas la
réalité, mais la peint souvent de manière métaphorique.
Il en était de même avec les représentations de la
mort et de la survie post-mortem. Cette survie dépend
de « la possession d’une sépulture puisque pour la Bible
hébraïque un lien étroit existe entre la tombe et le Shéol
qui, géographiquement parlant, désignent la même réalité »
(Kuberski 2012 : 82). Elle dépend aussi de l’intégrité
corporelle du cadavre ainsi que de la préservation des
ossements qui font partie du fond imaginaire commun
à l’ancienne culture sémitique (Kuberski 2012 : 8387 ;
Kuberski 2020 : 336). Quant au mort « il faut avant tout
qu’il existe physiquement dans ce qu’il a de plus substantiel
et durable, c’est-à-dire en tant que squelette » (Cassin 1982 :
360).
Le corpus documentaire
Le corpus documentaire relatif à cette peine est connu
grâce à une cinquantaine d’exemples présents dans
treize livres vétérotestamentaires, de nature littéraire
différente, aussi bien prophétique, historiographique
que poétique (Mansen 2015 : 6, 159). L’exégèse des textes
permettra de saisir cette pratique et de comprendre
quels étaient ses enjeux, les images employées pour y
Sans sépulture (Archaeopress 2023) : 102–109
faire référence, ses principaux acteurs, ses justifications
et ses conséquences.
Cette documentation scripturaire provient du Ier
millénaire av. J.-C. et se situe pour l’essentiel à l’époque
de l’Exil à Babylone (VIe s. av. J.-C.). Les inscriptions
funéraires nord-ouest sémitiques évoquent avec horreur
l’idée d’être dépossédé de sa sépulture et menacent
ainsi les éventuels pilleurs de tombes (Parrot 1939).
Les auteurs bibliques puisaient à cet égard dans des
représentations communes au monde mésopotamien,
syrien ou araméen. Le phénomène qui nous intéresse
peut donc être étudié sur une longue période, depuis
la plus ancienne documentation iconographique du
IIIe millénaire av. J.-C. (cf. infra), épigraphique du IIe
millénaire av. J.-C.1, jusqu’aux sources néo-assyriennes
de la première moitié du Ier millénaire av. J.-C., et pour
une large aire culturelle.
Les documents qui constituent notre corpus
contiennent tout d’abord des formules très stéréotypées
(Mansen 2015 : 30 ; Hillers 2015). Hillers énumère ainsi
à propos de ces formules trois éléments essentiels :
le cadavre n’est pas enterré ; le cadavre est laissé
aux animaux carnassiers ; ce cadavre est comparé au
fumier et associé aux déchets. La privation de sépulture
apparaît alors comme un type de violence post-mortem
(Mansen 2015 : 34), pis, comme l’une des plus grandes
malédictions qui puissent être envisagées dans ce
contexte culturel. La « privation de sépulture mentionnée
en dernier lieu apparaît ainsi comme le châtiment le plus
redoutable que l’on puisse exprimer » (Parrot 1939 : 21).
Une menace parmi d’autres figure dans les catalogues
des malédictions. Pratiquement tous les passages
étudiés se réfèrent au genre littéraire de la malédiction.
Dans la littérature ancienne, une malédiction est
d’abord un fléau annoncé qui viendra, ou un châtiment
qui touchera celui qui ne respecte pas les engagements
se basant sur la fidélité, l’obéissance envers un roi ou
une divinité. Avec les bénédictions, les formules de
malédiction font partie intégrante des Traités dits de
1
Le plus ancien témoignage littéraire serait probablement celui du
roi Iaḫdun-Lim de Mari, du XIXe s. av. J.C : « que Nergal, le maître de
l’arme brise son arme et qu’il ne reçoive pas de morts » (col. V, par),
Dossin (1955 : 17).
Piotr Kuberski : On ne les enterrera point
D’autres traditions ont vu dans le chien un agent de
châtiment divin. L’animal, mal aimé et impur dans le
monde biblique, a été associé à l’immondicité et à la
saleté avant de devenir à l’époque grecque symbole de
fidélité. Des images plus connues le présentant comme
dévoreur des corps ont été associées au destin de la
célèbre reine Jézabel, perçue comme idolâtre : « dans la
propriété d’Izréel les chiens mangeront la chair de Jézabel »
(2 R 9, 36).
vassalité, connus d’abord dans le monde hittite, puis
assyrien et biblique. Dans ces traités, le non-respect
d’un engagement (révolte, idolâtrie) est toujours
sanctionné. Ainsi, ces malédictions font référence à
l’existence d’« un stock littéraire commun » ou de
« normes culturelles communes » (Crouch 2014 : 59 ;
Mansen 2015 : 34-35).
Les modalités de la privation de sépulture
Être exposé aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs
La référence aux animaux carnassiers est omniprésente
et contient très souvent l’expression « bêtes des champs »
(behemat ha’areṣ ), accompagnée des « oiseaux du ciel »
(ʽoph haššamayîm)2, utilisées ensemble une quarantaine
de fois dans la Bible. D’autres expressions semblables
sont également employées : les « êtres vivants de la toute
la terre (ḥayyat kôl ha’areṣ) » (Ez 32, 4), les « êtres vivants
des champs (ḥayyat haṥṥadeh) » (Ez 31, 13), les « rapaces »
(ʽaîṭ)3 (Jr 12, 9) et rarement les « oiseaux de proie (eʽṭ
ṣîphôr) » ou les « bêtes sauvages (kanaph ḥayyat) » (Ez, 39,
4). Parfois le texte précise que ce sont « les chevaux »4
qui piétinent (hasousîm wayyîrmesennah), le cadavre de
Jézabel (2 R 9, 33), les chiens qui dévorent ceux qui se
sont rebellés contre l’unité du pays (1 R 14, 11 ; 16, 4),
ou bien le corps de Jézabel (yo’kelou hakelabîm et beśar5
yîzabel) (2 R 9, 36) (Jr 15, 3). Les corbeaux en revanche
peuvent crever les yeux et les aigles dévorer celui qui
ne respecte pas ses parents (Proverbes 30, 17).
La terminologie
La référence au monde animal comme agent de
châtiment représente l’une des expressions le
plus souvent employées. Le passage du livre de
Deutéronome 28, 26 indique ainsi : « ton cadavre servira
de proie à tous les oiseaux du ciel et aux bêtes de ton pays
(wehayetah niwelayteka lema’kal lekol ʽôph haššamyîm
oulebehemat) ». Depuis longtemps l’exégèse historicocritique a relevé une certaine convergence de styles
entre ce livre, ou l’école dite deutéronomiste, et le
Livre de Jérémie. En effet, on retrouve dans le discours
prophétique les mêmes images : « les cadavres de ce
peuple seront la pâture (lem’akhal) des oiseaux du ciel et des
bêtes de la terre (nibelat haʽam) ; et il n’y aura personne pour
les troubler » (Jérémie 7, 33, voir aussi : Jr 16, 4 ; Ez 29, 5).
Cette expression se retrouve également ailleurs. Avant
le combat entre David et Goliath, l’auteur du texte place
dans la bouche de deux adversaires le même appel :
« je donnerai ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes des
champs » (1 Samuel 17, 44) ; « je donnerai les cadavres de
l’armée philistine aux oiseaux du ciel et aux animaux » (1 S
17, 46). Le Psalmiste décrit par ailleurs dans des termes
similaires l’invasion des Babyloniens dans la ville de
Jérusalem, qui « ont livré les cadavres de tes serviteurs en
pâture aux oiseaux du ciel, la chair de tes fidèles aux bêtes
de la terre » (Ps 79, 2). Le prophète Ezéchiel relate ces
mêmes événements dans un style semblable : « tous les
oiseaux du ciel se posent sur ses dépouilles, toutes les bêtes
sauvages (ḥayyat haṥṥadeh : litt. « bêtes des champs ») gîtent
dans ses branches » (Ez 31, 13). Dans un oracle, Dieu
adresse au pharaon la phrase suivante : « je te jetterai à
terre, je te lancerai à la surface des champs, je ferai se poser
sur toi tous les oiseaux du ciel et les animaux de toute la
terre (ḥayyat kôl ha’areṣ) se rassasieront de toi » (Ez 32,
4). Existait-il un partage de rôles entre les animaux qui
effectuaient le travail de décharnement uniquement
dans les campagnes (« oiseaux du ciel » et « bêtes
des champs ») et ceux qui le faisaient plutôt dans les
villes (les chiens) (Nutkowicz 2006 : 75) ? Une formule
semblable apparaît dans un texte qui condamne le roi
Jéroboam, responsable du schisme du Royaume du
Nord au Xe s. av. J.-C. « Celui de la maison de Jéroboam qui
mourra dans la ville sera mangé par les chiens, et celui qui
mourra dans les champs sera mangé par les oiseaux du ciel »
(1 Rois 14, 11 ; voir aussi 1 R 16, 4).
Les images communes au monde proche-oriental
Ces images proviennent-elles du fonds imaginaire
commun ou sont-elles empruntées à la Mésopotamie ?
Il est difficile de trancher. Signalons tout de même
quelques points de ressemblance et de divergence.
L’image des oiseaux qui consomment les corps est
ancienne : on la voit dans la fameuse scène de la
Stèle des Vautours (2450 av. J.-C.) sur laquelle on peut
apercevoir les oiseaux s’acharner sur les corps des
vaincus, piétinés par l’armée de Lagash, conduite par
le roi Eannatum. Dans des documents plus tardifs,
les rapaces6 font partie des animaux qui exécutent le
châtiment divin : « puisse Ninurta, le plus grand des dieux,
vous frapper avec sa flèche féroce, qu’il remplisse la plaine de
ton sang et nourrir avec ta chair l’aigle et le vautour » (Traité
de Vassalité d’Assarhaddon 6, §41, 425-427. Parpola,
2
« Les oiseux du ciel » est une expression récurrente dans la Bible
hébraïque qui renvoie à tout ce qui vole.
3
Les traducteurs hésitent sur la façon de traduire ce terme hébraïque.
Si certains privilégient le mot « rapace », les autres optent pour celui
de « vautour ». En effet, la langue ne distingue pas souvent l’aigle du
vautour.
4
Le texte hébraïque reste ambigu ici puisqu’il utilise le singulier
suggérant que c’est Jéhu qui avait commis cet acte. D’autres versions
corrigent tout de même ce passage en parlant bel et bien des chevaux.
5
Le terme baśar « signifie aussi bien la peau, la chair, la viande, qu’un
être vivant, un animal, un homme », (Martin-Achard 1988 : 16).
6
Comme dans l’hébreu biblique, l’akkadien et le sumérien (erû, zibu,
ÁMUŠEN) ont plusieurs termes qui peuvent désigner à la fois un
vautour ou un aigle.
103
Sans sépulture
Watanabe 1988 : 46). « J’ai laissé les vautours manger les
corps non enterrés de leurs guerriers » (Prisme I, V, 56.
Leichty 2011 : 21).
champs, évoque visuellement parlant une matière qui
gît sur le sol et, d’un point de vue olfactif, la puanteur.
Ainsi, les morts punis « deviendront du fumier (ledomen)7
sur le sol » (Jérémie 25, 33). « Ils ont été détruits à En Dor, ils
sont devenus du fumier (domen) pour la terre», affirme le
psalmiste (Ps 83, 11). L’auteur du 2 Livre des Rois décrit
le funeste sort de la dépouille de la reine Jézabel : « le
cadavre de Jézabel sera comme du fumier (kedomen) sur la
face des champs, dans le champ de Jizreel, de sorte qu’on ne
pourra dire : C’est Jézabel » (2 R 9, 37). A travers le fumier,
le cadavre est comparé à un déchet. Pour le prophète
Sophonie « le sang [des pécheurs] sera répandu comme de
la poussière, et leurs tripes comme des ordures (kagelalîm) »
(Soph 1, 17). Une autre image vient du livre d’Isaïe dans
lequel, à travers l’oracle, l’auteur décrit le sort funeste
réservé à ceux qui restent infidèles face à la loi divine.
« Leurs cadavres sont comme des ordures (souḥah)8 au milieu
des rues » (Isaïe 5, 25) « leurs cadavres exhalent la puanteur,
et les montagnes se fondent dans leur sang » (Is 34, 3).
En dehors des oiseaux, si les porcs ne sont pas évoqués
dans les récits vétérotestamentaires, ils apparaissent
en revanche dans les traités de vassalité d’Assarhaddon
(680-669 av. J.-C.) : « que les chiens et les porcs mangent
votre chair ; que personne ne s’occupe de ton fantôme
à travers les libations » (TVA 6, §47 451452. Parpola,
Watanabe 1988 : 46-48). « Que les chiens et les pourceaux
les traînent çà et là sur les places d’Aššur ; que la terre ne
reçoive vos cadavres [pour l’enterrement] ; que vous soyez de
la nourriture dans le ventre d’un chien ou d’un porc » (TVA
6, §56 483-484. Parpola, Watanabe 1988 : 4647, 49). « Que
les chiens et les porcs traîneront les pénis et les tétines dans
les rues, les morts trouvent leur sépulture dans le ventre
de ces animaux » (TVA 6, §41, 481. Parpola, Watanabe
1988 : 46). Le chien et le porc forment souvent un
couple inséparable. Considérés tous les deux comme
impurs, ils étaient employés ensemble dans les rites
de purification et de nettoyage de champs de bataille
(Firmage 1992 : 1144).
Déposés devant les portes des villes (Jr 14, 16 ; 22, 1819) ou, encore pire, dans le désert, il n’y aura personne
pour les enterrer ni pour les pleurer. Le lieu désertique
dans ces régions chaudes était perçu comme le lieu par
excellence du danger, de l’angoisse voire de la présence
démoniaque. Il ne faut donc pas s’étonner qu’un certain
nombre de sources narratives de la Bible y voient le lieu
de la mort pendant l’épisode de la sortie d’Egypte (voir
le Livre des Nombres, chapitre 14).
Se protéger des animaux
Plusieurs sources expriment de manière claire
l’angoisse partagée par les hommes du Proche-Orient
ancien de voir les restes mortels d’un proche dévorés
par les animaux. S’en protéger apparaît dès lors
comme une attitude compréhensible comme le fait
un personnage biblique dénommé Rizpah, femme de
Saül, premier roi. Les restes de ce dernier et ceux de ses
fils sont transportés dans un tombeau familial sous la
garde de Rizpah. Au préalable, « de jour, elle empêchait les
oiseaux de se poser sur eux, et de nuit, elle éloignait les bêtes
sauvages » (2 S 21, 10-14).
Les images terrifiantes indiquent que c’est en
Mésopotamie qu’il faut chercher le summum de la
barbarie à travers une représentation littéraire et
surtout iconique des cadavres humiliés des ennemis
vaincus (Richardson 2007), allant jusqu’à l’interdiction
de l’inhumation des leurs dépouilles (Crouch 2009 :
139, 148). La « représentation préférée était celle des corps
liés et captifs » (Richardson 2007 : 196). Cette punition
du cadavre était perçue comme le « prolongement de
la punition de l’adversaire vivant » (Marti 2012 : 68) et
servait, en jouant sur la peur, la propagande assyrienne
en dissuadant tout ennemi potentiel. L’exhibition des
corps écorchés, piétinés, empalés, décapités commence
avec la période médio-assyrienne au XIIIe s. av. J.-C.
pour voir son apogée sous le règne d’Aššurnaṣirpal II
(883-859 av. J.-C.) dans une « véritable accumulation de
gore » selon les mots de l’historien Seth Richardson,
et se poursuit dans un élargissement du macabre sous
Aššurbanipal. Ainsi, la propagande assyrienne continue
à exploiter le thème animalier, évoqué précédemment.
Cette fois-ci, les ennemis mal traités sont exécutés
La littérature mythologique de l’antique ville syrienne
Ougarit, disparue au XIIe s. av. J.-C. exprime également
cette même peur. Ainsi, dans la légende du roi Danel,
le héros apprend l’assassinat de son fils Aquat et part
à la recherche de ses restes qu’il retrouve finalement
dans les entrailles des rapaces. Danel maudit ensuite
cet animal : « Que Baʽal brise [les ailes des rapaces], Que
Baʽal [brise ses oiseaux, Qu’ils] tombent sous mes pieds, que je
fen[de leur gésier et] que je regarde s’il y un lambeau de chair
ou s’il y un os, pour pleurer et l’enterrer, pour le placer dans la
terre, le cimetière divin » (III, 107-113 Caquot et al. 1974 :
449-450).
Exposer les cadavres comme du fumier à la surface du sol
7
Le terme hébreu domen se réfère aux excréments d’animaux, au
fumier utilisé dans les champs. Ce vocable est employé pour désigner
les cadavres qui jonchent le sol, Clines 1993-2014. Vol. II : 452. Le
même terme est utilisé en Jr 16, 4 ; 25, 33 Certaines traductions
proposent ici le mot « engrais ».
8
Souḥah. Il s’agit d’un terme très rare : « déchets, excréments »,
Clines 1993-2014. Vol. VI : 129.
Les images bibliques des animaux dévorant les cadavres
des hommes sont par ailleurs souvent associées à du
fumier par le biais d’une métaphore utilisée comme
la quintessence du châtiment divin. Le champ lexical
agricole du fumier, à la manière du compost dans les
104
Piotr Kuberski : On ne les enterrera point
« comme des porcs » en introduisant ici l’image de la
boucherie, utilisée par plusieurs monarques du VIIIeVIIe s. av. J.-C. (Richardson 2007 : 197).
Privation de libations
Le Livre de Jérémie apporte quelques détails intéressants
à ce propos et relate que « dans ce pays, les grands comme
les petits mourront ; ils ne seront pas ensevelis ; pour eux on
n’entonnera pas l’élégie, on ne fera ni incisions ni tonsure »
(16, 6). Il s’agit des signes visibles du deuil exprimés
à travers les marquages corporels et le rasage des
cheveux. Le texte sous-entend qu’il existait un repas
funéraire, très probablement associé à cet ensemble
de rites d’hommages envers les défunts puisqu’« il n’y
aura personne pour partager le pain [lahem aʽl ’bel lit.
« pain de misère »] avec la famille en deuil et la consoler,
personne non plus pour offrir la coupe de consolation [kôs
taneḥoumîm] à ceux qui ont perdu un père ou une mère » (v.
7). S’il existe un consensus sur le bien-fondé historique
des repas funéraires dans l’ancien Israël10, un débat
persiste parmi les chercheurs pour savoir de quel repas
il s’agissait. Autrement dit, était-il destiné aux défunts
ou aux familles en deuil (Johnston 2002 : 61-62 ; Olyan
2005 : 608-609) ?
Absence des rites de deuil
A côté de l’exposition et la destruction du cadavre, nos
sources indiquent que d’autres mesures existaient à
travers l’absence de cérémonies funéraires et/ou de rites
commémoratifs. Ces situations étaient certainement
moins radicales, mais tout autant redoutées puisqu’elles
pouvaient avoir des répercussions graves sur le
futur sort des défunts. On retrouve ainsi cette idée
exprimée dans la description de la ville de Jérusalem
en ruines : « le sang de ceux qui te sont fidèles a coulé à
flots, sans personne pour les mettre en terre (‘eyn qober : lit.
« pas de tombe ») » (Psaume 79, 3). Le champ lexical
de la privation s’exprime par les différents types de
négation : (‘eyn qober ou lo’ yikaberou en hébr. ou la qeberi
en akkadien) et la racine sémitique qbr : « enterrer ».
Le prophète Jérémie précise en quoi consiste cette
absence de sépulture : « ceux que le Seigneur aura blessés
à mort n’auront pas de funérailles (lo’ yissapedou9) ; ils ne
seront pas ramassés pour être ensevelis » (Jr 25, 33).
En tout cas, l’existence de ces festins organisés en
mémoire des morts est bien attestée par les sources
mésopotamiennes. Appelé kispu, ce repas familial
était composé de mets liquides et solides, dont la
consommation revêtait une grande importance. Kispu
servait à nourrir les eṭemmu, c’est-à-dire les esprits des
morts ou à conjurer l’esprit malin (Tsukimoto 1980 :
129-138). Comme les autres offrandes funéraires, le
kispu était organisé régulièrement, généralement
une ou deux fois par mois, dans la plupart des cas à
la nouvelle lune. Compte tenu de son importance, en
tant que source de bienfaits, la suppression de tels rites
pouvait donc représenter un malheur pour le défunt.
Il pourrait donc s’agir d’une peine dont les différents
corpus juridiques ou littéraires nous donnent quelques
détails. Ainsi, le code d’Hammurabi (1790-1750 av. J.-C.)
mentionne parmi une multitude des malédictions
en cas de non-respect des prescriptions la sanction
suivante : « en bas, dans la terre, qu’il altère d’eau son
eṭemmu » (col. 340-341). L’épopée de Gilgamesh évoque la
figure de l’homme11 mort qui séjourne dans les Enfers
avec un verre d’eau pure dans la main (tabl. XII col. 147).
Mais il ne faut pas oublier que la survie dans le pays
des morts dépend des offrandes ou du service funéraire
réalisé par les vivants. Autrement dit, une telle survie
dépend de la famille du défunt. C’est pourquoi, celui
qui n’a qu’un seul fils se lamente sur son sort et pleure,
en revanche celui qui en a trois boit de l’eau (XII, 100104) (Georg 2003 : 903). Ce service funèbre dépend
Ailleurs, dans un autre passage du même livre, le
texte reprend les mêmes verbes (spd « pleurer sur, se
lamenter » ; qbr : « enterrer ») : « ils mourront torturés par
la faim, ils n’auront ni funérailles ni sépulture (lo’ yissapedou
lo’ yikkaberou) » (Jr 16, 4). Clairement, l’absence de
sépulture est associée à la privation de funérailles,
représentées ici par les élégies funèbres. Ces chants
pouvaient peut-être ressembler à ce que Jérémie
relate à propos de la mort du roi de Juda Yoyaqim : «
A Yoyaqim, fils de Josias : on n’entonne pas pour lui l’élégie :
« Quel malheur, mon frère ! Quel malheur, ma sœur ! ».
On n’entonne pas pour lui l’élégie (lo’ yisepedou) : « Quel
malheur, mon maître ! Quel malheur ! » » (Jr 22, 18).
De nouveau, c’est le roi Yoyaqim qui est visé par cette
prophétie. Cette interjection « hôy » (hélas !, malheur !)
est utilisée plusieurs fois dans l’Ancien Testament pour
exprimer un désespoir, mais pas uniquement dans
un contexte funéraire (Nutkowicz 2006 : 49-51). Les
chants mentionnés (hébr. qînah) faisaient partie d’un
ensemble de pratiques exprimant le deuil, incluant
des lamentations et des prescriptions (obligation de se
raser les cheveux, de réaliser de scarifications rituelles,
et de porter des vêtements particuliers ; Nutkowicz
2006 : 49-54 ; Johnson 2002 : 50).
Le texte dit littéralement « on ne pleura pas/se lamentera pas », le
verbe spd « pleurer sur, se lamenter » est employé dans le contexte
de la mort (Nutkowicz 2006 : 49-54 ; Johnston 2002 : 49-50). « La
lamentation ou mispēd, évoquée par le verbe sāpaḏ, met en scène le
chagrin lors des funérailles, par une gestuelle, se frapper la poitrine,
et une expression orale, pousser des gémissements et pleurer »
(Nutkowicz 2006 : 49).
9
10
Bloch-Smith fut le découvreur des récipients trouvés dans les
tombes et destinés probablement à la nourriture avec parfois la
présence des ossements animaux (Bloch-Smith 1992 : 103-108).
11
Les éditeurs discutent sur la signification de ce passage, l’homme
probablement malheureux est ainsi récompensé (Bottéro 1992 : 216)
ou étant protégé ici-bas, il reste sous la protection des dieux après la
mort (Georg 2003 : 904).
105
Sans sépulture
bien évidemment aussi du fait d’être enterré dans un
lieu adéquat. Dans le cas du contraire, Enkidu annonce
à son ami Gilgamesh que « celui dont on a abandonné le
cadavre au désert […], son fantôme ne connaît pas de repos »
(XII 150, trad. J. Bottéro). Sans descendants pour offrir
de la nourriture et de la boisson aux défunts, les morts
ne connaissent pas de paix possible dans le monde des
Enfers. Enkidu suggère en effet que les personnes non
inhumées se retrouvent bel et bien dans l’au-delà, mais
qu’elles n’y trouvent pas la paix. On peut parler d’une
forme d’interdépendance entre les vivants et les morts
à travers les offrandes funéraires.
ensuite piétinée par les chevaux, puis dévorée par des
chiens (cf. supra), le texte ordonne ensuite de l’ensevelir
compte tenu de sa condition royale. Le lecteur apprend
par la suite qu’il ne reste de la dépouille que « le crâne,
les pieds et les paumes des mains ». L’épisode relatant
l’histoire de la mort du roi Saül et de ses fils est tout
aussi singulier puisqu’il s’agit du seul cas de crémation
rapporté dans la Bible (1 Livre de Samuel 31) (Kuberski
2009). Après que le roi et ses fils ont été humiliés et
tués par les Philistins, les dépouilles de la famille royale
sont récupérées par les fidèles du roi pour être brûlées
et leurs cendres finalement transférées afin de reposer
dans une tombe familiale. Précisons que le déplacement
des ossements depuis leur dépôt initial vers un autre
tombeau était autorisé et largement pratiqué (Kuberski
2019 ; Olyan 2005 : 611 ; Stavrakopoulou 2010 : 72).
La signification de cette pratique de crémation est
pourtant inhabituelle dans ce contexte hébraïque, et
elle a soulevé beaucoup de questions d’interprétation.
Fallait-il voir dans cette pratique une punition vis-àvis de celui qui a montré son infidélité face à Yahvé ou
au contraire un geste d’hommages visant à redonner
la dignité à une dépouille après qu’elle a subi des
outrages ?
La privation de libations apparaît donc comme une
véritable arme de guerre ou en tout cas de propagande.
Une telle « cessation des offrandes est une peine en ellemême » (Marti 2012 : 74) à côté d’autres peines. Privé de
ces rites, l’ennemi subit une forme de seconde mort. La
formule « que personne ne s’occupe de ton fantôme à travers
les libations » (TVA n° 6 : 451-452 Parpola, Watanabe
1988 : 47-48) complète la malédiction qui voue un
adversaire à être dévoré par les bêtes. De la même
manière la malédiction suivante « je les privai d’offrandes
funéraires et de libations d’eau », provenant d’un prisme
d’Assurbanipal, conclut un texte sur la destruction
des ossements des rois élamites (Marti 2012 : 73 ;
Cassin 1982 : 362) et vient signaler l’outrage infligé à la
mémoire du vaincu.
La « sépulture de l’âne »
L’histoire de roi Yoyakim est, elle aussi, assez
significative puisque le passage du livre de Jérémie
mentionne pour la seule et unique fois la dénomination
de « sépulture d’âne » (qebourat ḥamor) qui deviendra
célèbre au Moyen Age en tant que sepultura asini (Vivas
2012 : 212-213 ; 312-314). Le texte dont la lecture reste
difficile13 se réfère à une punition et se résume en deux
verbes : sḥb « traîner » et šlk « jeter », évoquant ainsi
les gestes peu respectueux vis-à-vis du défunt. De plus,
la formule finale « loin des portes de Jérusalem » signifie
qu’il s’agirait ici d’un geste difficilement compatible
avec les pratiques en vigueur, d’autant plus qu’on parle
du roi. Comment expliquer cette étrange désignation
« sépulture d’âne » ? Peut-être en cette période de
troubles politiques (qui correspond aux invasions
babyloniennes), les Judéens abandonnaient-ils les
animaux en dehors de la ville (Way 2011 : 195) ? Le roi
aurait-il alors été traité de la sorte ? L’historiographie
biblique paraît contradictoire sur ce point, car le
texte 2 Rois 24, 6 utilise pour évoquer les funérailles
Yoyakim une expression convenue « il s’est couché avec
ses pères » suggérant dès lors que, comme les autres
rois de Juda, Yoyakim a été enterré dans les tombeaux
royaux à Jérusalem. Les commentateurs émettent
toutefois plusieurs hypothèses, en n’écartant pas un
traitement indigne, et évoquent tantôt l’assassinat,
Sépulture déshonorante mais sépulture tout de
même
La lecture des textes bibliques relatifs à la sépulture
nous invite à abandonner une certaine perception
binaire qui opposerait la sépulture à l’absence de
sépulture. En effet, certains passages suggèrent que les
anciens habitants d’Israël n’hésitaient pas à recourir
aux formes de funérailles que Saul Olyan désigne de
manière oxymorique comme « déshonorantes » car
éloignées du modèle de la sépulture familiale (Olyan
2005 : 604-606). En parcourant la Bible hébraïque,
le lecteur prend connaissance de l’existence de ces
sépultures réalisées a minima (Crubézy 2019 : 60)12. Ces
sépultures sont destinées aux défunts, ensevelis avec un
appareil rituel réduit au minimum, mais ceux-ci ne sont
pas privés de sépulture. Intéressons-nous tout d’abord
aux funérailles royales, puis à l’inhumation d’exclus ou
de condamnés.
Sépulture a minima des rois et des reines
La mort de la reine Jézabel offre un passage
particulièrement intéressant et obscur à la fois (2 R
9, 33-37). Elle est tuée et défenestrée, sa dépouille est
13
Étrangement, il n’y a pas de proposition dans cette phrase, c’est
pourquoi certains proposent d’y rajouter soit « comme » ou « à la
manière de » soit « avec » suivie du nom de l’animal que l’on peut
traduire « avec un âne » ou « à la manière de l’âne » (Way 2011 : 194).
Par ailleurs, les sépultures d’équidés sont attestées dans cette région.
12
L’auteur fait une distinction entre ceux exclus de tout processus
funéraire (rites, sépulture, hommages) et ceux ensevelis et traités a
minima.
106
Piotr Kuberski : On ne les enterrera point
tantôt l’exhumation tardive et la profanation du corps,
ou encore une interdiction d’enterrement dans la
capitale où se trouvaient à l’époque les Babyloniens
(Lundbom 2004 : 144-146). En tout cas, compte tenu
de l’image négative de son règne (2 Chroniques 36, 6)
et d’un autre passage de Jérémie suggérant l’absence
d’ensevelissement, « son cadavre sera exposé à la chaleur
pendant le jour et au froid pendant la nuit » (Jr 36, 30),
cette « sépulture d’âne » doit vraisemblablement être
comprise comme une forme d’abandon de la dépouille
dont les aspects précis nous échappent.
par excellence des Judéens, ces derniers sont, en effet,
fustigés et critiqués pour leur idolâtrie, mais aussi pour
leur expansionnisme et les crimes commis. Dans tous
les cas, dans l’ensemble de notre corpus, ceux qui sont
punis ne respectent pas les engagements pris.
La sépulture des malfaiteurs
Dans le domaine social, cette peine contribuait
à effacer la mémoire du défunt et lui interdisait
de devenir un ancêtre. L’absence de lieu de dépôt
de restes, l’absence de funérailles constituées de
lamentations, comme l’absence de tout culte funéraire
commémoratif (libations, repas, évocation du nom)
formait un trio qui privait totalement le mort de la
place que la société lui aurait réservé en temps normal.
Pour reprendre les catégories sociologiques de Van
Gennep, l’absence de sépulture empêche le défunt de
quitter son état liminal de membre vivant du groupe
social, et de réintégrer la communauté des défunts
(Stavrakopoulou 2010 : 68). Ainsi, le cadavre « n’est ni
rituellement ni socialement transformé », dans un acte qui
œuvre en outre à la désintégration de la communauté
des vivants (Stavrakopoulou 2010 : 71-73). Il est vrai
que le principe de privation de sépulture concerne
« moins la mutilation du cadavre que le déshonneur
public et l’absence de rites funéraires » (Stavrakopoulou
2010 : 73). De plus, « contrairement aux rites funéraires
socialement structurés auxquels participe la communauté, la
consommation de cadavres par les oiseaux prédateurs est une
image de l’élimination non structurée des morts » (Mansen
2015 : 161). La privation de sépulture équivaut à une
déshumanisation, car on cherche à détruire l’identité
sociale de la victime, en la traitant comme une bête.
On peut la qualifier d’une confusion d’ordre social qui
mélange les places destinées aux morts et celles des
vivants.
Les multiples conséquences de la privation
Les conséquences d’une privation de sépulture
pouvaient être d’ordre social, politique, religieux et
enfin eschatologique.
Quelques indications scripturaires nous incitent par
ailleurs à penser que dans de nombreux cas, même
pour les crimes jugés comme graves, une sépulture
rudimentaire prévalait sur son absence. L’énigmatique
passage, relatif selon certains à une crucifixion, stipule
que « si un homme, pour son péché, a encouru la peine de
mort et que tu l’aies mis à mort et pendu à un arbre, son
cadavre ne passera pas la nuit sur l’arbre » (Dt 21, 22-23).
On peut donc conclure que même la dépouille d’un
malfaiteur14 devait être enterrée, compte tenu de la
souillure provoquée par le cadavre non enseveli. La
suite de ce texte est, en tout cas, interprétée ainsi : « tu
dois l’enterrer le jour même, car le pendu est une malédiction
de Dieu »15. Cette idée est reprise dans l’histoire de la
conquête de Canaan sous la conduite de Josué qui, après
avoir pendu le roi de la ville d’Aï, l’enleva de l’arbre et
« le jeta à l’entrée de la porte de la ville et […] éleva au-dessus
de lui un grand monceau de pierres » (Jos 8, 29).
Les raisons et les conséquences de la privation de
sépulture
Qui était privé de sépulture ?
Parmi ceux qui infligent des pratiques punitives et la
privation de sépulture, on retrouve habituellement
les détenteurs du pouvoir, que ce soit le pouvoir
politique ou divin. Yahvé, le dieu d’Israël apparaît ainsi
souvent dans les formules de malédiction. De la même
façon, les textes proche-orientaux confiaient ce rôle
punitif à différentes divinités. Ces punitions visent
différents types de collectivités comme les habitants
de Juda, ou les habitants de la ville de Jérusalem en
particulier. D’autres peuples sont aussi concernés par le
châtiment de l’absence de sépulture : les Babyloniens,
les Égyptiens, les Philistins ou encore des Phéniciens
avec la figure de Jézabel. Considérés comme ennemis
Dans le domaine politique, la privation de sépulture
représente une forme de démonstration de force,
un moyen de propagande de l’efficience du nouveau
pouvoir à travers une humiliation des vaincus. « La
violence ritualisée cherche à détruire l’identité de la victime
tout en renforçant l’identité de l’auteur », essentiellement
en temps de guerre, constate avec pertinence Mansen
(2015 : 40), elle permet de « se servir de ce corps comme
d’un substitut du vivant et, d’autre part, punir l’adversaire
par-delà la mort (Marti 2012 : 68).
14
Les restes des ossements d’un crucifié retrouvés dans un ossuaire à
Jérusalem en constituent une preuve tangible (Zias et Sekeles 1985).
15
Les règles concernant l’impureté du cadavre sont précisées dans
un autre texte biblique. « Celui qui touche un mort – n’importe quelle
dépouille mortelle – est impur pour sept jours. Quiconque toucherait un
mort – la dépouille d’un être humain qui vient de mourir – et ne ferait pas sa
purification […] sera retranchée d’Israël » (Nb 19, 11.13).
La privation de sépulture a également une conséquence
négative sur le domaine religieux, bien qu’elle soit
certainement une raison difficile à appréhender par
un lecteur moderne. En se calquant sur les modèles
mésopotamiens de malédiction, l’auteur biblique
107
Sans sépulture
participe à renforcer l’image de Yahvé comme un
dieu vainqueur. La force de ce dieu réside en effet
dans sa capacité à agir et à punir par la privation de
sépulture toute forme d’infidélité (Judéens), de révolte
(Hébreux à la sortie d’égypte), d’idolâtrie (Jézabel), ou
d’expansionnisme militaire (Babyloniens, Égyptiens).
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Eschatologiquement enfin, la privation de sépulture
empêchait la subsistance dans l’au-delà du Shéol. Les
défunts dont les corps sont non enterrés, sont réputés
parvenir dans l’au-delà mais sans connaître la paix
selon les propos d’Enkidu. Le champ métaphorique
du séjour des défunts (hébr. Shéol) dans l’au-delà se
confond dans le monde sémitique avec celui de la tombe
(Husser 1999 : 428-430), d’où l’importance que revêt la
sépulture pour rejoindre le monde des morts. Toutefois,
contrairement aux documents mésopotamiens, les
sources bibliques ne confirment pas de manière explicite
la nécessité d’un tel lien (Olyan 2005 : 611-612).
En guise de conclusion. L’absence de sépulture : une arme
de dissuasion efficace ou un châtiment terrifiant ?
Il est incontestable que la documentation littéraire mais
aussi iconographique témoigne de l’ancrage de l’idée de
privation de sépulture dans le monde biblique et procheoriental. Les images véhiculées servaient à effrayer
les contemporains. En utilisant l’image du cadavre,
dont la culture judéenne manifestait une répugnance
profonde, les auteurs bibliques dessinent la possibilité
d’une peine extrême par sa force de destruction sociale,
dont l’effet délétère est inimaginable par son poids
anthropologique, voire impensable par l’anti-modèle
eschatologique qu’il suppose. Il est toutefois difficile de
dire avec certitude qu’elle était la réalité historique de
la privation de sépulture. Les historiens demeurent, en
effet, hésitants à ce sujet. Mais entre une simple arme
de dissuasion relevant de l’imaginaire et un châtiment
terrifiant véritablement en usage, faut-il vraiment
trancher ? La force des représentations, des textes et
des inscriptions nous fait croire aux deux utilisations
de l’absence de sépulture en Israël, qui correspond à la
fois à une peine, imaginée et redoutée, mais aussi à un
châtiment connu et vraisemblablement exécuté en des
temps de troubles politiques et sociaux.
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