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Sans sépulture Modalités et enjeux de la privation de funérailles de la Préhistoire à nos jours Dirigé par Aurore Schmitt Élisabeth Anstett « On ne les enterrera point et ils seront comme du fumier sur la terre » (Jr 8, 2) : la privation de sépulture dans l’ancien Israël au Ier millénaire av. J.-C. Piotr Kuberski La privation de sépulture au Proche-Orient ancien Saisir la privation de sépulture dans le Proche-Orient ancien Dans l’ancien Israël comme dans tout le monde antique, la privation de sépulture fait partie de l’arsenal des peines connues. Infligée pour les crimes jugés comme particulièrement graves, cette peine consistait à priver un individu de funérailles. Dans le cas du monde sémitique, il s’agissait de ne pas octroyer au mort un lieu de dépôt définitif et de ne pas accomplir les cérémonies funéraires et post-funéraires (deuil, culte des ancêtres). Ces mesures pouvaient être suivies par des pratiques de mutilation, perpétuées, dans le cas du Proche-Orient ancien, par les animaux carnassiers. Cela visait à déshonorer le défunt afin de « détruire le sens qu’il était » (Thomas 1980 : 109) et empêcher sa survie postmortem. Le monde sémitique ancien ne conceptualise pas la réalité, mais la peint souvent de manière métaphorique. Il en était de même avec les représentations de la mort et de la survie post-mortem. Cette survie dépend de « la possession d’une sépulture puisque pour la Bible hébraïque un lien étroit existe entre la tombe et le Shéol qui, géographiquement parlant, désignent la même réalité » (Kuberski 2012 : 82). Elle dépend aussi de l’intégrité corporelle du cadavre ainsi que de la préservation des ossements qui font partie du fond imaginaire commun à l’ancienne culture sémitique (Kuberski 2012 : 8387 ; Kuberski 2020 : 336). Quant au mort « il faut avant tout qu’il existe physiquement dans ce qu’il a de plus substantiel et durable, c’est-à-dire en tant que squelette » (Cassin 1982 : 360). Le corpus documentaire Le corpus documentaire relatif à cette peine est connu grâce à une cinquantaine d’exemples présents dans treize livres vétérotestamentaires, de nature littéraire différente, aussi bien prophétique, historiographique que poétique (Mansen 2015 : 6, 159). L’exégèse des textes permettra de saisir cette pratique et de comprendre quels étaient ses enjeux, les images employées pour y Sans sépulture (Archaeopress 2023) : 102–109 faire référence, ses principaux acteurs, ses justifications et ses conséquences. Cette documentation scripturaire provient du Ier millénaire av. J.-C. et se situe pour l’essentiel à l’époque de l’Exil à Babylone (VIe s. av. J.-C.). Les inscriptions funéraires nord-ouest sémitiques évoquent avec horreur l’idée d’être dépossédé de sa sépulture et menacent ainsi les éventuels pilleurs de tombes (Parrot 1939). Les auteurs bibliques puisaient à cet égard dans des représentations communes au monde mésopotamien, syrien ou araméen. Le phénomène qui nous intéresse peut donc être étudié sur une longue période, depuis la plus ancienne documentation iconographique du IIIe millénaire av. J.-C. (cf. infra), épigraphique du IIe millénaire av. J.-C.1, jusqu’aux sources néo-assyriennes de la première moitié du Ier millénaire av. J.-C., et pour une large aire culturelle. Les documents qui constituent notre corpus contiennent tout d’abord des formules très stéréotypées (Mansen 2015 : 30 ; Hillers 2015). Hillers énumère ainsi à propos de ces formules trois éléments essentiels : le cadavre n’est pas enterré ; le cadavre est laissé aux animaux carnassiers ; ce cadavre est comparé au fumier et associé aux déchets. La privation de sépulture apparaît alors comme un type de violence post-mortem (Mansen 2015 : 34), pis, comme l’une des plus grandes malédictions qui puissent être envisagées dans ce contexte culturel. La « privation de sépulture mentionnée en dernier lieu apparaît ainsi comme le châtiment le plus redoutable que l’on puisse exprimer » (Parrot 1939 : 21). Une menace parmi d’autres figure dans les catalogues des malédictions. Pratiquement tous les passages étudiés se réfèrent au genre littéraire de la malédiction. Dans la littérature ancienne, une malédiction est d’abord un fléau annoncé qui viendra, ou un châtiment qui touchera celui qui ne respecte pas les engagements se basant sur la fidélité, l’obéissance envers un roi ou une divinité. Avec les bénédictions, les formules de malédiction font partie intégrante des Traités dits de 1 Le plus ancien témoignage littéraire serait probablement celui du roi Iaḫdun-Lim de Mari, du XIXe s. av. J.C : « que Nergal, le maître de l’arme brise son arme et qu’il ne reçoive pas de morts » (col. V, par), Dossin (1955 : 17). Piotr Kuberski : On ne les enterrera point D’autres traditions ont vu dans le chien un agent de châtiment divin. L’animal, mal aimé et impur dans le monde biblique, a été associé à l’immondicité et à la saleté avant de devenir à l’époque grecque symbole de fidélité. Des images plus connues le présentant comme dévoreur des corps ont été associées au destin de la célèbre reine Jézabel, perçue comme idolâtre : « dans la propriété d’Izréel les chiens mangeront la chair de Jézabel » (2 R 9, 36). vassalité, connus d’abord dans le monde hittite, puis assyrien et biblique. Dans ces traités, le non-respect d’un engagement (révolte, idolâtrie) est toujours sanctionné. Ainsi, ces malédictions font référence à l’existence d’« un stock littéraire commun » ou de « normes culturelles communes » (Crouch 2014 : 59 ; Mansen 2015 : 34-35). Les modalités de la privation de sépulture Être exposé aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs La référence aux animaux carnassiers est omniprésente et contient très souvent l’expression « bêtes des champs » (behemat ha’areṣ ), accompagnée des « oiseaux du ciel » (ʽoph haššamayîm)2, utilisées ensemble une quarantaine de fois dans la Bible. D’autres expressions semblables sont également employées : les « êtres vivants de la toute la terre (ḥayyat kôl ha’areṣ) » (Ez 32, 4), les « êtres vivants des champs (ḥayyat haṥṥadeh) » (Ez 31, 13), les « rapaces » (ʽaîṭ)3 (Jr 12, 9) et rarement les « oiseaux de proie (eʽṭ ṣîphôr) » ou les « bêtes sauvages (kanaph ḥayyat) » (Ez, 39, 4). Parfois le texte précise que ce sont « les chevaux »4 qui piétinent (hasousîm wayyîrmesennah), le cadavre de Jézabel (2 R 9, 33), les chiens qui dévorent ceux qui se sont rebellés contre l’unité du pays (1 R 14, 11 ; 16, 4), ou bien le corps de Jézabel (yo’kelou hakelabîm et beśar5 yîzabel) (2 R 9, 36) (Jr 15, 3). Les corbeaux en revanche peuvent crever les yeux et les aigles dévorer celui qui ne respecte pas ses parents (Proverbes 30, 17). La terminologie La référence au monde animal comme agent de châtiment représente l’une des expressions le plus souvent employées. Le passage du livre de Deutéronome 28, 26 indique ainsi : « ton cadavre servira de proie à tous les oiseaux du ciel et aux bêtes de ton pays (wehayetah niwelayteka lema’kal lekol ʽôph haššamyîm oulebehemat) ». Depuis longtemps l’exégèse historicocritique a relevé une certaine convergence de styles entre ce livre, ou l’école dite deutéronomiste, et le Livre de Jérémie. En effet, on retrouve dans le discours prophétique les mêmes images : « les cadavres de ce peuple seront la pâture (lem’akhal) des oiseaux du ciel et des bêtes de la terre (nibelat haʽam) ; et il n’y aura personne pour les troubler » (Jérémie 7, 33, voir aussi : Jr 16, 4 ; Ez 29, 5). Cette expression se retrouve également ailleurs. Avant le combat entre David et Goliath, l’auteur du texte place dans la bouche de deux adversaires le même appel : « je donnerai ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs » (1 Samuel 17, 44) ; « je donnerai les cadavres de l’armée philistine aux oiseaux du ciel et aux animaux » (1 S 17, 46). Le Psalmiste décrit par ailleurs dans des termes similaires l’invasion des Babyloniens dans la ville de Jérusalem, qui « ont livré les cadavres de tes serviteurs en pâture aux oiseaux du ciel, la chair de tes fidèles aux bêtes de la terre » (Ps 79, 2). Le prophète Ezéchiel relate ces mêmes événements dans un style semblable : « tous les oiseaux du ciel se posent sur ses dépouilles, toutes les bêtes sauvages (ḥayyat haṥṥadeh : litt. « bêtes des champs ») gîtent dans ses branches » (Ez 31, 13). Dans un oracle, Dieu adresse au pharaon la phrase suivante : « je te jetterai à terre, je te lancerai à la surface des champs, je ferai se poser sur toi tous les oiseaux du ciel et les animaux de toute la terre (ḥayyat kôl ha’areṣ) se rassasieront de toi » (Ez 32, 4). Existait-il un partage de rôles entre les animaux qui effectuaient le travail de décharnement uniquement dans les campagnes (« oiseaux du ciel » et « bêtes des champs ») et ceux qui le faisaient plutôt dans les villes (les chiens) (Nutkowicz 2006 : 75) ? Une formule semblable apparaît dans un texte qui condamne le roi Jéroboam, responsable du schisme du Royaume du Nord au Xe s. av. J.-C. « Celui de la maison de Jéroboam qui mourra dans la ville sera mangé par les chiens, et celui qui mourra dans les champs sera mangé par les oiseaux du ciel » (1 Rois 14, 11 ; voir aussi 1 R 16, 4). Les images communes au monde proche-oriental Ces images proviennent-elles du fonds imaginaire commun ou sont-elles empruntées à la Mésopotamie ? Il est difficile de trancher. Signalons tout de même quelques points de ressemblance et de divergence. L’image des oiseaux qui consomment les corps est ancienne : on la voit dans la fameuse scène de la Stèle des Vautours (2450 av. J.-C.) sur laquelle on peut apercevoir les oiseaux s’acharner sur les corps des vaincus, piétinés par l’armée de Lagash, conduite par le roi Eannatum. Dans des documents plus tardifs, les rapaces6 font partie des animaux qui exécutent le châtiment divin : « puisse Ninurta, le plus grand des dieux, vous frapper avec sa flèche féroce, qu’il remplisse la plaine de ton sang et nourrir avec ta chair l’aigle et le vautour » (Traité de Vassalité d’Assarhaddon 6, §41, 425-427. Parpola, 2 « Les oiseux du ciel » est une expression récurrente dans la Bible hébraïque qui renvoie à tout ce qui vole. 3 Les traducteurs hésitent sur la façon de traduire ce terme hébraïque. Si certains privilégient le mot « rapace », les autres optent pour celui de « vautour ». En effet, la langue ne distingue pas souvent l’aigle du vautour. 4 Le texte hébraïque reste ambigu ici puisqu’il utilise le singulier suggérant que c’est Jéhu qui avait commis cet acte. D’autres versions corrigent tout de même ce passage en parlant bel et bien des chevaux. 5 Le terme baśar « signifie aussi bien la peau, la chair, la viande, qu’un être vivant, un animal, un homme », (Martin-Achard 1988 : 16). 6 Comme dans l’hébreu biblique, l’akkadien et le sumérien (erû, zibu, ÁMUŠEN) ont plusieurs termes qui peuvent désigner à la fois un vautour ou un aigle. 103 Sans sépulture Watanabe 1988 : 46). « J’ai laissé les vautours manger les corps non enterrés de leurs guerriers » (Prisme I, V, 56. Leichty 2011 : 21). champs, évoque visuellement parlant une matière qui gît sur le sol et, d’un point de vue olfactif, la puanteur. Ainsi, les morts punis « deviendront du fumier (ledomen)7 sur le sol » (Jérémie 25, 33). « Ils ont été détruits à En Dor, ils sont devenus du fumier (domen) pour la terre», affirme le psalmiste (Ps 83, 11). L’auteur du 2 Livre des Rois décrit le funeste sort de la dépouille de la reine Jézabel : « le cadavre de Jézabel sera comme du fumier (kedomen) sur la face des champs, dans le champ de Jizreel, de sorte qu’on ne pourra dire : C’est Jézabel » (2 R 9, 37). A travers le fumier, le cadavre est comparé à un déchet. Pour le prophète Sophonie « le sang [des pécheurs] sera répandu comme de la poussière, et leurs tripes comme des ordures (kagelalîm) » (Soph 1, 17). Une autre image vient du livre d’Isaïe dans lequel, à travers l’oracle, l’auteur décrit le sort funeste réservé à ceux qui restent infidèles face à la loi divine. « Leurs cadavres sont comme des ordures (souḥah)8 au milieu des rues » (Isaïe 5, 25) « leurs cadavres exhalent la puanteur, et les montagnes se fondent dans leur sang » (Is 34, 3). En dehors des oiseaux, si les porcs ne sont pas évoqués dans les récits vétérotestamentaires, ils apparaissent en revanche dans les traités de vassalité d’Assarhaddon (680-669 av. J.-C.) : « que les chiens et les porcs mangent votre chair ; que personne ne s’occupe de ton fantôme à travers les libations » (TVA 6, §47 451452. Parpola, Watanabe 1988 : 46-48). « Que les chiens et les pourceaux les traînent çà et là sur les places d’Aššur ; que la terre ne reçoive vos cadavres [pour l’enterrement] ; que vous soyez de la nourriture dans le ventre d’un chien ou d’un porc » (TVA 6, §56 483-484. Parpola, Watanabe 1988 : 4647, 49). « Que les chiens et les porcs traîneront les pénis et les tétines dans les rues, les morts trouvent leur sépulture dans le ventre de ces animaux » (TVA 6, §41, 481. Parpola, Watanabe 1988 : 46). Le chien et le porc forment souvent un couple inséparable. Considérés tous les deux comme impurs, ils étaient employés ensemble dans les rites de purification et de nettoyage de champs de bataille (Firmage 1992 : 1144). Déposés devant les portes des villes (Jr 14, 16 ; 22, 1819) ou, encore pire, dans le désert, il n’y aura personne pour les enterrer ni pour les pleurer. Le lieu désertique dans ces régions chaudes était perçu comme le lieu par excellence du danger, de l’angoisse voire de la présence démoniaque. Il ne faut donc pas s’étonner qu’un certain nombre de sources narratives de la Bible y voient le lieu de la mort pendant l’épisode de la sortie d’Egypte (voir le Livre des Nombres, chapitre 14). Se protéger des animaux Plusieurs sources expriment de manière claire l’angoisse partagée par les hommes du Proche-Orient ancien de voir les restes mortels d’un proche dévorés par les animaux. S’en protéger apparaît dès lors comme une attitude compréhensible comme le fait un personnage biblique dénommé Rizpah, femme de Saül, premier roi. Les restes de ce dernier et ceux de ses fils sont transportés dans un tombeau familial sous la garde de Rizpah. Au préalable, « de jour, elle empêchait les oiseaux de se poser sur eux, et de nuit, elle éloignait les bêtes sauvages » (2 S 21, 10-14). Les images terrifiantes indiquent que c’est en Mésopotamie qu’il faut chercher le summum de la barbarie à travers une représentation littéraire et surtout iconique des cadavres humiliés des ennemis vaincus (Richardson 2007), allant jusqu’à l’interdiction de l’inhumation des leurs dépouilles (Crouch 2009 : 139, 148). La « représentation préférée était celle des corps liés et captifs » (Richardson 2007 : 196). Cette punition du cadavre était perçue comme le « prolongement de la punition de l’adversaire vivant » (Marti 2012 : 68) et servait, en jouant sur la peur, la propagande assyrienne en dissuadant tout ennemi potentiel. L’exhibition des corps écorchés, piétinés, empalés, décapités commence avec la période médio-assyrienne au XIIIe s. av. J.-C. pour voir son apogée sous le règne d’Aššurnaṣirpal II (883-859 av. J.-C.) dans une « véritable accumulation de gore » selon les mots de l’historien Seth Richardson, et se poursuit dans un élargissement du macabre sous Aššurbanipal. Ainsi, la propagande assyrienne continue à exploiter le thème animalier, évoqué précédemment. Cette fois-ci, les ennemis mal traités sont exécutés La littérature mythologique de l’antique ville syrienne Ougarit, disparue au XIIe s. av. J.-C. exprime également cette même peur. Ainsi, dans la légende du roi Danel, le héros apprend l’assassinat de son fils Aquat et part à la recherche de ses restes qu’il retrouve finalement dans les entrailles des rapaces. Danel maudit ensuite cet animal : « Que Baʽal brise [les ailes des rapaces], Que Baʽal [brise ses oiseaux, Qu’ils] tombent sous mes pieds, que je fen[de leur gésier et] que je regarde s’il y un lambeau de chair ou s’il y un os, pour pleurer et l’enterrer, pour le placer dans la terre, le cimetière divin » (III, 107-113 Caquot et al. 1974 : 449-450). Exposer les cadavres comme du fumier à la surface du sol 7 Le terme hébreu domen se réfère aux excréments d’animaux, au fumier utilisé dans les champs. Ce vocable est employé pour désigner les cadavres qui jonchent le sol, Clines 1993-2014. Vol. II : 452. Le même terme est utilisé en Jr 16, 4 ; 25, 33 Certaines traductions proposent ici le mot « engrais ». 8 Souḥah. Il s’agit d’un terme très rare : « déchets, excréments », Clines 1993-2014. Vol. VI : 129. Les images bibliques des animaux dévorant les cadavres des hommes sont par ailleurs souvent associées à du fumier par le biais d’une métaphore utilisée comme la quintessence du châtiment divin. Le champ lexical agricole du fumier, à la manière du compost dans les 104 Piotr Kuberski : On ne les enterrera point « comme des porcs » en introduisant ici l’image de la boucherie, utilisée par plusieurs monarques du VIIIeVIIe s. av. J.-C. (Richardson 2007 : 197). Privation de libations Le Livre de Jérémie apporte quelques détails intéressants à ce propos et relate que « dans ce pays, les grands comme les petits mourront ; ils ne seront pas ensevelis ; pour eux on n’entonnera pas l’élégie, on ne fera ni incisions ni tonsure » (16, 6). Il s’agit des signes visibles du deuil exprimés à travers les marquages corporels et le rasage des cheveux. Le texte sous-entend qu’il existait un repas funéraire, très probablement associé à cet ensemble de rites d’hommages envers les défunts puisqu’« il n’y aura personne pour partager le pain [lahem aʽl ’bel lit. « pain de misère »] avec la famille en deuil et la consoler, personne non plus pour offrir la coupe de consolation [kôs taneḥoumîm] à ceux qui ont perdu un père ou une mère » (v. 7). S’il existe un consensus sur le bien-fondé historique des repas funéraires dans l’ancien Israël10, un débat persiste parmi les chercheurs pour savoir de quel repas il s’agissait. Autrement dit, était-il destiné aux défunts ou aux familles en deuil (Johnston 2002 : 61-62 ; Olyan 2005 : 608-609) ? Absence des rites de deuil A côté de l’exposition et la destruction du cadavre, nos sources indiquent que d’autres mesures existaient à travers l’absence de cérémonies funéraires et/ou de rites commémoratifs. Ces situations étaient certainement moins radicales, mais tout autant redoutées puisqu’elles pouvaient avoir des répercussions graves sur le futur sort des défunts. On retrouve ainsi cette idée exprimée dans la description de la ville de Jérusalem en ruines : « le sang de ceux qui te sont fidèles a coulé à flots, sans personne pour les mettre en terre (‘eyn qober : lit. « pas de tombe ») » (Psaume 79, 3). Le champ lexical de la privation s’exprime par les différents types de négation : (‘eyn qober ou lo’ yikaberou en hébr. ou la qeberi en akkadien) et la racine sémitique qbr : « enterrer ». Le prophète Jérémie précise en quoi consiste cette absence de sépulture : « ceux que le Seigneur aura blessés à mort n’auront pas de funérailles (lo’ yissapedou9) ; ils ne seront pas ramassés pour être ensevelis » (Jr 25, 33). En tout cas, l’existence de ces festins organisés en mémoire des morts est bien attestée par les sources mésopotamiennes. Appelé kispu, ce repas familial était composé de mets liquides et solides, dont la consommation revêtait une grande importance. Kispu servait à nourrir les eṭemmu, c’est-à-dire les esprits des morts ou à conjurer l’esprit malin (Tsukimoto 1980 : 129-138). Comme les autres offrandes funéraires, le kispu était organisé régulièrement, généralement une ou deux fois par mois, dans la plupart des cas à la nouvelle lune. Compte tenu de son importance, en tant que source de bienfaits, la suppression de tels rites pouvait donc représenter un malheur pour le défunt. Il pourrait donc s’agir d’une peine dont les différents corpus juridiques ou littéraires nous donnent quelques détails. Ainsi, le code d’Hammurabi (1790-1750 av. J.-C.) mentionne parmi une multitude des malédictions en cas de non-respect des prescriptions la sanction suivante : « en bas, dans la terre, qu’il altère d’eau son eṭemmu » (col. 340-341). L’épopée de Gilgamesh évoque la figure de l’homme11 mort qui séjourne dans les Enfers avec un verre d’eau pure dans la main (tabl. XII col. 147). Mais il ne faut pas oublier que la survie dans le pays des morts dépend des offrandes ou du service funéraire réalisé par les vivants. Autrement dit, une telle survie dépend de la famille du défunt. C’est pourquoi, celui qui n’a qu’un seul fils se lamente sur son sort et pleure, en revanche celui qui en a trois boit de l’eau (XII, 100104) (Georg 2003 : 903). Ce service funèbre dépend Ailleurs, dans un autre passage du même livre, le texte reprend les mêmes verbes (spd « pleurer sur, se lamenter » ; qbr : « enterrer ») : « ils mourront torturés par la faim, ils n’auront ni funérailles ni sépulture (lo’ yissapedou lo’ yikkaberou) » (Jr 16, 4). Clairement, l’absence de sépulture est associée à la privation de funérailles, représentées ici par les élégies funèbres. Ces chants pouvaient peut-être ressembler à ce que Jérémie relate à propos de la mort du roi de Juda Yoyaqim : « A Yoyaqim, fils de Josias : on n’entonne pas pour lui l’élégie : « Quel malheur, mon frère ! Quel malheur, ma sœur ! ». On n’entonne pas pour lui l’élégie (lo’ yisepedou) : « Quel malheur, mon maître ! Quel malheur ! » » (Jr 22, 18). De nouveau, c’est le roi Yoyaqim qui est visé par cette prophétie. Cette interjection « hôy » (hélas !, malheur !) est utilisée plusieurs fois dans l’Ancien Testament pour exprimer un désespoir, mais pas uniquement dans un contexte funéraire (Nutkowicz 2006 : 49-51). Les chants mentionnés (hébr. qînah) faisaient partie d’un ensemble de pratiques exprimant le deuil, incluant des lamentations et des prescriptions (obligation de se raser les cheveux, de réaliser de scarifications rituelles, et de porter des vêtements particuliers ; Nutkowicz 2006 : 49-54 ; Johnson 2002 : 50). Le texte dit littéralement « on ne pleura pas/se lamentera pas », le verbe spd « pleurer sur, se lamenter » est employé dans le contexte de la mort (Nutkowicz 2006 : 49-54 ; Johnston 2002 : 49-50). « La lamentation ou mispēd, évoquée par le verbe sāpaḏ, met en scène le chagrin lors des funérailles, par une gestuelle, se frapper la poitrine, et une expression orale, pousser des gémissements et pleurer » (Nutkowicz 2006 : 49). 9 10 Bloch-Smith fut le découvreur des récipients trouvés dans les tombes et destinés probablement à la nourriture avec parfois la présence des ossements animaux (Bloch-Smith 1992 : 103-108). 11 Les éditeurs discutent sur la signification de ce passage, l’homme probablement malheureux est ainsi récompensé (Bottéro 1992 : 216) ou étant protégé ici-bas, il reste sous la protection des dieux après la mort (Georg 2003 : 904). 105 Sans sépulture bien évidemment aussi du fait d’être enterré dans un lieu adéquat. Dans le cas du contraire, Enkidu annonce à son ami Gilgamesh que « celui dont on a abandonné le cadavre au désert […], son fantôme ne connaît pas de repos » (XII 150, trad. J. Bottéro). Sans descendants pour offrir de la nourriture et de la boisson aux défunts, les morts ne connaissent pas de paix possible dans le monde des Enfers. Enkidu suggère en effet que les personnes non inhumées se retrouvent bel et bien dans l’au-delà, mais qu’elles n’y trouvent pas la paix. On peut parler d’une forme d’interdépendance entre les vivants et les morts à travers les offrandes funéraires. ensuite piétinée par les chevaux, puis dévorée par des chiens (cf. supra), le texte ordonne ensuite de l’ensevelir compte tenu de sa condition royale. Le lecteur apprend par la suite qu’il ne reste de la dépouille que « le crâne, les pieds et les paumes des mains ». L’épisode relatant l’histoire de la mort du roi Saül et de ses fils est tout aussi singulier puisqu’il s’agit du seul cas de crémation rapporté dans la Bible (1 Livre de Samuel 31) (Kuberski 2009). Après que le roi et ses fils ont été humiliés et tués par les Philistins, les dépouilles de la famille royale sont récupérées par les fidèles du roi pour être brûlées et leurs cendres finalement transférées afin de reposer dans une tombe familiale. Précisons que le déplacement des ossements depuis leur dépôt initial vers un autre tombeau était autorisé et largement pratiqué (Kuberski 2019 ; Olyan 2005 : 611 ; Stavrakopoulou 2010 : 72). La signification de cette pratique de crémation est pourtant inhabituelle dans ce contexte hébraïque, et elle a soulevé beaucoup de questions d’interprétation. Fallait-il voir dans cette pratique une punition vis-àvis de celui qui a montré son infidélité face à Yahvé ou au contraire un geste d’hommages visant à redonner la dignité à une dépouille après qu’elle a subi des outrages ? La privation de libations apparaît donc comme une véritable arme de guerre ou en tout cas de propagande. Une telle « cessation des offrandes est une peine en ellemême » (Marti 2012 : 74) à côté d’autres peines. Privé de ces rites, l’ennemi subit une forme de seconde mort. La formule « que personne ne s’occupe de ton fantôme à travers les libations » (TVA n° 6 : 451-452 Parpola, Watanabe 1988 : 47-48) complète la malédiction qui voue un adversaire à être dévoré par les bêtes. De la même manière la malédiction suivante « je les privai d’offrandes funéraires et de libations d’eau », provenant d’un prisme d’Assurbanipal, conclut un texte sur la destruction des ossements des rois élamites (Marti 2012 : 73 ; Cassin 1982 : 362) et vient signaler l’outrage infligé à la mémoire du vaincu. La « sépulture de l’âne » L’histoire de roi Yoyakim est, elle aussi, assez significative puisque le passage du livre de Jérémie mentionne pour la seule et unique fois la dénomination de « sépulture d’âne » (qebourat ḥamor) qui deviendra célèbre au Moyen Age en tant que sepultura asini (Vivas 2012 : 212-213 ; 312-314). Le texte dont la lecture reste difficile13 se réfère à une punition et se résume en deux verbes : sḥb « traîner » et šlk « jeter », évoquant ainsi les gestes peu respectueux vis-à-vis du défunt. De plus, la formule finale « loin des portes de Jérusalem » signifie qu’il s’agirait ici d’un geste difficilement compatible avec les pratiques en vigueur, d’autant plus qu’on parle du roi. Comment expliquer cette étrange désignation « sépulture d’âne » ? Peut-être en cette période de troubles politiques (qui correspond aux invasions babyloniennes), les Judéens abandonnaient-ils les animaux en dehors de la ville (Way 2011 : 195) ? Le roi aurait-il alors été traité de la sorte ? L’historiographie biblique paraît contradictoire sur ce point, car le texte 2 Rois 24, 6 utilise pour évoquer les funérailles Yoyakim une expression convenue « il s’est couché avec ses pères » suggérant dès lors que, comme les autres rois de Juda, Yoyakim a été enterré dans les tombeaux royaux à Jérusalem. Les commentateurs émettent toutefois plusieurs hypothèses, en n’écartant pas un traitement indigne, et évoquent tantôt l’assassinat, Sépulture déshonorante mais sépulture tout de même La lecture des textes bibliques relatifs à la sépulture nous invite à abandonner une certaine perception binaire qui opposerait la sépulture à l’absence de sépulture. En effet, certains passages suggèrent que les anciens habitants d’Israël n’hésitaient pas à recourir aux formes de funérailles que Saul Olyan désigne de manière oxymorique comme « déshonorantes » car éloignées du modèle de la sépulture familiale (Olyan 2005 : 604-606). En parcourant la Bible hébraïque, le lecteur prend connaissance de l’existence de ces sépultures réalisées a minima (Crubézy 2019 : 60)12. Ces sépultures sont destinées aux défunts, ensevelis avec un appareil rituel réduit au minimum, mais ceux-ci ne sont pas privés de sépulture. Intéressons-nous tout d’abord aux funérailles royales, puis à l’inhumation d’exclus ou de condamnés. Sépulture a minima des rois et des reines La mort de la reine Jézabel offre un passage particulièrement intéressant et obscur à la fois (2 R 9, 33-37). Elle est tuée et défenestrée, sa dépouille est 13 Étrangement, il n’y a pas de proposition dans cette phrase, c’est pourquoi certains proposent d’y rajouter soit « comme » ou « à la manière de » soit « avec » suivie du nom de l’animal que l’on peut traduire « avec un âne » ou « à la manière de l’âne » (Way 2011 : 194). Par ailleurs, les sépultures d’équidés sont attestées dans cette région. 12 L’auteur fait une distinction entre ceux exclus de tout processus funéraire (rites, sépulture, hommages) et ceux ensevelis et traités a minima. 106 Piotr Kuberski : On ne les enterrera point tantôt l’exhumation tardive et la profanation du corps, ou encore une interdiction d’enterrement dans la capitale où se trouvaient à l’époque les Babyloniens (Lundbom 2004 : 144-146). En tout cas, compte tenu de l’image négative de son règne (2 Chroniques 36, 6) et d’un autre passage de Jérémie suggérant l’absence d’ensevelissement, « son cadavre sera exposé à la chaleur pendant le jour et au froid pendant la nuit » (Jr 36, 30), cette « sépulture d’âne » doit vraisemblablement être comprise comme une forme d’abandon de la dépouille dont les aspects précis nous échappent. par excellence des Judéens, ces derniers sont, en effet, fustigés et critiqués pour leur idolâtrie, mais aussi pour leur expansionnisme et les crimes commis. Dans tous les cas, dans l’ensemble de notre corpus, ceux qui sont punis ne respectent pas les engagements pris. La sépulture des malfaiteurs Dans le domaine social, cette peine contribuait à effacer la mémoire du défunt et lui interdisait de devenir un ancêtre. L’absence de lieu de dépôt de restes, l’absence de funérailles constituées de lamentations, comme l’absence de tout culte funéraire commémoratif (libations, repas, évocation du nom) formait un trio qui privait totalement le mort de la place que la société lui aurait réservé en temps normal. Pour reprendre les catégories sociologiques de Van Gennep, l’absence de sépulture empêche le défunt de quitter son état liminal de membre vivant du groupe social, et de réintégrer la communauté des défunts (Stavrakopoulou 2010 : 68). Ainsi, le cadavre « n’est ni rituellement ni socialement transformé », dans un acte qui œuvre en outre à la désintégration de la communauté des vivants (Stavrakopoulou 2010 : 71-73). Il est vrai que le principe de privation de sépulture concerne « moins la mutilation du cadavre que le déshonneur public et l’absence de rites funéraires » (Stavrakopoulou 2010 : 73). De plus, « contrairement aux rites funéraires socialement structurés auxquels participe la communauté, la consommation de cadavres par les oiseaux prédateurs est une image de l’élimination non structurée des morts » (Mansen 2015 : 161). La privation de sépulture équivaut à une déshumanisation, car on cherche à détruire l’identité sociale de la victime, en la traitant comme une bête. On peut la qualifier d’une confusion d’ordre social qui mélange les places destinées aux morts et celles des vivants. Les multiples conséquences de la privation Les conséquences d’une privation de sépulture pouvaient être d’ordre social, politique, religieux et enfin eschatologique. Quelques indications scripturaires nous incitent par ailleurs à penser que dans de nombreux cas, même pour les crimes jugés comme graves, une sépulture rudimentaire prévalait sur son absence. L’énigmatique passage, relatif selon certains à une crucifixion, stipule que « si un homme, pour son péché, a encouru la peine de mort et que tu l’aies mis à mort et pendu à un arbre, son cadavre ne passera pas la nuit sur l’arbre » (Dt 21, 22-23). On peut donc conclure que même la dépouille d’un malfaiteur14 devait être enterrée, compte tenu de la souillure provoquée par le cadavre non enseveli. La suite de ce texte est, en tout cas, interprétée ainsi : « tu dois l’enterrer le jour même, car le pendu est une malédiction de Dieu »15. Cette idée est reprise dans l’histoire de la conquête de Canaan sous la conduite de Josué qui, après avoir pendu le roi de la ville d’Aï, l’enleva de l’arbre et « le jeta à l’entrée de la porte de la ville et […] éleva au-dessus de lui un grand monceau de pierres » (Jos 8, 29). Les raisons et les conséquences de la privation de sépulture Qui était privé de sépulture ? Parmi ceux qui infligent des pratiques punitives et la privation de sépulture, on retrouve habituellement les détenteurs du pouvoir, que ce soit le pouvoir politique ou divin. Yahvé, le dieu d’Israël apparaît ainsi souvent dans les formules de malédiction. De la même façon, les textes proche-orientaux confiaient ce rôle punitif à différentes divinités. Ces punitions visent différents types de collectivités comme les habitants de Juda, ou les habitants de la ville de Jérusalem en particulier. D’autres peuples sont aussi concernés par le châtiment de l’absence de sépulture : les Babyloniens, les Égyptiens, les Philistins ou encore des Phéniciens avec la figure de Jézabel. Considérés comme ennemis Dans le domaine politique, la privation de sépulture représente une forme de démonstration de force, un moyen de propagande de l’efficience du nouveau pouvoir à travers une humiliation des vaincus. « La violence ritualisée cherche à détruire l’identité de la victime tout en renforçant l’identité de l’auteur », essentiellement en temps de guerre, constate avec pertinence Mansen (2015 : 40), elle permet de « se servir de ce corps comme d’un substitut du vivant et, d’autre part, punir l’adversaire par-delà la mort (Marti 2012 : 68). 14 Les restes des ossements d’un crucifié retrouvés dans un ossuaire à Jérusalem en constituent une preuve tangible (Zias et Sekeles 1985). 15 Les règles concernant l’impureté du cadavre sont précisées dans un autre texte biblique. « Celui qui touche un mort – n’importe quelle dépouille mortelle – est impur pour sept jours. Quiconque toucherait un mort – la dépouille d’un être humain qui vient de mourir – et ne ferait pas sa purification […] sera retranchée d’Israël » (Nb 19, 11.13). La privation de sépulture a également une conséquence négative sur le domaine religieux, bien qu’elle soit certainement une raison difficile à appréhender par un lecteur moderne. En se calquant sur les modèles mésopotamiens de malédiction, l’auteur biblique 107 Sans sépulture participe à renforcer l’image de Yahvé comme un dieu vainqueur. La force de ce dieu réside en effet dans sa capacité à agir et à punir par la privation de sépulture toute forme d’infidélité (Judéens), de révolte (Hébreux à la sortie d’égypte), d’idolâtrie (Jézabel), ou d’expansionnisme militaire (Babyloniens, Égyptiens). (eds) La Mort, les morts dans les sociétés anciennes : 355372. Londres, Paris : Cambridge University Press, Éditions de la Maison des sciences de l’homme. Clines, D. J. A. (ed.) 1993–2014. The Dictionary of Classical Hebrew. 9 vols. 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Shéol) dans l’au-delà se confond dans le monde sémitique avec celui de la tombe (Husser 1999 : 428-430), d’où l’importance que revêt la sépulture pour rejoindre le monde des morts. Toutefois, contrairement aux documents mésopotamiens, les sources bibliques ne confirment pas de manière explicite la nécessité d’un tel lien (Olyan 2005 : 611-612). En guise de conclusion. L’absence de sépulture : une arme de dissuasion efficace ou un châtiment terrifiant ? Il est incontestable que la documentation littéraire mais aussi iconographique témoigne de l’ancrage de l’idée de privation de sépulture dans le monde biblique et procheoriental. Les images véhiculées servaient à effrayer les contemporains. En utilisant l’image du cadavre, dont la culture judéenne manifestait une répugnance profonde, les auteurs bibliques dessinent la possibilité d’une peine extrême par sa force de destruction sociale, dont l’effet délétère est inimaginable par son poids anthropologique, voire impensable par l’anti-modèle eschatologique qu’il suppose. Il est toutefois difficile de dire avec certitude qu’elle était la réalité historique de la privation de sépulture. Les historiens demeurent, en effet, hésitants à ce sujet. Mais entre une simple arme de dissuasion relevant de l’imaginaire et un châtiment terrifiant véritablement en usage, faut-il vraiment trancher ? La force des représentations, des textes et des inscriptions nous fait croire aux deux utilisations de l’absence de sépulture en Israël, qui correspond à la fois à une peine, imaginée et redoutée, mais aussi à un châtiment connu et vraisemblablement exécuté en des temps de troubles politiques et sociaux. Bibliographie Bloch-Smith, E. 1992. 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