|
L'univers des galaxies
Classifications complémentaires (III) Comme souvent en sciences, afin qu'un inventaire soit le plus exhaustif possible, une classification repose généralement sur de multiples critères. L'astronomie n'échappe pas à cette règle. En effet, la classification des galaxies ne se base pas uniquement sur leur morphologie visuelle, sur la forme du noyau, du halo ou des bras éventuels. Dès qu'ils ont pu analyser les galaxies dans d'autres rayonnements, les astrophysiciens ont très tôt tenus compte de nombreux autres critères et complété la classification originale par de nouveaux types de galaxies et d'objets. Observées en UV et en optique (visible ot IR), on peut ajouter les familles ou catégories de galaxies suivantes : - les galaxies de Markarian présentant un excès d'émission en UV (cataloguées sous le cigle Mrk) - les galaxies à disque UV étendu ou XUV-Disk (Extended Ultraviolet Disk) - Les Emetteurs Lyman α ou LAE (Lyman-Apha Emitters) - Les Galaxies à Cassure de Lyman ou LBG (Lyman-Break Galaxies) - les Galaxies Naines Bleues Compactes ou BCD (Blue Compact Dwarf) - les Pépites Bleues ou BN (Blue Nuggets) - les Petits Points Bleus ou LBD (Little Blue Dots) - les Blueberries (la contrepartie des LBD et LAE) - les galaxies Petits Pois (Green Peas, une variété de galaxie LBD proche des LAE) - les galaxies à Sursaut d'Étoiles et riches en gaz et poussière (Starbursts) - les galaxies présentant une Région à Faible Emission Ionisée (Nucléaire) ou LINER (Low Ionization (Nuclear) Emission Region) - les galaxies à Faible Brillance de Surface ou LSB (Low Surface Brightness) et les LSB géantes (GLSB) - les Galaxies Ultra-Diffuses ou UDG (Ultra-Diffuse Galaxies), généralement de grandes galaxies mais présentant la luminosité d'une galaxie naine - les Galaxies Rouges Lumineuses ou LRG (Luminous Red Galaxies) - les Objets Extrêmement Rouges ou ERO (Extremely Red Objects) - les Galaxies Lumineuses en Infrarouge ou LIRG (Luminous InfraRed Galaxies) - les Galaxies Ultra Lumineuses en Infrarouge ou ULIRG (Ultra Luminous InfraRed Galaxies) - les Galaxies Hyper Lumineuses en Infrarouge ou HyLIRG (Hyper Luminous InfraRed Galaxies) - les Galaxies Extrêmement Lumineuses en Infrarouge ou ELIRG (Extremely Luminous InfraRed Galaxies) - les Galaxies Obscurcies par la Poussière ou DOG (Dust-Obscured star forming Galaxies) - les Galaxies Poussiéreuses Formant des Etoiles ou DSFG (Dusty Star-Forming Galaxies) En 2023, pour expliquer l'évolution des galaxies, Alister Graham proposa de diviser les galaxies lenticulaires en deux catégories : - les galaxies lenticulaires pauvres en poussière (traditionnelles) - les galaxies lenticulaires riches en poussière.
Il faut y ajouter des catégories propres à l'étude au radiotélescope : - les Quasars et autres QSO (Quasi Stellar Objects) sur lesquels nous reviendrons, leur classification étant également subdivisée en fonction de différents critères. - les Radiogalaxies - les Radiogalaxies Géantes (GRG) - les Galaxies à Noyau Actif ou AGN (Active Galactic Nucleus) comprenant notamment les galaxies de Seyfert, les LINER (y compris les LIRG et certaines "red nuggets"), les DRAGN et autre Hot DOG (Hot Dust-Obscured Galaxies) - les Blazars (BL). et enfin les galaxies sombres, encore plus pâles que les LSB et la plupart du temps invisibles en optique et ne contenant que du gaz neutre. On y reviendra. Ces catégories ne sont pas exhaustives et sont complétées en fonction des découvertes. Elles peuvent ainsi être divisées en plusieurs types et ne sont pas exclusives. Ainsi comme toute classification, pour prendre M77 présentée ci-dessus, c'est une galaxie spirale barrée classée (R)SB(rs)b en lumière blanche, un AGN analysé au radiotélescope et plus précisément une Seyfert de type 2 quand on analyse la distribution de son spectre électromagnétique, notamment en infrarouge où son noyau devient très lumineux. Nous verrons en dernière page qu'on peut rassembler ces différents manifestations apparemment distinctes dans un modèle unifié, celui d'une galaxie abritant un trou noir supermassif actif. Nous reviendrons sur certaines de ces galaxies dans les pages suivantes ainsi qu'à propos des découvertes récentes et des trous noirs. L'étude des galaxies en infrarouge La classification de Hubble ou celle de Vaucouleurs a été établie sur base du rayonnement visible émis par les galaxies. Ces images révèlent les populations jeunes d'étoiles (Population I) mais généralement très peu d'étoiles âgées (Population II). C'est très récemment que l'astronomie infrarouge s'est développée. Le premier détecteur infrarouge fut développé dans les années 1960 par Frank J. Low (1933-2009). Sa technique et ses inventions ont depuis été utilisée dans la plupart des hauts lieux de l'astronomie, y compris à bord des télescopes spatiaux IRAS, ISO, Hubble, WISE, Spitzer, JWST, etc.
En scrutant le ciel en infrarouge (1-30 microns), les astronomes sont confrontés à de nouvelles difficultés : la galaxie NGC 253 par exemple du Sculpteur qui ressemble à une spirale serrée en lumière blanche présente soudainement en infrarouge une barre centrale comme le montrent les deux photos comparatives ci-dessus à gauche publiées en 2010. La présence d'étoiles âgées lui donnent l'aspect d'une galaxie spirale barrée ! Même surprise pour les radiogalaxies, telles Cygnus A dans laquelle Djorgovski découvrit un noyau en infrarouge ou les galaxies de Seyfert[17] telles NGC 5128 "Centaurus A" qui cache une galaxie spirale comme on le voit ci-dessus à droite. Plus près de nous, à l'image du noyau de la Voie Lactée, M31 présente un noyau gauchi induit par le déplacement d'une autre galaxie et grâce au Télescope Spatial Hubble on découvrit en 1993 qu'il était en fait constitué de deux composantes.
Enfin, en 2024 le JWST prit une photo en infrarouge moyen de la fameuse galaxie spirale (Sa) M104 Sombrero alias NGC 4594 située à ~30 millions d'années-lumière de la Terre dans la constellation de la Vierge. Comme
illustré ci-dessous, l'instrument MIRI
(Mid-InfraRed Instrument) développé par l'ESA, sensible entre 5
et 28.3 microns, a révélé la nature grumeleuse des agglomérats de
poussière formant un large anneau autour du noyau. MIRI a détecté des
hydrocarbures aromatiques polycycliques (des PAH contenant des cycles de
carbone), pouvant indiquer la présence de jeunes régions de formation
d'étoiles. Cependant ce n'est pas un foyer particulier de formation d'étoiles.
Son taux de formation stellaire SFR < 1 M
Précisons également que pour les galaxies les plus proches, les mesures réalisées ces dernières années révèlent que les mouvements des étoiles ne sont pas souvent en accord avec le classement des galaxies auxquelles elles appartiennent. En effet, ce n'est qu'en tirant profit des télescopes de 8 et 10 m d'ouverture ainsi que des télescopes spatiaux que les astrophysiciens ont pu résoudre le noyau de certaines galaxies proches et découvert qu'ils tournaient... dans le sens opposé à celui du reste de leur galaxie ! Dans plusieurs cas, ce phénomène serait lié à l'absorption d'une autre galaxie mais on ne peut pas généraliser cette théorie. Nous verrons plus loin (voir page 6) qu'on peut également étudier la morphologie des galaxies en analysant leurs profils radioélectrique et magnétique en lumière polarisée ainsi que par le biais des émissions des régions HI. Les limites de la taxinomie S'il peut être utile et pratique de classifier les objets y compris les galaxies, cette méthode présente des limites. Ainsi qu'on le constate, toute méthode de classification des galaxies est arbitraire et vu le nombre de galaxies, tout classement reste incomplet. Au fil du temps et en particulier grâce aux télescopes spatiaux, les astronomes découvrirent de nouveaux types de galaxies et comprirent un peu mieux leur évolution. Mais après avoir identifié des dizaines de millions de galaxies, aujourd'hui certaines entrent à peine voire plus du tout dans la classification de Hubble ou de Vaucouleurs tellement le "zoo galactique" est complexe et diversifié. C'est la raison pour laquelle on proposa officieusement la classification des galaxies version Spitzer sur base de leur morphologie en infrarouge (voir page 2). Mais de nouveau, elle s'avéra également incomplète puisqu'elle se limite au rayonnement infrarouge alors que certaines galaxies rayonnent par exemple principalement dans les bandes radios où sont à peine discernables d'un "Petit Point Rouge". A voir : Galaxy Zoo Aidez les astronomes à classifier les galaxies Si n'importe quelle galaxie ou objet peut être classé, ce n'est plus nécessairement en lumière blanche ni même en infrarouge, mais dans d'autres rayonnements (UV, radio, X) et donc dans d'autres catalogues (par exemple les catalogues de quasars). De plus, à mesure que nos connaissances s'améliorent, les classifications deviennent plus complexes et les catalogues se diversifient avec pratiquement un catalogue pour chaque projet ou sondage. Résultat, une galaxie peut finalement être classée de différentes manières et parfois dans plus de 120 catalogues distincts, en particulier les quasars (une galaxie à disque peut aussi être une spirale, un quasar, un AGN, une Seyfert, une source X, UVE, etc. Cf. la base de données Simbad). Par conséquent, aujourd'hui la classification historique de Hubble et même celle de Vaucouleurs n'ont pratiquement plus aucun intérêt scientifique, les chercheurs prenant l'un ou l'autre catalogue spécialisé ou le créant de toute pièce en fonction de leur sujet d'étude comme dans le cas des grands sondages du ciel profond. Prochain chapitre Les interactions entre galaxies
|