Elena et les hommes, nouvelle manifestation de l'immense talent de Renoir, présente certes quelques petits défauts. On ne sait comment interpréter le personnage joué par Jean Marais. Est-il un opportuniste populiste (ce personnage est tiré du général Boulanger) ou un héros sauveur de la nation ? L'ambiguité concernant ce personnage central de l'intrigue, qui parfois peut servir le propos d'un film, ici le dessert quelque peu. On sait aujourd'hui que Renoir, cinéaste perfectionniste par excellence, et dont le cinéma est avant tout une mécanique de précision, fut particulièrement démoralisé à l'issue du tournage, ayant conscience de s'être loupé quelque peu (lire à ce sujet l'excellent hors-serie de Telerama consacré à Renoir, paru en 2005).
Ces réserves concernant le scénario étant exprimées, il convient de souligner à quel point ce film est un grand film, et donc à voir : une multitude de personnages, bien typés, s'entrecroisent (et s'entrechoquent parfois), l'intrigue est intéressante, et c'est une nouvelle fois une féérie visuelle et sonore. Renoir décrit comme à son habitude, de façon somptueuse, la vie comme tant une comédie, qui mène un ballet endiablé avec la tragédie.
On peut préciser, pour les néophytes, que ce film prend place dans ce qu'on a qualifié le "triptyque de Renoir" des années cinquante, composé également de French Cancan et Le Carrosse d'or,
et qui concerne le milieu des spectacles (comédiens, danseurs).
Je vote de confiance, sans avoir jamais vu Elena et les hommes, parce que le mélange Jean Renoir
+ Ingrid Bergman
me semble singulier et attachant. En plus, c'est une période de l'Histoire de France et une représentation de tendances et d'idées qui m'intéresse particulièrement…
L'excellent supplément du DVD, intitulé "Elena, le rêve américain de Jean Renoir", me semble, grâce aux interventions de Pascal Mérigeau et d'Olivier Curchod notamment, expliquer pourquoi
Elena et les hommes n'est pas un film vraiment satisfaisant.
Ce côté "ultime chance" pèse sur un scénario bâclé, qui singe l'aventure ridicule du général Boulanger en la tournant en vaudeville – ce qui n'est pas mal vu – mais qui n'a pas de souffle ni de profondeur et qui hésite sans cesse dans ses orientations. Alors que French Cancan présentait une histoire bien conçue, assez simple mais suffisante pour séduire.
Le troisième segment est d'une insigne faiblesse, ni fait, ni à faire, balourd, mal bâti, tirant à la ligne, indigne d'un cinéaste de la carrure de Jean Renoir. On sent que le scénario a peiné à s'achever, puisque Renoir
ne souhaitant plus suivre la réalité historique (la fuite de Boulanger et son suicide piteux sur la tombe de sa maîtresse chérie) est obligé de bâcler les choses.
Je me pose aussi des questions sur certains choix d'acteurs : si on retrouve, dans des rôles mineurs, il est vrai, des habitués du cinéma de Renoir, en premier lieu Gaston Modot,
mais aussi Jacques Hilling, Dora Doll
ou Albert Rémy,
Jacques Jouanneau
était loin d'avoir les épaules suffisantes pour jouer un rôle qui n'est pas négligeable. Et que dire de l'épouvantable, hideux, grotesque pitre Jean Richard
qui fait honte au cinéma dès qu'il paraît sur l'écran ?
Page générée en 0.0041 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter